Invisible Life de Karim Aïnouz
Evge de Nariman Aliev
Beanpole de Kantemir Balagov
Les hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman & Eléa Gobé Mévellec - animation
La femme de mon frère de Monia Chokri
The Climb de Michael Covino
Jeanne de Bruno Dumont
Viendra le feu d'Olivier Laxe
Chambre 212 de Christophe Honoré
Port Authority de Danielle Lessovitz
Papicha de Mounia Meddour
Adam de Maryam Touzani
Zhuo ren mi mi de Midi Z
Liberté de Albert Serra
Bull d'Annie Silverstein
Summer of Changsha de Zu Feng
Cannes 2019: Un certain regard, les grands écarts

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Cannes 2019: Les films hors-compétition et en séances spéciales
Les plus belles années d'une vie de Claude Lelouch
Rocketman
Rocketman de Dexter Fletcher
Too Old to die Young (ép. 4 et ép. 5) de Nicolas Winding Refn
Diego Maradona de Asif Kapadia
La belle époque de Nicolas Bedos
Séances de minuit
The Gangster, the cop and the devil de Lee Won-Tae
Séances spéciales
Share de Pippa Bianco
For Sama de Waad Al Kateab & Edward Watts
Family Romance, LLC de Werner Herzog
Tommaso de Abel Ferrara
Être vivant et le savoir d'Alain Cavalier
Cannes 2019: une compétition solide et excitante
Il y a ceux qui étaient très attendus (Almodovar, Loach, Dardenne, Malick, Dolan), ceux qui font leurs premiers pas ( Diop, Ly, Triet...) et quelques surprises espérées (Sachs, Hausner, Sciamma,...). Mais il y anecore quelques créneaux pour ceux qui n'ont pas été annoncés ce matin pour cette compétition éclectique et revigorante, composée de vétérans, de quelques réalisatrices, de promus en compétition, ...
Tarantino, Kore-Eda, Aster sont parmi les trois grands absents de ce matin. On espérait aussi y voir Kechiche, Yimou et peut-être même Kurosawa et Gerwig. Que nenni. Certains ne sont pas encore prêts. D'autres changent de stratégie marketing. Ad Astra de James Gray est ainsi sorti de l'orbite cannoise. Il va falloir encore attendre quelques jours pour connaître le profil définitif des prétendants à la Palme d'or.
The Dead don't Die de Jim Jarmusch - ouverture
Douleur et gloire de Pedro Almodovar
Le traître de Marco Bellocchio
The Wild Goose Lake de Diao Yinan
Parasite de Bong Joon Ho
Le jeune Ahmed des Frères Dardenne
Roubaix, une lumière d'Arnaud Desplechin
Atlantique de Mati Diop
Matthias et Maxime de Xavier Dolan
Little Joe de Jessica Hausner
Sorry we missed you de Ken Loach
Les Misérables de Ladj Ly
Une vie cachée de Terrence Malick
Bacurau de Kleber Mendonça Filho & Juliano Dornelles
The Whistlers de Corneliu Porumboiu
Franckie d'Ira Sachs
Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma
It must be heaven d'Elia Suleiman
Sybil de Justine Triet
L’indomptable Xavier Dolan débarque en librairie
Maître de conférences et spécialiste du droit public, Laurent Beurdeley est également un grand fan du cinéaste québécois. Voilà pourquoi il lui consacre tout un livre. Déjà disponible au Québec, Xavier Dolan - L’indomptable est désormais disponible dans les librairies françaises.
Un livre attendu
Tout premier portrait du réalisateur découvert à Cannes en 2009 alors qu’il n’avait que 20 ans, Xavier Dolan - L’indomptable propose une description minutieuse du principal intéressé. Plus encore, l’ouvrage tend à décortiquer ses films applaudis (Mommy) ou décriés (Juste la fin du monde) tout en mettant en lumière les multiples facettes de celui que l’on ne présente plus.
