Le maire d’Argenteuil censure « La Sociologue et l’Ourson » et « 3000 nuits »

Posté par vincy, le 3 mai 2016

On croyait en avoir finit mais non. Un maire, celui d’Argenteuil (près de Paris), Georges Mothron (Les Républicains), 68 ans, a déprogrammé deux films qui devaient être projetés au cinéma municipal Le Figuier blanc fin mai: La sociologue et l'ourson, documentaire sur le combat pour le mariage pour tous, sorti le 6 avril, et 3000 nuits, inédit en France mais diffusé dans le cadre du festival Ciné-Palestine, qui retrace l'histoire d'une Palestinienne qui accouche dans une prison israélienne. Ce film sera d'ailleurs projeté à l'Institut du Monde Arabe le 23 mai.

Le maire, en découvrant la programmation du cinéma (qui appartient à la mairie depuis janvier), a envoyé, par l'intermédiaire de son cabinet, un courriel demandant le retrait des deux films. Dans Le Parisien, il s'explique: "en ces temps troublés, des sujets tels que ceux-là peuvent rapidement mettre le feu aux poudres dans une ville comme Argenteuil. Dans un souci d’apaisement (...) la ville a préféré jouer la sécurité en ne diffusant pas ces films, évitant ainsi des réactions éventuellement véhémentes de certains." Explication fumeuse quand il s'agit du mariage pour tous, puisque la loi, passée il y a deux ans, n'a entraîné aucune réaction violente hormis une parole homophobe libérée par l'agrégat "La Manif pour tous". Le délégué à la culture de la ville, Frank Debaud, est d'ailleurs un fervent partisan de cette "Manif pour Tous" excluante, et le maire n'a jamais caché son opposition au mariage entre personnes du même sexe.

Le ministère n'a toujours pas réagit. Mais, dans un communiqué, l’Association pour la défense du cinéma indépendant, des films d’auteur et des salles d’art et essai (ADCI), qui organisait la projection de la Sociologue et l'Ourson, a dénoncé une "censure dans les cinémas d’Argenteuil". "Cet acte de censure inédit bafoue la liberté d’expression et met en cause le travail accompli par les associations depuis parfois des dizaines d’années (…) Depuis quand existe-t-il un comité de censure pour la programmation des cinémas à Argenteuil ? De qui est composé ce comité de censure ? (…) Tout cela risque de donner une image sectaire et bloquée. Argenteuil, mérite mieux" explique le communiqué de l'ADCI. De son côté, l’Association des familles homoparentales (ADFH) a saisi le préfet du Val d’Oise.

La mairie, de son côté, ne répond plus, ni aux médias, ni aux associations. La liberté d'expression a ses limites. Cette reprise en main sur la programmation d'un cinéma municipal est d'autant plus inquiétante que le maire a, dans le même temps, décidé de mettre à mort une salle culturelle de la ville, la salle polyvalente Jean-Vilar, pour y installer des commerces, des restaurants et... un multiplexe de cinéma. De quoi étouffer financièrement les salles du Figuier blanc.

Georges Mothron a un déjà un passé de polémiste. On lui doit les arrêtés municipaux antimendicité en 2007 et la censure d'une exposition sur l’immigration en octobre 2015. A force de vouloir éteindre le feu qui couverait à Argenteuil, le maire finalement devient un créateur de polémique et piège les habitants de sa ville dans une vision dogmatique aussi rétrograde que frileuse. Bref d'un autre temps.

Le « scabreux » Week-end d’Andrew Haigh censuré par l’Eglise catholique en Italie

Posté par vincy, le 11 mars 2016

L'homosexualité n'est pas encore un problème réglé en Italie. Alors que Matteo Renzi, Président du Conseil des ministres italien, est parvenu difficilement à faire passer le mariage entre personnes du même sexe il y a moins de deux semaines, le pays vient de connaître un nouvel épisode qui démontre une fois de plus que le Pape est un Chef d'Etat bis dans la péninsule.

L'AFP rapporte que le film Week-end, premier long métrage du Britannique Andrew Haigh (qui a depuis réalisé 45 ans), ne sort cette semaine en Italie que dans 10 salles seulement. L'Eglise catholique, qui contrôle beaucoup de salles indépendantes italiennes, a en effet décidé de boycotter cette histoire d'amour homosexuelle, sortie partout ailleurs en Europe sans heurts.

Pourtant le film est juste interdit aux moins de 14 ans. Cependant, pour la commission d'évaluation de la Conférence des évêques italiens (CEI), il est "déconseillé, inutilisable et scabreux".

