Et si on regardait… The Migrating image

Posté par MpM, le 30 mars 2020

Il figurait parmi nos courts métrages préférés de l'année 2018 : The Migrating image de Stefan Kruse est désormais disponible en ligne ! L'occasion de (re)découvrir cette oeuvre importante qui, à partir de photographies et de vidéos trouvées sur les réseaux sociaux ou utilisées par des organismes publics, explore la manière dont sont perçus et représentés les migrants et réfugiés et interroge cette surproduction d'images autour de leurs drames intimes.

Avec une voix off d’une extrême simplicité, Stefan Kruse décortique tour à tour les pages Facebook des passeurs qui affichent paquebots de luxe et autres mers caribéennes, les films de propagande institutionnels qui misent sur l’émotion en présentant les gardes côtes comme des super-héros ou les vidéos faites par les médias pour alimenter leurs différents supports, jusqu’à des films en 360 degrés pour la page Facebook du journal ou de la chaîne.

Dans cette profusion d’images, chacune raconte (comme toujours) sa propre histoire,  au service de celui qui prend ou diffuse ces vidéos, plus que de celui qu’elles mettent en scène. C’est particulièrement saisissant dans les images prises en parallèle au Danemark, d’un côté par les défenseurs des migrants, et de l’autre par des groupes d’extrême-droite qui les rejettent, chacun pensant détenir une vérité absolue sur les réfugiés.

Sous ses airs faussement pédagogiques, le film amène ainsi le spectateur à prendre conscience de ce qui se joue dans chaque image montrée, et à comprendre la stratégie de communication qui accompagne à chaque étape ce que l’on appelle communément la « crise des réfugiés ». Peu importe si l’on donne de la réalité un aperçu parcellaire et orienté du moment que l’on remporte la guerre idéologique, celle des apparences ou tout simplement de l’audimat.

Capharnaüm est presque un conte de fée (même dans la réalité)

Posté par vincy, le 18 octobre 2018

Prix du jury à Cannes, coup de cœur de la presse internationale au Festival, Capharnaüm a réalisé un joli lancement hier en France avec 17000 spectateurs pour 158 écrans. Au Liban, il est sorti le 20 septembre, et il a déjà dépassé les 100000 entrées, ce qui est un gros succès pour ce pays de 6,3 millions d'habitants. Le film représentera le Liban pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère.

Nadine Labaki a mis trois ans pour préparer son film. La réalité est devenue la fiction: le réfugié syrien Zain Al Rafeea avait une vie similaire à celle qu'il a dans la film, tout comme la jeune Erythréenne sans papier incarnée par Yordanos Shiferaw, qui est arrêtée dans le film, mais le fut aussi pendant le tournage.

Le tournage a duré six mois. Le film est applaudit à Cannes, vendu dans le monde entier. L'histoire se termine bien. Mais dans la réalité aussi, il y a un conte de fée qui s'est mis en place. La réalisatrice, au cours de sa tournée médiatique française, a assuré que les destins des protagonistes s'amélioraient. La famille de Zain a ainsi pu émigrer en Norvège, grâce à Cate Blanchett, ambassadrice de bonne volonté à l'ONU, et aux Nations Unies. Zain vient de commencer l'école.

Quant au Liban, dont les pouvoirs politiques et l'impuissance publique sont clairement dénoncés par le film, on peut au moins se féliciter que le débat soit lancé. En guerre ou en crise depuis 1975, ce petit pays multi-communautaire a accueilli 1,5 million de réfugiés syriens depuis le déclenchement de la guerre civile chez son voisin. C'est un quart de la population totale du pays du Cèdre. Cela provoque d'importantes tensions humaines et sanitaires.

Un jour, ça ira : la précarité au quotidien

Posté par redaction, le 14 février 2018

Djibi et Ange, deux adolescents, vivent dans un centre d’hébergement d’urgence à Paris. Dans le documentaire Un jour, ça ira de Stan Zambeaux et Edouard Zambeaux, ils racontent, à travers l’écriture et le chant, leurs espoirs d’une vie meilleure.

Djibi Diakhaté vit avec sa mère, Ange Lath avec son père. Ces adolescents de 13 ans sont logés provisoirement à l’Archipel, un centre d’hébergement d’urgence parisien qui accueille quelque 300 personnes, dont 70 enfants. L’Archipel prend en charge de manière très active les sans-domicile, avec une forte volonté d’insertion, en permettant notamment aux enfants de s’exprimer à travers les arts.