Au cours des 456 pages qui composent Xavier Dolan - L’indomptable, Laurent Beurdeley aborde tour à tour l’impressionnante culture du réalisateur de Laurence Anyways, son statut durement acquis d’icône pop, ses muses ainsi que ses engagements politiques et personnels. Portrait sans fard d’un garçon devenu homme, Xavier Dolan - L’indomptable a été écrit sans que son auteur ne rencontre jamais son sujet. Mais le 4 mars dernier, en amont de la sortie québécoise, Stéphane Bern est tout de même parvenu à changer la donne !
Dévoilé quelques heures avant l’annonce de la sélection officielle de la 72e édition du Festival de Cannes, Xavier Dolan - L’indomptable arrive au bon moment. En effet, après une sélection manquée l’an dernier avec Ma vie avec John F. Donovan, le réalisateur de 30 ans est particulièrement attendu sur la Croisette avec son huitième long métrage : Matthias & Maxime.
Cannes 2019: Alain Delon recevra une Palme d’or d’honneur
Le Festival de Cannes a décidé de décerner une Palme d’or d’Honneur à Alain Delon, "afin d’honorer sa magnifique présence dans l’histoire du septième art."
L'acteur, réalisateur et producteur français succède ainsi à Jeanne Moreau, Woody Allen, Bernardo Bertolucci, Jane Fonda, Clint Eastwood, Jean-Paul Belmondo, Manoel de Oliveira, Agnès Varda et Jean-Pierre Léaud.
Le comédien du Guépard de Luchino Visconti (Palme d’or 1963) est considéré comme l'un des monstres sacrés du 7e art. Il est né au cinéma en 1960 avec Plein Soleil de René Clément.
"Avec Pierre Lescure, nous sommes heureux qu’Alain Delon ait accepté d’être honoré par le Festival, déclare Thierry Frémaux, Délégué général. Il a pourtant longuement hésité, lui qui nous a longtemps refusé cette Palme d’or car il estimait ne devoir venir à Cannes que pour célébrer les metteurs en scène avec lesquels il a travaillé."
Une belle histoire
Antonioni, Cavalier, Verneuil, Visconti, Melville, Losey, Godard, Deray, Duvivier, Schlöndorff, Leconte, Blier, Enrico sont autant de grands noms qui émaillent dans sa filmographie.
"Magnétique chez Visconti, mystérieux dans les polars de Melville et Verneuil, Alain Delon a toujours fait des choix forts : en abandonnant rapidement le costume du jeune premier, il se consacre à des personnages complexes, ambivalents et tragiques, fragiles et rugueux, et façonne le rôle de policier taiseux ou d’animal à sang froid. Grande source d’inspiration pour John Woo ou Quentin Tarantino, Le Samouraï, où il est le film, fait de son jeu un « genre » : charisme, regard, tension…" rappelle le communiqué.
"Son histoire avec le Festival de Cannes a débuté en même temps que sa carrière. Le 13 mai 1961, sa première montée des Marches pour Quelle joie de vivre, présenté en Sélection officielle, est marquée par une grande ferveur où se mêlent photographes, journalistes et des centaines d’admirateurs. 30 ans plus tard : même enthousiasme lors de son arrivée spectaculaire en hélicoptère puis en bateau pour présenter Nouvelle Vague" précise le Festival. Delon c'est le mot STAR accroché à son veston ou des passages pour remettre une Palme ou accompagner un vieux film restauré.
S'il a abandonné le cinéma, il fait de temps en temps du théâtre et on murmure qu'il reviendrait à la chanson.
3 raisons d’aller voir Alpha the right to kill
Le pitch : Dans les quartiers pauvres de Manille, la lutte antidrogue fait rage. Un officier de police et un petit dealer devenu indic tentent coûte que coûte de faire tomber l’un des plus gros trafiquants de la ville, mettant en jeu leur réputation, la sécurité de leur famille… et leur vie.
