Cannes 2011 – le chiffre du jour : 9 m2

Posté par vincy, le 12 mai 2011

9 mètres carrés. C'est la surface minimum d'un stand au Marché du film. Et cela coûte 4 250 euros dans le Palais, 5 450 euros dans le bâtiment plus chic Riviera et 6 153 euros toujours dans le Riviera mais dans la partie de la rotonde du Lérins.

Il faut rajouter de 255 euros à 426 euros pour chaque mètre carré supplémentaire. Le marché l'an dernier a reçu 642 exposants de 103 pays.

Cannes 2011 : Qui est Ezra Miller ?

Posté par MpM, le 12 mai 2011

Avec Ezra Miller, l’adolescence torturée et mal dans sa peau s’est trouvé un nouveau visage. Paradoxal pour ce jeune acteur américain qui  avoue avoir grandi sans heurts dans une famille aimante, compréhensive et harmonieuse.

Sous le regard bienveillant d’une mère danseuse, le jeune Ezra a en effet fait ses premiers pas sur scène à l’âge de six ans, à l’occasion de la première américaine de l’opéra de Philip Glass, White Raven. Quelques années plus tard, il apparaît dans cinq épisodes de Californication et dans un court métrage, Busted walk.

En 2008, on le découvre dans Afterschool d’Antonio Campos, présenté à Cannes dans la section Un certain regard. Opaque et insaisissable, il est cet adolescent perturbé qui assiste à la mort de deux de ses camarades. Une prestation presque glaçante, tant son personnage semble dénué de la moindre émotion. L’année suivante, il apparaît dans City island, où il est l’un des membres d’une famille dysfonctionnelle dans laquelle chacun a quelque chose à cacher.

Il poursuit ensuite avec un film de teenager, Beware the gonzo, une comédie romantique, Every day, et un rôle récurrent dans une série télévisée, Royal pains. L’adolescent rebelle serait-il en train de se ranger ? Au contraire. On l’attend cette année dans deux films a priori explosifs sur les affres de la famille et la complexité des rapports filiaux : Another happy day de Sam Levinson, qui sortira en France à la fin de l’année, et We need to talk about Kevin de Lynne Ramsay, en course pour la palme d’or. Dans ce dernier, il interprète un élève dérangé qui a des rapports conflictuels avec sa mère, interprétée par Tilda Swinton, et qui commet un jour l’irréparable. Il montera les marches de ce 64e Festival de Cannes avec l'habit d'un monstre, loin de l'image de l'ado classique, proche de nos pires cauchemars.

Heureusement, l’âge aidant, peut-être les réalisateurs se lasseront-ils de confier ce type de rôle à Ezra Miller… Peut-être pourra-t-il alors s’essayer à un autre registre, et réaliser son rêve : interpréter Edgar Allan Poe.

Cannes 2011 : une ouverture sous le signe de l’élégance

Posté par kristofy, le 12 mai 2011

Mélanie Laurent avait reçu comme indication de la part de Gilles Jacob de faire drôle, intelligent et léger pour la cérémonie d’ouverture de ce 64ème Festival de Cannes. Dans son rôle de maîtresse de cérémonie elle s’est révélée en fait surtout élégante, à l'image d'Uma Thurman (photo). Son texte (écrit avec le grand, beau, drôle et cynique Nicolas Bedos) était assez passe-partout, mais sa façon de l’interpréter sans trop le réciter lui a donné du relief. Mélanie Laurent a aussi réussi à faire bouger un peu le côté figé de la cérémonie : durant l’intermède musical de Jamie Cullum au piano, elle a un peu dansé, entraînant avec elle d’autres jurés à se lever un instant pour swinguer.

Deux moments d’émotion ont particulièrement rythmé cette cérémonie d’ouverture. A la suite d’un montage de ses extraits de film, le nom du président du jury est annoncé : Robert De Niro. Une standing ovation du public très chaleureuse a vraiment touché l’acteur qui pendant un moment avait les yeux brillant d’une émotion qui l’a empêché de parler. Il a ensuite dit quelques mots non pas dans sa langue, mais en français. Élégance encore avec une palme d’or d’honneur décernée à Bernardo Bertolucci. Le réalisateur, apparu dans un fauteuil roulant, a vu se lever la salle entière pour l’applaudir. C’est Gilles Jacob qui a lu un discours saluant sa carrière, un hommage qui d’ailleurs était à la fois drôle, intelligent et léger.