Ainsi, Djibi participe à un atelier d’écriture, un exercice très valorisant puisqu’il rédige un article qui sera publié dans le quotidien Libération. Il peut ainsi parler de sa vie, de ses rêves, avec le plaisir de découvrir un jour son texte dans un grand journal français. Djibi, qui change très souvent de domicile, se présente comme un «serial déménageur». Si, par honte, il refuse d’avouer à ses camarades du collège qu’il vit au «115», comme il dit, il se confie en revanche avec beaucoup de maturité dans ses écrits sur ses problèmes et ses espérances.

Ange Loth, plus timide, se raconte à travers des chansons qu’elle compose à l’atelier chant, avec une prof très attentive qui lui apprend à chanter avec plus d’assurance. Comme Djibi, Ange se sent très valorisée par cette activité.

Lors d’une représentation dans la chapelle de l’Archipel, Djibi et Ange vont pouvoir s’exprimer devant leurs parents, mais aussi devant un public bienveillant. Grâce à cette confiance accumulée, ils ne doutent pas, comme l’affirme le titre du documentaire, qu’« Un jour, ça ira ».

Une dure réalité qui n'empêche pas l'émotion et l'optimisme

Les réalisateurs Stan et Edouard Zambeaux, deux frères, ont filmé le quotidien des familles dans le centre : l’attente d’un logement, d’un travail, de papiers. Et puis un jour, on annonce à ces personnes en situation de précarité qu’elles vont bientôt devoir à nouveau déménager, avec en toile de fond la crise des migrants qui se répercute sur le centre.

Si on perçoit bien dans le documentaire la dure réalité du quotidien de ces sans domicile fixe, et l’ampleur du phénomène, les réalisateurs ont aussi su capter des moments d’émotion, ce qui donne une tonalité d’optimisme. « A l’origine de ce film, il y avait l’envie de faire quelque chose de beau pour décrire une réalité souvent présentée sous son aspect uniquement miséreux. Nous avions envie d’avoir une approche esthétique de cette question, de magnifier les personnages, de montrer que la situation extrêmement difficile dans laquelle ils étaient n’atteignait pas leur dignité », raconte Edouard Zambeaux.

Si cet intéressant documentaire présente la situation d’extrême précarité de personnes que l’on peut croiser au quotidien dans les rues de la capitale, il montre aussi les relations de solidarité qui peuvent s’établir. Depuis la fin du tournage, L’Archipel a fermé ses portes, mais Djibi et Ange ont retrouvé un toit.

Un jour, ça ira, documentaire français de Stan Zambeaux et Edouard Zambeaux
Sortie le 14 février 2018

Pierre-Yves Roger

Berlin 2016 : Fuocoammare de Gianfranco Rosi place le sort des réfugiés au coeur de la compétition

Posté par MpM, le 13 février 2016

fuocoammare

Un festival de cinéma, ce ne sont pas seulement des stars, des paillettes et de belles histoires qui se succèdent sur grand écran. On le sait, les sujets graves, polémiques et douloureux y ont une place de choix, et Berlin s'est même fait une réputation (méritée) de festival politique présentant une part importante de films engagés.

C'était donc le lieu tout indiqué pour présenter Fuocoammare de l'Italien Gianfranco Rosi (lion d'or à Venise en 2013 avec Sacro gra), un documentaire dénué de voix-off qui montre en parallèle la vie tranquille de quelques habitants de Lampedusa et le drame des réfugiés qui se joue dans les eaux alentours.  L'île italienne (20km2 situés au sud de la Sicile, entre la Tunisie et Malte) est en effet la porte d'entrée privilégiée des migrants fuyant leur pays pour rejoindre l'Europe, et de multiples embarcations de fortune s'y échouent de plus en plus fréquemment depuis le début des années 2000.

