Gros clash pour beaucoup de cash autour du film de Terry Gilliam

Posté par vincy, le 3 mai 2018

Après le soutient virulent apporté par le Festival de Cannes à Terry Gilliam, dont le dernier film L'homme qui tua Don Quichotte doit faire la clôture de la manifestation, Paulo Branco a réagi rapidement, rappelant que "Trois décisions judiciaires ont confirmé les droits exclusifs de Paulo Branco et d’Alfama Films Production sur le film de Terry Gilliam, The man who killed Don Quixote. Ces décisions ont l’autorité de la chose jugée et empêchent toute projection ou exploitation du film sans l’accord de son producteur."

Le producteur, qui avait déjà reproché le passage en force du Festival, explique que "L’exploitation du film est impossible en l’absence de visa d’exploitation que le CNC, pour sa part respectueux du droit, ne peut délivrer. Le Festival de Cannes a décidé de passer outre ces décisions de justice qui avaient été portées à sa connaissance et c’est la raison pour laquelle c’est lui qui a été assigné en justice", ajoutant qu'il est "indécent" de comparer la situation de Terry Gilliam, "qui se refuse à respecter les décisions judiciaires dans un Etat de droit, à celle de réalisateurs victimes de la répression et de la censure dans leurs pays." Il ajoute: "Le Festival de Cannes n’est pas au-dessus de la loi et la virulence et l’agressivité de son ton n’y changeront rien", et dément avoir utilisé "des méthodes d’intimidation en saisissant la justice pour faire respecter ses droits."

Branco, qui risque de finir persona non grata à Cannes, se donne ainsi le beau rôle dans cette histoire: "pendant seize ans de 2000 à 2016, Terry Gilliam n’a trouvé aucun producteur acceptant de reprendre son projet." "Si ce film existe aujourd’hui, c’est grâce au travail et aux investissements réalisés par Alfama Films Production et Paulo Branco, quand personne ne croyait plus à ce film".

Aparté: On attendra sereinement le référé du 7 mai, demandé par le producteur, qui veut interdire la projection cannoise ET la sortie française du film. Et surtout la décision du tribunal attendue le 15 juin: Durant la préproduction du film, de nombreux désaccords, liés au budget, au casting, au calendrier de tournage ont opposés Paulo Branco à Terry Gilliam, qui a finalement renoncé au tournage avant de se tourner vers la société espagnole de production Tornasol, qui faisait partie de la structure de coproduction constituée par Alfama Films. Il a relancé la production une fois qu'Amazon, après s'être désisté de la coproduction d'origine, s'est investie aux côtés de Tornasol. Entre-temps, le réalisateur a ouvert une procédure auprès de la justice française pour faire résilier le contrat de cession de ses droits au profit de Paulo Branco. Mais il y a un an la justice française s'est prononcée en première instance en faveur de Paulo Branco, tout en rejetant la demande du producteur portugais de stopper le tournage alors en cours pour contrefaçon. Saisie par le réalisateur, la cour d'appel de Paris a examiné à son tour l'affaire début avril et rendra sa décision le 15 juin. Deux autres procédures sont en cours. En Angleterre, la Haute Cour de Londres a donné raison à Alfama Films aux dépens de RPC, pour les droits sur le scénario. En Espagne, la procédure qui oppose Alfama Films à Tornasol pour les droits du film est en cours.

Les producteurs du film et Océan films, distributeur français, ont à leur tour décidé de se défendre médiatiquement par communiqué.

"Afin d’éclairer le public qui suivrait cette affaire et tous les amoureux du cinéma de Terry Gilliam, nous voudrions porter une information aussi objective que possible sur le dernier volet rocambolesque de cette incroyable histoire de cinéma et expliquer pourquoi M. Branco n’est pas et ne sera jamais ce qu’il prétend être, à savoir le producteur de ce film. Parce qu’il ne détient pas les droits d’auteur sur le scénario du film : s’il a bénéficié d’une option pour acquérir ces droits auprès de leur titulaire, la société anglaise RPC, il ne l’a jamais levée car il était dans l’incapacité d’en payer le prix de 250000€.
Parce qu’il n’a jamais payé le prix des droits d’auteur-réalisateur du film, il n’a pas même versé 1€ à Terry Gilliam à ce titre.
Et parce qu’il n’a pas produit le film sélectionné par le Festival de Cannes
". Dont acte?