Le retour de Brillante Mendoza
La plupart des films de Brillante Mendoza ont été sélectionnés dans différents festivals comme Cannes (prix de la mise en scène en 2009 pour Kinatay), Venise, Berlin ; ce qui a encouragé ensuite leur sortie en salles en France comme par exemple Serbis, Lola, Captive… Cependant, certains de ses films n’ont pas été distribués chez nous. Ce fut le cas de Thy Womb (pourtant à Venise, et très bon) et comme de Sapi (une incursion ratée dans le surnaturel). Son dernier film Ma' Rosa (prix d'interprétation féminine à Cannes) faisait le portrait d’une mère de famille qui devait trouver de l’argent pour sortir sa famille de garde-à-vue chez les flics pour une histoire de petit deal de drogue… Le drogue et les diverses ramifications de ses trafics sont cette fois au centre de ce nouveau film Alpha the right to kill : pistage d’un gros trafiquant, intervention armée des policiers, une partie de la drogue disparue, les curieuses relations entre un flic et son indic… Les amateurs de polars seront ravis.
Le style immersif de Brillante Mendoza
Cette impression de captation du réel ou de cinéma-vérité qui forment le style de Mendoza est ici encore à l’œuvre durant tout le film (sauf certains moments de l’assaut, au début, qui empruntent aux codes du polar/thriller classique). Nous assistons presque en temps réel à ce qui se passe. Au Festival de Vesoul, il nous avait expliqué sa façon de travailler si particulière (sur presque chaque film) : « Sur grand écran, tout semble être exactement comme on le voit dans la réalité. Mais pour obtenir ce résultat, et le rendre réaliste, comme un documentaire, cela demande beaucoup de travail et de patience. Il faut s’appuyer sur différents éléments de réalisation, comme le son, la direction artistique, la mise en scène, le montage, et même la musique. Même si on tourne en temps réel, il faut d’une certaine manière tout recréer lorsque l’on réunit tous les éléments. Comment procède-t-on concrètement ? Dès le casting : on mélange des acteurs professionnels avec des amateurs. Je les laisse improviser beaucoup. Je ne leur dis pas où sera placée la caméra pour ne pas les bloquer. Et pour ce qui est de la musique : je n’en utilise pas beaucoup. Si le film se suffit à lui-même, il n’y a pas besoin de musique. Mais j’utilise la musique comme un son naturel de l’environnement. Même chose avec la direction artistique : je veux que tout semble le plus vrai possible. Je n’aime pas que les acteurs portent des vêtements qui ne sont pas habituellement portés par les gens ordinaires. Parce que la plupart de mes personnages sont des gens ordinaires. »
La lutte (im)possible contre le trafic de drogue…
Alpha the right to kill montre presque chaque rouage du trafic de drogue : le gros bonnet, les petits vendeurs, les passeurs, les guetteurs, les indics, les policiers, les médias… Ce n’est pas seulement un bon sujet de film d’action mais aussi un sujet politique, aux Philippines la ‘guerre contre la drogue’ était une thématique forte pour son élection en 2016 du président Rodrigo Dutertre. Ainsi, lors d’une importante intervention, il y a dans le film- comme dans le réel - certains policiers qui peuvent tirer et tuer des criminels ou des simples suspects… Après une première partie musclée typique d’un film d’action, Alpha the right to kill se recentre sur deux personnages en particulier : un policier respecté pour son efficacité et son rôle de bon père et mari ; et un petit dealer habile qui doit trouver de l’argent pour les besoins du bébé.
Mais on remarque surtout que les quantités de drogues saisies par les autorités ont beau être importantes, il y en aura toujours en circulation. Ce trafic profite à tellement de gens qu'on ne voit pas comment il peut prendre fin.
