Le moins qu'on puisse dire est que Paul Vecchiali est un bel exemple de longévité patiente, puisque c’est son 50e film que l’on s’apprête à découvrir cette année à Cannes. Le cancre, présenté en séance spéciale, réunit Catherine Deneuve, Mathieu Amalric, Pascal Cervo, Françoise Lebrun, Annie Cordy, Françoise Arnoul et Edith Scob. Rien que ça.
Un casting quatre étoiles pour cet ancien critique (aux Cahiers du cinéma et à la Revue du cinéma) qui n’était plus revenu sur la Croisette depuis A vot’ bon cœur en 2004 (Quinzaine des réalisateurs). Un film dans lequel il brocardait d’ailleurs avec beaucoup d’humour le processus opaque de l’avance sur recettes du CNC, inspiré par sa propre expérience face aux nombreux refus de la commission : 47 projets refusés d’affilée, et une soixantaine de films qui ne se sont jamais faits. Pourtant, cela n’a jamais découragé cet esprit libre et débrouillard qui, à plus de 80 ans, tourne avec un Canon 5D et un iPhone.
Celui qui fut l’ami de Jacques Demy et le producteur des premiers films de Jean Eustache a réalisé son premier film en 1961. Les petits drames, un long métrage muet avec Danielle Darrieux (aujourd’hui perdu) attire immédiatement l’attention de François Truffaut qui voit en Vecchiali "le seul héritier de Jean Renoir".
"Indépendant, libre et rebelle"
Au fil des années, le cinéaste travaille en parallèle pour la télévision, le cinéma et le théâtre. Il produit, écrit (scénarios et romans), monte et réalise dans une sorte d’économie parallèle qui ne l’empêche pas de créer une œuvre solide et cohérente. Il finance lui-même son travail (il fondera même deux maisons de production, Diagonale puis Dialectique), tourne souvent dans sa propre maison (d’abord au Kremlin-Bicêtre puis au Plan-de-La-Tour), se forme une troupe fidèle de techniciens et de comédiens : Hélène Surgère, Sonia Savange, Jean-Christophe Bouvet, Nicolas Silberg… Et surtout, il tourne vite (mais bien), prépare tout en amont et garde intacte sa passion. "Faire du cinéma, c'est un métier, une responsabilité, un engagement" explique-t-il à Télérama en 2015.
De fait, Paul Vecchiali est devenu une sorte de contre-modèle qui inspire la jeune génération. "Indépendant, libre et rebelle", certes, électron libre du circuit traditionnel de production, bien sûr, mais pas non plus complètement hors système. "Je suis pratiquement le seul cinéaste français à avoir trouvé un fonctionnement comme ça, un pied dans le système et un pied dehors" explique-t-il à Télérama.
Ses films, eux, sont bien ancrés dans l’époque. Il aborde les thèmes du sida (Once more, Les larmes du SIDA), de la sexualité (Corps à cœur), de la peine de mort (La machine)… Et d’amour, bien sûr, comme dans ses derniers opus Nuits blanches sur la jetée (2015) ou C’est l’amour (2016). Avec Le cancre, il aborde en prime ce moment de la vie où l’on commence à faire le bilan de son existence. Une œuvre testamentaire alors que l’on célèbre seulement ses retrouvailles avec le Festival de Cannes ? Difficile à croire tant cet éternel jeune homme a de projets, de curiosité et d’envie en réserve.