Comme le disait Mélanie Laurent « vu d’ici, le cinéma est magique ». Une déclaration d’amour au Festival de Cannes qui cette année encore promet de nous émerveiller...

Cannes 2011 : Le voyage dans la lune, une fable hallucinante

Posté par vincy, le 11 mai 2011

Monument historique du cinéma, Le Voyage dans la lune est sans aucun doute, avec cette Lune éborgnée par une fusée, l’une des premières images du cinéma inscrite dans l’inconscient collectif. Mais qui a finalement vu le quart d’heure de film de George Méliès ?

Grâce à la restauration de la copie couleur originale (voir actualité du 10 mai), il est désormais possible de juger l’oeuvre dans son intégralité. Elle sera présentée en ouverture du 64e Festival de Cannes ce soir, dans le cadre Cannes Classics.

Sur la forme, on reste épatés par l’ingéniosité des effets visuels de l’époque (nous sommes à la préhistoire du cinéma tout de même) transformant des télescopes en chaises en un clignement d’œil. Si l’on sent la présence de décors peints comme au théâtre, il essaie tout de même de créer des perspectives et du relief. Reconnaissons que l’imaginaire du réalisateur, inspiré par l’inventivité de la révolution industrielle, le récit fantastique de Jules Verne et une foi inébranlable dans les infinies possibilités de la science, est fondateur du cinéma de science-fiction. Bien sûr, rien n’est plausible scientifiquement. Mais ce voyage prend des tournures délirantes qui le rendent hallucinant.

Tantôt burlesque, tantôt coquin (les filles sont des faire-valoir, certes, mais toujours courtement vêtue), cette épopée ne manque pas de dérision. Mais c’est dans l’action que le film se révèle le plus impressionnant : avec ces monstres lunaires aux allures reptiliennes, qui disparaissent en fumée dès qu’on les frappe, le réalisateur filme des scènes de bataille qui ancrent le film dans la catégorie « pur divertissement ».

Et c’est là que l’audace des restaurateurs prend tout son sens. Pour faire le lien entre cet objet du patrimoine et notre regard actuel, ils ont décidé d’y coller la musique électronique du groupe AIR (Virgin suicides). Le voyage dans la lune devient alors comme le château de Versailles accueillant les œuvres de Jeff Koons. La musique se marie à la perfection aux ambiances du film, accentuant même sa dramatisation. Les rythmes ponctuent les gestes et les coups, donnant du relief à un film muet.

L’ensemble a des airs de clips psychédéliques un peu barré. Ce tableau sauvé des eaux est en mouvement perpétuel, agité, un peu flou, et pourtant il nous hypnotise et nous propulse dans un autre monde, parallèle. Pour une fois que le cinéma nous envoie vraiment dans la lune….

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voir aussi : Restauration du Voyage dans la lune de Georges Méliès : un Voyage extraordinaire le documentaire de Serge Bromberg ; Le voyage dans la lune, de Georges Méliès : le premier blockbuster de l’histoire du cinéma, l'histoire du film ; et Hugo Cabret, film de Martin Scorsese avec Georges méliès et ses films dans les rôles principaux...

Cannes 2011 : Qui est Emily Browning ?

Posté par vincy, le 11 mai 2011

22 ans et demi, australienne, et bizutée ès le premier jour de la compétition cannoise. Emily Browning, visage un peu rond doté de lèvres pulpeuses et sensuelles, va être mitraillée par les photographes du monde entier. Cela en paniquerait plus d'un(e) mais avec treize ans de carrière derrière elle, la comédienne n'est pas une première venue.

Primée dès l'age de 14 ans pour une série TV, Halifax, elle est rapidement devenue une de ces enfants-stars qui ont survécu à la puberté. Hollywood l'emploie pour des blockbusters médiocres, flirtant avec le suspens, l'horreur et la science fiction : Le vaisseau de l'angoisse, Nuits de terreur, ou plus tard, Les intrus.

