Cannes 2017: que retenir de ce 70e festival?

Posté par vincy, le 29 mai 2017

Retards à l'allumage
La mécanique précise du festival de Cannes a connu quelques enrayements durant les premiers jours: les mesures de sécurité, le calendrier trop serré des projections ou encore quelques incidents aléatoires ont conduit quelques projections à commencer très très très en retard. Une alerte à la bombe a contraint la projection presse du Redoutable à débuter avec plus de 3/4 d'heure de retard. Une sécurité dépassée par le nombre de journalistes a obligé le film Wonderstruck à démarrer à 8h45 au lieu de 8h30. Un incident de rideau a conduit la projection d'Okja à être recommencée après dix minutes de film. Et on passe sur les anecdotes autour de la sécurité: des bonbons confisqués car ils pourraient servir de projectiles (en revanche les bouteilles de moins de 50 ml étaient autorisées, tout comme les ordinateurs), des agents qui parfois surveillaient de fond en comble les sacs très profonds offerts par le festival, et parfois les survolaient du regard, ou encore ces files d'attente gigantesques et compactes en bas du Théâtre Debussy, vers 18-19h, qui empêchaient les voitures officielles et les passants de circuler... Bizarrement, c'est dans ces moments là qu'on se sentait le moins en sécurité.

La fête est finie
Si les journalistes sont toujours plus nombreux, Cannes ne grouillait pas de monde cette année. Il était possible d'avoir des tables dans les restaurants à des heures habituellement bondées. Hormis dans les lieux privés, comme Albane ou la Villa Schweppes, la fréquentation sur la Croisette la nuit n'était pas aussi importante qu'il y a quelques années. Beaucoup préféraient les bars hypes (Mouton-Cadet Wine Bar, Grand Hôtel, Fouquet's, Petit Carlton) ou les terrasses comme celles du Silencio. Les soirées sur les plages, qui se ressemblent toutes, ont lassé. Mêmes musiques, mêmes alcools, mêmes gens. L'entre-soi a eu ses limites. La bonne idée, c'était de créer une terrasse pour les journalistes au sommet du Palais. Et la Welcome Party plage du Majestic restait le moment le plus convivial de la quinzaine.
Autre fait marquant: la flambée des locations. Il y a encore quelques années, on pouvait investir 500 à 700 euros par personne pour un appartement de 5/6 couchages dans le centre de la ville. Désormais, il faut aligner environ 1000€. A cela s'ajoute le remplacement de certains restaurants accessibles et agréables par des endroits plus chics et beaucoup plus chers. Cette inflation des coûts est de mauvais augure pour le Festival quand on sait les contraintes budgétaires que subissent tous les professionnels.

De la soupe et faire pipi
Oui, écrit comme cela, ça peut paraître étrange. Mais constatons que la soupe reste le plat principal le plus dégusté par les personnages dans les films de la compétition. A croire que les réalisateurs apprécient peu la cuisine. Ou le repas est raté (The Meyerowitz stories), ou l'alimentation est malsaine (Okja) voire empoisonnée (Les proies), ou le dîner n'a finalement pas lieu (The Square). Et sinon, mange ta soupe.
Ce qui conduit logiquement la vessie à vouloir se vider. On en entend des pipis, y compris chez Haneke, c'est dire. Bon, comme nous le verrons dans L'instant Q, Haneke semble très urophile. Concluons que l'uro est assez tendance.

Enfants torturés
L'enfance ne rime plus avec innocence. Ils fuguent en rejetant les adultes (Wonderstruck, Faute d'amour), ils empoisonnent (Les proies, Happy End), ils se rebellent (Okja), ils sont capables de vouloir la mort de leur frère ou sœur (Mise à mort d'un cerf sacré), ils menacent (The Square), ils égorgent au rasoir (You Were Never Really Here), et enfin ils s'émancipent précocement avec joint et sexe (Good time). Mais on peut aller largement plus loin. Les progénitures sont mal-aimées, même quand elles deviennent adultes (The Meyerowitz Stories). Bourreaux ou victimes: la frontière peut s'estomper au fil du récit. Ainsi les deux enfants de Farrell et Kidman dans le Lanthimos sont d'abord persécutés, puis manipulateurs avant de finir en victime d'un autre enfant, certes un peu plus âgé, mais complètement psychopathe. Idem dans le Lynne Ramsey, la gamine est d'abord une victime d'abus sexuel avant de devenir criminelle. Le must est du côté de John Cameron Mitchell (How To Talk To Girls at Parties), où les enfants sont dévorés par leurs parents afin que ceux-ci puissent survivre. Il y a aussi un nombre impressionnant d'orphelins (Wonderstruck, Okja, Good Time, La lune de Jupiter), souvent recueillis par un grand parent, une belle famille ou un oncle-tante etc.

