L’Empire de Luc Besson vacille

Posté par vincy, le 7 décembre 2018

Ça commencé l'an dernier avec Valerian. Si le film a quand même rapporté 225M$ (pour un budget hors-marketing de 175M$), il a sérieusement fragilisé le colosse EuropaCorp. Déjà, l'empire de Luc Besson montrait quelques failles, avec des filiales pas rentables, l'école de cinéma qui, finalement, a fermé... Et puis cette année, dans un pays où #MeToo n'a pas conduit à des scandales fracassants, Luc Besson a encaissé plusieurs plaintes pour viols, agressions sexuelles ou harcèlement, depuis le printemps et encore tout récemment, fin novembre. Autant dire qu'aucun studio américain ne va l'aider à financer ses films.

Mauvais karma

Les finances dans le rouge (83 millions d'euros de pertes pour le dernier exercice, une dette aux alentours de 230M€), une image fortement dégradée de l'homme le plus puissant du cinéma français, plusieurs flops depuis deux ans, à l'exception de Taxi 5 en avril, une Cité du cinéma pas rentable, des licenciements répétés: tout a contribué au démantèlement qui a débuté avec la cession des salles de cinéma il y a deux ans et qui s'est poursuivi hier avec l'annonce de la fermeture de sa filiale de distribution après 17 ans de belles ambitions, alliant les films de Canet et Améris, de Mihaileanu et Tommy Lee Jones, de Malick et Gondry.

Et deux films importants au programme pour 2019: Nous finirons ensemble, la suite des Petits Mouchoirs, de Guillaume Canet, prévu pour le 1er mai, et Anna, le nouveau film de Luc Besson, avec Helen Mirren, Sasha Luss, Cillian Murphy et Luke Evans, dont le tournage a été reporté du 2 janvier au 27 mars.

Désormais, les films produits et coproduits par Europacorp seront distribués par Pathé (au moins pour les trois prochaines années). Ce contrat exclusif permettra à Pathé de distribuer le Canet et le Besson.

Cure d'amaigrissement

On comprend vite que c'était le moment de vendre: car en dehors de ces deux films, EuropaCorp n'a aucun autre projet dans les tuyaux actuellement, quand à une époque pas si lointaine, une dizaine de projets étaient sur le feu chaque année. Pas de quoi faire vivre une filiale de distribution, et de quoi s'inquiéter pour la partie production.

Et ce n'est pas terminé côté vente des bijoux de famille, puisque la société est en négociations exclusives avec Gaumont pour vendre le catalogue de plus de 500 titres de Roissy films, acquis en 2008, et qui comprend L'Avventura, La Grande Bouffe, La Guerre du feu, Les Ripoux...

G.I. Joe : Conspiration, un report de 9 mois pour éviter un fiasco financier

Posté par vincy, le 31 mai 2012

On ne peut pas dire que c'était le film le plus attendu de l'été. G.I. Joe : Retaliation (G.I. Joe : Conspiration) devait sortir dans le tunnel embouteillé du week-end férié de l'Independance Day, le 29 juin.

En plein Festival de Cannes, la Paramount a annoncé que le film ne sortirait finalement que le 29 mars 2013 aux USA. 9 mois de retard! Pour la concurrence, c'est du pain béni. Le 29 juin, deux comédies, une comédie dramatique et un drame devaient rivaliser avec ce blockbuster d'action. Et dans cette catégorie, seuls deux films sont désormais en mesure de séduire les ados avides de testostérone, d'effets spéciaux et de combats : Prometheus (8 juin) et Abraham Lincoln : Vampire Hunter (22 juin). Si bien que The Amazing Spider-Man, prévu le 6 juillet, pourrait cartonner au delà des espérances de Sony si le public est à ce point sevré en "action-hero".

Mais pourquoi un tel report? A une époque où les dates de sortie sont "réservées" deux à trois ans à l'avance - c'est un peu comme un bébé à naître, sitôt connu la grossesse, on réserve la place en crèche - on pourrait même se satisfaire de voir qu'un film peut se libérer de cette pression calendaire.

Mais la prise de risque semble trop importante pour le studio. Le premier épisode avait été tout juste rentable avec un budget astronomique (175 millions de $ hors marketing) à peine compensé par ses 300 millions de $ de recettes dans le monde. Les critiques ont été exécrables. Et pourtant une suite a été lancée, certes moins coûteuse (125 millions de $).

Officiellement, le studio explique que la production a besoin de plus de temps pour convertir le film en 3D. Car finalement, le film sera proposé en 3D afin de gonfler les recettes. Mais Hollywood doute de  cette simple version des faits. On ne décale pas un film de cette ampleur, avec Bruce Willis, Dwayne Johnson et Channing Tatum, quand on a investit si lourdement dans une campagne marketing dès le Super-Bowl en février. Toutes les affiches étaient prêtes.

Certains avancent que le Spider-Man de Sony l'aurait tué dès son 2e week-end et qu'il était risqué de tout miser sur les premiers jours d'exploitation.

Paramount a donc décidé de transformer G.I. Joe 2 en film 3D, mais aussi de miser en priorité sur le marché international et, surtout, de donner davantage de présence à l'écran à Channing Tatum, plus bankable que les autres comédiens après les succès de Je te promets et 21 Jump Street. A l'origine, son personnage devait mourir dans la suite de G.I. Joe. Il pourrait finalement survivre. De nouvelles scènes sont en tournage.