Le cinéma australien est plus généreux en la faisant participer à l'une des importantes productions de 2003, entre action, drame et aventures. Elle y est la fille de Heath Ledger, alias Ned Kelly. On y croise Orlando Bloom, Naomi Watts et Geoffrey Rush.

Mais c'est en décrochant le rôle de Violet Baudelaire dans Les désastreuses aventures des Orphelins Baudelaire, avec Jim Carrey et Meryl Streep, qu'elle se fait un nom. Enorme succès mondial pour un public familial acquis, elle épate en soeur aînée ingénieuse, avec son aspect mystérieux, légèrement gothique. Elle gagne l'Oscar australien pour une performance dans un film étranger. On lui propose logiquement le personnage de Bella Swan dans Twilight, qu'elle refuse.

Cette année, après avoir un peu grandi, s'être féminisée, elle est la vedette de deux films radicalement différents. Pour remplacer Amanday Seyfried, occupée ailleurs, Zack Snyder en fait sa Baby Doll dans le fiasco à gros budget Sucker Punch. Elle y chante, elle y rêve, manie le poignard et manipule ses agresseurs avec grâce. Fausse coupable, véritable victime, elle excelle dans un personnage emprisonnée dans un asile psychiatrique préparant sa grande évasion.

A Cannes, elle vient défendre Sleeping Beauty de Julia Leigh. Elle émoustillera les festivaliers avec ses désirs et l'érotisme qui en naît. Le rôle devait être interprété par Mia "Alice au pays des merveilles" Wasikowska, qui a préféré tourner Jane Eyre. En refusant Twilight, en acceptant des projets plus audacieux, très féministes, Browning dévoile une personnalité qui n'a rien d'attendu de la part d'une fille de sa génération... et qui pourrait nous séduire longtemps si ses choix réussissent à séduire le public et la critique.

Isabelle Adjani passe derrière la caméra

Posté par vincy, le 11 mai 2011

Isabelle Adjani co-réalisera son premier long métrage avec l'adaptation de Berthe Morisot, le secret de la femme en noir, roman biographique de Dominique Bona édité par Grasset en 2000.

Grande admiratrice de la peintre impressionniste (1841-1891), elle replonge ainsi dans le milieu artistique de la deuxième moitié du XIXè siècle, 13 ans après avoir incarné Camille Claudel. Berthe Morisot était une femme libre, mais aussi la maîtresse et modèle de Manet, avant de devenir peintre à son tour. Degas, Renoir, Monet ne tarissaient pas d'éloges sur son oeuvre. Elle était aussi l'amie de Fantin-Latour, Henri de Régnier et Mallarmé..

Le scénario est en fin de parcours, et le tournage débutera au deuxième semestre 2011. La production est assurée par la société d'Adjani, Isia Films, co-dirigée avec Louisa Maurin. Isia Films prépare aussi Papier glacé, de Laurent Tuel, avec Adjani dans le rôle principal.

Cannes 2011 : Les affinités électives de son excellence Bertolucci

Posté par vincy, le 11 mai 2011

Bernardo Bertolucci est l’une des vedettes de cette journée d’ouverture du 64e Festival de Cannes, aux côtés de Robert de Niro, Woody Allen et George Méliès. Le cinéaste italien va recevoir une Palme d’or d’honneur, qui sera désormais décernée chaque année le premier jour du festival à un réalisateur n’ayant jamais obtenu la récompense suprême.

Il est venu à quatre reprises sur la Croisette et se souvient avec émotion de cette première fois en 1964 où Prima della Rivoluzione était sélectionné à La Semaine de la Critique. « Les critiques italiens ont massacré, et même tué mon film. Les critiques français l’ont bien aimé. Je me sentais comme un réalisateur français… »

En 1976, il a présenté 1900, avec Robert de Niro. Hors-compétition. « Gilles Jacob avait dédié une journée au film. La première partie était diffusée l’après midi et la seconde après le dîner. » C’est « un film monstre, je ne le voyais pas en compétition. » Plus tard, il croise le Président du jury de cette édition, Costa-Gavras, qui lui avoue ne pas comprendre pourquoi le film n’est pas en compétition. Il confie à Bertolucci qu’il aurai pu recevoir la Palme d’or. Celle-ci reviendra à Taxi Driver, avec De Niro.