Le communiqué révèle quelques pièces (croustillantes) du dossier. Paulo Branco se serait livré à un véritable chantage, menaçant Terry Gilliam, à qui il écrit: "Soit tu fais ce film à ma façon, soit tu compromets irrémédiablement la faisabilité du projet et ton film est condamné, il ne verra jamais le jour". Sous le choc, Terry Gilliam refuse de céder. M. Branco lui répond: "Notre collaboration est impossible. Bonne chance avec un autre producteur".

"Terry Gilliam décide donc de résilier son contrat. (...) A cet instant précis, la préparation du film n’a pas commencé et M. Branco n’a pas versé un centime à Terry Gilliam. Et c’est toujours le cas aujourd’hui. En danger d’être à jamais enseveli, le film est alors sauvé par quatre producteurs : la britannique Amy Gilliam, l’espagnole Mariela Besuievsky, avec le soutien du belge "Entre Chien et Loup" et du français Kinology. Elles et ils sont les producteurs du film : ils ont réuni 16M€ de financement et convaincu les distributeurs. Ils sont les propriétaires du film dont la chaîne des droits est enregistrée dans quatre pays. Il leur faut neuf mois pour préparer et démarrer le tournage, le temps de rebâtir sur les décombres laissés par M.Branco qui, en moins de cinq mois de "collaboration", aura été incapable de redonner vie au projet tel qu’il était conçu par son auteur, et aura démontré sa volonté destructrice et autoritaire, dont la séquence que nous vivons en ce moment est une nouvelle illustration" détaillent-ils.

En fait les producteurs décident de ne pas reconnaitre Alfama comme détenteur de droits exclusifs et donc "l'autorité de trois procès gagnés" par Paulo Branco. Ils nuancent: "Le refrain "3 procès gagnés" repose sur l’interprétation spécieuse par M. Branco d’une décision rendue par un juge français et de deux décisions anglaises. " Pour eux c'est un problème d'interprétation: "Le juge du fond a écarté la prétention d’ALFAMA de détenir des droits d’auteur-réalisateur. La "victoire" que M. Branco s’attribue, c’est que le juge a également estimé que M. Gilliam n’aurait pas dû résilier ainsi son contrat. Pour autant, le juge a considéré que cela était sans incidence sur le processus de production du film en cours par les véritables producteurs." Côté anglais, selon eux, "les juges prorogent l’option sur le scénario dont bénéficiait M. Branco. Or, cette option ne peut plus être levée, puisque les droits ont été cédés légalement aux nouveaux producteurs. Et bien cédés, ajoutent les juges anglais qui considèrent que cette cession est valide et opposable à M.Branco, qui ne pourra donc jamais être cessionnaire des droits du scénario."

"Les déclarations de son fils sur les réseaux sociaux y ajoutent une dose de grotesque, qui pourrait faire sourire si cela ne cherchait à mettre à nouveau en péril un film qui s’apprête à voir le jour". De fait, ça se déchaine sur les réseaux entre les déclarations du fils et avocat Juan Branco et les autres. On apprend d'ailleurs au fil des commentaires le nombre d'ardoises incalculables du producteur dans la profession, ses méthodes de paiement un peu folkloriques et la raison pour laquelle de nombreux professionnels ne veulent plus travailler avec lui, attachés de presse inclus.