L'Eglise contrôle 1100 cinémas indépendants

Conséquence: le film a été refusé par les plus de 1 100 cinémas appartenant à l'Eglise, qui forment l'essentiel du réseau des salles indépendantes du pays, en marge des grandes chaînes d'exploitation, selon son distributeur, Teodora Film.

Ce réseau est un héritage de l'époque où chaque paroisse avait son cinéma et où le prêtre du quartier faisait couper les scènes qu'il jugeait inappropriées. L'AFP précise qu'aujourd'hui ces salles sont louées par les paroisses à des gérants qui, selon Cesare Petrillo, président de Teodora, ne sont pas religieux mais doivent s'engager à suivre les directives des évêques.

"Normalement, un film comme ça aurait été diffusé par beaucoup de ces salles. Mais en fait on n'a pas pu le sortir dans des régions entières et des villes comme Florence, Bergame ou Padoue. Et la seule raison c'est que les personnages principaux sont gays", a dénoncé M. Petrillo à l'AFP.

Réalisé en 2011, Week-end sort en Italie pour profiter du récent succès de 45 ans, qui a valu à Charlotte Rampling une nomination aux Oscars et avait été, lui, validé avec enthousiasme par la CEI.

le club de pablo larrainFilm sur des prêtres pédophiles, El Club a subit le même sort

La commission de la CEI évalue tous les films sortant en Italie, approuvant la majorité mais signalant certains comme "problématiques", en invitant les exploitants à accompagner leur diffusion d'un débat sur les questions qu'ils soulèvent, comme ce fut le cas pour The Danish Girl, sur la pionnière transgenre Lili Elbe, ou Spotlight, sur le scandale des prêtres pédophiles à Boston.

Il est très rare que la commission aille jusqu'à recommander que le film ne soit pas diffusé. Le dernier en date était El Club, du Chilien Pablo Larrain, prix du jury à la Berlinale en 2015, qui immerge le spectateur dans une communauté religieuse au Chili, déstabilisée et traumatisée par un scandale de pédophilie.

On comprend bien que le cinéma, pour l'Eglise catholique en Italie en 2016, ne doit pas aborder les questions de genre, de sexualité "déviante" et surtout ne pas critiquer l'institution religieuse, qui a toujours autant de mal à reconnaître ses erreurs.

Le rapport Mary préconise une nouvelle classification des films

Posté par vincy, le 29 février 2016

loveAudrey Azoulay a hérité d'une patate chaude quand elle a succédé à Fleur Pellerin au ministre de la Culture et de la Communication. Ce lundi 29 février, elle a reçu le rapport commandé par Pellerin, et signé Jean-François Mary, Président de la Commission de classification des œuvres cinématographiques.

Ce rapport sur les conditions d'interdiction des œuvres de cinéma aux moins de 18 ans, dans le cadre de la procédure de délivrance des visas accordés aux œuvres cinématographiques, fait suite a plusieurs décisions judiciaires qui annulaient les visas émis pour des oeuvres violentes ou des oeuvres qui montraient des scènes de sexe explicite. L'Association Promouvoir a gagné presque toutes ses batailles, malgré deux récentes déconvenues pour Bang Gang et Les Huit salopards.

"Cette réflexion a porté sur l'automaticité de cette interdiction et sur la durée des procédures applicables" explique le ministère qui a "décidé d’engager une réforme des textes en vigueur afin d’assurer la meilleure protection possible du jeune public.

Deux axes sont retenus:

- adapter les critères qui encadrent actuellement l’interdiction aux mineurs de -18 ans pour conforter le rôle et élargir le pouvoir d’appréciation de la Commission de classification, qui représente l’ensemble des composantes de la société.

- engager une réflexion visant à simplifier les voies de recours pour réduire les délais de la procédure devant la justice administrative pour assurer la détermination de la classification d’un film.

Préalables

Le rapport de Jean-François Mary a prix en compte que "la classe d'âge entre seize et dix huit ans correspond à une étape importante du développement de l'individu sur le plan de l’autonomie personnelle et psychologique, et la classification appliquée doit respecter un équilibre entre la maturité et la fragilité des individus à cet âge de la vie."

Il considère que "les mesures de classification les plus restrictives déterminent toute l’échelle des mesures de classification en aval" et que "le choix d’une classification à seize ans ou à dix-huit ans par le ministre chargé de la culture a des effets sur la projection du film en salles bien au-delà du public des mineurs." En effet, "nombre de distributeurs et d’exploitants renoncent purement et simplement à projeter le film dans leurs salles", ce qui "tue" le film commercialement. Enfin "le choix de la classification à seize ans ou à dix-huit ans étend ses effets sur la diffusion des films à la télévision et sur la sortie des films en DVD et sur les autres supports numériques ou analogiques", ce qui a un impact considérable aussi bien sur le financement que sur l'audience du film.