C’est d’ailleurs l’acteur américain, président du jury cette année, qui devrait remettre la Palme d’or d’honneur à un Bertolucci venu en fauteuil roulant. « Bob est très laconique. Il ne parle pas beaucoup. Il va peut-être dire quelques mots, ce serait bien. »

Le réalisateur du Dernier tango à Paris présentera demain dans le cadre de Cannes Classics une copie restaurée du Conformiste (1970). « Au lieu de restaurer mes films, les Cinémathèques devraient me restaurer, moi. »

Si Bernardo Bertolucci refuse d’être pris en photo sur son fauteuil roulant, pudeur apparemment partagée avec Jean-Paul Belmondo, il a conscience à 71 ans d’être proche de l’épilogue de son propre film. « Depuis cinq, six ans, j’étais convaincu de ne plus tourner de films. Mon état, comme vous l’avez constaté, me disait que c’était la fin. Je suis comme mes caméras : sur un chariot. »

Pourtant, après avoir vu Avatar, qui l’a fasciné, il est convaincu que la 3D n’est pas réservé aux films d’horreur, de science-fiction ou de grand spectacle. Il a une idée en tête, fait quelques essais, dialogue avec Wenders et Herzog. « On est tous attirés par la 3D ». Et il se met à rêver d'un Persona d'Ingmar Bergman avec le visage des deux actrices en relief. Il va tourner Toi et moi, une histoire en sous-sol, avec ce procédé (voir actualité du 11 avril).

Bertolucci est ancré dans le présent aime les nouvelles vagues : celles du Brésil dans les années 60, celles de la Chine dans les années 80, ou encore les nouveaux talents italiens contemporains comme Crialese ou Sorrentino : « ils s’intéressent à la structure, à l’esthétisme, pas seulement au scénario

A l’écouter, en français, en anglais, en italien, faisant des références à Bazin ou Bataille, on aurait pu s’attendre à un vieil homme regrettant le passé. Mais il n’y a aucune nostalgie chez lui. Le temps est une valeur subjective. « Il y a des films qui vieillissent bien, des films qui vieillissent mal. Il n’y a pas de règles, ce n’est pas comme pour le vin. Le passage du temps ne fait pas toujours du bien aux films. Mais ce n’est pas forcément à cause du film, qui est en fait lié à une réalité de l’époque. En fait, la réalité vieillit aussi… »

Cannes 2011 – le chiffre du jour : 20 000 000 d’euros

Posté par vincy, le 11 mai 2011

Environ 20 millions d'euros, c'est le budget du festival, assez stable depuis quelques années, malgré la crise. La moitié provient des 14 partenaires officiels (Canal +, L'Oréal, Air France, Chopard, Europcar, Hewlett-Packard, LG, Nestlé, Orange, Renault, Société Générale, Continental Media Assurances, Jacques Dessange et Electrolux). On peut aussi rajouter Kodak pour la Caméra d'or. Beaucoup ont quand même réduit leur train de vie : annulation de fêtes, réduction du nombre d'invités, diminution de la publicité....

L'autre moitié vient des pouvoirs publics : 30% pour la ville de Cannes, 15% du ministère de la Culture, 2,5% de la région et 2,5% du département. La ville répartit ses aides entre une subvention coquette (2,1 millions d'euros) et des aides directes : sécurité, achats d'espace, mise à disposition de la Villa Domergue, ornements publics ... Il faut dire que la ville triple sa population durant le festival. Au total, 250 millions d'euros de chiffre d'affaires sont générés par le Festival (soit près d'un tiers des recettes annuelles de la ville de Cannes dans le secteur Tourisme d'affaires). C'est aussi 2 600 emplois créés durant cette période et 15% du chiffre d'affaires annuels des Hôtels. Cannes rapporte...

