Quand Hollywood va sur Mars, c’est souvent le crash

Posté par vincy, le 24 octobre 2015


Seul sur Mars connaît un très beau succès en salles, au point de devenir l'un des films les plus populaires de Ridley Scott mais aussi pour son acteur Matt Damon. Mercredi, il a attiré 176000 spectateurs en France. Il a déjà rapporté 330 millions de $ de recettes dans le monde.

Ce n'est pourtant pas le premier film à fantasmer sur la Planète rouge. Et d'ailleurs, hormis quelques rares exceptions, Mars a souvent joué les décors de séries B ou même de navets.

Pas vraiment sur Mars, mais plein de martiens, Mars attaque! de Tim Burton (1996) reste l'un des meilleurs films du genre, à la fois drôle et cruel, gore et foutraque. Un délire complet mais il se déroule sur Terre pour une majeure partie de l'action (enfin ce qu'il en restera puisque les sales petits hommes verts détruiront à peu près tout).

Si cinq films se détachent dans notre classement (complètement subjectif), qui n'intègre pas Seul sur Mars, mentionnons quand même quelques autres oeuvres SF. John Carter, le plus récent (2012) d'Andrew Stanton, avec Taylor Kitsch: le film a été parmi les plus gros bides de cette année-là. Et si on remonte le temps: Mars needs Moms (2011), produit par Zemeckis, flop financier monstrueux et ratage intégral, Doom film naze d'Andrzej Barktowiak (2005), avec The Rock, Ghosts of Mars de John Carpenter (2001), très bon film du samedi soir avec Ice Cube, Natasha Hentsridge, Jason Statham et Pam Grier, Rocketman (1997), fiasco sidéral avec Harland Williams, le désastreux My Favorite Martian (Mon martien favori, 1999), adapté de la sitcom éponyme , avec Doc Christopher Lloyd, ou encore Martians Go Home (1990), adaptation du roman de Frederic Brown, avec Randy Quaid, et qu'on a vite fait d'oublier.

Parmi les anciens films, il ne faut pas oublier Invaders from Mars (Les envahisseurs de la planète rouge, 1953), de William Cameron Menzies, avec Helena Carter et Jimmy Hunt, complètement barré au niveau du script et métaphore anti-communiste durant la guerre froide (un remake en 1986, L'invasion vient de Mars, enlevait toute la saveur du propos). Tous les prétextes sont bons pour Hollywood qui a aussi imaginé un Santa Claus Conquers the Martians en 1964, réalisé par Nicholas Webster. Plus loin dans le temps, Abbott et Costello sont aussi allés sur Mars (Abbott and Costello Go to Mars, 1953), enfin ils ont essayé, parce qu'ils ont plutôt fait escale sur Vénus. Et encore plus loin, en 1952, Harry Horner a réalisé Red Planet Mars.

Enfin il y a le cas de La Guerre des mondes. Les deux films adaptés du roman d'H.G. Welles, celui de Byron Haskin en 1953 et celui de Steven Spielberg en 2005, ne vont pas sur Mars, mais, une fois de plus, les créatures qui en viennent sont hostiles (bande de jalouses) à la Planète bleue. Les deux films ont le mérite d'être de bons produits dans leur genre.

1. Total Recall (1990). Le film de Paul Verhoeven (pas son remake certes efficace mais inutile de 2012), inspiré du classique de Philip K. Dick, est le chef d'oeuvre du genre. L'un des meilleurs films avec Arnold Schwarzenegger aussi, et l'occasion de découvrir une certaine Sharon Stone pré-Basic Instinct. Tout y est démesuré. De l'action aux décors. Mais le plaisir du divertissement produit persiste 25 ans après son carton en salles. On reste toujours scotchés à son sofa face à ce film qui transforme la perte d'identité et de mémoire en délire héroïque et paranoïaque.

2. Mission to Mars (2000). Brian De Palma adapte une attraction de Dineyland avant l'heure, et avec quelques vedettes: Tim Robbins, Gary Sinise,  Connie Nielsen et Don Cheadle. Ce n'est pas le meilleur De Palma, mais c'est aussi un film largement sous-estimé. Si le scénario manque de singularité, l'aspect esthétique, visuellement superbe, et la mise en scène en font un film kubrickien (on parlerait même de plagiat). Mais il y a pire référence. Et De Palma a voulu insuffler un peu de réalité scientifique en collaborant avec la NASA (déjà) plutôt que de jouer sur les fantasmes habituels.