Le couple branlant
Logiquement, tout cela amène des histoires où la famille est décomposée, recomposée voire construite in extenso. Même quand il n'y a pas ou plus d'enfants, les couples sont en voie de destruction (La lune de Jupiter, Faute d'amour, Le redoutable, Rodin, Le jour d'après, Une femme douce...). Mention spéciale à celui de 120 battements par minute, où la mort de l'un des protagonistes nous déchire le cœur.
D'ailleurs, on ne compte plus le nombre de veuves ou de femmes séparées. De tous les films en compétition, peu tendent vers une histoire d'amour qui finit bien: Vers la lumière, Happy End qui finit sur un mariage certes un peu gâché, et L'amant double après de multiples péripéties névrotiques.

Délires inaboutis
Nombreux sont les films de la compétition qui ont subit une greffe de genre. On prend un récit classique et on lui adjoint du mystique, du fantastique, du thriller, ou même de l'onirique. Des effets spéciaux plus ou moins réussis détournent le drame vers un no man's land géographique. Christ volant dans La lune de Jupiter, baise routinière qui se dédouble en plan à quatre dans L'amant double, cochons aux OGM qui ont un comportement humain, parqués dans des camps qui rappellent la Shoah, dans Okja, rêve-cauchemar interminable et caricatural dans Une femme douce, etc... Reste la plus belle idée narrative de la compétition, le flash-back retissant les liens entre les deux époques de Wonderstuck, en diorama. Un joli délire, justifié et accompli.

L'art omniprésent
Les artistes et les musées, les cinéastes et les écrivains, les chanteurs et les photographes: autant d'artistes ou de lieux artistiques qui ont inspiré les cinéastes cette année. Pour ne prendre que la sélection officielle, on a eu des sculpteurs (The Square, Rodin et The Meyerowitz Stories), des réalisateurs (Le Redoutable, Les Fantômes d’Ismaël et La Caméra de Claire), un éditeur (Le jour d'après), des écrivains (D'après une histoire vraie, L'atelier), une chanteuse (Barbara), des photographes (Vers la lumière, They), un artiste de cabaret (Nos années folles)... et n'oublions pas le directeur de musée contemporain de The Square, le musée d'histoire naturelle de Wonderstruck ou encore le Palais de Tokyo dans L'amant double. A de rares exceptions près, ces portraits sont assez stéréotypés: l'artiste déprime, est en proie à ses passions ou en panne d'inspiration.

La logique de groupe
Unis nous sommes plus forts? De nombreux films critiquent l'individualisme, à commencer par la Palme d'or The Square. Et finalement ceux qui combattent ensemble paraissent en effet les seuls à pouvoir résister à une société tyrannique ou/et déshumanisante. A vouloir se battre seuls, les "héros" d'Une femme douce, de Mise à mort du cerf sacré et de L'amant double perdent d'avance leur bataille. Tous les comportement égoïstes sont sanctionnés par les cinéastes (la liste est longue, du Redoutable à Faute d'amour). Ceux qui s'en sortent sont ceux qui acceptent l'aide des autres, le sacrifice pour l'autre ou la révolte collective: Okja, 120 battements par minute, You Were Never Really Here, Wonderstruck, In the Fade, La lune de Jupiter, Les proies...

L'Histoire et la Politique
Engagé le Festival de Cannes? Disons que les cinéastes n'ont pas hésité à prendre l'actualité comme toile de fonds. Les réfugiés, dans La lune de Jupiter, et de manière figurative dans Happy End. Le terrorisme dans In the Fade. Le scandale de l'industrie alimentaire dans Okja. Mai 68 dans Le redoutable. L'impuissance et la corruption des pouvoirs publics dans Faute d'amour et Une femme douce, deux films russes, et dans La lune de Jupiter. La vacuité de la justice individuelle (In the Fade, The Square). La pandémie du SIDA qui laissait indifférentes les institutions dans 120 BPM.

