La britannique Dominique Green a été nommée directrice artistique du Dinard Film Festival. De par son parcours international, sa nomination est une bonne nouvelle pour le festival, qui révèle ici l'ambition de retrouver le premier plan au niveau cinéphilique. Elle succède à Hussam Hindi, qui a occupé ce poste durant 30 ans.
Consultante artistique et responsable du développement chez TF1 et StudioCanal, respectivement, durant 12 ans, faisant d'elle la directrice de production et la productrice exécutive de quatorze longs-métrages en Europe, aux États-Unis et en Australie, elle a lancé le programme européen d’un réseau de producteur. Au Royaume-Uni, elle a été Déléguée au Festival du Film International de Berlin (Berlinale), chargée de conseiller et de présélectionner des films provenant du Royaume-Uni et d'Irlande jusqu’en 2019. Elle a aussi créé et programmé un festival de films à Londres pendant 18 ans.
Madame Green est membre des BAFTA et a enseigné dans à la Media Business School en Espagne, l’EICAR à Paris ou la National Film and Television School à Londres. Elle a enfin assuré la direction générale du bureau londonien de la célèbre agence de photographes Magnum Photos, puis est devenue consultante au Centre américain Mona Bismarck pour l'art et la culture à Paris.
"Au-delà des nombreuses et précieuses compétences de Madame Green, ce choix d’une ressortissante britannique est un signe fort en direction de nos voisins d’outremanche pour rappeler qu’à Dinard, le Brexit n’existe pas. Nous serons toujours la terre d’accueil pour tous les habitants des « British Isles ». Le festival de Dinard doit rester ce pont culturel par-dessus la mer car l’histoire d’amour entre Dinard et le monde britannique est si ancienne qu’elle ne s’arrêtera sûrement pas en 2020", s'est félicité Jean-Claude Mahé, Maire de Dinard.
La 31e édition du festival se tiendra du 30 septembre au 4 octobre 2020. Ce sera le premier grand test pour cette spécialiste de la programmation, alors que l'audit réalisé l'an dernier a abordé de nombreuses pistes pour faire évoluer le festival.
Qui dit nouvelle œuvre de Shane Meadows dit venue à Dinard, son festival préféré. Twentyfour Seven était en compétition en 1998, Once Upon A Time In The Midlands en avant-première en 2002, Dead Man Shoes a gagné le Hitchcock d’Or en 2004, avant de recevoir un hommage en 2007 avec This Is England, Somers Town fut choisi pour la clôture en 2008. Puis vinrent Le Donk & Scor-Zay-Zee en 2009, le début de la saga télé This is England '86 en 2011 et The Stones Roses: made of stone en 2013.
Cette année Shane Meadows présente sa nouvelle série The Virtues, un drame composé de quatre épisodes (4 x 46 minutes, co-écriture avec Jack Thorne et musique par PJ Harvey) : alors que son ex-femme et son fils déménage vers un autre pays, Joseph replonge dans l'alcool puis décide de quitter l'Angleterre pour aller en Irlande, il veut y retrouver sa sœur qu'il n'a pas vu depuis une trentaine d'années. Le passé destructeur va resurgir...
Le premier épisode se déroule en trois actes (et une séquence de beuverie dantesque) avec une fuite en forme de nouveau départ ; le second épisode permet à Joseph de retrouver sa sœur Anna et l'histoire commence à aborder le cœur du drame ; le troisième épisode s'attache en particulier à mieux connaître les liens et les faiblesses de l'ensemble des personnages, et particulièrement ceux de Dinah et Craigy, et le drame s'intensifie ; enfin le quatrième épisode comporte des révélations et des envies de vengeance...
Le Festival Serie-Mania a déjà doublement primé The Virtues (meilleure série, meilleur acteur). Le jury a justifié ainsi cette double récompense au printemps dernier: "dès la première image, The Virtues vous bouleverse par sa profonde humanité. Magistralement réalisée, écrite et interprétée, cette série est un formidable exemple du pouvoir de la télévision à vous transporter et créer l'empathie. Stephen Graham : sa performance est tout simplement éblouissante. Son portrait brut d'un homme en proie avec son passé et ses propres démons est déchirant."
Ecran Noir: Vous alternez des films pour le cinéma et des séries, deux supports. Comment ou jusqu’où peut-on montrer des scènes avec un contenu de violence, de sexe, d’addiction à l’alcool comme dans The Virtues ? Est-ce quelque chose qui est pris en considération ou vous avez la liberté d’aller aussi loin que vous le souhaitez ?
Shane Meadows : De manière générale la télévision britannique, comme Channel 4, est assez ouverte à l’originalité dans les fictions,. C’est moi qui décide du montage et personne ne me dit de changer quelque chose. Au cinéma on s’imagine une sorte de plus grande liberté, mais le problème est que les gens y vont en payant un ticket pour le film, et souvent il faut chercher à plaire au plus grand nombre, dont certains qui viennent manger du popcorn. A la télévision les spectateurs ne payent pas pour un film en particulier et n’ont pas forcément cette attente d’être expressément divertis. Peut-être que la télévision convient mieux à mon travail actuel, en particulier pour The Virtues. Je ne me suis jamais senti limité en terme de contenu en travaillant pour la télévision. En fait j’ai même plutôt ressenti une libération car les histoires sur lesquelles je travaille ne peuvent pas être racontée au format film d’1h30.
EN: Avez-vous envisagé à un moment que The Virtues puisse devenir votre nouveau film de cinéma plutôt qu'une série ?
Shane Meadows : Je travaille sur plusieurs idées, et certaines sont pour le cinéma et d’autres pour la télévision. Pour ce projet The Virtues, c’était une histoire qui nécessitait justement 3 ou 4 heures. En fait j’aime ce format de la série de télévision en plusieurs épisodes. On a plus de temps pour approfondir des personnages et les faire respirer, on a plus de temps pour que l’histoire se développe. C’est peut-être paradoxal mais j’aime aussi que les spectateurs attendent 7 jours pour voir la suite avec l'épisode suivant, même si maintenant des diffuseurs comme Netflix ou la BBC diffusent en streaming 10 épisodes d’un coup en même temps. On perd cette attente du prochain épisode et l'imagination de ce qui pourrait suivre, ce qui va avec une série.