BIFFF 2019 : Avec The Beach Bum, ça plane pour Harmony Korine
Le BIFFF met en avant les films fantastiques de tout genre; fantasy, thriller, science-fiction, qu'ils soient drôles ou/et sanglants. A cet éclectisme, s'ajoutent certaines surprises. Cette année Bruxelles a fait découvrir en avant-première, avant sa sortie française le 31 juillet, le fameux (fumeux ?) The Beach Bum avec la promesse d’un Matthew McConaughey sous substance de paradis artificiel.
Pour la première fois de sa carrière, sans doute, le cinéaste Harmony Korine livre ici un film qui en fait ne sera pas sujet à aucune controverse. On ne lui reprochera même pas de faire la promotion de l’usage de drogue, même si c’est un élément important de l’histoire. The Beach Bum est d’ailleurs le récit le plus simple de sa filmographie : un homme très hédoniste vit chaque jour pour son propre plaisir, quoiqu’il arrive. The Beach Bum est une illustration du ‘carpe-diem’ idéal mélangé à un ‘sea sex and sun’ très "feel-good". Bref, ça plane pour le personnage.
Harmony Korine est connu pour avoir toujours écrit à propos de la perte d’innocence: celle d’une jeunesse en quête de repères avec les scénarios de Kids et Ken Park (réalisés par Larry Clark), celle des adolescents en perte de repères avec ses films Gummo et Julien Donkey-Boy, avec des adultes étant absents ou dysfonctionnels. C’est en délaissant son univers white-trash pour un film un peu sexy et très flashy qu’il gagne son plus gros succès mondial avec Spring Breakers. A la fin on y entendait d’ailleurs comme un mantra en répétition ‘Spring break forever, Spring break forever, Spring break forever…’, cette recherche du plaisir qui ne devrait pas s’arrêter et trouve son aboutissement ici, à travers The Beach Bum.
Matthew McConaughey est un poète qui se la coule douce, avec, en permanence, une bière ou un joint à la bouche, et sous la main une nouvelle courbe féminine. Il peut ne rien faire sauf boire-fumer-baiser. Il jouit d’une petite notoriété pour avoir publié il y a x temps un livre de poèmes et profite de la fortune de sa femme officielle (Isla Fisher) qu’il vient retrouver de temps en temps. Pendant les absences de son mari, elle s'amuse dans les bras de l’ami Snoop Dogg. Tout va bien ainsi jusqu’au jour où il faut tous se réunir pour le mariage de leur fille : c’est une très belle fête qui s'achève par un drame. Matthew McConaughey doit alors rendre à son agent Jonah Hill un nouveau livre à publier, faute de fric. Qu’importe les contrariétés de la vie, notre héros continuera à s’enivrer de plaisirs au jour le jour au fil de diverses péripéties avec Zach Efron ou Martin Lawrence…
Dans ce The Beach Bum, pour la première fois chez Korine, la jeunesse est absente. C’est surtout un portrait linéaire d’aventures en aventures d’un homme, qui d’ailleurs pourrait bien être l’idéal du réalisateur. Un idéal de vie libre et libertin.
Le film est réalisé comme Spring Breakers, avec l’appui du directeur de la photographie Benoit Debie dont on reconnaît en fait la patte graphique faite de contrastes et de néons, ce qui donne au film une certaine élégance. Encore une fois certaines scènes se superposent mais ici, heureusement, il n’y a plus une voix-off comme béquille (un point faible de Spring Breakers). Le cinéaste a préféré insérer plusieurs séquences musicales façon clip sans dialogue. L’humour est aussi présent avec des scènes où un comportement qui est à priori réprouvé est intérieurement envié. Le plus fascinant est bien l’incarnation idéale de type par Matthew McConaughey qui joue à fond son personnage, même les fesses à l'air.
Pourtant, The Beach Bum est, malgré les apparences, le film de Harmony Korine le plus sage.
Notre-Dame de Paris magnifiée par le cinéma
La cathédrale de Paris a pris feu hier, comme dans le roman de Victor Hugo, décliné en comédie musicale et en film d'animation chez Disney, mais aussi, surtout, en super-productions hollywoodiennes ou télévisuelles.
