Mahamat Saleh Haroun n’est plus ministre de la Culture au Tchad

Posté par vincy, le 9 février 2018

"Primé à Cannes, excellent cinéaste tchadien (L'homme qui crie, Une saison en France) Mahamat Saleh Haroun, vient d'être démis de ses fonctions de ministre de la culture. Il a doté la Bibliothèque nationale, créé un prix littéraire, voulu une école de cinéma. Quelqu'un de bien" a tweeté Gilles Jacob ce matin.

Le cinéaste a en effet donné sa démission, un an après avoir pris ses fonctions de ministre de la Culture et du Tourisme du Tchad. Un décret gouvernemental a officialisé ce départ. Il est remplacé par Djibert Younous, désormais ministre de la Jeunesse, des Sports, de la Culture et du Développement touristique.

Raisons personnelles

Dans un entretien à Jeune afrique, le cinéaste avait déclaré le 28 janvier: "Je ne vais pas laver la mémoire du Tchad, qui est tenace. Et si avec ce régime il y a quoi que ce soit de noir, ce n’est pas mon nom qui va le blanchir. Si le régime et ses dirigeants cherchent à améliorer leur image, cela prouve qu’ils ont pris conscience d’une certaine faiblesse et qu’ils sont dans une démarche constructive. Je fais un travail pour le Tchad et son milieu culturel, et quand, à un horizon pas si lointain, il faudra que je parte pour m’occuper de mes films, je partirai."

Et il est parti. Il "a été appelé à d’autres fonctions", selon un décret lu à la radio nationale, qui ne précise pas les raisons de son éviction. "Je n’ai ni été démis de mes fonctions de ministre de la Culture du Tchad ni limogé. J’ai démissionné pour raisons personnelles. J’ai présenté ma démission au Premier ministre le mardi 6 février à 9h30. Elle a été acceptée jeudi matin" précise-t-il.

Mahamat Saleh Haroun est l'auteur du documentaire Hissène Habré, une tragédie tchadienne, Une saison en France, actuellement à l'affiche en France, et L'homme qui crie, prix du jury au Festival de Cannes en 2010.

Sandrine Bonnaire chez Mahamat-Saleh Haroun

Posté par vincy, le 16 août 2016

Le réalisateur de L'homme qui crie (Prix du jury à Cannes 2010) et de Gris Gris (en compétition à Cannes 2013) Mahamat-Saleh Haroun a enrôlé Sandrine Bonnaire pour son prochain film, Une saison en France.

Le cinéaste tchadien va s'intéresser à un immigrant Centrafricain, Abbas, venu en France de Centrafrique, et qui est contraint une nouvelle fois à s’exiler. Professeur de collège et veuf ayant fui la guerre dans son pays avec ses deux enfants, il demande l'asile politique. Malheureusement, sa demande est rejetée et il doit quitter la France, avec ses gamins. Mais Carole, une femme française, tombe amoureuse de lui et lui propose de le loger.

Abbas sera incarné par Eriq Ebouaney (dont la filmographie va de Park Chan-wook à Fabrice Eboué, de Brian de Palma à Jean Becker en passant par Ridley Scott et Claire Denis) . C’est le premier long métrage du réalisateur tchadien qui sera tourné en France (cet automne).

"J’ai essayé de saisir la complexité des situations à travers les trajectoires de différents personnages qui n’ont pas eu d’autre choix que de fuir leur pays. Quel est le destin de ces hommes et femmes jetés sur les routes de l’exil ? Telle est la question qui court tout au long du film" explique le réalisateur pour décrire son film.

Le cinéaste a présenté hors-compétition à Cannes cette année le documentaire Hissein Habré, une tragédie tchadienne.

Les deux jurys du 71e Festival de Venise

Posté par vincy, le 25 juillet 2014

On savait déjà qu'Alexandre Desplat présiderait le jury de la compétition (lire notre actualité) et qu'Ann Hui serait en charge de celui d'Orizzonti. mais on ne connaissait pas encore les autres membres du jury.

C'est chose faite.

Pour décerner le Lion d'or et les autres prix de la compétition, le compositeur de musique de film français sera entouré de l'actrice chinoise Joan Chen, du réalisateur allemand Philip Groning, de la réalisatrice autrichienne Jessica Hausner, du romancier indien Jhumpa Lahiri, de al costumière britannique Sandy Powell, du comédien et réalisateur britannique Tim Roth, du réalisateur palestinien Elia Suleiman et de l'acteur et réalisateur italien Carlo Verdone.