EN: On retrouve dans The Virtues deux visages en particulier de votre autre série This is England - Stephen Graham, et Helen Behan que vous avez révélés - dans des rôles très différents...
Shane Meadows : Stephen Graham reçoit beaucoup de propositions ces dernières années. Par exemple il a été demandé par Martin Scorsese dans son dernier film The Irishman. En fait avec Stephen, ça s’est fait naturellement. On se connaît bien et on se fait confiance, et il adore les rôles que je lui propose. Stephen sait tout donner en une prise, il n’aime pas quand il faut refaire une cinquantaine de fois cette prise. Il sait que ça n’arrive pas sur mes tournages. Je sais combien c’est difficile d’être un acteur et mes attentes c’est obtenir quelque chose d’unique, presque instinctif, chose qu’on n’obtient pas avec des répétitions. La nature particulière de ce rôle où il s’agit de retenir ou de se laisser aller à des chamboulements émotionnels demandait une grande performance. Je savais que Stephen Graham était probablement l’une des rares personnes qui puisse jouer ça avec cette vraie sincérité qui bouleverse les spectateurs. Je ne savais pas que le duo Stephen et Helen Benham pouvait fonctionner, avant de les réunir dans une même pièce. Helen est une actrice qui a un don spécial pour jouer. Je lui avais donné un petit rôle un peu angélique dans This is England mais ce que j’ai vu hors caméra en la connaissant mieux en tant que personne m'a convaincu. D’ailleurs elle est quasiment le contraire du personnage que je lui ai confié dans The Virtues. Helen peut jurer énormément et elle est très drôle. C’est une belle performance de sa part de jouer ici un personnage à l’opposé de sa nature. Dans la série, une des premières scènes ensemble entre Helen et Stephen, dans la chambre, a été comme une masterclass d’interprétation extraordinaire. Cette combinaison Stephen + Helen demandait peut-être un peu de foi de ma part mais c’est devenue un alchimie idéale.
EN: The Virtues est projetée pour la première fois en intégrale à Dinard. Avant deux épisodes avaient été découverts en France lors du Festival Série Mania de Lille où vous y aviez gagné le grand prix du jury et un prix d'interprétation pour Stephen Graham. Que pensez-vous de ce type de festival centré sur des séries de télévision ?
Shane Meadows : C’était génial de recevoir ces prix: ça a donné une exposition à The Virtues à travers des articles de presse, des gens qui n’avaient jamais entendu parler de The Virtues s’y sont intéressé. Je crois qu'il y a des discussions en cours pour que la série soit visible dans plusieurs pays. Lille, qui est une plus grosse ville que Dinard, a un peu le même esprit: c’est organisé par une équipe avec un esprit de famille. Je pense qu’à l’avenir plusieurs festivals auront des sélections hybrides entre des films de cinéma et de télévision et des séries parce que plusieurs cinéastes font des œuvres diffusées par des plateformes de streaming. C'est super que The Virtues soit à Dinard et vu en intégralité dans une salle de cinéma sur grand écran.
EN: C’est le 30ème anniversaire de Dinard, que vous connaissez particulièrement pour y avoir montré tous vos films après y avoir gagné le Hitchcock d'or pour Dead Man's shoes. Cette année en plus d'accompagner The Virtues vous avez aussi la mission de présider le jury des courts-métrages. Dans cette sélection d’une dizaine de courts, y avez-vous vu un prochain Shane Meadows ?
Shane Meadows : C’est une sélection très riche et très intéressante de courts-métrages qu'on a vu. J’ai été vraiment très impressionné par tous. En général dans ce genre de programmes, on y remarque certains courts très brillants et d’autres moins, et on doit discuter avec les autres jurés autour de 3 titres pour choisir le gagnant. Mais là ils étaient tous unique à leur façon. Le débat a été passionnant. Personnellement je ne cherche pas à voir un court qui se rapproche de mon univers ou de mon travail sur des thèmes de société. Je suis plus intéressé par découvrir des talents avec une voix originale. La délibération a été une vraie discussion ouverte, et ces courts étaient d’un haut niveau (ndr : la récompense a été pour un court en animation).
Shane Meadows : J’ai dans ma tête une autre saison pour continuer cette série. La suite serait à propos de ces personnages environ 10 ans après, donc au début des années 2000. Ces personnages auraient des enfants mais ils sortiraient encore en rave-party. Cette suite tournera surtout autour de Gadget (Andrew Ellis), de Combo (Stephen Graham) et de Milky (Andrew Shim), et des autres. Je réfléchis à cette nouvelle histoire depuis un moment déjà, on verra quand ça se fera.
EN: Une dernière chose. Après votre documentaire The Stone Roses: Made of Stone vous avez réalisé ensuite un clip pour Liam Gallagher (ex Oasis), c’est quelque chose que vous referiez ?
Shane Meadows : Je suis un grand fan des Stones Roses, et en fait Liam Gallagher est aussi est fan de ce groupe, je l’ai déjà vu aller à leurs concerts. La connexion s'est faite. Réaliser ensuite un clip pour une chanson de Liam a été une super expérience. Liam Gallagher vient juste de sortir un nouveau disque, je referais une vidéo avec lui avec plaisir si j’ai de nouveau cette opportunité (sourire)
En attendant de connaître le sort du festival - nom du futur directeur artistique, statut juridique, évolutions recommandées par un audit-, le Dinard Film Festival vient de célébrer ses 30 ans avec, ironie du sort un Hitchcock d'or pour un film allemand. Ce festival 2019 marque un cap. Sans aucun doute, Dinard va opérer sa mue pour s'adapter aux nouveaux formats, aux séries. Car si les salles sont toujours bondées, le public, lui, vieillit un peu avec le festival.
