Focus sur un cinéma espagnol audacieux et singulier avec le 7e Festival Différent

Posté par MpM, le 18 juin 2014

different 2014Tout au long de l'année, l'association Espagnolas en Paris met à l'honneur le cinéma espagnol en proposant des films inédits ou en avant-première et des rencontres entre le public et les professionnels. Depuis 2008, le festival Différent ! permet de compléter cette programmation au long cours par une véritable fête du cinéma ibérique qui fait la part belle aux films indépendants, singuliers et tout simplement "différents".

Au programme, 16 films (longs et courts métrages, fictions, documentaires) réunis pour la première fois en un lieu unique, le très beau cinéma Louxor, mais aussi un hommage (à l'acteur catalan Eduard Fernández), une exposition (Fronteras, qui réunit des photographies d'Alain Coiffier et des poèmes en prose d'Inès Montés), deux rendez-vous professionnels et la venue de 26 invités au total.

C'est l'excellent documentaire Con la pata quebrada de Diego Galan qui ouvre le bal dès ce soir à 19h. Ce film de montage explore le cinéma espagnol des années 30 à nos jours pour en tirer une réflexion passionnante sur  l'évolution de la place de la femme dans la société espagnole au cours du XXe siècle. Il sera précédé d'un extrait présenté en avant-première mondiale du film collectif Yo decido / El tren de la libertad dans lequel une soixantaine de cinéastes espagnoles s'expriment autour du mouvement de protestation contre la reforme restrictive de la loi sur l'avortement. Suivra ensuite La herida de Fernando Franco, récompensé à San Sebastian et Cinespana en 2013, et qui a valu un Goya de la meilleure actrice à Marian Álvarez.

Une première soirée extrêmement riche, à l'image du reste du festival, qui présentera notamment Canibal de Manuel Martín Cuenca, également récompensé à San Sebastian, En ningún lugar, Don Luis Buñuel de Laurence Garret, le regard très personnel et poétique d’une jeune cinéaste française sur Luis Bunuel et son imaginaire, ou encore Hermosa juventud de Jaime Rosales, sélectionné dans la section Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes.

La convivialité sera également au rendez-vous avec des dégustations de produits espagnols, des rencontres avec les différentes équipes de films et une soirée spéciale "Fête de la musique" le 21 juin.

Dans un paysage européen morose où le cinéma espagnol s'est imposé ces dernières années comme l'un des plus singuliers et audacieux, en perpétuelle évolution, il est donc chaudement recommandé aux cinéphiles et aux curieux de profiter de cette nouvelle édition de Différent ! pour faire le plein d'un autre cinéma, comme une salutaire bouffée d'oxygène cinématographique.

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Différent !
Du 18 au 24 juin 2014
Cinéma Le Louxor
170 Boulevard de Magenta
75010 Paris

Informations et programme sur le site de la manifestation

Cinespana 2013 : trois prix pour Los Ilusos de Jonás Trueba

Posté par MpM, le 7 octobre 2013

los ilusosLa 18e édition de Cinespana s'est achevée par le sacre de Los ilusos de Jonás Trueba, récompensé à la fois de la Violette d'or du meilleur film, du prix d'interprétation masculine (Francesco Carril) et de la meilleure musique (Abel Hernández).

Ce deuxième long métrage du fils de Fernando Trueba (L'artiste et son modèle) est un film expérimental qui parle, avec poésie et liberté, du désir de cinéma, thème récurrent de la compétition 2013.

Trois autres films se partagent les autres prix : la heridaFrontera de Manuel Pérez (un huis clos dans une prison, quimêle détenus et acteurs professionnels) est distingué pour sa photographie, La plaga de Neus Ballús (documentaire sur différents individus confrontés à la crise sociale) pour son scénario et La Herida de Fernando Franco (sur une femme souffrant d'un trouble de la personnalité borderline) vaut un second prix d'interprétation à Marian Álvarez après celui remporté à San Sebastian en septembre dernier.

otelloA noter enfin que le public a récompensé El Cuerpo de Oriol Paulo (le nouveau polar des producteurs de l'Orphelinat Juan Antonio Bayona) tandis que Otel.lo de Hammudi Al-Rahmoun Font (mise en abyme du tournage d'une adaptation décomplexée d'Othello) recevait le prix du meilleur premier film et Dime quien era sanchicorrota de Jorge Tur Molto (portrait en creux d'un bandit-héros du sud-est de la Navarre qui volait aux riches pour donner aux pauvres) celui du meilleur documentaire.