Et pourtant le Ministère des Affaires étrangères a cessé son apport régulier.

Cannes 2011 : le Festival nous promet la lune (de Méliès)

Posté par Benjamin, le 10 mai 2011

Dans les premières années du 7ème art, deux types de cinéma se sont distingués : le cinéma documentaire, s’inspirant de la vie réelle et créé par les frères Lumières et le cinéma de pur divertissement dans lequel Georges Méliès règne en maître. Cette année, le 64e Festival de Cannes a décidé de mettre à l’honneur ce dernier avec la présentation d’une version colorisée et restaurée du Voyage dans la lune, ce fameux film où la lune est éborgnée par une fusée. Le film sera projeté lors de la soirée d’ouverture mercredi 11 mai, dans le cadre Cannes Classics, pour célébrer les 150 ans de la naissance du réalisateur.

Les cinéphiles que vous êtes se demandent immédiatement comment une version en couleur peut exister de ce film réalisé en 1902, alors que la couleur n’apparaît que bien plus tard dans les années 30. En fait la couleur est ici une peinture rajoutée sur la pellicule. Chaque plan a été peint à la main.

Cette version du film inédite de 16 minutes que l’on croyait perdu a été retrouvée dans la Cinémathèque de Barcelonne et est aujourd’hui en possession de Lobster Films, qui a déjà restauré près de 200 films de George Méliès (sur les 500 existants et que Méliès n’avait pas détruit dans un excès de colère à la fin de sa carrière).

Avec l’aide de la Fondation Groupama Gan pour le cinéma et la Fondation Technicolor pour le Patrimoine du cinéma, ils ont entrepris de redonner vie à ce chef d’œuvre du cinéma. Dans les locaux de la société de Serge Bromberg, des centaines de boîtes contenant des morceaux, des fragments du film sont entreposés. Lorsque le restaurateur, césarisé pour L’enfer d’Henri-George Clouzot, nous a laissé entrevoir ce que contiennent les boîtes en novembre 2010, on se rend compte du travail interminable qui attend les restaurateurs. La pellicule n’est pas seulement abîmée, elle est cassée en mille morceaux. Certains plans (juste un petit carré d’images) peuvent être brisés en une dizaine de morceaux (13 375 pour être précis). Un scan va alors être effectué plan par plan pour d’abord sauvegarder le film puis ensuite entreprendre sa restauration dont le budget s'élève à 400 000 euros. Pendant un an, exclusivement en 2010, le travail de restauration est effectué à Los Angeles, dans les locaux de Technicolor. Un projet titanesque qui est, selon Serge Bromberg, le plus difficile qu’il ait eu à faire en plus de 20 ans de métier : « C’est la restauration la plus complexe et la plus ambitieuse que nous ayons jamais menée, d'autant que ce film des tous premiers temps du cinéma était invisible depuis une centaine d'années. »

Une musique, composée et jouée par le groupe AIR, a également été faite spécialement pour le film, pour faire le lien entre le public d'aujourd'hui et les images d'hier.

La restauration du Voyage dans la lune est un grand pas en avant dans ce domaine car il s’agit d’un des films les plus importants et les plus célèbres de l’Histoire du cinéma. Tout le monde, sans avoir vu forcément le film, connaît cette image si célèbre de la lune, dont le visage est celui d’une femme, avec une fusée venue se cogner dans l’un de ses yeux. Aujourd’hui, c’est un film plus long et en couleur qui pourra être apprécié par les festivaliers. Une chance unique que propose Cannes de redécouvrir l'un des plus grands films de la préhistoire du cinéma. Un monument historique retapé avec brio et audace.

Cannes 2011 – l’affiche : Lignes de Faye

Posté par benoit, le 10 mai 2011

Les deux mains de la domestique posèrent le plateau du petit déjeuner. Un jus de fruit débarrassé de son sucre, un cocktail de pilules et de gélules dans une bonbonnière en cristal, une tasse avec soucoupe en porcelaine de France où fumait un café à l’arôme amer. Les pieds du plateau s’enfonçaient dans un jeté de lit en soie nué d’ivoire recouvrant une paire de jambes interminables, rompues à l’exercice de la course sur le tapis d’une machine qui trônait au sous-sol, tel un insecte d’acier, dans la salle de sport.