Hitchcock d’or, une récompense qui rayonne après Dinard
Les Hitchcock d’or ont d’ailleurs grandement contribué au rayonnement grandissant de Dinard : en 1994 il est décerné à Petits meurtres entre amis de Danny Boyle, en 1996 à Jude Michael Winterbottom, en 1997 à The Full Monty... Au début des années 2000, le cinéma britannique est au plus haut, et les jurys attribuent le Hitchcock d’or à Bloody Sunday Paul Greengrass en 2002, à La Jeune Fille à la perle de Peter Webber en 2003, à Dead Man's Shoes de Shane Meadows en 2004.
Certaines années le choix du jury a été sans doute difficile au vu de la qualité exceptionnelle de la compétition : en 2000 c’est Billy Elliot (face à Snatch de Guy Ritchie), en 2006 c’est London to Brighton de Paul Andrew Williams (face à Cashback de Sean Ellis, et Kidulthood de Menhaj Huda), en 2011 c’est Tyrannosaur de Paddy Considine (face à Week-end de Andrew Haigh , L'Irlandais de John Michael McDonagh). Parfois le jury a dû choisir un titre qui faisait consensus entre jurés au lieu d’un choix original : en 1999 Human Traffic de Justin Kerrigan (au lieu de Following de Christopher Nolan), en 2007 My Name is Hallam Foe de David Mackenzie (au lieu de Once de John Carney), en 2012 Shadow Dancer de James Marsh (au lieu de Ill Manors de Ben Drew), en 2014 The Goob de Guy Myhill (au lieu de ’71 de Yann Demange, ou The Riot Club de Lone Scherfig). Il est arrivé qu’un jury se montre très audacieux dans son choix, comme en 2009 White Lightnin' de Dominic Murphy (face à In the Loop d'Armando Iannucci).
D'autres années un film en particulier est tellement fédérateur qu’il recueille l’unanimité en éclipsant tout les autres (et souvent en cumulant plusieurs prix) : en 2008 Boy A de John Crowley, en 2013 Le Géant égoïste de Clio Barnard, en 2016 Sing Street de John Carney, en 2017 Seule la terre de Francis Lee, en 2018 Jellyfish de James Gardner.
Cette année, c'est The Keeper de Marcus H. Rosenmüller qui a reçu les suffrages du jury - qui a privilégié un coup de cœur plutôt qu'une forme narrative plus audacieuse -, et du public. Avec son important budget et son formatage très grand-public, ila déséquilibré la compétition. Mais avouons-le, il est séduisant. Il s'agit d'une version romancée d'une histoire vraie, celle de l'ex-soldat allemand Bert Trautmann qui de nazi, prisonnier de guerre en Angleterre, est passé gardien de but d'une équipe de football anglaise pour devenir ensuite un champion national avec le club Manchester City. Tout tourne autour de David Kross, John Henshaw et Freya Mavor (l'actrice enchaine les participations à des films de prestige aussi bien en Angleterre qu'en France, mais elle attend toujours la proposition d'un grand rôle qui la rendra aussi incontournable que lors de sa révélation avec la série Skins). Il semblait évident que The Keeper était promis à une récompense... Plus étonnant: il n'a toujours pas de distributeur français.
Le jury a souhaité rajouter à son palmarès une mention spéciale destinée à l’ensemble des actrices et acteurs de chaque films en compétition : c’est en effet souvent leur interprétation solide qui permet de mieux s'attacher au film. La plupart étaient d'ailleurs présents à Dinard pour accompagner leur film.
The last tree de Shola Amoo : un enfant regrette de quitter sa chouette famille d’accueil pour être récupéré par sa mère biologique et vivre avec elle. Une fois adolescent, l'influence d'un voyou l’incite à dériver vers une certaine violence, avec, en lui, un déracinement qu'il voudrait comprendre. Malgré ses qualité, le film s'est fait doubler par un autre à la thématique semblable, Vs. de Ed Lilly, ici, la trajectoire du jeune est presque inverse: ayant été abandonné par sa mère biologique et placé dans diverses familles d’accueil, il a déjà un passif composé de bagarres, et autres violences. C'est l'influence d'un groupe de battle hip-hop qui va canaliser sa colère des poings vers celle des mots, mais avec, en lui, ce désespoir d’avoir été abandonné... Le film est porté par le jeune Connor Swindells dont c'est le second film (il apparait ici comme un nouveau Andrew Garfield en puissance). Il vient d'être révélé par la série Sex Education; la vivacité des punchlines de rap et le thème plus général de se trouver une famille a séduit le jury jusqu'au Prix du scénario.
Mais il n'y a pas que des drames à Dinard. De l'humour et du féminisme tenaient de fil conducteur à Animals de Sophie Hyde, une adaptation du roman de Emma Jane Unsworth (dont elle signe aussi le scénario du film) : on suit les mésaventures de deux meilleures amies colocataires qui partagent depuis toujours beuveries et aventures sans lendemain et qui vont avoir 30 ans. Tyler cultive son indépendance de dilettante mais Laura après avoir découvert que sa petite soeur va attendre un bébé commence elle à aspirer à une vie adulte avec un fiancé et un mariage... Les deux amies commencent à se détacher l'une de l'autre sans savoir comment supporter cette rupture. Animals donne l'impression de renvoyer Absolutely Famous et Bridget Jones à la maison de retraite tellement le duo des actrices Alia Shawkat et Holliday Grainger est ravageur.
Une autre histoire de relation féminine, divergente et fusionnelle a été repérée dans Cordelia de Adrian Shergold - le réalisateur était doublement présent à Dinard puisqu'il présentait un autre film, Denmark. Dans les deux cas, il était beaucoup plus convaincant l'année dernière avec Funny Cow. Cordelia repose en particulier sur l'interprétation de son actrice Antonia Campbell-Hugues (également co-scénariste), qui joue là deux rôles de deux soeurs différentes, l'une étant séduite par un voisin qui semble être aussi l'inconnu qui la harcèle. Aucune chance d'être au palmarès.