Pour la sélection Orizzonti, la cinéaste hong-kongaise Ann Hui sera accompagne de l'actrice israélienne Moran Atias, de l'actrice et réalisatrice suédoise Pernilla August, du réalisateur et scénariste américain David Chase, du réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun, du réalisateur italien Roberto Minervini et du critique turc Alin Tasciyan.

On ajoutera le jury pour le prix du meilleur premier film, le prix Luigi de Laurentiis, qui sera jugé par la cinéaste italienne Alice Rohrwacher (récent Grand prix du jury à Cannes), la réalisatrice argentine Lisandro Alonson, le réalisateur canadien Ron Mann, la réalisatrice et productrice chinoise Vivian Qu et le scénariste et réalisateur roumain Razvan Radulesci.

Le Festival se déroulera du 27 août au 6 septembre.

Les films en sélection
Compétition
Hors-compétition
Orizzonti

Cannes 2013 : Lettre à Jafar Panahi – Jour 8

Posté par MpM, le 22 mai 2013

grigrisCher Jafar,

Je sais comme cela te tient à cœur que chacun puisse tourner librement les films qu'il souhaite et les montrer le plus largement possible. Sur le sujet, tu aurais sûrement beaucoup d'idées à échanger avec Mahamat-Saleh Haroun, présent en compétition à Cannes avec son film Grigris.

Le cinéaste tchadien se bat contre l'invisibilité du cinéma africain en Afrique comme dans le reste du monde. "Je pense que c'est important que l'Afrique soit présente à Cannes" a-t-il déclaré lors de la conférence de presse de Grigris. "Et il faut que l'on se batte pour faire des films importants, qui soient présents dans les grands rendez-vous cinématographiques. Le cinéma a besoin d'Afrique, et l'Afrique a besoin de ces rendez-vous importants comme Cannes. Il faut que notre présence soit vraiment banalisée."

Il a également lancé un appel aux réalisateurs africains eux-même, les invitant à prendre les choses en mains : "Il n'y a pas de circuits de distribution, il n'y a pas de visibilité dans notre propre continent. Donc il revient à chaque cinéaste africain digne de ce nom de donner une visibilité à l'Afrique, en étant dans un grand rendez-vous cinématographique (...) On ne peut pas en permanence invoquer l'absence de financements, parce qu'à un moment, il arrive aussi que peut-être les cinéastes peuvent avoir une part de responsabilité. Je me dis que le coup de tête, il faut aussi pouvoir le donner soi-même, avant de dire qu'il faut qu'en permanence quelqu'un puisse nous donner un coup de pouce".

Un discours courageux et volontaire, qui te parle, j'en suis sûre, toi qui arrives à faire des films même quand on te l'interdit, même en étant assigné à résidence. Car le cinéma c'est aussi cela, un droit que l'on s'arroge coûte que coûte, un besoin insidieux, une nécessité qui se situe au-delà des autorisations et des questions matérielles. Filmer pour exister et surtout filmer pour ne pas mourir.

Locarno complète ses jurys avec Roger Avery, Im Sang-soo, Noémie Lvovsky…

Posté par vincy, le 28 juin 2012

Pour le prochain Festival de Locarno (1er-11 août), on connaissait les Présidents des jurys (voir article du 10 mai), mais pas ceux qui l'entouraient.

Pour la Compétition internationale, Apichatpong Weerasethakul, le président aura comme membres le scénariste, producteur et réalisateur américain Roger Avery (Pulp Fiction, Les lois de l’attraction), le réalisateur sud-coréen Sang-soo Im (Une femme coréenne, The Housemaid, The Taste of Money qui était en compétition à Cannes cette année), la réalisatrice, scénariste et actrice française Noémie Lvovsky (La vie ne me fait pas peur, Leopard d’Argent « Jeune cinéma » à Locarno en 1999, Camille redouble, sensation de la dernière Quinzaine des réalisateurs, Les adieux à la reine) et le curateur et écrivain suisse basé à Londres Hans Ulrich Obrist (codirecteur de la Serpentine Gallery de Londres depuis 2006).