Le cinéma, un "objet" pas comme les autres

Le rapport conserve l'idée que les oeuvres cinématographiques doivent bénéficier "d'un régime d'exception" en matière de censure. Il propose l'ajout d'un alinéa: "(...) il est tenu compte de l’intention ou de la démarche artistiques de son auteur, ainsi que des éventuel les mesures administratives délivrées en vue ou à l’occasion de sa diffusion."

"Cette formulation serait donc le rappel utile d’une vérité qui est déjà acquise en jurisprudence. Elle aurait le mérite de consolider l’attitude du juge
en faveur du respect de la liberté de création
."

Les mineurs majeurs sexuellement

Personne n'a réclamé la suppression de la classification X  mais le rapport souligne que "la suppression de l’interdiction aux moins de dix-huit ans peut
s’autoriser des évolutions du droit pénal lui-même en ce qui concerne ce que l’on appelle d’une expression impropre la « majorité sexuelle ».
"

Sachant que l’évolution du droit pénal ne remet certes pas en question le principe de la protection des adolescents face à certaines images, une "solution pourrait être la réécriture de l’article R. 211-12", notamment, "en tenant compte de la récente jurisprudence du Conseil d’État sur les films Love et Saw 3D."

Nouveau système de classification

La nouvelle rédaction de l’article R. 211-12 pourrait donc être : "Le visa d'exploitation cinématographique s'accompagne de l'une des mesures
de classification suivantes, en fonction du trouble que l’oeuvre ou le document est de nature à produire sur la sensibilité des personnes mineures :

1° Autorisation de la représentation pour tous publics ;

2° Interdiction de la représentation aux mineurs de douze ans ;

3° Interdiction de la représentation aux mineurs de quatorze ans ;

4° Interdiction de la représentation aux mineurs de seize ans ;

5° Interdiction de la représentation aux mineurs de dix-huit ans, lorsque l'oeuvre ou le document comporte sans justification de caractère esthétique
des scènes de sexe ou grande violence qui sont de nature, en particulier par leur accumulation, à troubler gravement la sensibilité des mineurs, à
présenter la violence sous un jour favorable ou à la banaliser

6° Interdiction de la représentation aux mineurs de dix-huit ans avec inscription de l'oeuvre ou du document sur la liste prévue à l'article L. 311-2."

Il est donc envisagé "de créer une catégorie intermédiaire entre douze et seize ans. En effet, il est clair que les capacités de distance critique à douze ans sont inférieures à ce qu’elles peuvent être entre seize et dix-huit ans. L’introduction d’une restriction à quatorze ans permettrait d’introduire une plus grande liberté d’appréciation, car le choix est souvent délicat lorsque le risque est de viser trop bas à douze ans et trop haut à seize ans."

Trouble et sexe

Il appartiendrait toujours à la commission et au ministre chargé de la culture d’élaborer une doctrine pour les critères de classification des niveaux inférieurs, en "en fonction du trouble que l ’oeuvre ou le document est de nature à produire sur la sensibilité des personnes mineures."

On modifierait aussi l'intitulé définissant l'oeuvre: "Le remplacement du critère de « scènes de sexe non simulées » par celui de « scènes de sexe »: le critère de la « non simulation » des scènes de sexe a évidemment perdu son intérêt au cours des récentes années, avec le développement des techniques numériques de mise en scène. Une scène peut être tout à fait explicite à l’écran tout en ayant été simulée lors du tournage. Plus généralement, certains films justifient une interdiction aux moins de 18 ans quant à l’effet produit sur de jeunes spectateurs sans comporter de telles scènes, et le raisonnement inverse peut tout aussi bien être tenu dans le cas où un film comportant de telles scènes ne justifie qu’une interdiction de moindre sévérité. C’est d'ailleurs ce que le Conseil d'Etat avait relevé dans l’arrêt rendu à propos du film Le pornographe cité plus haut."

Incitation à la violence

Le rapport souhaite aussi modifier la définition de la "violence dans les oeuvres cinématographiques. "L'intégration de la prévention à « l'incitation » à la violence vient en en écho aux dispositions de l'article 227-24 du code pénal. Cet ajout vise à montrer qu’au regard de la psychologie des mineurs,
l’incitation à la violence est une question en elle-même qui revêt une importance particulière.
" Sans entrer "dans le débat controversé sur le
caractère addictif des images de violence extrême
," puisqu'il "est raisonnable de penser que la société souhaite à bon droit en prémunir les jeunes", le rapport constate "que dans la période actuelle, l’on prête à la fiction cinématographique plus de pouvoir sur les comportements individuels qu’elle n’en a sans doute et l’on entend proscrire dans les films toute incitation des mineurs à la drogue, à l’alcool, au tabac etc.."

