C'est injuste. mais Carrie Fisher restera pour des centaines de millions de spectateurs la Princesse Leia avec sa drôle de coiffe. C'était l'âme, la battante, l'égale des héros dans ce mythe contemporain intergalactique. Avec Harrison Ford, elle donnait du relief, de l'humour à l'épopée. L'héroïne de la trilogie originelle Star Wars, était revenue dans Le Réveil de la Force l'an dernier. Pire, on la voyait en image de synthèse dans Rogue One, qui cartonne actuellement sur les écrans. Prémonitoire, c'était le chant du cygne. On la reverra, cependant, dans le 8e épisode de la franchise: elle avait terminé ses prises pour le film, qui doit sortir en l'année prochaine.
Après un week-end de Noël éprouvant, suite à une violente attaque cardiaque, elle est morte le 27 décembre 2016 à l'âge de 60 ans. Née le 21 octobre 1956 à Beverly Hills, l'actrice et scénariste était une fille de. Sa mère, Debbie Reynolds, est une star (une des dernières légendes de l'âge d'or hollywoodien encore de ce monde), connue pour son rôle principal dans Chantons sous la pluie. Son père, Eddie Fisher, chanteur et acteur qui collectionna les plus belles femmes d'Hollywood, a enregistré quelques tubes, dont pas mal de numéro 1 au Top 50 américain.
Le destin de Carrie Fisher se joue à peu de choses. Elle auditionne pour Carrie de Brian de Palma et La guerre des étoiles de George Lucas. Elle refuse le premier pour cause de nudité. Elle se fera avaler par le second au point que sa tenue très suggestive dans la saga restera longtemps un symbole érotique couru par les fétichistes. Francophone, la fille (et belle-fille de Liz Taylor), n'était pourtant pas que la Princesse Leia de la saga mythique. On l'aperçoit dans Shampoo d'Hal Ashby, gros succès de 1975, délirante dans Les Blues Brothers de John Landis, comédie culte de 1980, dans le beau A la recherche de Garbo de Sydney Lumet en 1984. Si elle se bat contre les addictions, si elle gère difficilement la célébrité et notamment le culte voué à son personnage d'héroïne héroïque, elle mène une carrière singulière à Hollywood.
Bipolaire, cérébrale, spirituelle et lucide
Carrie Fisher est ainsi du casting d'Hannah et ses sœurs, l'un des plus beaux Woody Allen et surtout la meilleure amie de Meg Ryan dans Quand Harry rencontre Sally, de Rob Reiner, deux films pour névrosés. Plus cérébrale qu'on ne le pense, elle est quand même cantonnée à des seconds rôles chez Joe Dante (Les banlieusards), Wes Craven (Scream 3), Nora Ephron (Ma vie est une comédie), McG (Charlie's Angels : Les anges se déchainent), ou à des caméos chez Spielberg, Jay Roach et même Cronenberg (Maps to the stars).
Paradoxalement, son plus beau rôle fut celui de scénariste, quand elle adapte son propre livre autobiographique, Poscards from de the Edge (Bons baisers d'Hollywood) réalisé par Mike Nichols en 1990, avec Meryl Streep et Shirley MacLaine. Elle s'y met à nu et règle ses comptes avec l'industrie du cinéma, mirage aux alouettes. Pour elle, L.A. était un monde d'artifices. Carrie Fisher se savait bipolaire, elle était discrète, elle essayait d'affronter un réel qui ne lui convenait pas. Sans pitié sur son univers, lucide sur ses failles, consciente que l'ombre de la Princesse Leia lui survivrait après l'avoir hanté toute sa vie, "Je n'ai finalement été qu'elle. Elle a fait partie de ma vie durant 40 ans" écrivait-elle. Seule sa plume l'évadait, la calmait. Script doctor réputée, autobiographe populaire, elle préférait l'authenticité de l'écriture aux jeux factices des célébrités d'Hollywood. Comme elle le soulignait elle-même: "Je ne veux pas que ma vie imite l'art mais je veux que ma vie soit de l'art."