Notre-Dame de Paris est toujours debout. Mais elle est dévastée et nous laisse désolés. Elle a servi de décors romantiques à tellement de films, de Mon inconnue, la comédie à l'affiche de Hugo Gélin, à Charade de Stanley Donen, de Si Paris nous était conté de Sacha Guitry à Minuit à Paris de Woody Allen, des Plages d'Agnès d'Agnès Varda à La mémoire dans la peau de Doug Liman, d'Un Américain à Paris de Vincent Minelli à Before Sunset de Richard Linklater. Dans ce dernier film, on entendait même le couple envisager le pire: "Mais tu dois imaginer que Notre-Dame ne sera plus là un jour..."
L'édifice a surtout été une star de cinéma grâce à Quasimodo et Esmeralda et au roman de Hugo. Alice Guy et Victorin Jasset filme ainsi en 1905 La Esmeralda. Six ans après c'est au tour d'Albert Capellani de transposer l'histoire en 36 minutes. En 1917, les Américains se lancent avec The Darling of Paris, de J. Gordon Edwards. Hollywood va adorer cette histoire. Wallace Worsley tourne le premier véritable long métrage, de 115 minutes, en 1923, avec un Quasimodo horrifique incarné par Lon Chaney.
Le premier grand film parlant autour de cette histoire est produit par la RKO et réalisé par William Dieterle, avec Charles Laughton et Maureen O'Hara. Pour l'anecdote, ce fut le seul film projeté au premier festival de Cannes, annulé le lendemain à cause de la seconde guerre mondiale. La réplique de Notre-Dame coûta 250000$ de l'époque. Mais c'est en 1956 que Notre-Dame de Paris fut consacrée par le cinéma avec la version de Jean Delannoy. Anthony Quinn reste le Quasimodo de référence tout comme Gina Lollobrigida incarne une splendide Esmeralda. Surtout le scénario est cosigné par Jacques Prévert.
Depuis, la saga, bien moins connue que Les Misérables du même Hugo, a surtout été adaptée pour la télévision. Disney s'en est emparé en 1996 avec Le Bossu de Notre-Dame, en film animé. Un succès mondial. Le studio a d'ailleurs prévu une version en prises de vues réelles dans les prochaines années. De son côté, Universal a mis en stand-by sa version "fantasy".
Trois ans plus tard, Patrick Timsit en fait une version modernisée et comique avec Quasimodo d'El Paris.
Brive 2019 : nos coups de cœur
A l'occasion du Palmarès, nous vous avons déjà dit tout le bien que nous pensions de quelques-uns des films récompensés lors des 16e Rencontres du moyen métrage de Brive, à l'image de Vie et mort d'Oscar Perez de Romain Champalaune (prix du jury ex-aequo) et D'un château l'autre d'Emmanuel Marre (Grand prix). Mais certains de nos coups de cœur n'ont pas su séduire les différents jurys. Qu'importe, à nos yeux, ce sont eux les grands gagnants du Festival.
Boucan d'Antonin Schopfer et Thomas Szczepanski (Suisse)
A l'origine de Boucan, il y a L'inclinaison des chapeaux, un long métrage de 77 minutes, à la frontière entre la fiction et le documentaire, dans lequel Antonin, accompagné d'un ami cameraman, part retrouver son père (qu'il n'a pas vu depuis 15 ans) dans l'optique de tourner un documentaire. Remonté en une version plus resserrée de 50 minutes, le film est à la fois d'une drôlerie jubilatoire et d'une finesse enthousiasmante.
Parfaitement réussi dans son dispositif de prétendu tournage qui tourne mal, il explore méticuleusement l'évolution de la non-relation entre un père et son fils vers une sorte de complicité cachée, qui en vient à nous émouvoir aux larmes. C'est dans les petits détails que se cache l'intelligence narrative des deux réalisateurs, à l'image de cette séquence en apparence loufoque dans laquelle le cameraman (véritable personnage invisible du film) affirme l'importance de filmer longuement les palettes de bois que manipule le père. Importance que l'on comprendra quelques scènes plus tard, et qui dira, plus que des effets appuyés et des dialogues pompeux, ce qui s'est joué dans ces moments du film.
