3 raisons d’aller voir Alpha the right to kill

Posté par kristofy, le 17 avril 2019

Le pitch : Dans les quartiers pauvres de Manille, la lutte antidrogue fait rage. Un officier de police et un petit dealer devenu indic tentent coûte que coûte de faire tomber l’un des plus gros trafiquants de la ville, mettant en jeu leur réputation, la sécurité de leur famille… et leur vie.

Le retour de Brillante Mendoza
La plupart des films de Brillante Mendoza ont été sélectionnés dans différents festivals comme Cannes (prix de la mise en scène en 2009 pour Kinatay), Venise, Berlin ; ce qui a encouragé ensuite leur sortie en salles en France comme par exemple Serbis, Lola, Captive… Cependant, certains de ses films n’ont pas été distribués chez nous. Ce fut le cas de Thy Womb (pourtant à Venise, et très bon) et comme de Sapi (une incursion ratée dans le surnaturel). Son dernier film Ma' Rosa (prix d'interprétation féminine à Cannes) faisait le portrait d’une mère de famille qui devait trouver de l’argent pour sortir sa famille de garde-à-vue chez les flics pour une histoire de petit deal de drogue… Le drogue et les diverses ramifications de ses trafics sont cette fois au centre de ce nouveau film Alpha the right to kill : pistage d’un gros trafiquant, intervention armée des policiers, une partie de la drogue disparue, les curieuses relations entre un flic et son indic… Les amateurs de polars seront ravis.

Le style immersif de Brillante Mendoza
Cette impression de captation du réel ou de cinéma-vérité qui forment le style de Mendoza est ici encore à l’œuvre durant tout le film (sauf certains moments de l’assaut, au début, qui empruntent aux codes du polar/thriller classique). Nous assistons presque en temps réel à ce qui se passe. Au Festival de Vesoul, il nous avait expliqué sa façon de travailler si particulière (sur presque chaque film) : « Sur grand écran, tout semble être exactement comme on le voit dans la réalité. Mais pour obtenir ce résultat, et le rendre réaliste, comme un documentaire, cela demande beaucoup de travail et de patience. Il faut s’appuyer sur différents éléments de réalisation, comme le son, la direction artistique, la mise en scène, le montage, et même la musique. Même si on tourne en temps réel, il faut d’une certaine manière tout recréer lorsque l’on réunit tous les éléments. Comment procède-t-on concrètement ? Dès le casting : on mélange des acteurs professionnels avec des amateurs. Je les laisse improviser beaucoup. Je ne leur dis pas où sera placée la caméra pour ne pas les bloquer. Et pour ce qui est de la musique : je n’en utilise pas beaucoup. Si le film se suffit à lui-même, il n’y a pas besoin de musique. Mais j’utilise la musique comme un son naturel de l’environnement. Même chose avec la direction artistique : je veux que tout semble le plus vrai possible. Je n’aime pas que les acteurs portent des vêtements qui ne sont pas habituellement portés par les gens ordinaires. Parce que la plupart de mes personnages sont des gens ordinaires. »

La lutte (im)possible contre le trafic de drogue…
Alpha the right to kill montre presque chaque rouage du trafic de drogue : le gros bonnet, les petits vendeurs, les passeurs, les guetteurs, les indics, les policiers, les médias… Ce n’est pas seulement un bon sujet de film d’action mais aussi un sujet politique, aux Philippines la ‘guerre contre la drogue’ était une thématique forte pour son élection en 2016 du président Rodrigo Dutertre. Ainsi, lors d’une importante intervention, il y a dans le film-  comme dans le réel - certains policiers qui peuvent tirer et tuer des criminels ou des simples suspects… Après une première partie musclée typique d’un film d’action, Alpha the right to kill se recentre sur deux personnages en particulier : un policier respecté pour son efficacité et son rôle de bon père et mari ; et un petit dealer habile qui doit trouver de l’argent pour les besoins du bébé.

Mais on remarque surtout que les quantités de drogues saisies par les autorités ont beau être importantes, il y en aura toujours en circulation. Ce trafic profite à tellement de gens qu'on ne voit pas comment il peut prendre fin.