Nouvelles voies judiciaires

Enfin, en cas de contestation, ce rapport suggère de "laisser le tribunal administratif de Paris juge en premier et dernier ressort de ces affaires et de supprimer la voie de l’appel pour n’ouvrir que la faculté de saisir le Conseil d’Etat, juge de cassation. Cette solution aurait l’avantage d’établir un parallélisme entre la procédure du référé suspension de l’article R. 521-1 du code de justice administrative et le règlement de l’affaire au fond. "

Nommée aux César, menacée de mort, réfugiée en France, Loubna Abidar est « sans papiers »

Posté par vincy, le 23 février 2016

loubna abidar much loved

Loubna Abidar sera vendredi sur le tapis rouge des 41e César. Sans papiers, menacée de mort et exilée. L'actrice de Much Loved (Quinzaine des réalisateurs à Cannes, 275 000 spectateurs en France, des prix en pagaille à Namur, Gijon, Angoulême) se console sans doute d'être nommée au César de la meilleure actrice dans le film de Nabil Ayouch. Elle y incarne une prostituée marocaine, à la fois chef de bande et fille rejetée, business woman et femme émancipée.

Une plainte rejetée

Depuis la présentation du film à Cannes, elle n'est plus tranquille. Le film a soulevé une polémique nationale au Maroc, avant même d'avoir été vu. La comédienne a été agressée physiquement en novembre, à Casablanca par trois fêtards qui la séquestrent dans leur voiture pour la frapper plusieurs fois. Elle est même poursuivie par une association, Défense du citoyen, pour "attentat à la pudeur", "pornographie" et "incitation de mineurs à la débauche". On croit rêver. Elle risque, avec le cinéaste Nabil Ayouch, une peine de cinq ans de prison et 100 000 euros d’amende. Le procès a eu lieu il y a douze jours et la plainte a été rejetée pour vice de forme.

Une presse aux ordres

Dans un entretien à Télé Obs, Loubna Abidar explique que "Le problème, aujourd’hui, n’est même plus la nature soi-disant pornographique de Much Loved, mais ma réussite personnelle." Son rôle a attisé les passions, suscitant le mépris des uns, la haine des autres. Pourquoi une telle folie? Elle n'est que l'interprète d'un personnage dans un film qui dénonce les hypocrisies d'une société schizophrène.

Aujourd'hui, elle est réfugiée en France. Suite à son agression, menacée de mort, persécutée par une presse devenue hystérique à son encontre ("la plupart des sites internet marocains reprennent les articles de la presse d’Etat, qui se montre à la fois très hostile et très inventive à mon égard"), elle est partie du Maroc, avec un simple visa touristique de trois mois. Le visa a expiré. "Aujourd’hui, je suis en situation illégale en France. Je n’ai pas de papiers" explique-t-elle.

Un visa expiré

Elle ne peut plus retourner au Maroc. Ses projets sont en France: "Je veux vivre ici, continuer à défendre la femme et l’enfant arabes, tourner des films engagés. Je vais monter une association qui vient en aide aux prostituées. J’ai quelques économies, des projets de tournage, un contrat de travail avec les éditions Stock pour un livre. Je loue un appartement... La procédure normale m’impose de me rendre au Maroc pour y faire une demande de visa long séjour. Mais si je retourne là-bas, je crains qu’on ne me laisse plus repartir. J’ai demandé l’aide de Fleur Pellerin" (à l'époque ministre de la Culture et de la Communication). "Elle est la première Française à m’avoir téléphoné à la suite de mon agression. Mais, pour l’instant, je n’ai pas de réponse. J’ai laissé ma fille de 6 ans au Maroc avec mon mari. Je ne peux pas la ramener" poursuit la comédienne. Mais elle précise: "Ma fille a déjà des problèmes. Elle ne joue plus avec les enfants des voisins, qui lui disent que sa mère est une prostituée. Sa maîtresse d’école lui a fait la même réflexion."

Le dossier est entre les mains de la nouvelle ministre de la Culture et de la Communication, Audrey Azoulay, franco-marocaine, et fille de fille du journaliste, banquier et homme politique André Azoulay, conseiller du roi du Maroc Hassan II puis de Mohammed VI. Epineux.