3. Robinson Crusoe on Mars (Robinson Crusoe sur Mars, 1964). Byron Haskins, spécialiste du genre SF pop, utilise toute la technicolor de l'époque pour une fresque où un astronaute (Paul Mantee) et un singe se crashe sur notre voisine, où l'attend son Vendredi. Drôle de mixe. A l'époque, on voyageait dans l'espace mais on ne connaissait pas encore la lune. Fantasmagorie sous acide, c'est surtout un merveilleux exemple de ce que l'on peut faire à partir d'un roman classique en le transposant dans un imaginaire futuriste. Et pour une fois, Hollywood n'a rien gâché avec un remake.

4. Red Planet (Planète rouge, 2000), d'Antony Hoffman, avec Val Kilmer, Terence Stamp et Carrie Anne-Moss. Pas forcément meilleur que les autres, ce film est lance la veine "survivaliste" dont va s'inspirer Seul sur mars (les deux ont d'ailleurs été tourné en Jordanie) et tant d'autres films. Sorti simultanément à Mission to Mars, les deux films se sont neutralisés après une âpre bataille entre les deux studios (Disney pour De Palma, Warner pour de Hoffman). De bons effets spéciaux, un script plausible, et un genre plus réaliste qu'effrayant: le film est avant tout un drame existentiel en milieu hostile, alors que le public s'attendait à un pop-corn movie.

5. Stranded de María Lidón (2001). Un film espagnol réalisé par une femme? Et oui, c'est la petite découverte du classement. Inédit en France, ce film sélectionné au Festival de San Sebastian, a quasiment la même intrigue que Seul sur Mars, même si là il n'y a aucune aventure solitaire puisqu'il s'agit d'un groupe (où l'on croise Vincent Gallo et Maria de Medeiros). Plus psychologique que terrifiant, ce film de survie (et de sacrifice) est avant tout un portrait réaliste de ce que l'être humain est capable de faire (ou pas) en milieu étranger.

G.I. Joe : Conspiration, un report de 9 mois pour éviter un fiasco financier

Posté par vincy, le 31 mai 2012

On ne peut pas dire que c'était le film le plus attendu de l'été. G.I. Joe : Retaliation (G.I. Joe : Conspiration) devait sortir dans le tunnel embouteillé du week-end férié de l'Independance Day, le 29 juin.

En plein Festival de Cannes, la Paramount a annoncé que le film ne sortirait finalement que le 29 mars 2013 aux USA. 9 mois de retard! Pour la concurrence, c'est du pain béni. Le 29 juin, deux comédies, une comédie dramatique et un drame devaient rivaliser avec ce blockbuster d'action. Et dans cette catégorie, seuls deux films sont désormais en mesure de séduire les ados avides de testostérone, d'effets spéciaux et de combats : Prometheus (8 juin) et Abraham Lincoln : Vampire Hunter (22 juin). Si bien que The Amazing Spider-Man, prévu le 6 juillet, pourrait cartonner au delà des espérances de Sony si le public est à ce point sevré en "action-hero".

Mais pourquoi un tel report? A une époque où les dates de sortie sont "réservées" deux à trois ans à l'avance - c'est un peu comme un bébé à naître, sitôt connu la grossesse, on réserve la place en crèche - on pourrait même se satisfaire de voir qu'un film peut se libérer de cette pression calendaire.

Mais la prise de risque semble trop importante pour le studio. Le premier épisode avait été tout juste rentable avec un budget astronomique (175 millions de $ hors marketing) à peine compensé par ses 300 millions de $ de recettes dans le monde. Les critiques ont été exécrables. Et pourtant une suite a été lancée, certes moins coûteuse (125 millions de $).

Officiellement, le studio explique que la production a besoin de plus de temps pour convertir le film en 3D. Car finalement, le film sera proposé en 3D afin de gonfler les recettes. Mais Hollywood doute de  cette simple version des faits. On ne décale pas un film de cette ampleur, avec Bruce Willis, Dwayne Johnson et Channing Tatum, quand on a investit si lourdement dans une campagne marketing dès le Super-Bowl en février. Toutes les affiches étaient prêtes.

Certains avancent que le Spider-Man de Sony l'aurait tué dès son 2e week-end et qu'il était risqué de tout miser sur les premiers jours d'exploitation.

Paramount a donc décidé de transformer G.I. Joe 2 en film 3D, mais aussi de miser en priorité sur le marché international et, surtout, de donner davantage de présence à l'écran à Channing Tatum, plus bankable que les autres comédiens après les succès de Je te promets et 21 Jump Street. A l'origine, son personnage devait mourir dans la suite de G.I. Joe. Il pourrait finalement survivre. De nouvelles scènes sont en tournage.