Berlin 2018 : Lav Diaz est de retour avec une tragédie musicale statique et obsédante

Posté par MpM, le 20 février 2018

La durée est une donnée fondamentale du cinéma de Lav Diaz, qui nous a habitués à des films de cinq ou huit heures. Season of devil, présenté en compétition dans cette 68e Berlinale, fait donc pour lui figure de moyen métrage, puisqu’il dure « seulement » 4h. Quatre heures dont on ressent malgré tout chaque minute dans un processus à la fois épuisant (on s’ennuie beaucoup, il ne faut pas le nier) et efficace, consistant à faire physiquement ressentir au spectateur la pesanteur, l'immobilisme et l’inéluctabilité de la situation dans laquelle il se retrouve immergé.

C’est que Lav Diaz situe son intrigue à la fin des années 70, sous la dictature de Ferdinand Marcos, lorsque des milices paramilitaires sont créées, officiellement pour faire régner l’ordre, et en réalité plutôt pour tyranniser les civils. Il dépeint la vie d’un petit village tombé sous la coupe de l’une de ces milices toutes-puissantes. La dictature se manifeste ainsi par des exécutions, des viols et des actes de violence gratuite qui instaurent un climat d’angoisse permanente. Comme si cela ne suffisait pas, la milice agit aussi insidieusement sur les consciences, tentant d’imposer l'obscurantisme à travers de nouvelles croyances et surtout de nouvelles craintes fantasmatiques. Elle renforce ainsi sa main mise sur un peuple qui n’a pas les armes (au sens propre comme au figuré) pour se défendre.

Season of devil n’est donc ni romanesque, ni rythmé, et propose une progression dramatique si limitée que la situation de fin sera sensiblement la même que celle du début, à l’exception de la disparition de quelques personnages. Dès le départ, on nous avait prévenu qu’il s’agissait d’un conte : on aurait plutôt penché pour le cauchemar éveillé. La situation s’avère en effet sans issue et sans le moindre embryon d’espoir d’amélioration. La force brutale triomphe. Les faibles et les sages sont humiliés et annihilés. L’Humanité tout entière court à sa perte dans une irrépressible fuite en avant.

Le plus saisissant, peut-être, n’est pas cet hommage rendu par Lav Diaz aux victimes de la répression, mais le parallèle qu’il tisse avec notre époque, et le régime de Rodriguo Dutertre. Les références à la drogue, notamment, sont assez transparentes, puisque le président actuel a autorisé une guerre sans merci contre la drogue, autorisant les milices à tuer. On ne sait donc pas trop si le réalisateur nous plonge dans le passé, ou dans sa vision de l’avenir.

Dans les deux cas, la noirceur et le pessimisme sont de rigueur. Et ce malgré l’étonnant choix formel de Lav Diaz de remplacer tous les dialogues par des chansons. De très beaux chants qui deviennent de plus en plus lancinants au fur et à mesure que le récit avance. Chaque couplet est d’ailleurs répété deux fois, plusieurs chants reviennent à plusieurs reprises, et un terrible refrain formé de « la, la, la, la » hante tout le film comme une menace. On ne sait ce qui est le plus surprenant, voir les soldats psalmodier avec morgue des paroles parfois extrêmement poétiques, ou entendre chanter en chœur oppresseurs et oppressés.

Ce climat musical contribue quoi qu'il en soit à créer une atmosphère étrange et irréelle, à mi-chemin entre la réalité et le fantasme, le monde des vivants et celui des esprits. Comme ce dirigeant qui a littéralement deux visages, dont un toujours endormi, les choses, les situations et les gens sont doubles. Même les séquences les plus tragiques finissent par tourner à la farce, et les discours les plus guerriers à la blague, quand ils ne sont pas tout simplement incompréhensibles. Il faut d'ailleurs saluer l'audace de Lav Diaz qui ose aller vers cette ambivalence permanente (le ridicule et le tragique, le grotesque et le profond) pour traiter un sujet aussi sensible.

Le cinéaste continue ainsi de creuser son sillon singulier sans se soucier de la tyrannie du marketing ou des attentes des spectateurs. Une politique qui, jusque-là, l'a plutôt bien servi en festival. Après un Léopard d'or en 2014 pour From what is before, un lion d'or en 2016 pour La femme qui est partie, et si 2018 était l'année de l'Ours ?