Des héros schizos
Finalement les dilemmes restent le mobile dramaturgique le plus commun à tous ces films, qu'ils mènent au meurtre ou à une forme de rédemption. Pratiquement tous les personnages sont dans la culpabilité ou la contradiction. Ils se dédoublent même, à la fois bons et mauvais, innocents et bourreaux, victimes et responsables. Ils se scindent en deux, entre leur vie d'avant et celle à laquelle ils aspirent. Jamais vraiment sincères, jamais vraiment méchants pour certains. Ils en bavent: prêts à tout pour sauver leur confort alors que la situation leur dicte qu'ils vont devoir affronter des choix. Le personnage cannois type cette année était un bourgeois, de la classe moyenne, piégé par la réalité, prisonnier d'une société injuste ou/et violente. Il y perd son âme, son job, l'un des siens, voire sa propre vie. Pas étonnant finalement que, dans ce contexte très sombre, on ait préféré des films, où, malgré le prix chèrement payé, l'espoir était au rendez-vous vers la fin.

Et pour finir, l'instant Q
2017 ne fut pas très érotique. 120 BPM nous a offert une jolie masturbation à l'hôpital et une nuit torride entre deux garçons.  Dans Rodin, on cache ce plan à trois qu'on ne saurait voir (on nous ferme la porte au nez). On peut compter sur Ozon: les deux acteurs ne se ménagent pas, exhibant leurs corps, baisant dans tous les sens, et jusqu'à ce plan introductif et serré sur le vagin de l'héroïne. Pas de quoi bander pour autant, surtout lorsque le cinéaste en vient à filmer un fantasme de viol, brutalement sexiste et misogyne. Le viol ou l'abus sexuel est assez fréquent d'ailleurs cette année même en arrière plan (The Square, Une femme douce, You Were Never Really here, The Meyerowitz Stories). Dans Happy End, le sexe est par messagerie interposée sur Facebook: la description de plans culs (et trash, et on en revient au pipi). Dans Mise à mort du cerf sacré, le jeu sexuel du couple se résume à la femme simulant un corps sous anesthésie générale dont profite son mari. Le corps de Kidman vaut le coup d'œil. Dans The Square, il y a un peu de sexe. Un sexe du côté de la performance, avec un coït unilatéral semble-t-il. Le moment le plus drôle est sans doute après: quand les deux partenaires tirent sur la capote pour savoir lequel des deux va la jeter. Dans Faute d'amour, l'épouse découvre l'orgasme avec son amant. Cannes 70 c'était un peu comme dans Les proies, très prude (malgré le sujet, une seule scène érotisante où Kidman nettoie le corps de Farrell). C'est à l'image du Redoutable, où Hazanavicius se moque de la nudité au cinéma. Louis Garrel et Stacy Martin sont dans le plus simple appareil. Mais côté baise, c'est un peu tiède. Mais tout cela a manqué de chair et de sueur....

Daily Cannes: la soirée folle avec Nicole, Catherine, Juliette, Isabelle, Sandrine…

Posté par cynthia, le 22 mai 2017

deneuve kiberlain binoche wilson beart sallette deladonchamps huppert bouchez © vincy thomas / ecran noir

Qui a dit que les lundis étaient synonymes de ras le bol? À Cannes, pas de coup de mou, surtout quand les stars se déplacent en nombre et procurent de l'émotion.

Nicole Kidman la star du lundi

La journée débute par une pléiade de jolies femmes: Nicole Kidman, Elisabeth Moss, Jane Campion et Gwendoline Christie (oui fan de Games of thrones vous pouvez vous exciter) sont venues présenter la mini-série Top of the lake: China girl (disponible sur youtube à petit prix).

Racontant l'étrange sauvetage d'une jeune Asiatique enceinte qui tente de mettre fin à ses jours dans un lac, Jane Campion revient sur le devant de la scène avec un casting quatre étoiles.

Kidman sur petit écran ce n'est pourtant pas la première fois puisqu'elle a brillé aux côtés de Reese Whiterspoon et Shailene Woodley dans la mini-série HBO Big Little Lies. L'Australienne revient à domicile avec son talent inné tout en dominant le grand écran et le red carpet cannois. Deux films en compétition, un autre hors-compétition: c'est le grand come-back de l'Australienne.

En effet, après être venue représenter avec Elle Fanning, How to talk to girls at parties l'actrice est venue aux côtés de Colin Farrell pour le nouveau film de Yorgos Lanthimos (The lobster), Mise à mort du cerf sacré.
"Le film a un côté hypnotique" confie Nicole Kidman à la conférence de presse.

Elle sera de retour demain sur les marches pour le nouveau Sofia Coppola (Les Proies). Et ce n'est pas sa séquence émotion sur le tapis rouge qui va nous faire changer d'avis. Moment émouvant, Nicole Kidman n'a pu retenir ses larmes.