Troisième blockbuster à être reporté

G.I. Joe : Conspiration n'est pas le seul film à être touché par ce genre de décisions. C'est le troisième report pour un blockbuster de Paramount. World War Z avec Brad Pitt, condamné à retourner de nombreuses scènes, a été décalé de décembre 2012 à juin 2013, et Hansel et Gretel, qui devait sortir en mars, sera finalement en salles en janvier prochain, voulant profiter de la notoriété croissante de sa star, Jeremy Renner (Avengers et le prochain film de la franchise Jason Bourne).

Le résultat de ce décalage va cependant toucher le studio de plein fouet. La Paramount est actuellement la plus petite "major" avec à peine 8% de parts de marché. Son plus gros succès cette année est la re-sortie de Titanic en 3D. The Dictator a été un flop. Et hormis Madagascar 3, il n'a plus aucune grosse sortie prévue cet été. Avant la fin de l'année, il ne pourra compter que sur un autre film d'animation de DreamWorks, un thriller avec Tom Cruise, le nouveau film de Zemeckis et le 4e Paranormal Activity pour se refaire une santé. Paramount en crise? Baisse des budgets, diminution notable du nombre de films produits : le studio apparaît de plus en plus comme fragile. Malgré Transformers, Star Trek et Mission Impossible, la major compte peu de franchises à gros potentiel. Aussi G.I. Joe est vu comme un enjeu stratégique à long terme. Si le deuxième épisode séduit plus largement que le premier, le pari sera gagné.

Cependant l'inquiétude plane sur Hollywood et n'incite pas à l'optimisme. Quand Avengers (dont Paramount touche 8% des recettes) et Hunger Games atteignent des scores stratosphériques, La colère des Titans (301 millions de $ dans le monde), John Carter (282 millions de $), Battleship (281 millions de $), Dark Shadows (172 millions de $) et Ghost Rider 2 (133 millions de $) sont loin d'avoir couverts leurs dépenses. Dans certains cas, ce sont même de lourds fiascos financiers. Ils ont respectivement coûté 150 millions de $, 250 millions de $, 210 millions de $, 150 millions de $ et 60 millions de $ (hors frais marketing et promotionnels). Pas de quoi imaginer des suites quand on perd de l'argent. A cela s'ajoute l'incertitude de Men In Black III, film plus cher que prévu initialement et dont une grosse partie des recettes est ponctionnée par les pourcentages alloués à ses deux stars.

Un four de G.I. Joe : Conspiration entraînerait plusieurs conséquences financières pour le studio, et notamment la perte ou la diminution nette des bonus touchés par les cadres dirigeants. Le décalage de G.I. Joe est aussi une affaire de gros sous. En évitant les pertes éventuelles liées à cette sortie en 2012, Paramount va pouvoir afficher des résultats financiers plutôt bons pour l'exercice fiscal en cours. En revanche, le studio devra se blinder davantage pour 2013. Outre G.I. Joe 2, Hansel et Gretel, World War Z et la suite de Star Trek, Paramount a trois dessins animés DreamWorks et un reboot des tortues Ninja en stock pour l'année prochaine.

Paramount a peut-être médité cette phrase du P-DG de Walt Disney, Robert Iger, après l'échec de John Carter, qui avouait le manque de consistance de nombreux blockbusters de son studio.

200 millions de pertes pour Disney à cause de John Carter

Posté par vincy, le 20 mars 2012

2 semaines après la sortie mondiale de John Carter, Disney fait le bilan de ce film astronomiquement cher, 250 millions de $ pour la seule production (hors marketing : 100 millions de $). Le film a déjà réalisé 180 millions de $ de recettes dans le monde (70% hors Amérique du nord). Mais il en aurait fallu deux fois plus à ce stade pour que Disney limite la casse.

Le studio a donc commenté ce fiasco, presque anticipé : "À la lumière des résultats de John Carter en salle, le film devrait entraîner des pertes opérationnelles d'environ 200 M$ sur le deuxième trimestre fiscal, clos au 31 mars". De quoi peser lourd sur les finances du groupe. "Par conséquent, nous prévoyons que l'activité studio affichera une perte opérationnelle comprise entre 80 et 120 M$ sur le deuxième trimestre".

L'avertissement était prévu, tant le marketing autour du film a été brouillon et n'a jamais su créer le buzz (voir John Carter : un monstre de 250 millions de $ qui a mis 80 ans à naître). Mais la perte est plus lourde que prévu (les analystes prévoyaient un déficit de 165 millions de $). Pour Disney c'est aussi un deuxième coup dur, un an après le fiasco de Mars Needs Mom, qui avait entraîné une perte de 70 millions de $. Le film sorti le 11 mars 2011, avait coûté 150 millions de $ et encaissé 39 millions de $ de recettes dans le monde!