Interdit aux moins de 16 ans, le film belge « Black » ne sortira pas en salles le 16 mars

Posté par vincy, le 18 février 2016

Black raconte l'histoire d'une love story urbaine entre deux jeunes membres de gangs ennemis à Bruxelles. Les deux jeunes gens seront brutalement contraints de choisir entre la loyauté à leur gang et l'amour qu'ils ont l'un pour l'autre. Film explosif, le film a été l'une des révélations du dernier festival de Toronto, où il a eu le prix Discovery. Pourtant le film d'Adil El Arbi et Bilall Fallah ne sortira pas en France. Il était prévu le 16 mars dans les salles. Mais le film belge a été frappé d'une interdiction aux moins de 16 ans par la commission de classification. Paname Distribution, qui pointe également des réticences de la part des salles de cinéma à programmer le film, a donc décidé d'annuler la sortie en salles.

Il sera certainement diffusé en e-cinema, comme ce fut le cas pour Made in France récemment.

Ce n'est pas la première fois, ni la dernière, qu'un film belge subit une censure déguisée. Et récemment, de Made in France à Salafistes, certains sujets semblent trop "touchy" pour avoir accès à une diffusion grand public. Peur de quoi?

D'autant que Black, c'est un Roméo et Juliette de banlieue:  Mavela, 15 ans, est une Black Bronx. Elle tombe éperdument amoureuse de Marwan, membre charismatique de la bande rivale, les 1080. Les deux jeunes gens sont brutalement contraints de choisir entre la loyauté à leur gang et l'amour qu’ils ont l’un pour l’autre. Shakespeare n'aurait pas fait meilleur pitch.

Tournée dans le quartier Matonge, à Bruxelles, le film a aussi été interdit aux moins de 16 ans en Belgique, mais il y a remporté un certain succès: 30e du box office 2015 (avec un nombre d'entrées proche de celui des Nouvelles aventures d'Aladin) et 4e film belge de l'année! L'AFP rapporte cependant que des incidents avaient émaillé sa première journée d'exploitation le 11 novembre. Des jeunes de moins de 16 ans avaient acheté un billet pour un autre film puis avaient pénétré dans une salle du complexe où le film était projeté. Les incidents avaient éclaté dans la salle lorsque la police était venue contrôler les tickets et s'étaient poursuivis à l'extérieur du complexe. Gasp! Rien à voir avec une guerre de gangs...

Les professionnels s’insurgent contre la censure

Posté par vincy, le 4 février 2016

Suite à une nouvelle décision judiciaire concernant le visa d'exploitation d'un film (Antichrist hier, Bang Gang et Ken Park à leur tour menacés), le Syndicat de la Critique de cinéma , l'ARP (Société civile des auteurs-réalisateurs-producteurs) et la SRF (Société des réalisateurs de films) ont décidé de réagir. Cela fait plusieurs mois que l'association Promouvoir, proche des milieux catholiques intégristes, gagnent les batailles judiciaires et imposent par voie de justice une règlementation beaucoup plus stricte sur les films, sous des prétextes moralistes. Les trois signataires interpellent la ministre de la Culture et de la Communication, qui, selon eux, ne peut pas attendre les résultats de la mission sur la modernisation du système de visa.

Le Syndicat français de la Critique de cinéma : "Après Baise-moi, Ken Park, Nymphomaniac, Saw 3D chapitre final, Love et La vie d'Adèle, Antichrist de Lars von Trier vient de voir, le 2 février dernier, son visa d'exploitation annulé par décision de la cour administrative d'appel sur une nouvelle requête de l'association Promouvoir, proche du milieu catholique intégriste. Bang Gang, une histoire d'amour moderne d'Eva Husson (photo) est à son tour menacé. Le Syndicat Français de la Critique de Cinéma en appelle à la ministre de la Culture, Madame Fleur Pellerin, et lui apporte tout son soutien dans l'objectif d'une modification des articles de loi qui contribuent à cet état de fait. Il faut que que cessent ce désaveu perpétuel des avis de la commission de classification et ces attaques répétées contre la création et les œuvres de cinéma."

Les cinéastes de l'ARP et de la SRF : "Nous sommes chaque fois atterrés de constater qu’un André Bonnet/Patrice André, représentant de « Promouvoir », association trouble, liberticide et extrémiste, peut décider seul de ce qu’on peut ou de ce qu’on ne peut pas voir en France.
Nous rappelons qu’il existe une Commission de classification, composée d’experts représentant les professionnels du cinéma, les familles, les enfants, la jeunesse, la justice, la santé et même l’intérieur. Cette Commission exerce déjà son rôle essentiel de garantir la protection des spectateurs. Il n’est plus tolérable qu’un seul homme puisse se servir de défauts existant dans nos textes au mépris de la légitimité et du travail de cette commission.