Pour la Compétition Cinéastes du présent présidée par Mahamat Saleh Haroun, on retrouvera l’actrice portugaise Ana Moreira (Transe , Tabu ), le réalisateur américain Alex Ross Perry (Impolex, The Color Wheel, présenté dans cette même sélection en 2011), le producteur suisse d’ARTE Luciano Rigolini (Love And Diane, Léopard d’Or de la Compétition vidéo en 2002, Tarachime , présenté dans cette sélection en 2006, Mekong Hotel d’Apichatpong Weerasethakul, projeté à Cannes hors-compétition cette année) et le réalisateur malaisien Yuhang Ho (At the End of Daybreak, en compétition à Locarno en 2009, Open Verdict).

La section Léopards de demain, consacrée aux courts métrages de réalisateurs n’ayant pas encore tourné de longs métrages, sera présidée par le scénariste et réalisateur anglais Mark Peploe (Profession : reporter, Le dernier empereur ), qui sera aux côtés du réalisateur français Laurent Achard (Le dernier des fous, Léopard de la meilleure mise en scène en 2006, Dernière séance, en compétition à Locarno en 2011), de l’acteur et réalisateur suisse Robin Harsch (Un autre homme de Lionel Baier, en compétition à Locarno en 2008), de la réalisatrice et programmatrice suisse Isabelle Mayor (La Ménagerie de Betty, 100% Yssam) et du réalisateur brésilien Kleber Mendonça Filho (Green Vinyl, Eletrodoméstica, Neighbouring Sounds).

Enfin, pour le prix du meilleur premier film (choisit parmi les oeuvres de la Compétition internationale, la Compétition Cinéastes du présent et les films projetés sur la Piazza Grande), la responsaibilité incombera aux deux critiques de cinéma Dennis Lim (The New York Times, Moving Image Source, Artforum, États-Unis) et Boris Nelepo (Séance, Russie) et à la programmatrice cinéma Abi Sakamoto (Japon).

Cannes 2012 : des projets avec Scott-Thomas, Roth, Chomet, Kidman …

Posté par vincy, le 18 mai 2012

- Philippe Claudel va retrouver Kristin Scott-Thomas, la star de son premier long métrage, Il y a longtemps que je t'aime (2008). Pour son prochain film, Avant l'hiver, le réalisateur de Tous les soleils,  a aussi enrôlé Daniel Auteuil et Leila Bekhti.

- Tim Roth rejoint Jean Dujardin et Cécile de France pour le prochain film d'Eric Rochant, Mobius, un thriller d'espionnage. Roth, actuel Président du jury d'Un certain regard, interprétera un oligarche russe suspecté d'avoir blanchi de l'argent.

- Sylvain Chomet (Les triplettes de Belleville, L'illusionniste) collaborera de nouveau avec Les Armateurs, après sa parenthèse chez Pathé, pour son prochain film d'animation, en finalisation d'écriture. Swing Popa Swing est le prequel des Triplettes de Belleville et reviendra sur l'enfance du trio.

- Gabriel Lucien-Laferrière change de genre. Après Neuilly Sa Mère, le réalisateur adaptera le roman de Laurent Bénégui, SMS. Le tournage débutera en mars 2013 sous la houlette des productions du Trésor. Le livre est un thriller où un homme se fait voler son smartphone. De là, son enfant disparaît, sa femme le quitte, la parano l'emporte, et il ne va pouvoir compter que sur une ex-amie travaillant pour une compagnie de télécom.

- Ce sera finalement Nicole Kidman qui incarnera Grace Kelly dans Grace de Monaco, le biopic écrit par Arash Amel et réalisé par Olivier Dahan (La Môme). Le film se concentrera sur l'année 1962 quand, Princesse depuis 6 ans, Alfred Hitchcock la sollicite de nouveau pour un film.

- Mahamat-Saleh Haroun, à qui l'on doit Un homme qui crie, prix du jury à Cannes en 2010, s'apprête à reprendre les chemins des plateaux pour Grigris. Le tournage est programmé au Tchad cet automne.

Paysages de La Rochelle

Posté par Martin, le 11 juillet 2011

la rochelleLe Festival International du Film de La Rochelle a fait cette année la part belle aux paysages, de David Lean aux films de Mahamat-Saleh Haroun en passant par quelques inédits qui sortiront prochainement : l’occasion de retraverser le festival sous la forme de cartes postales prenant le pouls de territoires les plus divers.

