Ce qu'il faut savoir: "Mrs. Robinson, you're trying to seduce me. Aren't you?". C'est sans aucun doute l'une des phrases les plus célèbres du cinéma. Et la musique de Simon & Garfunkel est assurément l'une des plus populaires de l'histoire des B.O.F. Pour son 50e anniversaire, et pour la première fois en version restaurée 4K, Carlotta a la bonne idée de ressortir Le Lauréat (The Graduate). Le film a été le plus gros succès de l'année 1967 (et reste l'un des trente films les plus vus en salles en Amérique du nord), en plus de récolter l'Oscar du meilleur réalisateur pour Mike Nichols (et 7 nominations dont trois pour les acteurs, celle du scénario, celle de l'image et celle du meilleur film).
Le pitch: Benjamin Braddock vient d’achever ses études couvert de diplômes. Au cours d’une réception organisée par ses parents, il rencontre Mme Robinson, une amie de ces derniers. Elle séduit le jeune homme, lui faisant découvrir les plaisirs de l’amour. Les parents de Benjamin, qui ignorent tout de cette relation, incitent bientôt leur fils à sortir avec Elaine, la fille des Robinson. Réticent au début, il s’attache rapidement à l'étudiante…
Pourquoi c'est culte? Selon Steven Spielberg: "Pour moi, Le Lauréat est une expérience de cinéma autant qu’une leçon de maître sur la manière de tourner une scène." Mike Nichols n'en est pourtant qu'à son deuxième film, un an après Qui a peur de Virginia Woolf ?.
Le Lauréat est un film générationnel, en plein dans les années 1960, entre rejet des conventions et du conformisme, libération sexuelle et jeunesse idéaliste. C'est une critique subversive sur une société asphyxiée, oppressante, glacée et hypocrite. Il devance le « Summer of Love » de 1968 et les révoltes contre la guerre du Vietnam. Ce qui rend attachant le personnage de Dustin Hoffman est qu'il est entre les deux. Il a d'ailleurs 30 ans au moment du tournage. Il est censé incarner un jeune homme de 20 ans. Cette ambivalence profite au film, en plus de la sublime photo "californienne" et des airs mémorables de Simon & Garfunkel. La mise en scène de Mike Nichols créé des plans inoubliables: de la piscine à l'église où on célèbre le mariage, en passant par la célèbre scène où Benjamin est pris en tenailles entre les jambes de Mme Robinson… Maintes fois parodiée, copiée, reprise....
Le saviez vous? Dustin Hoffman, Katherine Ross, Anne Bancroft. Le trio n'était pourtant pas celui prévu. Ronald Reagan, Jeanne Moreau, Robert Redford étaient les candidats idéaux pour le couple Robinson et Benjamin. Et en fait tout Hollywood a été casté: Warren Beatty, Patricia Neal, Faye Dunaway (qui a préféré tourner Bonnie & Clyde), Geraldine Page, Doris Day, Simone Signoret, Sally Field, Candice Bergen et même Ava Gardner! Mike Nichols a été exigeant, au point d'offrir le rôle de Benjamin à un acteur de théâtre qui n'avait jamais été au générique d'un film. Le plus ironique est qu'au moment du tournage, Anne Bancroft, qui incarne la mère, a 36 ans, Dustin Hoffman 30 ans et Katharine Ross 27 ans. Pas vraiment l'âge de l'emploi pour les trois. Si Moreau n'a pas eu le rôle, c'est à cause des producteurs qui ne voulaient pas d'une étrangère. En échange ils ont cédé sur la musique que Nichols voulait absolument confier à Simon & Garfunkel.
L'autre ironie de l'histoire est que Dustin Hoffman a failli ne jamais avoir le rôle. Il avait été enrôlé pour le film de Mel Brooks, Les producteurs. Brooks lui avait donné l'autorisation pour auditionner, sachant que sa femme, une certaine Anne Bancroft, venait d'être choisie. Brooks pensait qu'il ne serait pas pris, trop âgé, pas assez beau. Hoffman pensait avoir raté son audition...