Tout ne doit pas être imputé à John Carter : Disney est dans une mauvaise vague. Si la re-sortie en 3D de La Belle et la Bête a rapporté 47 millions de $ en Amérique du nord et si le dernier Miyazaki (Arrietty) a dépassé toutes les espérances (18 millions de $), Cheval de guerre (80 millions de $ aux USA) et Les Muppets (89 millions de $) n'ont pas atteint leurs objectifs.

Le studio a rassuré ses actionnaires en croyant fermement à ses prochaines sorties : The Avengers, début avril, le nouveau Pixar, Brave, fin juin, ou encore le Tim Burton animé, Frankenweenie en octobre.

John Carter : un monstre de 250 millions de $ qui a mis 80 ans à naître

Posté par vincy, le 6 mars 2012

John Carter a 100 ans. Le personnage a été créé par le père de Tarzan, Edgar Rice Burroughs (1875-1950), à l'occasion du Cycle de Mars (11 tomes). Pour la première fois, un héros était envoyé dans l'Espace. Mélange de fantastique et de science-fiction, la série littéraire a évidemment inspiré tous les cinéastes du genre, de Georges Lucas à David Lynch en passant par James Cameron.

Il aura donc fallu attendre 100 ans pour voir ce héros sur grand écran. Un temps incroyablement long.

Disney espère pourtant en faire une franchise, même si les experts hollywoodiens craignent un crash à la Watchmen. Le studio, aidé par les équipes de Pixar, a confié la réalisation à un surdoué du dessin animé pour enfants, Andrew Stanton (Wall-E, Le Monde de Nemo) comme Paramount avait laissé Brad Bird (Les indestructibles) revisiter Mission : Impossible.

Les deux studios ont d'ailleurs en commun d'avoir voulu faire John Carter. Car depuis 80 ans, Hollywood cherche à adapter la saga martienne, malgré un engouement de moins en moins important pour elle. Le Cycle de Mars n'a jamais été un best-seller. Il s'agit plutôt d'une série culte avec ses quelques fans. Pourtant Disney voulait y rester fidèle.

En 1931, Bob Clampett essaie de passer des Looney Tunes à une première version, animée, de John Carter. 20 ans plus tard, c'est Ray Harryhausen (Jason et les Argonautes) qui veut produire une première version cinématographique. Disney acquiert les droits des livres et dans les années 80, elle propose à John McTiernan de réaliser une première adaptation, avec Tom Cruise dans le rôle principal. Mais le studio ne parvient pas à aboutir le projet. Paramount obtient alors les droits et propose dans les années 2000 à plusieurs réalisateurs (dont Robert Rodriguez et Jon Favreau) de s'y atteler. Avec un budget prévisionnel de 100 millions de $, le studio hésite et abandonne. Finalement Disney récupère les droits et lance la machine, enfin. Le tournage débute en 2010.

Un marketing défaillant qui met en péril la franchise possible

Le studio mise gros. Le film a coûté 250 millions de $ à produire. Et on y rajoute 100 millions de $ de frais de marketing d'après Variety. Selon les premières estimations, le box office de son week-end de sortie en Amérique du nord, vendredi prochain, serait de 25 à 30 millions $. Ce qui n'est pas assez pour ce genre de films. Au mieux, il finirait aux alentours de 100 millions de $... D'où la stratégie de le sortir simultanément sur 51 territoires, pour frapper fort dès les premiers jours. Seuls le Japon et la Chine seront épargnés par ce déferlement.

Disney s'apprête donc à perdre de l'argent. Mais quelques erreurs de promotion n'ont pas arrangé les choses. John Carter of Mars est devenu depuis quelques mois John Carter, qui ne signifie rien au public et le rend difficile à vendre. D'autant que ce titre oublie l'importance du rôle féminin, et donc le public potentiel des femmes, que le premier livre mentionne (Une princesse de Mars). Autre erreur : le studio a préféré ne pas montrer des extraits du film ou un teaser lors du très médiatisé Comic Con, réservant la primeur au congrès de Disney, D23. Depuis janvier, le marketing a donc décidé de mettre les bouchées doubles : Superbowl, compte Twitter pour le réalisateur, conférence TED sur le numérique, interviews promotionnelles en rafales. Les critiques sur les réseaux sociaux ne sont pas si mauvaises mais le buzz reste négatif.

Cependant, Disney, Stanton et son scénariste Michael Chabon travaillent déjà sur une suite. Il faut juste que le film fasse mieux que 250 millions de $ dans le monde. Sinon, le fiasco sera lourd financièrement à gérer.