Paysage I : le fleuve d’Eternity

Eternity est le premier film d’un émule d’Apichatpong Weerasethakul. Mêmes eaux étranges du fantastique métaphorique, même imaginaire mythologique, même sens du récit mystérieux, mêmes personnages corps flottants… Pourtant, Sivaroj Kongsakul a déjà un style à lui, un je-ne-sais-quoi d’un peu à part. Ses plans séquences larges durent jusqu’à la fascination. Que s’y passe-t-il exactement ? Justement pas grand chose et beaucoup à la fois : un oiseau qui s’envole, une barque qui dérive, un rayon de soleil qui joue entre les feuilles, et peut-être même un mort qui réapparaît fugacement. La force esthétique du film rive le spectateur à cet espace indécidable, entre la vie et la mort. Quand des personnages entrent en jeu – et s’aiment ô combien passionnément – nul besoin de grande déclaration : c’est encore une image qui donne à voir, à sentir les émotions. Deux mains glissent hors des moustiquaires blanches pour se saisir dans la nuit. Plus tard, la douleur ne sera pas dite bien différemment : un plan large de la femme visage baissé suffit à nous faire comprendre son deuil. Peu importe ici si l’histoire est un flashback ou un flash-forward : le temps n’existe pas. Ce que montre le film, c’est un bonheur à jamais figé dans l’instant. Au bord de ce fleuve entre deux jeunes gens qui s’aiment, il y a, comme le clame le titre, l’éternité. Le reste, hors de l’amour, hors du paysage, n’est que ville bruyante et grise – un aller simple vers l’oubli.

Paysage II : les rêves de désert des personnages d’Haroun et de Lawrence d’Arabie
Qu’y a-t-il de commun entre le cinéma du réalisateur tchadien d’Un homme qui crie (2010) et celui de l’anglais David Lean ? Tous les deux ont filmé le désert comme un espace de rêve et de conquête digne des road-movies américains mais avec la dimension visuelle propre au désert : l’infini. Chez Mahamat-Saleh Haroun, les deux frères d’Abouna (2002) contemplent le désert en attendant le retour du père. C’est une ligne infranchissable dans un sens comme dans l’autre. L’un meurt de cette attente (il n’a plus de souffle). L’autre retourne s’occuper de sa mère qui a définitivement sombré dans la folie. Leur père ne sera que rêvé à travers une image de cinéma, un mirage peut-être – une nuque. Ce père pourrait bien être le personnage principal du court-métrage Expectations (2008). Ce qu’il cherche, c’est à atteindre un ailleurs. Mais à l’inverse du père d’Abouna, toujours le désert le renvoie à son village, et de plus en plus endetté. L’infini le rejette et il en devient fou, vidé, amorphe comme d’avoir vu la mort en face. Mais que s’est-il passé exactement dans le désert ?
De même, le Lawrence de David Lean vit une expérience de ses propres limites mentales en même temps que celles du territoire. Lawrence d’Arabie (1962) débute sur une route, la seule vraie route goudronnée de ces presque quatre heures de film : Lawrence meurt dans un accident, puis une image du désert soudain appelle la musique de Maurice Jarre. Le désert, c’est le lyrisme et la folie pure de l’homme, une ligne entre le sable et le ciel. Il agit sur le personnage comme un appel de vie et de mort – le paysage est toujours dialectique, à la fois l’un et l’autre. Il donne en effet la vie au guerrier qui le traverse lors d’un champ contrechamp entre le soleil qui brûle l’image et le personnage silhouette minuscule dans l’immensité. Mais le désert apprend aussi à Lawrence le plaisir de tuer. Il se mire dans le désert au point de revenir tremblant à la civilisation, comme un alcoolique en fin de course. Un personnage ne lui dit-il pas qu’il a l’air beaucoup plus vieux que ses 27 ans ? Qu’a-t-il vécu dans le désert si ce n’est la conscience de la vacuité, la sienne et celle des projets politiques qu’il a cru défendre ?