Antichrist hier encore, après La vie d’Adèle, Love, Nymphomaniac… et peut-être demain Bang gang (Une histoire d’amour moderne)… Il est ahurissant que tant de films, largement salués dans les plus grands festivals et qui n’ont heurté la sensibilité de personne, sinon les promoteurs d’un nouvel obscurantisme, puissent être interdits au public.
C’est notre vision du monde, et plus particulièrement de la France, qui est heurtée aujourd’hui, alors que la liberté de création est violemment bafouée.
Nous demandons donc à la Ministre Fleur Pellerin de prendre d’urgence les mesures issues des travaux confiés à Jean-François Mary sur la modernisation du système de visa. Elles permettront de rendre à la Commission de classification tout son sens et tout son poids.
Ce nouveau pas en arrière confirme encore une fois que l’urgence est bien réelle.
"

Antichrist de Lars von Trier victime à son tour de l’association Promouvoir

Posté par vincy, le 3 février 2016

Et de 4. Après Saw 6, Love et La vie d'Adèle, l'association Promouvoir, proche des milieux catholiques intégristes, a réussi une fois de plus à faire plier la justice. Pendant ce temps le ministère de la Culture et de la Communication promet toujours, depuis cet été, une réforme qui ne vient pas concernant la réglementation des films.

Cette fois-ci la victime est Antichrist de Lars von Trier, avec Charlotte Gainsbourg (qui emporta le prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes) et Willem Dafoe. A l'époque, le film avait attiré 145 000 spectateurs en France. Il était interdit aux moins de 16 ans. Cela ne suffisait pas puisque la Cour administrative d'appel de Paris vient d'annuler le visa d'exploitation de ce film de 2009 (autant dire que l'impact commercial est bien moindre que l'offense morale), à cause de "scènes de très grande violence" et de "scènes de sexe non simulées", soit "Un degré de représentation de la violence et de la sexualité qui exige, au regard des dispositions réglementaires applicables, une interdiction de ce film à tous les mineurs".

Pour la justice, la ministre de la Culture de l'époque, Christine Albanel, "a commis une erreur d'appréciation en se bornant à interdire sa diffusion aux seuls mineurs de moins de seize ans". Ainsi, la cour concède à une Association qui veut limiter la liberté de création au nom de principes moraux que Antichrist aurait du être interdit aux moins de 18 ans.

Le visa du film avait déjà été annulé par deux fois pour vice de forme par le Conseil d’État, en 2009 et 2012, et un nouveau visa avait été accordé à chaque fois par la ministre, rappelle l'AFP. Cette fois-ci le coup est plus rude: l'annulation du visa d'exploitation empêche la diffusion du film sur tout support, jusqu'à ce qu'un nouveau visa soit accordé (et par conséquent il ne pourra l'âtre que si le film est de facto interdit aux mineurs).

On le rappelle: un individu de 16 ans a le droit de faire l'amour mais désormais, selon la justice, il n'a pas le droit de voir un film où l'on y fait l'amour. Surtout lorsque les scènes sont explicites. Pure hypocrisie. Ou alors les juges ne vont jamais sur Internet. Quant à la violence, cela reste une affaire d'appréciation subjective. Mais à partir de 16 ans, on peut estimer que le cerveau est capable de différencier la fiction du réel, sauf pour les personnes très émotives qui, de toute façon, n'iront pas voir ce genre de films.

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Lire aussi:
Au nom du fils privé de salles à Paris
Love de Gaspar Noé finalement interdit aux moins de 18 ans
Saw 3D Chapitre final désormais interdit aux moins de 18 ans

La censure au cinéma : vaste programme à l’Ecran de Saint-Denis

Posté par vincy, le 2 février 2016

Du 3 au 9 février 2016, au cinéma L’Écran de Saint-Denis, les 16èmes Journées cinématographiques dionysiennes auront pour thèmes "Le cinéma, témoin et miroir de notre société".

Toujours engagées, ces journées mélangent débats de réflexions et projections de films, avec, cette année une programmation axée sur les films censurés, autocensurés et interdits. "Que ce soit en Russie, aux États-Unis, en Iran, en Chine ou en France, hier comme aujourd’hui, les actes de censures nous parlent toujours du maintien de l’ordre public, de la sauvegarde des intérêts de l’Etat, de la conformité aux normes admises de comportement, de la protection de la jeunesse…" explique l'organisation.