Le film est ainsi construit comme le portrait des habitants de Lampedusa (notamment Samuele, un jeune garçon qui connaît chaque recoin de l'île, et sa famille) auquel répond en écho un témoignage sans fard sur la tragédie des réfugiés : appels désespérés envoyés depuis des embarcations de fortune, missions de sauvetage périlleuses, prise en charge quasiment militaire, récits édifiants des rescapés... Le coup de grâce étant porté par le médecin Pietro Bartolo, qui vient en aide aux migrants depuis les années 1990, et qui raconte la réalité à laquelle il est confronté :  les femmes qui accouchent sur les bateaux surchargés, les survivants déshydratés ou brûlés par l'essence, et bien sûr les innombrables corps sans vie auxquels il ne parvient pas à s'habituer.

Situation tragique, insupportable et absurde

Si l'on est tout d'abord surpris par la construction du documentaire, et par la part importante consacrée à Samuele et aux autres insulaires, il s'avère très vite indispensable d'avoir ce contrepoint plus léger, plus ancré dans un monde qui est aussi le nôtre, pour faire réaliser au spectateur l'absurdité tragique et insupportable de la situation. Le mettre froidement devant ce fait bien réel, et pourtant presque impossible à concevoir : que des enfants meurent à quelques kilomètres seulement du havre de vie "normale" auxquels ils aspiraient.

"Je crois que ce film est le témoignage d'une tragédie qui se déroule sous nos yeux", a déclaré Gianfranco Rosi lors de la conférence de presse qui a suivi la projection. "Je pense que nous sommes tous responsables de cette tragédie, peut-être la plus grande que nous ayons vue en Europe depuis l'Holocauste. Nous sommes complices si nous ne faisons rien."

Et Fuocoammare actionne sans l'ombre d'un doute la mauvaise conscience de tout un chacun, avec une sécheresse et une dureté salutaires, comme l'électrochoc que l'on attend en vain pour mettre fin à ce qui est un carnage évitable. "C'est le devoir de chaque être humain d'aider ces gens" déclare simplement Pietro Bartolo, dont la lassitude se lit sur le visage. Présent à Berlin, il confesse l'horreur et les "cauchemars" qui le poursuivent. "Parler de ces choses me fait mal à chaque fois" a-t-il notamment expliqué. "Mais j'accepte parce que j'ai l'espoir qu'à travers ces témoignages, on pourra sensibiliser des personnes" à ce qui est "devenu un problème dramatique, de portée universelle".

Une Berlinale ouverte aux réfugiés

Le documentaire de Gianfranco Rosi est à ce titre un document indispensable qui met toute l'intelligence, la force de conviction et la magie du cinéma au service de cette sensibilisation. Mais après la prise de conscience doit venir l'action, et c'est justement le moment où le spectateur doit prendre le relais de l'écran. Le Festival de Berlin l'a bien compris, qui incite festivaliers et professionnels à venir concrètement en aide aux réfugiés via des urnes récoltant les dons sur les lieux du festival. Plusieurs associations prenant en charge les réfugiés sont également mentionnées sur le site de la Berlinale.

Peut-être ne restera-t-il plus ensuite qu'à plébisciter le film afin de lui offrir la plus grande visibilité possible. Mais déjà, on ne voit pas comment le palmarès berlinois pourrait l'oublier.

Berlin 2016 : Meryl Streep, bien plus qu’une présidente

Posté par MpM, le 11 février 2016

Pour sa 66e édition, le Festival de Berlin affirme une nouvelle fois son identité de festival intelligent, audacieux et novateur qui refuse de se transformer en cirque annuel pour happy few glamour. A la place d'honneur de cette Berlinale 2016, le directeur de la Berlinale Dieter Kosslick a donc choisi de placer l'une des plus grandes comédiennes américaines de sa génération, l'incroyablement brillante Meryl Streep dont on ne compte plus les nominations à l'Oscar et les prix d'interprétation. Berlin lui avait d'ailleurs décerné un Ours d'or d'honneur pour l'ensemble de sa carrière en 2012, presque dix ans après l'Ours d'argent de la meilleure actrice qu'elle avait partagé avec ses partenaires Julianne Moore et Nicole Kidman pour The Hours.

"Je suis extrêmement fière que l'on m'ait demandé d'être présidente !", a-t-elle déclaré lors de la traditionnelle confère de presse du jury où elle était accompagnée de Lars Eidinger (acteur), Nick James (critique), Brigitte Lacombe (chef op), Clive Owen (acteur), Alba Rohrwacher (actrice) et Malgorzata Szumowska (réalisatrice). "C'est un honneur, un privilège. Je n'ai aucune idée de la manière dont on dirige un jury, mais je vais apprendre en le faisant."