L'autre film majeur de cette compétition était Only You de Harry Wootliff. Sur le papier, ilsemblait plus sage et plus convenu avec une belle histoire d'amour entre un jeune homme de 26 ans et une femme de 35 ans, fragilisée car elle n'arrive pas à tomber enceinte. Only You se développe d'abord comme une tendre comédie romantique autour d'une différence d'âge, puis il évolue en drame intime avec un désir d'enfant qui ne peut être comblé. C'est justement pour raconter diverses choses sensibles à propos du couple (et de leurs proches, amis et famille) que le film charme beaucoup, jusqu'à gagner de façon méritée le Prix de la Critique. Si la réalisatrice Harry Wootliff impressionne beaucoup (c'est d'ailleurs son premier film), un autre élément de séduction provient du casting : Only You réunit Laia Costa(épatante dans Victoria Ours d'argent à Berlin, et déjà en amoureuse dans Nowness de Drake Doremus) etJosh O'Connor(incontournable depuis son rôle dans Seule la terre de Francis Lee et très juste dans Hope gap présenté aussi hors-compétition cette année à Dinard). On espère que le film trouvera un distributeur en France, tant il se distingue des autres sur le fond comme sur la forme.
Une jeunesse en lutte
Et au final que nous disent ces films anglais de la compétition? Ils ont questionné les envies d'une jeunesse pas forcément adaptée au monde et les obstacles qui empêchent de grandir en tant qu'adulte. Sortir de sa coquille et se risquer à tomber amoureuse pour Cordelia, changer de comportement et renouer avec ses racines pour The last tree, se trouver une nouvelle famille pour gagner en indépendance avec Vs, transgresser les préjugés et affronter les traumas et aléas tragiques d'une vie dans The Keeper, se conformer ou pas à ce que les autres attendent avec Animals, vivre en couple, malgré le regard des autres, avec le désir partagé d'un bébé même quand c'est impossible dans Only You.
Cette année, Dinard, la jeunesse était à l'honneur. Une jeunesse désemparée, désœuvrée, parfois déprimée, qui doit surmonter des obstacles intimes et cherche un moyen de s'affranchir d'une société encore trop écrasante ou de conventions trop conformistes. La fiction était portée par des comédiens épatants. Mais, sur la forme, le cinéma anglais s'enlise un peu dans des styles convenus ou déjà vus. Comme si le récit s'auto-suffisait. Il y a bien des regards personnels, mais, rien à la hauteur de l'audacieux Peterloo par exemple présenté hors-compétition.
C'est le soir de la grande réconciliation anglo et saxonne au palmarès du 30e Dinard Film Festival. Le jury, présidé par Sandrine Bonnaire, entourée de l’actrice italienne Sveva Alviti, de l’acteur français Sami Bouajila, du réalisateur britannique Michael Caton-Jones, de l’actrice britannique Jane Horrocks, de l’acteur français Raphaël Personnaz, de la chanteuse et réalisatrice française Aurélie Saada, de la réalisatrice française Danièle Thompson et du réalisateur britannique James Watkins, a été en phase avec le public en récompensant un film germano-britannique.
The Keeper du cinéaste allemand Marcus H. Rosenmüller, reçoit le Hitchcock d'or - Grand prix du jury ET le Hitchcock du public.
Le film se déroule en 1945, alors que la seconde guerre mondiale se termine. Certains soldats allemands nazis se retrouvent détenus dans un camp de prisonnier en Angleterre. On leur fait faire diverses corvées en attendant d'organiser leur renvoi en Allemagne. On parie des cigarettes avec un jeu de tirs de ballon de football. Un épicier qui gère aussi la petite équipe de football locale passe par là avec sa fille et remarque un prisonnier qui arrête chaque ballon... Et si ce goal pouvait permettre à son équipe de gagner enfin quelques matchs?
Ce qu'on en pense: The Keeper est un de ces films à la qualité toute britannique, porté par des petites histoires de personnages pittoresques, tout en évoquant des problématiques de la grande Histoire. Est-il possible de jouer au football avec un nazi dans l'équipe ? En 1945 comment pourrait-on sympathiser avec un nazi, voire même tomber amoureuse de cet allemand ? Le déroulé du film semble prévisible mais c'est aussi ce qui séduit: The Keeper est un feel-good movie qui mélange drame de la guerre et romance... Il est d'autant plus émouvant qu'il se base en fait sur une histoire vraie: celle de l'ex-soldat allemand Bert Trautmann devenu un champion du club Manchester City.
En tournée de festivals depuis un an, le film, avec David Ross et Freya Mavor, n'a pas de distributeur en France.
Les autres prix
Le jury a aussi décerné un Hitchcock du meilleur scénario à Vs. de Ed Lilly et attribué une mention spéciale à l'ensemble des actrices et acteurs de la compétition.
La critique s'est distinguée en primant Only you de Harry Wootliff, notre film préféré de la compétition. Le soir du nouvel an, Elena (Laia Casta), 35 ans et Jake (Josh O'Connor, également vu dans le très beau Hope Gap, hors-compétition), 26 ans, se rencontrent de manière inopinée, en se disputant un taxi qu’ils finissent par partager. Débute entre eux une histoire passionnée. Rapidement, ils emménagent ensemble et la question de fonder une famille commence à poindre, les aléas de la vie aussi...
Le Jury SHORTCUTS présidé par le réalisateur britannique Shane Meadows entouré de la productrice irlandaise Farah Abushwesha, de l’acteur français Phénix Brossard et de la programmatrice Diane Gabrysiak a décerné Hitchcock du court-métrage à Widdershins de Simon P. Biggs. Une mention spéciale a été remise à In Our Skin de Rosa Beiroa et le public a récompensé Capital de Freddy Syborn.
