Jean Giraud (Moebius) rejoint les étoiles de ses mondes fantastiques (1938-2012)

Posté par vincy, le 10 mars 2012

Figure emblématique de la bande dessinée, Jean Giraud, alias Moebius, est mort des suites d'une longue maladie dans la matinée du samedi 10 mars. Il avait 73 ans.

Côté 9e art, on lui doit deux séries mythiques - le Lieutenant Blueberry et John Difool/L'Incal - et des albums qui ont marqué l'histoire de l'art illustré comme Arzach ou Major Fatal / Le Monde du garage Hermétique. En 50 ans, le cofondateur de Métal hurlant aura inventé des univers parallèles, des mondes fantasmagoriques, des histoires poétiques et métaphysiques qui marqueront l'imaginaire de nombreux créateurs, y compris cinématographiques. Honoré partout (il est l'un des rares français à être entré au Hall des célébrités des prix Will Eisner, les Oscars de la BD aux USA), sollicité par tous (Stan Lee lui commanda un épisode du Surfeur d'Argent, Van Hamme lui offrit la réalisation du 18e tome de XIII), réalisant pochettes de disques, couvertures de romans et même des jaquettes de DVD, Moebius était devenu une marque autant qu'une petite entreprise à lui tout seul. Il voulait bousculer cette France mal remise de la seconde guerre mondiale, de la décolonisation. La science-fiction lui permettait d'ouvrir les yeux sur un futur utopique comme le Western dépeignait une réalité peu sympathique.

Ambitieux à ses débuts, panthéonisé sur la fin, Moebius se sentait à l'étroit en France. Il tenta ainsi l'aventure américaine en s'installant à Los Angeles dans les années 80 et en collaborant avec Hollywood dès les années 70. Cela commence avec une expérience avortée : le Dune d'Alejandro Jodorowsky en 1975. En 1979, il entre par la grande porte en participant à la conception artistique d'Alien, le huitième passager de Ridley Scott, qui avouera la grande influence de Moebius pour les décors de Blade Runner. Il effectue le même travail pour l'univers électronique de la première version de Tron en 1982 puis en 1987 pour Les Maîtres de l'Univers. On lui doit aussi la création du monde imaginaire de Willow, de Ron Howard, en 1988. Il collaborera avec James Cameron en 1989 pour Abyss. En 1996, Warner Bros fait appel à son talent pour développer l'aspect visuel et celui des personnages de Space Jam. Une consécration exceptionnelle pour un français en Amérique qui trouve son écho dans un cinéma français plus frileux en la matière. Luc Besson l'enrôle pour la direction artistique du Cinquième élément en 1997.

Ses BD ont aussi été adaptées au cinéma : Mathieu Kassovitz réalise un court métrage à partir de Cauchemar blanc en 1991. Jan Kounen échoue artistiquement à rendre vie à Blueberry dans Blueberry, L'expérience secrète, avec Vincent Cassel dans le rôle titre, en 2004.

Mais Moebius, fasciné par le cinéma, tenté par l'aventure d'un long métrage, aura aussi écrit, produit. Les maîtres du temps, de René Laloux, en 1982, est une adaptation d'une de ses BD dont il a lui-même écrit le scénario en plus de superviser la direction artistique. En 1989, il coécrit une histoire conceptualisée par Ray Bradbury puis scénarisée par Chris Columbus, Little Nemo, un film d'animation dont il assura aussi la conception artistique.

En 2003, il initie une série télévisée animée à partir de sa BD culte, et considérée par beaucoup comme révolutionnaire dans le genre, Arzak.

Enfin, en 2010, pour sa grande rétrospective à la Fondation Cartier de l'art contemporain, il écrit et réalise lui-même La Planète Encore, un court métrage animé, adapté de sa BD Le Monde d'Edena - Les Réparateurs. Il nous laisse ainsi frustré de ne jamais avoir vu un long métrage signé de lui, après nous avoir évadé dans des lieux irréels et pourtant si familiers.

_________
site officiel de l'artiste

Largo Winch : Hong Kong Star

Posté par vincy, le 7 octobre 2008

blog_largowinch.jpgLa première projection presse du film Largo Winch avait lieu ce matin sur les Champs-Elysées. Le dossier de presse tenait dans une clé USB à l'effigie du héros de la BD. L'histoire reprend principalement la trame des deux premiers volumes de la série de Van Hamme et Francq, scénarisé par le réalisateur Jérôme Salle (Anthony Zimmer) et Julien Rappeneau (le fils de Jean-Paul), tout en se délocalisant à Hong Kong. Question de coûts sans doute : new york aurait fait exploser le budget vu le nombre d'extérieurs...

Alors ce Largo Winch version cinéma? Tel que prévu : classe, efficace, rythmé, dans l'air du temps. Ce n'est pas Jason Bourne, c'est presque James Bond, avec moins de sang et plus de dollars. Difficile d'installer une franchise. Mais en restant fidèle à l'esprit de la BD, tout en transformant ou créant de nombreux personnages, Jérôme Salle se sort bien d'un pari risqué : un script polyglotte, un tournage international, des scènes d'action en centre-ville et une histoire d'OPA économique, ce qui n'est pas le plus simple des enjeux pour un film de ce genre.

Bizarrement, la véritable audace tient au casting du héros. Dans la BD, chevelure blonde et ondulée, la machoire carrée, un physique de footballer américain. Ici, Tomer Sisley. Si le comédien est moins convaincant dans les rares scènes d'émotion, il est étonnament crédible dans les combats. Pour le reste, séduisant, charmeur, "métèque" comme il le dit lui même, il est presque plus authentique dans ce rôle d'orphelin yougoslave, plus méditerranéen que slave. Il va devoir prendre des épaules pour porter les éventuelles suites. Pour ce qui est de l'humour et de la drague, il a, en revanche, beaucoup plus de présence que le Winch sur papier.

En pleine crise financière, il est ironique de constater que Winch peut devenir un héros du cinéma moderne. On verra, qui de XIII (une BD de Van Hamme là encore), diffusé sur Canal + depuis hier, ou de Largo, les dévoreurs d'image préférreront...