"Quel en est l’enjeu ? De savoir si oui ou non, en résiliant son contrat, Terry Gilliam a eu raison de chercher à sauver son film, ou s’il aurait dû l’abandonner aux mains d’un producteur dont il savait qu’il était prêt à le sacrifier. Paulo Branco, rappelons-le, n’a pas payé, rien investi, ni n’a respecté ses engagement envers le réalisateur. Il n’a pas acquis et ne pourra jamais acquérir les droits du scénario n’ayant jamais levé l’option, ce qui l’empêchera à jamais revendiquer la qualité de producteur d’un film dont il s’est écarté de lui-même (voir courrier plus haut), neuf mois avant le début de tournage.
M. Branco soutient que la projection du film à Cannes porterait atteinte à ses droits. Mais à quels droits ? En quoi consisterait son préjudice si le film était projeté à Cannes ? Selon lui, il ne serait alors pas consacré comme celui qui a permis au projet d’être remis sur les rails. Voilà ce qui justifie sa demande d’enterrer The Man Who Killed Don Quixote et qui justifie selon lui une mesure de censure, qui ne lui apporterait rien à lui, mais détruirait la distribution de l’œuvre de Terry Gilliam et la réputation de son auteur avec elle. Pourquoi en est-on arrivé là ? Parce que, le 15 Mars 2018, les producteurs ont refusé l’ultimatum non négociable de M.Branco transmis en présence de tiers : cet ultimatum, c’est 3,5M€ pour lui, qui se répartiraient en 2M€ cash immédiatement et 1,5M€ sur les recettes à venir.
"

Voilà. Une banale histoire de cash qui se transforme en big clash. Peu importe finalement ces débats juridico-financiers. Si M. Branco était un passionné de cinéma, il n'interdirait pas la projection cannoise du film de Terry Gilliam. Rien n'empêche non plus la distribution du film: s'il gagnait, il recevrait sa part des recettes et ses dommages & intérêts. Non vraiment, Paulo Branco en fait une histoire d'orgueil. On ne préjugera rien. Mais pour le coup, les sentiments n'ont plus de raison.

Cannes 2018: Yann Gonzalez, Nuri Bilge Ceylan, Lars von Trier et Terry Gilliam en Sélection officielle

Posté par vincy, le 19 avril 2018

Le 71e Festival de Cannes a fait un certain nombre d'ajouts dans toutes les sections de la sélection officielle. Notons que le Lars von Trier sera à Cannes, mais hors-compétition, et que le Terry Gilliam, malgré le litige juridique, sera présenté en clôture. Enfin, si Claire Denis n'est toujours pas présente sur la croisette avec High Life, le dernier film du palmé Nuri Bilge Ceylan arrive en compétition.

Compétition

Un couteau dans le cœur (Knife + Heart) du français Yann Gonzalez avec Vanessa Paradis

Ayka du kazakh Sergey Dvortsevoy, réalisateur de Tulpan, vainqueur du Prix Un Certain Regard en 2008

Ce sont les deuxièmes films de Yann Gonzalez et de Sergey Dvortsevoy et c’est la première fois qu’ils viennent en Compétition.

Ahlat Agaci (The Wild Pear TreeLe Poirier sauvage) du turc Nuri Bilge Ceylan, Palme d’or 2014 avec Winter Sleep

La Compétition 2018 sera donc composée de 21 films.

Hors Compétition

The House That Jack Built de Lars von Trier avec Matt Dillon et Uma Thurman

Un Certain Regard

Muere, Monstruo, Muere (Meurs, monstre, meurs) de l’argentin Alejandro Fadel

Chuva E Cantoria Na Aldeia Dos Mortos (The Dead and the OthersLes Morts et les autres) du portugais João Salaviza et de la brésilienne Renée Nader Messora

Donbass de l’ukrainien Sergey Loznitsa qui, le mercredi 9 mai, fera l’ouverture de Un Certain Regard 2018.

Séances de Minuit

Whitney, un documentaire de l’écossais Kevin Macdonald, qui retrace l’existence de la chanteuse Whitney Houston.

Fahrenheit 451 de l’américain Ramin Bahrani avec Sofia Boutella, Michael B. Jordan et Michael Shannon. Il s’agit de la deuxième adaptation, après celle de François Truffaut, du roman de Ray Bradbury.

Film de Clôture

En 2018, le Festival de Cannes renoue avec la tradition du film de clôture (hors-compétition).

The Man Who Killed Don Quixote du britannique Terry Gilliam, avec Adam Driver, Jonathan Pryce et Olga Kurylenko. Il sera projeté le samedi 19 lors la cérémonie de Clôture, le film sortira en France le même jour.