Le Hitchcock « Coup de coeur » - La règle du jeu a choisi Pour Sama de Waad Al-Kateab et Edward Watts. le film, présenté en avant-première au dernier festival de Cannes, sortira en France le 9 octobre et bénéficiera d'une distribution dans 40 salles du Grand Ouest.
Enfin, un Hitchcock d'honneur est remis ce soir à Mike Leigh, qui accompagnait la première française de son dernier film Peterloo. En espérant qu'un distributeur français s'intéresse à cette formidable et tragique épopée politique, dont on célèbre les 200 ans cette année.
Membre du jury de Dinard, Jane Horrocks est aussi adorable qu'on pouvait le penser. Créatrice du personnage de Little Voice, énorme succès sur les planches avant de devenir un de ces bijoux du cinéma britannique des années 1990, éternelle Bubble dans la série Absolutly Fabulous, cette anglaise élégante qui ne semble pas vieillir, a fait quelques incursions au cinéma, chez Nicolas Roeg, Michael Caton-Jones, Mike Leigh, Dexter Fletcher... Comme beaucoup de ses compatriotes, elle se désole du Brexit - "Cela ferme énormément de portes. Nous ne sommes plus la grande famille qu’on était. C’est très triste" - mais la fantaisie et la curiosité l'emportent toujours.
Ecran Noir: Vous retrouvez Michael Caton-Jones, avec qui vous avez tourné Memphis Belle en...
Jane Horrocks: On ne compte pas les années (rire). Mais il est exactement pareil qu'à l'époque. C’est le clown de la classe à Dinard. Tout le monde l’aime. Vous savez parfois, quand on retrouve les gens après une longue absence, on peut-être déçu. Mais là ce n’est pas le cas avec lui ! Et puis je suis très bien entourée avec ce jury. J’aime bien être jurée, on sent un peu spéciale, légèrement importante (sourire).
EN: Justement, en tant qu'anglaise et juré, cette compétition reflète-t-elle la société britannique, le cinéma britannique?
JH: On voit des films très variés, certains plus artistiques, d’autres plus conventionnels. Je pense que ça représente le cinéma britannique de façon transversale. Par exemple, nous avons vu deux films sur la jeunesse, l’un sur celle d’aujourd’hui, qui est très juste, et l’autre sur celle durant la seconde guerre mondiale. C’est intéressant en une journée de voir comment cette jeunesse britannique a pu évoluer et comment ils ont été représentés à quelques décennies d’écart.
EN: Vous tournez peu, à peine un film par an. Qu'est devenue "Little Voice" finalement?
JH: Je continue de chanter, j’adore ça. C’est ma passion. Mais je me suis éloigné du personnage que j’ai personnifié dans Little Voice. J’essaie de créer un nouveau personnage à travers les chansons. Je fais beaucoup de théâtre, j’ai créé un festival à Manchester. Sur scène, je créé des pièces, avec un groupe de musiciens. Et c’est ce qui me plaît le plus car j’aime la création originale, plus que des rôles qui ont déjà été joués encore et encore. Pour le cinéma, j'ai fait quelques films que vous n’avez sans doute pas vus en France.
EN: Mais on vous a entendus: Vous avez prêté votre voix à de nombreux films d'animation comme Chicken Run, Garfield, les noces funèbres, et La Fée clochette...
JH: Oui... Je pense que j’ai une très bonne oreille et que ça me permet de créer différentes voix et d’incarner différents personnages dans un large spectre. C'est une des raisons pourquoi on fait appel à moi pour ma voix.
EN: Vous voyez ici des films de votre pays. mais avez-vous l'occasion de voir des films français?
JH: Je ne regarde pas énormément de films. J’ai vu La vie d’adèle récemment, des années après sa sortie. Et j’ai tellement été bouleversée que j’en parle tout le temps, j’ennuie mas amis avec ça ! C’est si bien fait, si bien joué. Ce film va rester avec moi pendant des années et des années.
Le 30e Dinard Film Festival est lancé, et le public curieux de cinéma britannique est toujours fidèle pour remplir les différentes salles.
Si Dinard est la plus anglaises des plages françaises, l'actualité a fait que Jean-Claude Mahé (le maire) a évoqué l'un des plus célèbres visiteurs : "Jacques Chirac vient de nous quitter, c'est un ami de Dinard qui s'en va". L'ancien Président de la république était venu en effet plusieurs fois à Dinard pour se reposer tout en gardant son légendaire sens du contact avec les gens, souvent lors de ses promenades, salué par quelques mots ou pour des photos.
Cette année c'est donc le 30ème anniversaire. On y éprouve un peu de nostalgie, notamment parce qu'il s'agit aussi de l'édition requiem du directeur artistique historique du festival, Hussam Hindi.
Mais pour autant le plus important est de regarder vers le futur, et y découvrir les prochains nouveaux talents. Les films en compétition sont pour beaucoup des premiers films, dont un seul, The Last Tree a un distributeur en France. Les différents membres de jury ont été officiellement présentés. Pour les courts-métrages le président est le réalisateur Shane Meadows, révélé en 1995 justement par un court-métrage, dont la plupart des films ont été présentés à Dinard : cette année il y accompagne aussi la projection de sa série The Virtues. Pour les longs-métrages, c'est Sandrine Bonnaire qui joue à la présidente, elle avait d'ailleurs tourné deux fois dans la ville de Dinard pour Claude Chabrol (La cérémonie, Au cœur du mensonge).
Elle n'aura pas à "juger" les deux films "d'espionnage" présentés hors-compétition: une investigation et un interrogatoire, autour de deux femmes loyales à leurs pays, mais encore plus fidèles à leurs valeurs, avec une Angleterre assujettie aux Etats-Unis et ennemie des Soviétiques ou des Irakiens. Deux femmes courageuses, l'une mariée à un kurde de Turquie qui n'a toujours pas le droit d'asile, l'autre amoureuse d'un réfugié d'origine russe. Un risky business qui va bouleverser leurs vies, en plus de ternir leur réputation.