80 films classiques ou inédits seront présentés, accompagnés de rencontres avec des cinéastes tels Pascal Aubier, Malek Bensmaïl,Jean-Claude Brisseau, Marielle Issartel, Alejandro Jodorowsy, Lionel Soukaz, etc. Parmi les films diffusés, remarquons L'Âge d'or de Luis Bunuel, La Chair et le sang de Paul Verhoeven, L'émigré de Youssef Chahine, Freaks de Tod Browning, La jeune fille de Souleymane Cissé, Le juge Fayard dit le Sheriff d'Yves Boisset, Nuit et Brouillard d'Alain Resnais, Platform de Jia Zhangke, Le port de la drogue de Samuel Fuller, Le petit Soldat de Jean-Luc Godard, La Religieuse de feu Jacques Rivette, Redacted de Brian de Palma, Un tramway nommé désir d'Elia Kazan, La vie de Brian des Monty Python, Tueurs nés d'Oliver Stone ou Zéro de Conduite de Jean Vigo.

Un focus sur le cinéma d'Iran (avec Sepideh Farsi et Bahman Ghobadi), un autre sur le cinéma de l'Europe de l'Est (avec Otar Iosseliani), un hommage à René Vautier, une masterclass d'Yves Boisset et une Nuit des films X censurés (pour s'échauffer un peu) complètent le programme.

La censure chinoise tolère le personnage homosexuel du prochain film de Wang Chao

Posté par vincy, le 8 septembre 2015

Un vent nouveau soufflerait-il en Chine? Les autorités chinoises ont approuvé le 2 septembre la diffusion en salles d'un film sur un amour homosexuel. Une première dans un pays où toute relation sexuelle est vue d'un mauvais oeil (au point d'aseptiser les scénarios des films internationaux qui souhaiteraient sortir en Chine) et où l'homosexualité est peu tolérée. Pourtant la littérature chinoise n'a jamais caché l'homosexualité, au point de raconter des relations amicales ouvertement ambiguës. L"homosexualité n'est plus une maladie mentale depuis près de 15 ans dans le pays. Et la sodomie a été dépénalisée il y a 18 ans. Reste qu'il est très difficile  d'être homosexuel en Chine et tout aussi compliqué de l'illustrer au cinéma. La communauté LGBT se bat depuis près de 40 ans pour lever la censure. Pour quelques cas médiatiques (mariage factice, gay pride surveillée, bars d'expatriés tolérants), il y a davantage de suicides. Très peu de comédiens revendiquent d'ailleurs leur orientation sexuelle. Bien que tolérée, l'homosexualité reste cachée, même si les mentalités évoluent.

Aussi, le fait que À la recherche de Rohmer (Xunzhao Lui Mai / Seek McCartney) soit montré sur les écrans chinois est une réelle avancée dans un pays où la censure est omniprésente. Tourné à Pékin, au Tibet, à Paris et en Provence, le  nouveau film de Wang Chao (L'orphelin d'Anyang, Voiture de luxe, Fantasia) est une histoire sentimentale entre Hang Geng, qui incarne un chinois hétérosexuel, et Jérémie Elkaïm, qui interprète un français homosexuel, entourés d'Hélène Vincent et d'Alice de Lencquesaing (lire aussi notre entretien avec Wang Chao). Cela faisait presqu'un an qu'il attendait son autorisation éventuelle. Il doit sortir cet hiver en Chine. Le film avait obtenu l'Avance sur recettes en 2012, et a été produit par Reboot films en 2013. La post-production est terminée depuis un an.

Le réalisateur s'est emballé sur son blog: "C'est un petit pas pour l'Administration du Film, mais c'est un grand pas pour le monde du cinéma". Si à Hong Kong, l'homosexualité n'a pas représenté trop de problèmes au cinéma (Happy Together de Wong Kar-wai, entre autres), en Chine aucun film dont le personnage principal est homosexuel n'a eu accès aux salles de cinéma, que ce soit East Palace, West Palace de Zhang Yuan (Cannes 1997) ou Nuit d'ivresse printanière de Lou Ye (Cannes 2009).

Ce revirement de la censure chinoise montre que les règles restent très opaques et soumises aux censeurs. Si l'homosexualité n'est plus considérée comme "pornographique et vulgaire" depuis cinq ans, il n'empêche qu'elle freine la liberté de création, à l'opposé de ce qui se réalise à Taïwan.

Alors qu'en France, on revit parfois des épisodes sombres de notre histoire de la censure (Love en est le dernier exemple), la censure chinoise tente quelques signes d'ouverture. Très mesurés. Rappelez-vous ce couple de jeunes chinois se filmant en train de faire l'amour (par derrière) dans une cabine d'essayage d'un grand magasin d'une marque japonaise (ultime trahison?): la vidéo, diffusée sur les réseau, a été rapidement censurée et les exhibitionnistes risquent jusqu'à deux ans de prison. Le socialisme a ses limites et il n'y a qu'un pas pour rappeler que le consumérisme occidental pourrit les valeurs ancestrales de la bonne société chinoise.

Il n'y a donc pas de révolution mais un léger vent nouveau qui souffle sur la Chine. Un homosexuel est toujours moins dangereux pour le régime qu'un dissident réclamant la Liberté.