Tout est de cet ordre, avec une propension systématique à faire rire sincèrement sur des éléments qui pourraient être tragiques, et notamment la communication impossible entre le personnage du père et celui du fils, que vient sans cesse renforcer la relation en apparence idyllique que le père a par ailleurs construit avec un fils de substitution. L'impossibilité du film, puisque les différents protagonistes ne cessent de se dérober, est également au centre de l'intrigue, le transformant aussi en une démarche cinématographique étrange, pleine d'interrogations sur la manière de capter l'invisible (le fossé entre les deux hommes), puis de mettre en scène les rouages subtils qui finissent par les rapprocher.
Frase d'arme de Federico Di Corato (Italie)
Frase d'arme fonctionne lui-aussi sur la base d'un dispositif scénaristique singulier : une adolescente, déjà considérée comme un "ancien espoir" de l'escrime, regarde inlassablement la cassette vidéo sur laquelle sont filmées ses compétitions et son quotidien, elles-mêmes enregistrées sur la vidéo qu'elle a tourné lorsqu'elle était petite, lors des dernières vacances familiales avant la séparation de ses parents. Cela donne à l'écran des bribes d'images dont la temporalité fluctue, et où affleurent à la fois l'espoir et la déception, l'insouciance du temps passé, les victoires et les défaites.
On est fasciné par cette existence qui se dévoile impudiquement à nos yeux en fonction des aléas de la bande magnétique, documentant aussi bien les temps forts de l'existence du personnage que les purs moments de creux ou d'attente. Cela donne un film presque insaisissable, ténu et fragile, qui joue habilement des effets techniques du format vidéo (lecture rapide, superposition des séquences), et nous donne l'impression étrange d'être un témoin extérieur occupé à déchiffrer la vie d'une autre dans toute sa complexité.
C'est aussi en filigrane une réflexion sur la mémoire, et sur la manière dont les images fixent les souvenirs, sans distinction entre bons et mauvais, nous donnant de nous une image figée dans le temps qui finit par ne plus du tout nous ressembler.
Gulyabani de Gürcan Keltek (Turquie)
L’œuvre qui nous a le plus impressionnés dans une compétition par ailleurs en demi-teinte, est un objet politique et poétique venu de Turquie. Gulyabani est un récit à la première personne, en voix off, dans lequel une femme raconte sa transformation en cet être de légende, le Gulyabani, capable de prédire l’avenir et de communiquer avec les esprits.
Fethiye Sessiz, voyante renommée d'Izmir dans les années 70-80, est au centre de ce documentaire expérimental qui s'appuie sur des extraits de lettres et de journaux intimes dans lesquels elle se remémore les grands étapes de sa vie. Mais le film s'abstrait peu à peu de cette première couche de narration, qui dit les abus, les mauvais traitements et la violence, pour sonder plus intimement les plaies béantes de la Turquie post-républicaine. Cet être entre deux mondes, qui dérive au milieu des souvenirs épars de son existence, c'est aussi l'allégorie d'un peuple réprimé et de milliers de jeunes gens torturés et tués par le régime.
Pour accompagner visuellement ce discours fort et radical, le réalisateur invente un langage cinématographique constitué de bribes, d'images saccadées, parfois floues, qui composent un univers où triomphe la nature (des reflets sur l'eau, la végétation qui envahit des ruines, des roches, des oiseaux qui chantent, des arbres...) et le langage cinématographique lui-même. De plus en plus rapides, les images se bousculent à l'écran, tournoient et s’entrechoquent, tandis que la musique s'intensifie lors d'une séquence finale à la limite de l'abstraction, qui est d'une beauté à couper le souffle.