La comédienne a rappelé son engagement "en faveur de l'égalité et de l'intégration de tous, quels que soient leur sexe, leurs origines, leur communauté ou leur religion." Elle s'est d'ailleurs félicité de la grande place accordée aux femmes à l'intérieur de son jury (4 sur 7)  :  "c'est une situation inhabituelle dans les organes de décision, donc je pense que la Berlinale a une longueur d'avance."

Et c'est vrai que Berlin joue la carte de l'ouverture  : une présidente (la 3e en 10 ans, après Tilda Swinton en 2009 et Isabella Rossellini en 2011), deux documentaires (Zero days d'Alex Gibney et Fuocoammare de Gianfranco Rosi), deux réalisatrices (Anne Zohra Berrached pour 24 weeks et Mia Hansen-love pour l'Avenir) et deux premiers films (Genius de Michael Grandage et Hedi de Mohamed ben Attia) en compétition, des choix artistiques audacieux (beaucoup de découvertes, peu de stars, et les 482 minutes du nouveau film de Lav Diaz, A lullaby to the sorrowful mystery) et une édition résolument ancrée dans l'actualité avec une thématique forte autour des migrations et des réfugiés.

Non seulement dans les films sélectionnés (une douzaine toutes sections confondues) mais également au cœur du festival. Ainsi, plusieurs centaines de  billets ont été réservés pour les  migrants, des stages ont été organisés avec l'équipe du festival et plusieurs collectes de dons se tiennent sur les lieux du festival (dans le hall du grand hôtel Hyatt où est situé l'espace presse ou lors de la cérémonie d'ouverture).

Incontestablement, Berlin donne le ton de ce que devrait désormais être un grand festival de cinéma international, c'est-à-dire un espace où on ne se contente pas de regarder la misère du monde sur grand écran, mais où on essaye d'y répondre le plus concrètement possible. Un exemple fort dont on espère qu'il fera des émules (par exemple au mois de mai prochain, dans une petite ville de bord de mer du sud de la France).

Berlin 2016: le festival s’ouvre aux réfugiés

Posté par vincy, le 24 décembre 2015

A l'instar de la Foire du livre de Francfort en octobre, le 66e Festival du film de Berlin va accompagner la politique d'accueil des réfugiés voulue par la chancelière allemande Angela Merkel.

Les réfugiés seront donc invités à des projections (un millier de places leur seront proposées) et des projets humanitaires seront créés en parallèle au festival.

Le directeur de la Berlinale Dieter Kosslick a prévu de placer au coeur du festival du film de Berlin l'accueil des migrants en Allemagne. Dans un entretien à l'AFP, il déclare faire du festival un modèle de solidarité et d'intégration. L'Allemagne a accueilli près d'un million de réfugiés ces derniers mois.

Berlin, comme Cannes et Venise, ont toujours fait preuve d'engagement politique. L'exemple le plus frappant est bien sûr la solidarité et le soutien au cinéaste iranien Jafar Panahi. Venise a toujours souhaité effacer la tache de naissance, le festival ayant été créé par le régime fasciste de Mussolini. Cannes a toujours bénéficié du réseau diplomatique français et désiré être le prolongement de l'héritage des Lumières. Berlin a été créé en 1951, quand la ville était scindée en deux, et quand la partie occidentale cherchait un moyen de résister à l'empire soviétique qui la cernait.

"Alors qu'à l'époque beaucoup d'Allemands étaient réfugiés (de la guerre), le festival a été fondé pour bâtir via la culture un peu d'entente au sein de la société et entre les nations", explique Dieter Kosslick. "A la Berlinale nous pouvons montrer aux gens combien c'est excitant et harmonieux de passer dix jours en compagnie de migrants, de gens d'autres pays", a-t-il assuré.

Un des truck foods du festival, près de Postdamer Platz,  sera tenue par des réfugiés qui proposeront de la nourriture du Moyen-Orient aux festivaliers. Enfin, ne collecte sera organisée en faveur d'associations lors du gala d'ouverture.