Love de Gaspar Noé finalement interdit aux moins de 18 ans

Posté par MpM, le 5 août 2015

loveLa justice a tranché : le film Love de Gaspar Noé doit donc être interdit aux moins de 18 ans en raison de ses scènes de sexe non simulées.

Cette décision du tribunal administratif de Paris fait suite à sa saisie par l'association Promouvoir qui vise "la promotion des valeurs judéo-chrétiennes dans tous les domaines de la vie sociale" (!) et qui avait déjà obtenu le 1er juin dernier, devant le Conseil d'Etat, l'annulation du visa d'exploitation du film d'horreur américain Saw 3 D Chapitre final après plusieurs années de procédure.

La même organisation s'était déjà battue (en vain) pour obtenir l'interdiction d'Antichrist de Lars von Trier aux moins de 18 ans.

Logiquement, Gaspar Noé a qualifié cette décision d'"aberration", attaquant ouvertement l'avocat de Promouvoir, Patrice André : "On est clairement face à quelqu'un qui est proche de Bruno Mégret, de la Manif pour tous, et qui est dans une stratégie d'autopromotion", a-t-il en effet déclaré au journal Libération. "Mon film est inoffensif, mais il semble déranger. Ce qui m'angoisse, c'est que, à cause de ce genre de choses, des réalisateurs ou producteurs peuvent se mettre à avoir peur. Il y a un risque que les cinéastes ou scénaristes s'autocensurent."

Avant la sortie du film le 15 juillet dernier, la commission de classification des oeuvres du Centre national du cinéma (CNC) avait recommandé par deux fois une interdiction aux moins de 16 ans seulement, avis qui avait finalement été suivi par la ministre de la Culture au moment de délivrer le visa début juillet. Le ministère avait justifié ainsi sa position : "L’évolution des mœurs de la société impose à la Ministre d’arbitrer entre liberté d’expression et mesure de police restrictive, dans un sens par principe favorable à la liberté."

Vincent Maraval, co-producteur du film, a laissé entendre sur Twitter qu'il allait faire appel du jugement, faisant de Love un symbole du retour de bâton moral actuellement observé en France :"La décision est maintenant dans les mains du Conseil d'Etat. On devrait en savoir plus sur la France très bientôt."

Tout en lui laissant la responsabilité de ses paroles, force est de constater que la question va bien au-delà du cas de Love. Il faut en effet rappeler que contrairement à ce que pourrait laisser penser la croisade de l'association Promouvoir, le film était jusqu'à présent interdit aux moins de 16 ans. Aucune chance, donc, qu'un jeune public non averti ne tombe devant des scènes de fellations ou de sexes en érection. Et si l'on considère que le web regorge de contenus pornographiques, on peut quelque peu s'amuser de cette hypocrisie consistant à "protéger" les 16-18 ans qui n'ont pas vraiment attendu Gaspar Noé pour découvrir, en gros plans et en détails, les pratiques sexuelles les plus diverses.

On a clairement le sentiment que derrière la prétendue volonté de "protéger" l’innocence de la jeunesse se dissimule surtout un rejet haineux de tout ce qui touche à la sexualité ainsi que le désir secret de la faire disparaître de la sphère publique. Car entre pudeur et puritanisme, il y a un fossé que franchit allègrement l'association pour laquelle la moindre représentation sexuelle est synonyme de vice. Ces personnes semblent ne toujours pas avoir compris que rien ne les oblige à aller voir un film qui ne leur plaît pas.

Quant à la justice, si elle a suivi le mouvement, c'est probablement parce déterminer si une oeuvre est pornographique, ou pas, demeure relativement subjectif... mais surtout parce que l'attirail juridique à sa disposition est terriblement daté. De nos jours, une interdiction aux moins de 18 ans (verdict légal en cas de "pornographie") n'a plus ni le même sens, ni la même nature qu'autrefois. En revanche, pour les films qui en sont victimes, cela constitue toujours un handicap économique (refus de programmation de certaines salles, contraintes de diffusion télévisée) dont il est difficile de se relever.

Sur le web, les réactions ne manquent pas, la plupart indignées, quelques-unes plus mesurées. Certains font en effet remarquer qu'un sexe en érection est interdit aux moins de dix-huit ans mais que la violence la plus brute n'est presque jamais touchée par ce type d'interdiction. D'autres crient tout simplement à la censure ou au puritanisme. Mais la meilleure réponse est probablement la nouvelle affiche du film, diffusée sur Twitter par Vincent Maraval, et sur laquelle on peut lire : en France, l'amour est désormais interdit aux moins de 18 ans.