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Le palmarès complet

Violette d'or
Los ilusos de Jonás Trueba

Meilleure interprétation féminine
Marian Álvarez pour La Herida de Fernando Franco

Meilleure interprétation masculine
Francesco Carril pour Los ilusos de Jonás Trueba

Meilleure photographie
Oriol Bosch Vázquez, pour Frontera de Manuel Pérez

Meilleur scénario
Neus Ballús et Pau Subirós pour La plaga de Neus Ballús

Meilleure musique
Abel Hernández, pour Los ilusos de Jonás Trueba

Prix du public
El Cuerpo de Oriol Paulo

Meilleur premier film
Otel.lo de Hammudi Al-Rahmoun Font

Meilleur documentaire
Dime quien era sanchicorrota de Jorge Tur Molto

Prix du meilleur court métrage
Eskiper de Pedro Collantes
Mention spéciale à
Bendito machine IV de Jossie Malis

Cinespana 2013 : retour sur la compétition

Posté par redaction, le 4 octobre 2013

cinespana 2013Le Festival du Cinéma espagnol Cinespaña, dont la 18e édition se déroule à Toulouse jusqu'au 6 octobre, est nécessaire pour se rendre compte qu’il n’existe pas qu’un seul réalisateur en Espagne, l'incontournable Pedro Almodovar, connu de tous !

Au contraire, nous pouvons découvrir et apprécier toute une diversité de propositions artistiques, de long-métrages, premiers films, documentaires, courts-métrages, tous inscrits dans le cadre de la programmation du festival.

Patrick Bernabé, le vice-président et programmateur de Cinespaña, expliquait récemment que la sélection pour la compétition officielle est centrée sur le cinéma d’auteur et se fait selon plusieurs critères parmi lesquels prime avant tout la qualité du film dans son ensemble : qualité du scénario, critère d’originalité du film,  de sa proposition artistique, jeu des acteurs, etc.

Cette programmation très réussie pour sa 18e édition se caractérise effectivement par la qualité et la diversité.

los ilusosLos Ilusos de Jonas Trueba est un film expérimental, film dans et pour le film, métacinema ou cinéma qui se regarde et s’observe pour mieux trouver sa place. En même temps, il s’agit d’un film simple, qui s’écarte d’une narration cinématographique classique ; telle une recompilation de fragments de tâtonnements et possibilités.

Filmé en noir et blanc, avec une esthétique proche de la nouvelle vague, c'est un film poétique qui rend hommage au cinéma. Jonas Trueba, fils du grand réalisateur Fernando Trueba, a baigné dans le cinéma depuis son enfance et connaît son sujet. Il déclarait lors de l’interview qu’il nous a accordée que le film est construit sur trois axes fondamentaux : les amis, le besoin de continuer à travailler dans sa propre ville, Madrid, et l’appétit, le besoin ou la nécessité vitale de filmer. D’une grande originalité et d’une poésie rare, il s’agit d’une belle proposition de ce réalisateur talentueux.

Toujours axé sur le processus de création, ilusion l’expression de liberté en quête de reconnaissance de la place de l’artiste dans la société actuelle, Ilusión de Daniel Castro est une comédie à la fois drôle et intelligente. Daniel, le personnage principal du film, interprété par le réalisateur, est un scénariste qui cherche désespérément à vendre à un producteur son projet de comédie musicale ayant pour toile de fond la période de transition en Espagne [Nom donné à la période politique initiée en 1977, chargée d’assurer un rétablissement démocratique après la dictature de Franco].