Vesoul 2018 : un bilan positif et un Cyclo d’or pour « Bagage »

Posté par kristofy, le 7 février 2018

Le 24ème Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul s'est terminée avec des bouquets de compliments à l'équipe de l'organisation guidée par Martine et Jean-Marc Thérouanne : durant une semaine il y a eu environ 90 films présentés en provenance de 20 pays asiatiques, certains en première européenne voire mondiale, en plus de  l'initiative de retrouver et restaurer des films jusqu'alors invisibles même dans leur pays d'origine...

Cette édition a été marquée par une thématique "Paroles de Femmes" en écho avec l'actualité, un fabuleux travail pour réunir 17 films symboliques de la Mongolie et la venue du cinéaste Jigjidsuren Gombojav et de la réalisatrice Byambasuren Davaa, une rétrospective des films de Mohamad Malas et de Wang Xiaoshuai qui ont reçu tous deux un hommage du festival.

Le FICA de Vesoul est non seulement le plus ancien festival d'Europe consacré aux cinémas asiatiques mais il est aussi 'lun des dix festivals français les plus fréquentés. Cette année ses multiples séances de projection ont fait venir environ 32 500 spectateurs : certains sont venus de loin pour voir jusqu'à 7 films par jour. Les différents artistes asiatiques invités ont été surpris de voir beaucoup de séances complètes pour leurs films, qui ne sont parfois toujours pas distribués dans leurs propres pays. L'un d' entre eux, séduit par la ville de Vesoul, chercherait même à y revenir en vacances... Une nouvelle réussite qui promet un beau 25ème anniversaire pour 2019.

Avec cette volonté d'éveiller une plus grande curiosité au monde et une ouverture vers les autres, la section des films en compétition proposait la découverte de 9 titres, principalement signés de jeunes talents (des premiers ou seconds films pour la plupart). Deux vétérans étaient quand même dans la course du Cyclo d'or : Leaf Of Life de Ebrahim Mokhtari (son 3ème film de fiction en 25 ans) et River's Edge du célèbre Wang Chao (déjà venu à Vesoul et qui tenait à y revenir).

Wang Xiaoshuai © ecrannoirLe Jury International avait comme président Wang Xiaoshuai, entouré de Mohamad Malas, Mai Masri et de l’actrice philippine Liza Dino. Avec leurs délibérations et celle des autres jurys, deux films se retrouvent plusieurs fois cités au palmarès : A Letter To The President de Roya Sadat qui retrace le combat d'une femme contre l'injustice et qui va se retrouver en prison pour avoir voulu en sauver une autre (4 prix au total), et The Taste of Rice Flower de Pengfei, qui raconte la relation d'une mère de retour dans son village pour s'occuper de sa fille, un village aux anciennes croyances, loin des villes modernes. Soit un drame tragique qui appelle à plus de progrès et un mélodrame émouvant qui s'attache à des traditions du passé, qui repart également avec quatre prix. D'ailleurs beaucoup de films du FICA (en compétition ou non) allaient dans l'une ou l'autre direction, une soif d'avenir meilleur ou un ancrage de ses racines.

Certains films étaient centrés sur des chroniques familiales : renouer des liens comme dans Shuttle Life avec la mort d'une petite fille ou comme dans Mothers (cité au palmarès) avec différentes mères et enfant adopté qui se cherchent. Dans ce film sud-coréen, une femme devient tutrice d'un adolescent et une adolescente enceinte va confier son futur bébé à un autre couple. Et dans Goodbye Grandpa venu du Japon, une joyeuse comédie durant l'organisation de funérailles, et qui remporte un Grand Prix mérité : « Le premier film de Yukihiro Morigaki est teinté d’humour et réussit le fragile équilibre entre moments de douceur et de drame grâce à son formidable casting ».

Il y a un film qui se détachait des autres car il aborde avec sensibilité le trauma d'une femme tout en évoquant une certaine brutalité de la mondialisation : c'est Bagage du philippin Zig Dulay, qui nous a fait une vive impression, tout comme au Jury ensuite qui a choisi de lui attribué le Cyclo d'or. Pour le président Wang Xiaoshuai le jury a été sensible à « une douce intensité combinée à la représentation brute de la partie sombre du monde où vivent les travailleuses domestiques philippines. Son cadre et son approche cinéma vérité forcent le public à goûter, à ressentir et à entendre chaque combat et chaque nuance ». Bagage avait d'ailleurs reçu déjà un prix de meilleur scénario au festival Cinemalya et il sera aussi au prochain festival de Londres : on lui souhaite une distribution prochaine dans les salles.