Official Secrets, le film d'ouverture représente à lui seul un certain état d'esprit des cinéastes britanniques : remettre en cause l'autorité. Ici particulièrement dénoncer une manipulation américaine et les mensonges du gouvernement du premier ministre Tony Blair, qui, en 2003 s'est soumis aux Etats-Unis pour lancer une guerre en Irak. Official Secrets de Gavin Hood est l'adaptation d'un livre qui retrace les évènements qui ont suivi la diffusion à la presse d'un mémo secret envoyé par la NSA américaine aux services de renseignements anglais : chercher des renseignements à propos de certains membres du conseil de sécurité de l'ONU pour les obliger à voter en faveur de la guerre que souhaite entreprendre les Etats-Unis du gouvernement Bush... Les grandes lignes de cet évènement politique sont connues : il fallait aux américains trouver des preuves d'armes de destruction massive en Irak ou un vote de l'ONU pour être autorisés légalement à déclencher cette guerre, même si elle sera considérée comme illégale. L'histoire moins connue est celle que raconte ce film : Katharine Gun, une employée des services de renseignements britanniques, a donc fait fuiter en 2003 à la presse un document interne à propos de pressions pour que Tony Blair au nom de l'Angleterre soutienne ce projet de guerre...
Official Secrets tient autant du film d'espionnage à suspense, de l'enquête journalistique, que du thriller de conspiration politique tout en rendant hommage à une lanceuse d'alerte qui sera intimidée et poursuivie pour trahison. Cette femme à la fois héroïne et victime est incarnée par Keira Knightley, avec autour d'elle Ralph Fiennes, Matthew Goode, Adam Bakri, Matt Smith, Rhys Ifans... Autant le casting que la mise en scène est au service de cette intrigue qui débute comme une investigation -un peu comme la série State of play, qui déjà abordait cette question de l'Irak... - pour s'emballer ensuite vers une succession de conséquences imprévisibles. Chaque problématique (divulguer un document secret ? authentifier un document secret ? trouver la source ? menacer la source ? s'opposer au gouvernement ?...) donne l'occasion à Keira Knightley de briller dans cette histoire incroyable mais vraie, où les convictions et la paix ont motivé ses décisions.
Il fallait du cinéma bigger than life pour ouvrir ce 30e Dinard Film Festival. Rien de mieux qu'une histoire vraie, fil conducteur de cette édition. Pour Hussam Hindi, son directeur artistique au long de ces années, "le cinéma britannique est magnifique, il est nécessaire, c'est un cinéma qui regarde le monde".
Et, coïncidence de la programmation, le même jour, était présenté un regard sur le monde à travers une autre lanceuse d'alerte. Un autre film d'espionnage, Red Joan, réalisé par Trevor Nunn, qui porte sur les années 1930-1940. Si Official Secrets trouvait son enjeu juridique dans une loi concoctée sur mesure par Margaret Thatcher, Red Joan se place sous la loi des secrets d'état de 1920. Une brillante scientifique tombe amoureuse d'un jeune communiste juif, d'origine russe, mais avec un passeport allemand, à Cambridge. En travaillant sur la future bombe nucléaire, la jeune Joan a les moyens de transmettre des documents à l'URSS de Staline. C'est la catastrophe d'Hiroshima qui la conduit à partager les connaissances de son laboratoire, afin d'équilibrer la menace nucléaire entre les deux camps, et assurer une paix durable. Plus de 50 ans après, elle est arrêtée pour avoir violé 27 secrets d'Etat.
Toutes deux parfaites, Judi Dench et Sophie Cookson incarnent la véritable Joan Stanley, à deux époques différentes. Outre le récit maîtrisé et la belle image rappelant les films des années 1950, Red Joan séduit aussi par son aspect romanesque et les questions qu'il pose. Mais, avant tout, comme le dit le personnage, juger une époque passée avec un regard contemporain n'a aucun sens, si on sort les événements et les opinions de leurs contextes. Que ce soit 16 ans ou 75 ans plus tard, le cinéma rappelle justement que le passé peut trouver un écho dans le présent et que la trahison suprême c'est celle de mentir aux citoyens ou de les mettre en péril avec de mauvaises décisions.
Traîtresses ou pacifistes? Dès que la propagande des gouvernements, au détriment de la protection de leurs citoyens, est menacée par des comportements individuels, ceux-ci répliquent avec force et cherchent à discréditer ceux qui osent les défier. Dans les deux films, l'Etat se défausse, lâchement, après avoir mis toute sa puissance pour discréditer ces femmes patriotes.
C'est la 30ème édition, c'est-à-dire 30 ans de passion partagée pour "permettre à des films rares, originaux et indépendants de rencontrer les distributeurs et le public français". Des films, qui, d'ailleurs, ne sortent pas forcément dans les salles hexagonales.
On soufflera ces 30 candles in the wind en poursuivant cette mission de curiosité. Jean-Claude Mahé (maire de Dinard) l'explique ainsi: "Il y a 30 ans, Dinard devenait la vitrine du cinéma britannique. Le Dinard Film Festival a toujours eu à cœur de montrer les productions de l’industrie cinématographique britannique dans toute leur diversité : longs-métrages, courts-métrages, documentaires et séries, mais toujours remplies d’un fort esprit d’auto-dérision et d’humour." So british.
C'est aussi l'occasion de jeter d'un regard en arrière, sur quelques moments forts des éditions passées. Dinard a rendu hommage à des talents britanniques comme Hugh Hudson, Shane Meadows (de retour cette année comme président du jury des courts-métrages), Peter Mullan, John Hurt, Tom Courtenay, Toby Jones, Kate Dickie, Gary Lewis, Christopher Smith, Jim Broadbent, Bill Nighy...De Roger Moore à Hugh Grant en passant par Christopher Lee et Charlotte Rampling, les stars n'ont jamais manqué. Même si l'on rêve encore et toujours d'y croiser les grandes dames (Mirren, Smith, Dench, Redgrave...) ou quelques étoiles de la jeune génération (Radcliffe, Harrington, Madden, Tovey...). Tout comme on se ferait bien une rétrospective de vieux films anglais.