Avec cette proposition loufoque et innocente à la fois de vouloir vendre une comédie musicale politique, le personnage principal nous livre toute une série de moments intimistes allant de simulation de remise de prix, possible préparation d’interview pour le Figaro et coups de gueule teintés d’humour à l’encontre de Haneke, réalisateur jugé trop « pessimiste ». Un film qui vaut vraiment le détour !

la fronteraLa Frontera de Manuel Pérez, est un film à caractère social, qui se déroule en huis clos dans une prison. Le groupe de théâtre de la prison de Quatre Camins à Barcelone se trouvera être mis en quarantaine suite à l’alarme donnée d’une possible contagion par un virus. L’isolement dans l’isolement et le manque d’information accentuent la manipulation, l’agressivité et l’égoïsme des sujets enfermés qui représentent finalement la société actuelle.

Il existe une frontière ou plusieurs : la frontière dans l’espace entre l’isolement et l’extérieur, la frontière psychologique ou personnelle des individus, la frontière esthétique dans un film qui se trouve entre le documentaire et la fiction. Le défi du film étant l’intégration, il mêle vrais codétenus et acteurs professionnels, et a été coécrit avec le groupe de théâtre de la prison en gardant comme prémisse l’isolement, la justification de cet isolement et un travail de groupe. Une proposition intéressante avec beaucoup de personnalité.

La Herida de Fernando Franco est un film intimiste, la heridatrès réaliste dans sa réalisation, centré sur le personnage d’Ana, interprété magistralement par Marian Alvarez, récemment consacrée meilleure actrice au Festival du Film de San Sébastian. Ana est une ambulancière épanouie dans sa profession mais isolée dans sa vie privée. Sa maladie, elle est borderline, fait qu’elle est toujours à fleur de peau, fragile, irritable, ce qui l’empêche de s’épanouir. Ce film qui a mis 5 ans avant de voir le jour est un film « dur » et « non commercial » selon les propos du réalisateur, Fernando Franco. L'idée de départ était de faire un documentaire sur cette maladie mais, observant que cela amenait à accentuer les symptômes des personnes borderline, le réalisateur a fait le choix de la fiction.

Marian Alvarez, l’actrice principale du film, lors de l’interview qu’elle nous a accordée, déclarait  sur le processus de travail du personnage : « J’ai eu beaucoup de temps pour préparer le personnage, car heureusement ou malheureusement le projet a mis beaucoup de temps a aboutir, je me suis centrée sur des recherches dont la source d’information principale provenaient de blogs, un temps pour répéter qui a été essentiel et ma proposition était m’ouvrir de l’intérieur. Je savais que cela allait être douloureux mais je savais aussi que Fernando (Franco) était derrière moi pour me soutenir. Ce personnage m’a amené un vertige immense j’avais besoin de lâcher prise sur toute forme de contrôle car le personnage ne prend conscience à aucun moment qu’il est malade ». C’est un des films incontournable de ce festival et il nous livre une belle prestation d’actrice.

la plagaLa plaga de Neus Ballus présente une double particularité dans cette sélection. Il s’agit d’un documentaire et c’est une femme qui le réalise. Ce film, présélectionné au Festival du Film de Berlin, est un documentaire car il s’agit de la vraie vie des personnages, mais présente une construction, une narration très proches de la fiction.

La Plaga est un beau voyage. Il nous livre une succession d’images très poétiques, une série de portraits de plusieurs individus très différents qui sont parfois amenés à se rencontrer (une personne âgée en maison de retraite, un agriculteur catalan, un lutteur de catch moldave, une infirmière philippine, une prostituée). Tous humains, simples et atteints par ce « fléau » qu'est la crise sociale (signification de La plaga en espagnol).

Enfin, Fil de Cain de Jesus Monllaó el cuerpoet El cuerpo d’Oriol Paulo, deux films à suspens ou films policiers, très bien construits, qui comptent avec la présence de José Coronado, en tant qu’acteur et invité spécial du Festival, sont sans doute les propositions les plus « commerciales » ou plus ouvertes au public. La salle était d'ailleurs comble lors de la projection de El cuerpo, le très attendu film de Rodar y Rodar, producteurs de L’Orphelinat (El Orfanato de Juan Antonio Bayona).