La soie s’arrêtait à la taille d’une finesse liposucée, enveloppée dans une veste de pyjama de satin blanc. Le tissu lâcha d’un coup son éclat à l’ouverture des stores. Le jour californien éclaboussa sans grâce le décolleté où deux seins gonflés, obus de silicone, se dressaient vers un visage sculpté par le botox. Ovale aux pommettes arrogantes entouré de longs cheveux fins d’un blond pâle. Si pâle qu’il se confondait avec la peau farouchement protégée des feux du soleil. L’épiderme diaphane semblait poudré de jour comme de nuit, prêt à toute heure pour réfléchir l’énergie de la lumière.

Des doigts ornés de faux ongles portèrent la tasse de café à la bouche aux muscles paralysés par les injections de toxine botulique. Puis les griffes peintes de nacre saisirent une enveloppe kraft déposée dès l’aube par un coursier. Les mains déchirèrent le pli, en sortirent l’ultime épreuve de l’affiche du 64e Cannes international Film Festival.

Faye Dunaway regarda le résultat avec dureté. Émis un soupir. Pourquoi Jerry a gommé mon corps sur ce cliché ? Putain de robe noire… Sinistre. Le noir du vêtement coulait comme de l’encre et remplissait toute l’affiche. À la fin du festival, j’aurai complètement disparu dans la nuit ! N’était-ce pas déjà le cas quand, chaque année, elle fendait la foule de la Croisette avec son Borsalino et ses verres fumés d’un bleu assorti à la Méditerranée ? Qui me regarde ? Qui me remarque encore à part une poignée de gays ? Les pédales et les actrices : même combat. Passé quarante ans, on dégringole les escaliers quatre à quatre !

Le noir, buvard étrange, absorbait toute son attention. Malgré toute la force et la rage de l’ambition de Faye, le noir s’employait depuis plus de vingt ans à gagner du terrain sur la lumière. Parce que j’ai balancé un pot d'urine à la gueule de Polanski sur le plateau de Chinatown ? Il m’avait traitée de "gigantesque douleur dans le cul" en m’arrachant les cheveux, le nabot ! Et pourquoi on m’emmerde encore aujourd’hui pour avoir accepté ce satané rôle de Mommie Dearest ? Joan Crawford m’aurait comprise, elle. On est de la même trempe !

Faye reconsidéra l’affiche, se dévisagea. Dieu que l’impétuosité les animait autrefois, elle et Jerry. Elle pensa à Schatzberg cacochyme qui allait monter les marches à ses côtés. Aucun mal à briller près de lui… Mais pourquoi avoir effacé mon corps, Jerry ? Par jalousie ? Par exclusivité ? J’étais pourtant toute à toi. Quand les vagues dépressives la submergeaient, elle aimait poser sa tête dans le creux de l’épaule de son amant, respirer l’odeur sécurisante de son aisselle, s’endormir sur l’épaisseur de son torse. Virilisé par l’impétuosité de son talent, Jerry savait l’apaiser comme personne. Le monde du cinéma des seventies avait pour Schatzberg la taille d’une bille, et ses oiseaux de malheur venaient manger dans la main de Dunaway.

Sa vue se brouilla. Les contours de son visage et de ses jambes devinrent flous. Elle se ressaisit car elle possédait toujours ce chien propre aux grandes coriaces d’Hollywood. Je n’aboie pas beaucoup aujourd’hui. Je jappe tout au plus. La preuve, je ne présenterai pas à Cannes une nouveauté, mais un film ancien : Puzzle of a Donwfall Child.

Ses ongles se crispèrent, déchirèrent l’épreuve. Les morceaux atterrirent sans bruit sur la moquette beige épaisse de la chambre. Tête, jambes, jeunesse disloquées. Tracés du 64 en pièces. Fils tronçonnés pour pantin glam’ au corps absent. Lignes de Faye. Dunaway so far away.