Paysage III : la mer en colère de La Fille de Ryan
La Fille de Ryan (1970) fait partie des films fleuves de Lean qui avait besoin de durée moins pour développer des sagas romanesques que pour dessiner des portraits cosmogoniques. Dans un petit village irlandais au bord de falaises en 1916, Rosy se marie avec un instituteur plus âgé et peu porté par le désir (Robert Mitchum, tout de même). Elle découvre le plaisir avec un major anglais, un ennemi donc. Mais quel plaisir ! Ce ne sont pas deux corps qui s’unissent mais la nature entière qui jouit : un rayon de soleil traverse les branchages au moment de l’orgasme, un torrent afflue, le fil d’une araignée brille de mille feux. Il y a du Hemingway, qui décrit l’amour physique entre deux êtres faits l’un pour l’autre comme un tremblement de terre, dans cette scène. Plus tard, la mer rejette les armes et la dynamite qu’attendent les Irlandais. Les vagues dans un nouvel élan orgasmique rejettent corps et ferraille dans une scène stupéfiante. Mais le plaisir est de courte durée et les Anglais reprennent le précieux butin porté par l’écume. Cette scène annonce pourtant l’autre mouvement de masse du film : les Irlandais se vengent de l’infidèle Rosy en la lynchant, déchiquetant ses vêtements et cheveux dans une marée humaine. Ils font partie du paysage : aussi durs et solides que les rocs qui reçoivent les ressacs, ils survivent, rejetant les personnages les plus doux... Rosy et son mari, si compréhensif, s’éloignent dans un dernier adieu sur les falaises où seuls sont venus les accompagner le prêtre et l’idiot du village. Les plans larges ici n’ont rien de décoratif ; ils sont l’âme même du film. Les paysages agissent comme le seul témoin véritable. N’est-ce pas grâce aux traces de pas dans le sable que l’instituteur comprend l’infidélité de sa femme ? Ces mêmes pas qui au début du film mènent Rosy jusqu’à lui… Mais les traces s’effacent et la nature impériale reprend ses droits sur ce petit panier de crabes.

Paysage IV : nature humaine, selon Luis Buñuel
La rétrospective consacrée au scénariste Jean-Claude Carrière permettait de se replonger dans quelques grands films de Buñuel. Dans Le Journal d’une femme de chambre (1963), le réalisateur et son scénariste adaptent le roman de Mirbeau comme Renoir quelques années plus tôt, mais pour en faire un film radicalement différent. Là où Jean Renoir filmait une lutte des classes avec une (fausse) légèreté à la Marivaux, Buñuel dénonce l’horreur de l’âme humaine avec une frontalité inégalable. Autant dire que l’humour – tant qu’il y en a – est jaune. Les paysages filmés comme des tableaux hivernaux n’ont rien d’accueillant. Dans la forêt, une petite fille est violée. Il suffit d’un plan elliptique à Buñuel pour dire l’horreur : deux escargots glissent sur une cuisse ensanglantée. Image choc qui dépasse le fait divers pour dresser un portrait de la France glaçant et moderne (on manifeste contre les métèques et le violeur s’enrichit impunément). Le dernier plan du film est d’ailleurs le seul plan de ciel du film : un éclair éclate dans la nuit comme un avertissement de Dieu – ou de ce qu’il en reste. Plus léger, Le Fantôme de la liberté (1974) dénonce les codes bourgeois. La bonne maison française devient le lieu de toutes les perversions, mais des perversions mises en scène, donc acceptables : un couple SM croise des moines joueurs et un neveu amoureux de sa tante dans l’espace étrange d’un hôtel de route. Ici quand la nature intervient, elle est domestiquée : tout commence dans un parc. Pourtant, la dernière image comme une ultime ironie de Buñuel est celle d’un étrange oiseau, un émeu qui regarde la caméra. Ce regard de l’animal au spectateur est le dernier appel du cinéaste qui plus que tout autre aura révélé l’animalité de l’homme. De quoi donner envie de fuir, là-bas fuir…

De là à retourner dans le désert avec Lawrence ou sur le fleuve thaïlandais d’Eternity, il n’y a qu’un pas : c’est loin du monde des hommes, dans la pure contemplation du paysage que le bonheur, seul, peut un instant perdurer.

Les 39 marches du Festival International du Film de La Rochelle

Posté par vincy, le 1 juillet 2011

Le 39e Festival International du Film de La Rochelle s'ouvre aujourd'hui et se terminera le 10 juillet. L'un des plus importants festivals de cinéma en France va ainsi occuper 14 écrans (deux de plus que l'an denier) pour présenter 250 films (courts et longs métrages). En 2010, la manifestation avait attiré plus de 78 000 spectateurs.