Dieter Kosslick veut aussi mettre de nouveau un coup de projecteur sur le passé nazi, convaincu que la lecture de l'Histoire aidera les Allemands à répondre de manière adéquate au défi migratoire actuel.

800 artistes et personnalités lancent l’appel de Calais

Posté par redaction, le 21 octobre 2015

Ils sont 800. Cinéastes, chef op, comédiens, producteurs, mais aussi écrivains, intellectuels, éditeurs, musiciens... De Romain Duris à Omar Sy, de Riad Sattouf à Jeanne Moreau, de Valérie Donzelli à Agnès Jaoui. Ils se sont tous mobilisés avec un appel, doublé d'une pétition sur Change.org, pour alerter une opinion publique de plus en plus apeurée par les migrations mondiales. En jeu, les immigrants installés à Calais, attendant de pouvoir passer au Royaume Uni. Philippe Lioret en avait fait un film, Welcome (photo).

Les conditions de vie à Calais sont si épouvantables que ce bidonville géant est surnommé la Jungle. Une tache noire sur le continent européen qui s'est ancrée ici depuis la fermeture du centre de Sangatte en 2002 et qui a explosé démographiquement à partir de 2010.

Epidémie, viols, famine...

"Cinq à six mille femmes, hommes et enfants, épuisés par un terrible voyage, laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles, avec un maigre repas par jour, un accès quasi impossible à une douche ou à des toilettes, une épidémie de gale dévastatrice, des blessures douloureuses, des abcès dentaires non soignés. Et les viols des femmes. Les enfants laissés à eux-mêmes dans les détritus. Les violences policières presque routinières. Les ratonnades organisée par des militants d’extrême droite" rappelle le texte, qui s'interroge: " Jusqu’à quand allons-nous nous taire ?"

"Au prétexte que des conditions de vie moins inhumaines pourraient produire «un appel d’air» envers d’autres réfugiés, le gouvernement de notre pays a décidé de se défausser sur les associations et les bonnes volontés. Celles-ci sont admirables mais ne peuvent pas tout. Ce désengagement de la puissance publique est une honte dans un pays qui même en période de crise, reste la sixième puissance économique mondiale."

Pauvres contre pauvres

Un appel de 800 intellectuels et artistes, relayer en une d'un quotidien national, Libération, peut frapper les esprits. On ne regrettera jamais cette mobilisation, ce sursaut citoyen face aux "discours réactionnaires ou fascisants [qui] ne cessent depuis des années de diviser les gens, d’opposer des catégories toujours plus fragmentées, pour mieux propager leur idéologie haineuse. Aujourd’hui leur propagande avance l’argument qu’il n’y aurait plus de place pour les exilés d’où qu’ils viennent, soi-disant au nom de la défense des plus pauvres des Français". Cela rappelle cette scène dans Pan où les esclaves votent avec ferveur pour la mort de trois d'entre eux sous prétexte que leur tyran en a décidé ainsi....

Il n'y a pas de gens plus misérables ou miséreux que d'autres et cela détruit l'idée même de la République. En prenant la parole, tous ensemble, ces 800 signataires veulent croire que des valeurs universalites et humanistes peuvent contrer la parole incendiaire de certains politiques, les injustices causées par les politiques européennes et nationales et l'opinion de plus en plus répandue que ces exilés de Calais sont des persona non grata au prétexte qu'ils sont clandestins avant d'être des humains.

L'appel demande "solennellement au gouvernement un large plan d’urgence pour sortir la jungle de Calais de l’indignité dans laquelle elle se trouve."

Un appel à l'ancienne

Cependant, comme l'expliquait très bien Céline Sciamma, signataire de l'appel, dans une tribune parue dans le même Libération, samedi dernier, "Il ne fait aujourd’hui plus de doute que nous avons du retard sur nos adversaires intellectuels de droite. Ce sont des athlètes de leur idéologie et, face à eux, nous devons lutter contre un sentiment d’impuissance et d’accablement aussi bien intime que collectif." Sa réflexion visait juste quand elle y écrit: "L’argumentaire est abandonné au profit d’une invocation sentimentale, là où nos adversaires font exactement l’inverse : ils déguisent leurs sentiments, de peur, de haine, en système argumenté. La riposte ne passe plus par la télévision, vieux média peuplé de vieilles personnes s’adressant à leurs semblables. La véritable offensive médiatique de la fachosphère est sur le Web, et c’est cet endroit qu’il faut investir avec force."