grandpaLe Palmarès du Fica de Vesoul 2018 :

-  Cyclo d'Or : Bagage de Zig Dulay (Philippines)
- Grand prix : Goodbye Grandpa de Morigaki Yukihiro (Japon)
- Prix du Jury : The Taste of Rice Flower de Pengfei (Chine)
- Mention spéciale du Jury : A Letter To The President de Roya Sadat (Afghanistan)

- Prix de la critique : The Taste of Rice Flower de Pengfei ( Chine)
- Prix du Jury NETPAC : The Taste of Rice Flower de Pengfei ( Chine) ex-aequo avec Mothers de Lee Dong-eun (Corée du Sud)
- Mention spéciale du Jury NETPAC : A Letter To The President de Roya Sadat (Afghanistan)
- Prix INALCO : Leaf Of Life de Ebrahim Mokhtari (Iran)
- Coup de coeur INALCO : The Taste of Rice Flower de Pengfei ( Chine)
- Prix du public du film de fiction : A Letter To The President de Roya Sadat (Afghanistan)
- Prix du Jury Lycéen : A Letter To The President de Roya Sadat (Afghanistan)
- Prix du Public du film documentaire : Au Fil Du Monde : Laos de Jill Coulon & Isabelle Dupuy Chavanat (Laos/France)
- Prix du Jury Jeune : The Wait de Emil Langballe & Andrea Storm Henriksen (Afghanistan/Danemark)
- Prix des Exploitants : Dakini de Dechen Roder (Bhoutan)

Vesoul 2018: Bagage de Zig Dulay, une histoire de bébés abandonnés

Posté par kristofy, le 2 février 2018

zig dulay ©ecrannoirLe Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul c'est la découverte de films en provenance d' Iran, Afghanistan, Malaisie, Chine, Corée du Sud, Philippines, ou du Japon. Recevoir un prix à Vesoul est d'ailleurs un coup de projecteur pour favoriser ensuite une sortie en salles en France, comme par exemple Les lauriers roses-rouges (Under construction) le 7 juin 2017, Tharlo, le berger tibétain ce 3 janvier dernier ou Hotel Salvation le 21 mars prochain.

Aujourd'hui on s'envole vers les Philippines dont on connait surtout les films de Brillante Mendoza. On se demande pourquoi les distributeurs n'ont pas fait sortir par exemple les films de Lawrence Fajardo (Invisible) ou de Edouardo Roy Jr, passé à Vesoul mais aussi par Berlin (Baby factory, le quotidien d’une maternité à travers différentes mamans, infirmières, bébés ou Quick change, histoire de transsexuels avec un trafic illégal de produits de chirurgie esthétique).

Un nouveau nom est à suivre : le réalisateur Zig Dulay (qui est aussi scénariste, monteur, producteur), venu à Vesoul présenter Bagage avec comme héroïne l'actrice Angeli Bayani (que l'on connaît depuis Ilo Ilo qui avait eu le prix Caméra d'or à Cannes en 2013).

Le pitch: Alors que toute la famille célèbre le retour au pays de Mercy Agbunag, des agents du Bureau National des Investigations viennent la chercher Mercy pour enquêter sur la découverte d’un nouveau-né qui a été jeté dans la poubelle d'un avion. Mercy était à bord de cet avion, elle va devoir passer entre les mains de divers organismes : police, hôpital, refuge des services sociaux, médias avides de sensationnalisme...

Le style du film et son esthétique visant au réalisme nous sont déjà familiers: la caméra est presque toujours tournée vers le personnage principal dont on suit autant la trajectoire géographique dans différents lieux que son parcours émotionnel. Ici c'est une femme, déjà mère de famille, qui est accusée d'avoir donner naissance à un bébé et de l'avoir abandonné dans un avion. L'enquête va d'abord viser son corps avec divers examens médicaux puis sa conscience avec une demande d'aveux qu'elle ne fait pas : est-elle vraiment coupable, que s'est-il passé ?