Cette année La Rochelle met l'imagination au pouvoir. Du muet à l'animé, du docu mexicain au cinéma québécois ou tchadien, de David Lean à Bertrand Bonello.

Une rétrospective quasi complète de Buster Keaton, 13 longs métrage (dont Le mécano de la générale), un documentaire et 16 courts métrages, permettra de redécouvrir le génie visuel et l'humour généreux du plus humaniste des acteurs burlesques.

Autre grande rétrospective, celle de David Lean, à qui l'on doit des fresques magistrales comme Le pont de la rivière Kwai, Lawrence d'Arabie, Docteur Jivago ou encore La Fille de Ryan. Ses 16 longs métrages révéleront une oeuvre plus riche, plus variée que celle qui a (parfois) été décriée par le snobisme français. Carlotta réédite en DVD ses six premiers films (1942-1948) par la même occasion.

La Rochelle rendra aussi hommage à Bertrand Bonello, cinéaste du huis-clos et de l'enfermement, des univers communautaires et des corps abîmés. Réalisateur rock, Bonnello présentera en avant-première L'Apollonide, en compétition officielle au dernier festival de Cannes. Tous ses films, depuis 1996, seront projetés. Une rencontre avec le public aura lieu le 5 juillet.

Autre hommage, celui à Jean-Claude Carrière (voir notre interview, homme des mots et d'esprit. Ce polyvalent de l'écriture, précis et érudit, sera la grande vedette du premier week-end, avec une rencontre en compagnie de Jean-Paul Rappeneau (avec qui il a écrit le majestueux Cyrano de Bergerac) et Michel Piccoli (qui a joué dans Belle de Jour). Ce sera aussi l'opportunité de découvrir Le Soupirant de Pierre Etaix, La Pince à ongles, son seul film en tant que réalisateur, de revoir Le Voleur, les Bunuel, Le Tambour ou Birth. Un documentaire de Danielle Jaeggi accompagnera l'ensemble de cette sélection qui fera voyager de la France de Danton au Mahabharata. Une exposition, comprenant ses dessins, illustrera cette fascination pour l'évasion et le monde.

Autres hommages, plus singuliers : Denis Côté, réalisateur québécois qui viendra présenté Curling en avant-première. Ce film multiprimé (notamment à Locarno avec deux Léopards) sortira en France cet automne chez Capricci Films. Mahamat-Saleh Haroun, primé à Cannes l'an dernier avec Un homme qui crie, viendra présenter l'ensemble de sa filmographie. Et Koji Yamamura, maître du cinéma d'animation japonais, préférant l'expérimentation et l'indépendance au formatage industriel.

La Rochelle offrira aussi aux spectateur le Nouveau documentaire Mexicain dans le cadre de sa section Découverte et une Leçon de musique autour de Maurice Jarre.

Et enfin, quelques soirées exceptionnelles, avec Habemus Papam en ouverture, Les Bien-aimés en présence de Christophe Honoré, une nuit blanche le samedi 9 juillet et Le sauvage (avec Deneuve et Montand) en séance en plein air, complètent les événements du Festival.

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Site internet du festival

Cannes 2011 : tous les cinémas en un seul jury pour la compétition

Posté par vincy, le 19 avril 2011

Jude Law, Uma Thurman, Olivier Assayas, Mahamat Saleh Haroun, Johnny To, Martina Gusman, Nansun Shi et Linn Ullmann entoureront Robert de Niro pour former le jury de la Compétition officielle du 64e Festival de Cannes.

C'est résolument un jury très glamour, et, comparé à l'an dernier, beaucoup plus féminin. Avec tous les continents représentés (si l'on excepte l'Océanie), c'est aussi un jury cosmopolite.

Jude Law est venu récemment pour un film en compétition (My blueberry nights de Wong Kar-wai en 2007) et un film hors compétition (The imaginarium of Docteur Parnassus de Terry Gilliam en 2009). Il est aussi l'égérie de la marque de luxe Dior. L'Oréal va apprécier.