Troisième blockbuster à être reporté

G.I. Joe : Conspiration n'est pas le seul film à être touché par ce genre de décisions. C'est le troisième report pour un blockbuster de Paramount. World War Z avec Brad Pitt, condamné à retourner de nombreuses scènes, a été décalé de décembre 2012 à juin 2013, et Hansel et Gretel, qui devait sortir en mars, sera finalement en salles en janvier prochain, voulant profiter de la notoriété croissante de sa star, Jeremy Renner (Avengers et le prochain film de la franchise Jason Bourne).

Le résultat de ce décalage va cependant toucher le studio de plein fouet. La Paramount est actuellement la plus petite "major" avec à peine 8% de parts de marché. Son plus gros succès cette année est la re-sortie de Titanic en 3D. The Dictator a été un flop. Et hormis Madagascar 3, il n'a plus aucune grosse sortie prévue cet été. Avant la fin de l'année, il ne pourra compter que sur un autre film d'animation de DreamWorks, un thriller avec Tom Cruise, le nouveau film de Zemeckis et le 4e Paranormal Activity pour se refaire une santé. Paramount en crise? Baisse des budgets, diminution notable du nombre de films produits : le studio apparaît de plus en plus comme fragile. Malgré Transformers, Star Trek et Mission Impossible, la major compte peu de franchises à gros potentiel. Aussi G.I. Joe est vu comme un enjeu stratégique à long terme. Si le deuxième épisode séduit plus largement que le premier, le pari sera gagné.

Cependant l'inquiétude plane sur Hollywood et n'incite pas à l'optimisme. Quand Avengers (dont Paramount touche 8% des recettes) et Hunger Games atteignent des scores stratosphériques, La colère des Titans (301 millions de $ dans le monde), John Carter (282 millions de $), Battleship (281 millions de $), Dark Shadows (172 millions de $) et Ghost Rider 2 (133 millions de $) sont loin d'avoir couverts leurs dépenses. Dans certains cas, ce sont même de lourds fiascos financiers. Ils ont respectivement coûté 150 millions de $, 250 millions de $, 210 millions de $, 150 millions de $ et 60 millions de $ (hors frais marketing et promotionnels). Pas de quoi imaginer des suites quand on perd de l'argent. A cela s'ajoute l'incertitude de Men In Black III, film plus cher que prévu initialement et dont une grosse partie des recettes est ponctionnée par les pourcentages alloués à ses deux stars.

Un four de G.I. Joe : Conspiration entraînerait plusieurs conséquences financières pour le studio, et notamment la perte ou la diminution nette des bonus touchés par les cadres dirigeants. Le décalage de G.I. Joe est aussi une affaire de gros sous. En évitant les pertes éventuelles liées à cette sortie en 2012, Paramount va pouvoir afficher des résultats financiers plutôt bons pour l'exercice fiscal en cours. En revanche, le studio devra se blinder davantage pour 2013. Outre G.I. Joe 2, Hansel et Gretel, World War Z et la suite de Star Trek, Paramount a trois dessins animés DreamWorks et un reboot des tortues Ninja en stock pour l'année prochaine.

Paramount a peut-être médité cette phrase du P-DG de Walt Disney, Robert Iger, après l'échec de John Carter, qui avouait le manque de consistance de nombreux blockbusters de son studio.

200 millions de pertes pour Disney à cause de John Carter

Posté par vincy, le 20 mars 2012

2 semaines après la sortie mondiale de John Carter, Disney fait le bilan de ce film astronomiquement cher, 250 millions de $ pour la seule production (hors marketing : 100 millions de $). Le film a déjà réalisé 180 millions de $ de recettes dans le monde (70% hors Amérique du nord). Mais il en aurait fallu deux fois plus à ce stade pour que Disney limite la casse.

Le studio a donc commenté ce fiasco, presque anticipé : "À la lumière des résultats de John Carter en salle, le film devrait entraîner des pertes opérationnelles d'environ 200 M$ sur le deuxième trimestre fiscal, clos au 31 mars". De quoi peser lourd sur les finances du groupe. "Par conséquent, nous prévoyons que l'activité studio affichera une perte opérationnelle comprise entre 80 et 120 M$ sur le deuxième trimestre".

L'avertissement était prévu, tant le marketing autour du film a été brouillon et n'a jamais su créer le buzz (voir John Carter : un monstre de 250 millions de $ qui a mis 80 ans à naître). Mais la perte est plus lourde que prévu (les analystes prévoyaient un déficit de 165 millions de $). Pour Disney c'est aussi un deuxième coup dur, un an après le fiasco de Mars Needs Mom, qui avait entraîné une perte de 70 millions de $. Le film sorti le 11 mars 2011, avait coûté 150 millions de $ et encaissé 39 millions de $ de recettes dans le monde!

Tout ne doit pas être imputé à John Carter : Disney est dans une mauvaise vague. Si la re-sortie en 3D de La Belle et la Bête a rapporté 47 millions de $ en Amérique du nord et si le dernier Miyazaki (Arrietty) a dépassé toutes les espérances (18 millions de $), Cheval de guerre (80 millions de $ aux USA) et Les Muppets (89 millions de $) n'ont pas atteint leurs objectifs.

Le studio a rassuré ses actionnaires en croyant fermement à ses prochaines sorties : The Avengers, début avril, le nouveau Pixar, Brave, fin juin, ou encore le Tim Burton animé, Frankenweenie en octobre.