Défiez les grèves, prenez un taxi, un bus, un vélo, et pourquoi pas un cheval pour aller voir deux sublimes spectacles qui se produisent ce mois-ci à Paris.
Cheval de guerre est un film mésestimé de Steven Spielberg, adapté d'un roman culte pour la jeunesse de Michael Morpurgo, paru en 1982. Le prestigieux National Theatre à Londres créé la pièce qui en est l'adaptation en 2007. Depuis War Horse a tourné dans 13 pays et près de 100 villes, devant 8 millions de spectateurs éblouis par les prouesses des marionnettistes qui font "vivre" les chevaux (et autres animaux) sur scène. Actuellement à La seine musicale, à Boulogne-Billancourt, le spectacle se base sur un récit simple - un jeune paysan voit son cheval, son seul véritable ami, partir sur le front de la première guerre mondiale, et fera tout pour le retrouver.
Epoustouflant
Le cheval respire, bouge ses oreilles, n'est jamais immobile. il suffit en pus d'un décor dessiné sur un écran en forme de bout de papier déchiré pour comprendre où se déroule l'histoire. Avec un minimum de décors, on voyage de la ferme au village, de la France aux tranchées. Rarement, le théâtre parvient à produire une sensation "cinématographique", proprement émotionnelle. C'est le cas ici avec War Horse, à quelques reprises. Quand Joey se métamorphose de poulain à bel étalon, c'est un premier choc. Et que dire des scènes de guerre - avec le char ou dans le piège des barbelés - époustouflantes. Sans oublier le suspens vers l'épilogue où les deux héros manquent de se retrouver. Bien sûr, la plus belle scène est proprement théâtrale: la mort de Topthorn où l'on frissonne à la simple vue de son âme incarnée par ses marionnettistes.
Cette création a récolté 5 Tony Awards à Broadway, dont celui de la meilleure pièce. Amplement mérité. Et après, on vous conseille de (re)voir) le film de Spielberg. Attention, la dernière représentation est le 29 décembre. En espérant que ces chevaux reviennent à Paris.
Dans le centre de Paris, au très beau théâtre Marigny complètement rénové, c'est un autre film qui débarque sur les planches. Funny Girl est, en fait, à l'origine, un musical typique de Broadway, créé en 1964 au Winter Garden Theatre de Broadway, avec Barbra Streisand dans le rôle principal. Mais c'est sa version cinématographique en 1968, réalisée par William Wyler avec Barbra Streisand et Omar Sharif, qui l'a fit connaître dans le monde entier. C'est avant tout une histoire inspirée de faits réels, celle de Fanny Brice (1891-1951), star comique de cinéma et chanteuse vedette des Ziegfeld Follies à Broadway, et de sa relation houleuse avec l'entrepreneur et joueur Nicky Arnstein.
Le film a été huit fois nommé aux Oscars (pour le meilleur film notamment) et n'en a ramené qu'un: celui de la meilleure actrice pour Streisand.
Bianco fait banco
Difficile de passer après la star américaine, pourtant c'est l'exploit de ce revival (entièrement en anglais, tout comme War Horse, même si certaines traductions laissent à désirer dans les sous-titrages). Bien sûr, l'époque où il se déroule rend certainement quelques dialogues un peu sexistes, en tout cas, peu féministes. Le parcours de Fanny Brice montre cependant qu'une femme peut s'émanciper du patriarcat à condition de ne pas se soumettre pour son beau jabot.
Christina Bianco est proprement fabuleuse, aussi bien en tant que comédienne qu'en tant que chanteuse. Elle envoie, comme on dit. Charismatique, malgré sa petite taille, elle dévore le show du début à la fin, au milieu d'une troupe au casting parfait. Respectant tous les codes de la comédie musicale américaine, Funny Girl offre de l'espace pour les seconds-rôles, notamment la mère et la tante, véritables mères juives excessives. Certaines séquences sont spectaculaires et drôles, à l'image de cette parade patriotique presque parodique.
Le succès est tel que le théâtre Marigny a annoncé des prolongations jusqu'à début mars.