L'hommage à Téchiné

Autre événement ce lundi soir: la brochette de stars françaises sur les marches. Catherine Deneuve, Juliette Binoche, Isabelle Huppert et Sandrine Kiberlain sont arrivées ensemble lors de la montée du Lanthimos pour se diriger ensuite dans la grande salle voisine, le Théâtre Debussy. A leurs côtés, un générique de rêve: Lambert Wilson, Elodie Bouchez, Emmanuelle Béart. Dans les rangs derrière: Nicole Garcia, Claude Lelouch, Michel Hazanavicius et Bérénice Bejo, John Cameron Mitchell, Gilles Jacob... Toutes ces personnalités venaient assister à l'hommage à André Téchiné, accompagné de l'avant-première de son dernier films, Nos folles années, où Céline Sallette et Pierre Deladonchamps forment un couple fusionnel singulier. L'hommage a eu lieu en trois temps. Thierry Frémaux avec un court discours présentant les vedettes présentes ; un montage "50 ans de cinéma, 50 ans de passion" où se croisaient tous les films du réalisateur (montage très bien fait et très touchant, par ailleurs) ; le discours d'André Téchiné. Il l'a commencé en rendant lui-même un hommage à son amie, sa muse, celle qui l'a suivi dans pas moins de sept films, Catherine Deneuve. Réellement émue, l'actrice ne retnait pas ses larmes après avoir vivement participé à la standing ovation, perchée sur ses talons en plexiglas. Sandrine Kiberlain à ses côtés lui tenait la main. En s'éclipsant avant la projection, Juliette Binoche lui a lancé un "à bientôt". A la fin de la projection, John Cameron Mitchell, en pantalon zébré ultra-moulant, a joué les midinettes en lui murmurant un "I love you". C'est aussi ça Cannes: une histoire de passion pour le cinéma (Téchiné y a fait naître Binoche et Wilson avec Rendez-vous) et un festival où les stars sont des fans comme les autres.

Le tweet du jour
Le tweet qui a retenu notre attention est celui de @ViggySimmons relatant la perfection de Nicole Kidman... On est tellement d'accord!

Le prochain film d’André Téchiné en septembre sur les écrans

Posté par vincy, le 16 janvier 2017

paul grappeAlors que son précédent film, Quand on a 17 ans, concoure pour les César, après avoir été sélectionné en compétition à la Berlinale en février dernier, André Téchiné a tourné à la fin de l'été son 22e long métrage, Nos années folles. ARP le sortira le 13 septembre 2017, ce qui lance une double hypothèse pour une avant-première soit à Cannes, soit à Venise.

André Téchiné s'est offert un casting inédit: Pierre Deladonchamps (L'inconnu du lac, Le fils de Jean), Céline Sallette (La French), Michel Fau (Marguerite), Claude Gensac récemment disparue et dont ce sera le dernier film à l'affiche, et Grégoire Leprince-Ringuet, que Téchiné avait révélé en 2003 avec Les Égarés.

Le scénario a été écrit par André Téchiné avec Cédric Anger, réalisateur de La prochaine fois je viserai le cœur et scénariste du Petit Lieutenant. Ils avaient déjà collaboré ensemble pour L'Homme qu'on aimait trop sorti en 2014.

Un fait divers qui inspira un roman et une BD

Nos Années Folles est tirée d’une histoire vraie sensationnelle qui remua la France après la Première Guerre mondiale. Il s'agit de l’histoire de Paul Grappe, un déserteur qui décide de se travestir en femme pour échapper aux champs de bataille, avec la complicité de son épouse, Louise. Il devient Suzanne Landgard. En 1925, l’amnistie touchant les déserteurs de 1914-1918, tout se complique quand sa femme lui demanda de remettre ses habits d'homme… Il sombre dans l'alcoolisme et la violence. Sa femme va alors commettre l'irréparable.

Cette histoire a été racontée deux fois: dans le roman La garçonne et l'assassin : histoire de Louise et de Paul, déserteur travesti, dans le Paris des Années folles, écrit par Fabrice Virgili et Danièle Voldman, sorti discrètement en 2011 ; et dans la bande dessinée, adaptée du roman, Mauvais genre, de Chloé Cruchaudet. La BD, gros succès de ventes (65000 exemplaires), a reçu le Prix Landerneau BD 2013, le prix Coup de coeur Quai des Bulles, le Grand prix de l'ACBD 2013 et le prix du public Cultura au Festival de la BD d'Angoulême 2014.