Le Don Quichotte de Terry Gilliam devrait sortir en France en 2018

Posté par vincy, le 7 juin 2017

C'est une saga ce film. Le tournage de Don Quichotte est enfin terminé. "Après 17 ans, nous avons terminé le tournage de L'homme qui a tué Don Quichotte. Merci beaucoup à toute l'équipe et aux fidèles. Don Quichotte est vivant!" a annoncé son réalisateur Terry Gilliam sur sa page Facebook. Manière d'exorciser une malédiction?

Le film sortira en salles en 2018. Océan films le distribuera en France et Amazon Studios aux Etats-Unis. On peut même imaginer une projection cannoise pour l'honneur?

Car c'est une sacré aventure que celle de ce film. Cela va bientôt faire 20 ans que  Terry Gilliam est obsédé par ce projet. Son adaptation de Don Quichotte, le roman mythique de Miguel Cervantes.

20 ans après le lancement du projet

Ce n'était jamais que la troisième tentative. Le premier tournage, en 1998-2001, avait enchaîné les bévues et les mauvais choix. Terry Gilliam s'obstina pendant trois ans. L'accident de cheval de son acteur principal, Jean Rochefort, scella définitivement son destin. Johnny Depp et Vanessa Paradis pouvaient rentrer chez eux. Avec le (formidable) documentaire Lost in La Mancha, le cinéaste avait voulu de garder une trace de cette première tentative. Il a réessayé en 2009 (lire notre actualité du 15 mai 2009), avec Robert Duvall et Ewan McGregor en têtes d'affiche, sans plus de réussite.

Ce film est selon ses propres termes une "obsession désespérée, pathétique, idiote. Comme un tumeur qui est en moi et que je dois absolument évacuer si je veux survivre" disait-il. Comme pour se décrire lui-même ou jouer de la métaphore sur ce projet, Gilliam a récemment expliqué que "Don Quixote est est un rêveur, un idéaliste et un romantique, déterminé à ne pas accepter les limites de la réalité, sans se soucier des revers."

En 2014, le troisième essai tombe aussi à l'eau. On croyait que c'était la bonne: il avait annoncé le projet au Festival de Cannes et enfin bouclé le financement du film, espérant pour voir lancer la production au début 2015. A l'époque, Jack O'Connell et feu John Hurt avaient été choisis pour les deux rôles principaux. Cependant, le producteur espagnol Adrián Guerra échoue à trouver les fonds nécessaires et John Hurt est diagnostiqué d'un cancer. Le tournage est reporté.

Un producteur mécontent

En 2016, le projet revient à la surface, avec un autre producteur et une grosse annonce dans les journaux professionnels cannois. Las, le producteur Paulo Branco a jeté l'éponge quelques mois plus tard. "Ça a été légèrement repoussé. J’avais ce producteur, un type portugais, qui prétendait qu’il aurait rassemblé l’argent à temps. Et puis il y a quelques semaines, il s’est avéré qu’il n’avait pas l’argent. Donc nous sommes encore en train de chercher des fonds” rappelait alors le réalisateur, ajoutant “Le projet n’est pas mort. Je mourrai avant que le film existe!" Terry Gilliam, finalement, parvient à monter une coproduction franco-espagnolo-britannique, avec Amazon Studios pour les droits internationaux. Exit Branco. Le cinéaste accélère le calendrier.

Tourné en vitesse ce printemps, en Espagne, L'homme qui a tué Don Quichotte réunit Adam Driver et Jonathan Pryce, son héros dans Brazil, aux côtés d'Olga Kurylenko, Stellan Skarsgard, Jordi Molla, Sergi Lopez et Rossy de Palma.

Il reste cependant un obstacle. Le producteur Paulo Branco revient dans le jeu. Sa société Alfama a déclaré le film "illégal", affirmant que Gilliam avait tourné son film "clandestinement" dans son dos. Il considère qu'il a la propriété de ce film. Les actuels producteurs (dont Tornasol films, Recorded Picture Company et Entre chien et loup) ont qualifié la plainte d'absurde. Cela les contraint quand même à porter l'affaire au tribunal dans plusieurs pays pour sécuriser leur investissement et permettre au film de sortir, selon The Hollywood Reporter. Selon eux, Paolo Branco n'a absolument aucun droits sur ce film. Ce n'est jamais que la énième péripétie de ce projet dément.