L'édition 2013 de Cinespana proposait donc une compétition diversifiée où on peut observer trois des tendances qui sont par ailleurs le reflet de l’actualité du cinéma espagnol :

- La baisse considérable du budget accordé à la culture en Espagne et des aides à la création s’est dramatiquement répercutée sur la production et les moyens de financement des films. La plupart des films présents à Toulouse sont donc par la force des choses autofinancés, c’est-à-dire financés par les réalisateurs avec leurs propres moyens.
- Une grande présence d’un métacinema ou de films faits pour ou dans le cinéma,  un cinéma qui s’observe, se regarde et cherche sa place.
- La présence d’un hyperréalisme et des films souvent à la frontière entre le documentaire et la réalité.

De difficiles délibérations attendent sans aucun doute les membres du Jury à l’heure de décider qui seront les lauréats de cette 18e édition de Cinespaña...

Banafcheh Pérez

Festival de San Sébastien : un palmarès très hispanophone

Posté par vincy, le 29 septembre 2013

Pelo Malo Bad Hair

Le 61e Festival International de Cinéma de Saint-Sébastien a couronné un film vénézuélien, Pelo malo, qui critique l'homophobie et l'intolérance, avec pour héros un gamin qui pressent son homosexualité et sa mère. La réalisatrice avait déjà été remarquée avec Postales de Leningrado (2007).

Le palmarès fait la part belle aux productions latino-américaines (Mexique, Brésil, Argentine, ...) et espagnoles. Ainsi La herida, portrait d'une femme au bord du gouffre, a récolté le prix spécial du jury et le prix d'interprétation féminine.

Deux exceptions Jim Broadbent qui reçoit le prix d'interprétation masculine pour Le Week-end, le film favori des critiques présents au Festival. Et le film français Quai d'Orsay, d'après la bande dessinée primée à Angoulême, a été récompensé par le prix du scénario.

Cette année le festival de San Sebastian a manqué de glamour et de stars. La crise espagnole, les coûts de déplacement pour rejoindre la capitale basque et dans une moindre mesure son arrivée tardive dans le calendrier des Festivals n'aident pas la manifestation à retrouver sa croissance d'antan. Le Festival a même de plus en plus de mal à boucler une sélection officielle avec des films inédits, malgré quelques beaux coups comme le dernier film de Jean-Pierre Jeunet en clôture. Reste que la manifestation subit aussi un baisse de ses subventions et doit aller chercher de nouveaux revenus pour les années à venir.

Le déclassement du Festival est plus que jamais dangereux pour le cinéma espagnol, qui ne dispose d'aucune autre vitrine de dimension internationale.

Le palmarès :

- Coquillage d'or du meilleur film : Pelo malo (Bad Hair) de Mariana Rondón (Venezuela-Pérou-Allemagne)

- Prix spécial du jury : La herida (Wounded) de Fernando Franco (Espagne)

- Coquillage d'argent du meilleur réalisateur : Fernando Eimbcke pour Club sándwich (Méxique)

- Coquillage d'argent de la meilleure actrice : Marian Álvarez pour La herida (Espagne)

- Coquillage d'argent du meilleur acteur : Jim Broadbent pour Le Week-end (Royaume-Uni)

- Prix du jury pour le meilleur scénario : Antonin Baudry, Christophe Blain et Bertrand Tavernier pour Quai d'Orsay (France)

- Prix du jury pour la meilleure photographie : Pau Esteve Birba pour Caníbal (Espagne-Roumanie-Russie-France)

- Prix d'honneur Donostia: Carmen Maura (Espagne) et Hugh Jackman (Australie)

- Prix des jeunes réalisateurs : Benedikt Erlingsson pour Of Horses and Men (Islande-Allemagne)

- Prix Horizons Latins : O lobo atrás da porta de Fernando Coimbra (Brésil)

- Prix Cinéma en construction : La Salada de Juan Martín Hsu (Argentine)

- Prix du meilleur projet du Forum de coproduction Europe-Amérique Latine : El acompañante de Pavel Giroud (Cuba)

- Mention spéciale du Forum de coproduction : "La tierra y la sombra" de César Augusto Acevedo (Colombie)