Vivir alli no es el infierno, es el fuego des desierto. La plenitudo de la vida, que quedo ahi como un arbol de Javiera Véliz Fajardo (Chili)
Voilà un film qui a pour le moins décontenancé le public de Brive, à l'image de cette spectatrice qui ne se remettait pas d'assister à une succession de longs plans fixes contemplatifs sur une petite ville du désert chilien. Sans doute faut-il atteindre une certaine forme de lâcher-prise pour être envoûté par ce documentaire dépouillé qui dit tant, par la simple juxtaposition de ses scènes si simples, sur l'histoire d'un monde en train de disparaître.
La caméra, très à distance, un peu en hauteur, capte la vie quotidienne dans la petite ville de Totoral, dans le désert d'Atacama. Une vie qui tourne autour des chèvres, des rares oliviers et des dunes. Comme suspendue, d'où les longs fondues enchaînés qui tout à coup font apparaître le ciel au milieu du désert, ou les chèvres en surimpression sur le sable.
Un microcosme mouvant, soumis aux aléas de la nature, à commencer par le vent, que la réalisatrice Javiera Véliz Fajardo observe longuement jouer dans les arbres. C'est lui qui modèle à son gré le paysage, soufflant inlassablement sur les hommes et les choses. Lui aussi qui entraîne la modification du lieu, la disparition progressive des arbres, et celle, programmée, des derniers hommes à y vivre.
Cannes 2019: le Festival met Agnès Varda en pleine lumière
L'image est extraite de La pointe courte. L'affiche rend hommage à Agnès Varda, en pleine lumière, récemment disparue. Le 72e Festival de Cannes s'approche et son visuel est ensoleillé. "Tout en haut. En équilibre. Juchée sur un technicien impassible. Accrochée à une caméra qui paraît l’absorber. Une jeune femme de 26 ans tourne son premier film." Voilà pour le storytelling. "Agnès Varda, l’œil posé sur la plage de Cannes, jeune et éternelle, sera le phare inspirant de la 72e édition !"
Le montage et la maquette ont été assurée par Flore Maquin. On reste dans l'esprit des dernières années, où Godard, avec Piccoli ou Belmondo et Karina étaient célébrés, où la lumière semblait estivale, entre le rouge Cardinale et le sépia Mastroianni. On a quitté les bleus pour des couleurs plus chaudes.
"Nous sommes en août 1954, quartier de la Pointe Courte à Sète. Dans la lumière éblouissante de l’été, Silvia Monfort et Philippe Noiret promènent leur amour fragile parmi les pêcheurs en lutte, les femmes affairées, les jeux des enfants et les errances des chats. Décors naturels, caméra légère, moyens dérisoires : Agnès Varda, photographe au TNP de Jean Vilar, jette avec La Pointe courte (présenté dans une salle de la rue d’Antibes à Cannes pendant le Festival 1955), les prémices d’un jeune cinéma dont elle sera la seule réalisatrice" explique le communiqué.
"Tel un manifeste, cette photo de plateau recèle déjà tout d’Agnès Varda : la passion, l’audace, l’espièglerie. Les ingrédients d’une recette d’artiste en liberté qu’elle enrichira sans cesse. Soixante-cinq ans de création et d’expérimentation, presque autant que le Festival de Cannes, qui célèbre chaque année des regards qui montrent, osent et s’élèvent. Et qui sait se souvenir" précise l'institution qui rend hommage à une pionnière, Palme d'or d'honneur et femme engagée.
Elle fut sélectionnée 13 fois à Cannes, membre du jury, présidente du jury de la Caméra d'or. En recevant la Palme d’honneur, en 2015, elle évoqua "la résistance et l’endurance, plus que l’honneur" et la dédia "à tous les cinéastes inventifs et courageux, ceux qui créent un cinéma original, de fiction ou de documentaire, qui ne sont pas dans la lumière mais qui continuent."