Uma Thurman est plutôt Givenchy et Alfa Roméo. Elle ne s'appellera pas Giuletta sur la Croisette car le monopole est réservé à Renault (elle aura au moins l'excuse de ne pas connaître ses chansons). Grande habituée de la Croisette, elle est venue pour Mad Dog and Glory (avec Robert De Niro, tiens tiens) en 1993, puis en 1994 pour Pulp Fiction, en 2000 pour La coupe d'or et Vatel, et en 2004 pour Kill Bill volume 2.

Olivier Assayas a défrayé la chronique cannoise l'an dernier avec son Carlos, pas sélectionné puis choisi hors-compétition, avant de glaner des prix dans le monde entier. Il fut membre du jury des courts métrages en 2008 et a présenté son premier film à Cannes en 1983 (Laisse inachevé à Tokyo). On l'a revu comme réalisateur avec L'eau froide, Irma Vep, Les destinées sentimentales, Demonlover, Clean, Boarding Gate et un segment de Paris je t'aime. Il est aussi venu comme scénariste de deux films d'André Téchiné (Rendez-vous et Le lieu du crime).

Le tchadien Mahamat Saleh Haroun a marqué les esprits l'an dernier avec Un homme qui crie, prix du jury. Le chinois Johnnie To est un fidèle des années 2000 avec deux films en compétition (Election, Vengeance) et trois hors compétition (Breaking News, Election 2, Triangle).

Martina Gusman, actrice ET productrice, en plus d'être la muse et la compagne de Pablo Trapero, a frôlé le prix d'interprétation en 2008 avec Leonera et a séduit l'an dernier avec son rôle d'infirmière idéaliste dans Carancho.

Autre productrice, et autre venue de Hong Kong, Nansun Shi, née Shi Nan-sun est la femme d'un autre grand cinéaste, Tsui Hark, dont elle a produit le film Detective Dee, demain en salles. On lui doit des films comme Once upon a time in China. Elle est associée et cofondatrice de la société de production de Tsui Hark, Film Workshop. Elle a trente ans de métiers et a contribué à l'émergence du cinéma de Hong Kong aujourd'hui célébré dans tous les festivals.

Finissons avec Linn Ullmann, norvégienne, fille de Ingmar Bergman, Palme des Palmes en 1997, et de Liv Ullmann, ex Présidente de jury cannois. Journaliste, critique littéraire, elle est aussi écrivaine. Actes Sud a publié en septembre dernier Je suis un ange venu du nord, son quatrième roman, après Miséricorde, Vertiges et Avant que tu ne t'endormes (tous trois chez Plon).

Cannes 2010 : Qui est Mahamat Saleh Haroun

Posté par MpM, le 16 mai 2010

mahamat saleh harounLorsque Thierry Frémeaux a annoncé la première sélection en compétition officielle d'un film tchadien, tout le monde s'est félicité de ce retour de l'Afrique noire dans la course pour la Palme d'or, faisant de Mahamat Saleh Haroun, 49 ans, le représentant de tout un continent. Au-delà du symbole, la présence du réalisateur sur la Croisette ne devrait pourtant pas être une telle surprise, dans la mesure où ce n'est pas sa première visite. En 2002, son deuxième long métrage Abouna (notre père) a en effet fait les honneurs d'une sélection à la Quinzaine des Réalisateurs.

Joli parcours pour cet ancien étudiant du Conservatoire Libre du Cinéma Français, arrivé en France en 1982, et qui a mené de front une carrière de journaliste (en presse régionale puis pour une radio locale) et de cinéaste, réalisant son premier court métrage Maral Tanie en 1994.

Cinq ans plus tard, il passe au long avec Bye bye Africa et remporte deux récompenses au Festival de Venise, dont le prix de la meilleure première oeuvre. Après son passage à Cannes, Abouna reçoit le prix de la meilleure image au Fespaco. En 2007, Daratt saison sèche, son long métrage suivant, est lui aussi couronné du prix de la meilleure image ainsi que de l'étalon de bronze de Yennenga. Il emporte cinq prix lors de sélection à Venise, dont le Grand prix du jury.  Son cinéma actuel et très engagé trouve son public.

Le voilà donc de retour sur le tapis rouge avec un film dont le titre original est aussi poétique que sybillin : Un homme qui crie n'est pas un ours qui danse. Tout un programme, d'autant que Mahamat Saleh Haroun n'a rien à perdre. Sans pression commerciale ni enjeux financiers colossaux, pour lui, Cannes ne peut qu'être une bonne surprise.