Cette année Dinard déroulera son tapis rouge au réalisateur Mike Leigh avec la projection de 4 films dont son dernier resté inédit en France, Peterloo, en compétition à Venise en 2018.
Les séances spéciales ont permis de découvrir autant de grands succès en avant-première, souvent récompensés quelques mois plus tard par un Bafta ou un Oscar, que de grandes réussites artistiques : The Descent de Neil Marshall, Reviens-moi de Joe Wright, Maintenant c'est ma vie de Kevin Macdonald, Hyena de Gerard Johnson, God Help the Girl de Stuart Murdoch, The Survivalist de Stephen Fingleton, 45 Years de Andrew Haigh, Detour de Christopher Smith, Adult Life Skills de Rachel Tunnard, Their Finest de Lone Scherfig, À l'heure des souvenirs de Ritesh Batra, The Limehouse Golemde Juan Carlos Medina, Scarborough de Barnaby Southcombe...
Dinard a aussi joué ici un rôle précurseur : en 1994, un certain Danny Boyle était primé pour Petits meurtres entre amis, en 1999 le premier film de Christopher Nolan Following était en compétition, en 2001 l'acteur Daniel Craig était membre du jury avant de devenir James Bond, en 2002, Paul Greengrass était consacré avec son Bloody Sunday, deux avant de se lancer dans l'aventure Jason Bourne, on découvrait Andrew Garfield dans Boy A en 2008. Les Hitchcock d'or ont primé autant de comédies que de drames sociaux, de comédie musicale que de films classiques ou des films de genre. Et parfois, avouons-le, on rageait de ne pas pouvoir les défendre pour une sortie française.
Avec les années, le Dinard Film Festival a proposé une sélection de plus en plus pointue en compétition pour le Hitchcock d'or, remis par un jury franco-britannique. Sandrine Bonnaire, dans Le Figaro d'aujourd'hui, présidente durant quatre jours promet de jouer la démocratie au sein de son jury. Dinard lui rappelle le tournage de La Cérémonie de Claude Chabrol. Mais surtout elle aime le cinéma britannique pour son audace, son inventivité, sa dérision et parfois son univers un peu noir.
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30e édition du Dinard Film Festival
Du 25 septembre au 29 septembre à Dinard
Informations et horaires sur le site de la manifestation
Pour sa 30e édition le Dinard Film Festival s'offre Mike Leigh - Palme d'or à Cannes et Lion d'or à Venise. Outre une rencontre avec le réalisateur, un hommage lui sera rendu et trois anciens films (Be Happy, Another Year, Mr Turner) seront diffusés. Mais c'est surtout la projection de son plus récent long métrage, Peterloo (Venise 2018), jamais distribué en France, qui fera l'événement du vendredi soir.
En ouverture, Dinard projettera Official Secrets de Gavin Hood (X-Men Origins: Wolverine), histoire vraie d'espionnage avec Keira Knightley, Matt Smith, Rhys Ifans et Ralph Fiennes. Hors compétition on pourra aussi voir Brighton de Stephen Cookson, Carmilla d'Emily Harris, Denmark d'Adrian Shergold, Fisherman's Friends de Chris Foggin, For Sama de Waad Al-Khateab & Edward Watts, présenté à Cannes, A Girl from Mogadishu de Mary McGuckian, Hope Gap de William Nicholson, avec Annette Bening et Bill Nighy, In Frabric de Peter Strickland, Postcards from the 48% de Daid Wilkinson, Red Joande Trevor Nunn, avec Judi Dench et Wait and Sea de Simon Coss et Antoine Tracou. Deux films de la compétition cannoise seront aussi projetés: Sorry We Missed You de Ken Loach et Little Joe de Jessica Hausner. Ainsi que le nouveau film de Ben Wheatley, Happy New Year, Colin Burstead.
Le jury de Sandrine Bonnaire - Sveva Alviti, Sami Bouajila, Michael Caton-Jones, Jane Horrocks, Raphaël Personnaz, Aurélie Saada, Danièle Thompson et Hames Watkins - aura a choisir pour le Hitchcock d'or parmi ces films en compétition:
Animals de Sophie Hyde (Sundance 2019)
Only You de Harry Wootliff (Festival de Londres 2018)
Cordelia d'Adrian Shergold
The Keeper de Marcus Rosenmüller (Berlin 2019)
The Last Tree de Shola Amoo (Sundance 2019)
VS. de Ed Lilly
Shane Meadows, Farah Abushwesha, Phénix Brossard et Diane Garbrysiak seront en charge de choisir parmi les 10 courts métrages de la sélection Short Cuts. Une séance jeune public présentera Zébulon le dragon tandis que la mini-série The Virtues, succès du dernier Série Mania, sera projeté pour la première fois dans son intégralité. Le réalisateur Shane Meadows en profitera pour aller à la rencontre des festivaliers. Trois rencontres, trois masterclasses (dont une sur David Bowie!), et une exposition ("Drôle de cinéma") complèteront le programme de cette édition anniversaire.
Un mois avant le lancement du 30e Dinard Film Festival, anciennement connu sous le nom de Festival du film britannique, on connaît la présidente du jury. Du 25 au 29 septembre, l'actrice, réalisatrice et scénariste Sandrine Bonnaire sera présidente.
Deux fois césarisée (Meilleur espoir pour A nos amours de Maurice Pialat, Meilleure actrice pour Sans toit ni loi d'Agnès Varda), cinq fois nommée aux Césars, prix d'interprétation à Venise pour La Cérémonie de Claude Chabrol ey Magritte d'honneur en 2018, Sandrine Bonnaire affiche l'une des plus belles filmographies du cinéma français: Claude Pinoteau, Jacques Doillon, André Téchiné, Claude Sautet, Patrice Leconte, Jacques Rivette, Régis Wargnier, Philippe Lioret, Jean-Pierre Améris, Claude Lelouch, Pierre Jolivet...