Or cet Appel, juste et salvateur, semble davantage une "invocation sentimentale" qu'un "système argumenté". Pire, la riposte proposée se fait dans un quotidien certes encore un peu influent mais diffusé à moins 95000 exemplaires (source OJD), soit à peine plus que La Croix, et qui n'est que le 10e site d'information le plus fréquenté sur Internet et mobile. C'est pour cela, notamment, que nous décidons de relayer cet appel, à notre modeste niveau. Si on veut interpeller les citoyens, c'est bien sur les réseaux sociaux qu'il faut désormais le faire. Et il faudrait que tous les signataires relaient cet appel avec mot-dièse compris sur leurs comptes twitter et pages facebook. Ce qui est loin d'être le cas.

Le cinéma s'engage

Parmi les 800 signataires: Anne Alvaro, Marie Amachoukeli , Mathieu Amalric , Jean-Pierre Améris, Ariane Ascaride , Antoine de Baecque, Josianne Balasko, Jeanne Balibar, Emmanuelle Béart, Alex Beaupain , Xavier Beauvois , Bérénice Bejo, Lucas Belvaux , Emmanuelle Bercot, Enki Bilal, Benjamin Biolay , Jacques Bonnaffé, Rachida Brakni, Thomas Cailley, Robin Campillo, Laurent Cantet, Marilyne Canto, Eric Cantona, Philippe Caubère, Clémentine Célarié, Caroline Champetier , Jean-Louis Comolli, Catherine Corsini, Jean-Pierre Dardenne, Luc Dardenne, Jean-Pierre Darroussin, Anaïs Demoustier, Claire Denis , Alex Descas , Arnaud Desplechin , Vincent Dieutre , Marcial Di Fonzo Bo , Valérie Donzelli , Jean Douchet, Valérie Dréville, Romain Duris, Jérémie Elkaïm , Abbas Fahdel, Philippe Faucon, Pascale Ferran, Laurence Ferreira Barbosa, Jean-Michel Frodon, Valéry Gaillard, Nicole Garcia, Louis Garrel, Philippe Garrel, Gilles Gaston-Dreyfus, Costa-Gavras, Sylvain George, Hyppolite Girardot, Agnès Godard, Jean-Luc Godard, Fabienne Godet, Yann Gonzalez, Romain Goupil, Pascal Greggory , Anouk Grinberg, Robert Guédiguian, Tran Han Hung , Michel Hazavanicius, Agnès Jaoui, Yves Jeuland, Reda Kateb, Cédric Klapisch, Helena Klotz, Nicolas Klotz, Claude Lanzmann, Pascal Légitimus, Louis-Do de Lencquesaing, Anne Le Ny, Serge Le Péron, Pierre Lescure, Sébastien Lifshitz, Thomas Lilti, Virginie Linhart, Jean-Louis Livi, Noémie Lvovsky, Haroun Mahamat Saleh, Abd al Malik, Tonie Marshall, Gilles Marchand, Jean-Louis Martinelli, Corinne Masiero, Laetitia Masson, Antoine Mathieu, Claire Mathon, Macha Méril, Radu Mihaileanu, Patrick Mille, Nadir Mokneche, Dominik Moll, Gérard Mordillat, Jeanne Moreau , Yolande Moreau, Gaspar Noë, Valérie Osouf,, François Ozon, Rithy Panh, Elisabeth Perceval, Thierry de Peretti, Nicolas Philibert, Sylvie Pialat, Bruno Podalydès, Denis Podalydès, Clémence Poésy, Joana Preiss, Katell Quillévéré, Jacques-Remy Girerd, Vincent Rottiers, Jean Rousseau, Christophe Ruggia, Agnès de Sacy , Céline Sallette, Pierre Salvadori, Riad Sattouf, Céline Sciamma, Joann Sfar, Abderrahmane Sissako, Omar Sy, Bertrand Tavernier, Jenny Teng, Danièle Thompson, Serge Toubiana, Gaspard Ulliel, Dominique Valadié, Karin Viard, Hélène Vincent , Régis Wargnier, Bruno Wolkowitch, Paule Zadjermann , Malik Zidi et Rebecca Zlotowski.