Elle a aussi tourné à l'étranger, notamment La Peste de Luis Puenzo, Dans la soirée de Francesca Archibugi, Confidences à un inconnu de Georges Bardawil et Never ever de Charles Finch.
Ces deux dernières années, on a pu la voir dans des drames sociaux comme Prendre le large de Gaël Morel et Une saison en France de Mahamat Saleh Haroun, ainsi que deux téléfilms, La loi de Marion (3,1 millions de téléspectateurs) et Ce soir-là et les jours d'après (2,1 millions de téléspectateurs). Elle sera à l'affiche le 18 septembre de Trois jours et une vie de Nicolas Boukhrief, adaptation du roman de Pierre Lemaître.
Si on doit synthétiser le pouls du cinéma britannique cette année à travers la sélection du seul festival qui lui est dédié en France, le Dinard Film Festival, on notera deux grandes tendances: des hommes brisés par le destin et des femmes fortes et combattantes.
Le film d'ouverture, Breathe, premier film d'Andy Serkis, a d'ailleurs parfaitement résumé cette synthèse avec un brillant jeune homme condamné à rester immobile à cause de la polio qui le foudroie en pleine ascension et son épouse qui est déterminée à le faire vivre le plus longtemps possible par tous les moyens. Le mari est impuissant, paralysé, tandis que l'épouse regorge de vitalité et de force. On se croyait dans Out of Africa, on bascule dans Mar Adentro.
Des mecs abimés, il y en a eu plusieurs, notamment en compétition. Rupert Everett a écrit un Oscar Wilde en pleine déchéance, entre sa sortie de prison et sa mort à Paris, dévasté par sa condamnation et la maladie. Au point que les spectateurs qui ignorent qui il étai n'apprendront rien de sa période de gloire et de son génie. The Happy Prince est un biopic où les désirs de la vie butent contre une forme de morbidité. Et les autres hommes qui l'entourent ne sont pas en meilleur état, se disputant une partie du grand homme au point de se détruire eux aussi.
Dans Winterlong, de David Jackson, c'est un adolescent abandonné par sa mère, qui est accueilli par un père qu'il ne connaissait pas et qui vit coupé du monde. Deux mâles paumés. Pour eux, il y a de l'espoir: des femmes dont ils tombent amoureux. Las, par un malencontreux accident, leur bonheur va être amoché: les hommes sont parfois bêtes (surtout quand ils sont amoureux).
L'amour est aussi au cœur de Old Boys de Toby MacDonald. L'histoire tourne autour d'un ado brillant, binoclard et maladroit et d'un leader costaud, macho et pas futé. Ce "Cyrano" dans un collège anglais, sous forme de comédie légère, montre toutes les difficultés d'un jeune mâle pour séduire une jeune femme, thème assez récurrent cette année.
Car les femmes, dans la compétition, sont finalement le moteur des diverses intrigues. Il n'y avait pourtant qu'un film sur six réalisé par une cinéaste (malheureusement le moins convaincant de la sélection).
Dans Jellyfish, de James Gardner, Hitchcock d'or et Hitchcock de la critique, les hommes sont faibles mais l'héroïne est une ado déterminée et débrouillarde, jouant le rôle de mère pour sa maman comme pour ses frère et sœur, capable de tout pour gagner de l'argent et ne pas se faire expulser de chez eux. La tonalité sociale à la Ken Loach, l'absurdité d'un système, la mise en scène sans faute de goût auraient suffit à en faire un très bon film. Mais le personnage (et l'actrice qui l'incarne, la jeune Liv Hill), peu charismatique au premier abord, s'avère d'une force exemplaire, joué avec un naturel bluffant.
Pin Cushion et Funny Cow mettent aussi des femmes au centre de l'histoire. Dans le premier, réalisé par Deborah Haywood, c'est une mère excentrique et une adolescente un peu simplette qui veut s'intégrer à une bande de filles, qui conduit à parler de harcèlement, et de rejet. Dans le second, réalisé par Adrian Shergold, on est dans l'Angleterre prolétaire mais c'est bien une femme humoriste qui cherche à faire rire, comme la jeune ado de Jellyfish: les blagues les plus "proches" sont les meilleures.
Et hors de la compétition, les tendances sont les mêmes. Dans The Bookshop, les femmes sont à la manœuvre, de deux classes sociales différentes, dans un village anglais. Les hommes sont soumis, effacés ou carrément à l'écart volontairement pour ne pas se mêler de leurs affaires. Bill Nighy interprète ainsi un "ermite" dévoreur de livres qu'on sent épuisé par les mesquineries de l'humanité.
Dans Men of Honor, avec son gros casting masculin (Sam Claflin, Paul Bettany, Toby Jones, c'est la guerre (celle de 14-18) qui anéantit le moral, le physique et finalement l'humain. Piégés dans leurs tranchées, ils sont littéralement cassés ou envoyés à l'abattoir. Dans Journeyman, Paddy Considine est un boxeur qui va faire le match de trop, s'effondrant sur le ring. Victime d'un grave traumatisme crânien, il a besoin de rééducation des membres et retrouver la mémoire. Les destinées sont aussi chaotiques pour les demi-frères de Eaten by Lions, le jeune Leon dont les espoirs s'amenuisent en grandissant dans Obey, le batteur bipolaire de The Dreamer and the Keeper... Les hommes ont bien du mal à canaliser leurs émotions ou à déclarer leur flamme (Lucid, Crooked House...).
Cet état des lieux reflète finalement une société où l'inégalité des sexes s'inverse. C'est d'autant plus intéressant, peu importe le genre de cinéma ou la forme du film, que les blockbusters américains sont très loin d'avoir été aussi loin, malgré un affichage contraire (ethnies, genres, femmes...) et que les films populaires européens continuent de véhiculer des clichés sexistes. Il n'y avait peut-être pas beaucoup de films réalisés par des femmes mais ce sont bien les femmes qui intéressent de plus en plus le cinéma anglais, cette année en tout cas.