Inspiré de faits divers

Zig Dulay a donné cet éclairage : « Le film est inspirés de différents faits-divers de femmes ayant dû accoucher dans les toilettes d'aéroport et qui y ont abandonné le bébé. Il y a aussi eu un cas d'un bébé oublié dans les toilettes d'un avion. C'était à chaque fois des avions qui venaient de pays du Moyen-Orient. Il y avait d'ailleurs une histoire où le bébé trouvé avait été appelé Rosario. J'ai gardé ce prénom. Tout ça m'a inspiré l'écriture de ce film Bagage. Ce titre a une double signification, à la fois la charge trop lourde que représente ce bébé pour sa mère, et aussi le fait que ce type d'histoire représente un poids social pour le pays car ce qui est raconté se produit encore et toujours. Aux Philippines on traite ce genre d'affaire presque comme quelque chose de quotidien, il y a des réactions quand ça arrive mais on ne fait pas grand chose pour éviter ce type de problème. La justice est limitée à sa juridiction sans pouvoir enquêter en direction de criminels d'un autre pays étranger et essaie de savoir qui est la mère qui a abandonné le bébé. Avec Bagage j'ai voulu montrer ce cercle vicieux où des femmes sont d'abord coupables avant d'être éventuellement ensuite comprise comme étant victimes.»

Brillante Mendoza affirme son soutien au controversé président philippin Rodrigo Duterte

Posté par vincy, le 17 novembre 2016

Le réalisateur philippin Brillante Mendoza, dont le film Ma' Rosa, qui a reçu le prix d'interprétation féminine à Cannes (pour Jaclyn Jose) et qui sort le 30 novembre en salles, est réputé, connu, récompensé pour ses films presque caméra au poing, montrant les fractures sociales de son pays. C'est pourtant avec un autre film qu'il fait parler de lui. Le cinéaste a filmé le premier discours à la Nation du président Rodrigo Duterte, pas vraiment en odeur de sainteté en Occident.

Duterte, "The Punisher"

Considéré comme un dictateur, Duterte a balancé quelques phrases controversées ("Hitler a massacré trois millions de Juifs. Bon, il y a trois millions de drogués (aux Philippines). Je serais heureux de les massacrer"), insulté Barack Obama (en le traitant de "fils de pute") et l'ambassadeur américain ("Comme vous le savez, je me bats avec l'ambassadeur. Son ambassadeur homosexuel, le fils de pute. Il m'a fait chier.") et déclaré "l’Etat de non-droit" sur l’ensemble de l’archipel. Il appelle à tuer tous les trafiquants de drogue (sans justice intermédiaire) et s'apprête à réhabiliter le dictateur sanguinaire Ferdinand Marcos en lui offrant des funérailles nationales. Le « Punisher », président depuis juin dernier, est violemment critiqué pour le non respect des droits de l'Homme et pour la violence de sa politique anticriminalité. Depuis son investiture, plus de 1800 suspects ont été abattus par la police et 2600 autres personnes sont mortes dans des circonstances inexpliquées.

Voilà pour le contexte.

Brillante Mendoza assume complètement son soutien à son Président. Outre le le premier discours de la Nation, il a réalisé deux courts métrages défendant l'action gouvernementale (le premier avec un toxicomane qui rate les grands événements de la vie de sa fille, et le second avec une Philippine qui travaille à l'étranger pour envoyer de l'argent à son fils drogué).

Dans un entretien à l'AFP, il estime que "l'incompréhension suscitée à l'étranger" par le dictateur est avant tout "la conséquence d'un fossé "culturel" entre les sociétés occidentales et philippine.". "S'il y a une personne qui comprend la situation, c'est le président", affirme Mendoza. "Je sais que beaucoup de gens ne soutiennent pas tout ce qu'il fait. Mais, quand on connaît la situation, on sait qu'il fait ce qu'il faut faire".

Lutte contre la drogue

C'est d'autant plus étonnant, et inciterait à revoir l'œuvre de Mendoza d'un autre œil, que les films du cinéaste sont assez critiques à l'encontre d'une police violente et d'un pouvoir corrompu dans un pays où la pauvreté amène souvent les populations à des situations extrêmes pour survivre (il suffit de revoir Kinatay). En fait, là où Mendoza rejoint le discours de Duterte, c'est dans la lutte contre la drogue. Mais lors de son entretien, il ne prend pas parti sur le cas des exécutions extrajudiciaires: "Quand je n'ai pas une connaissance personnelle d'une situation, je n'en parle pas" dit-il pour ne pas se mouiller. C'est un peu hypocrite puisque le Président philippin a remporté en mai l'élection présidentielle en promettant de tuer des milliers de criminels pour éradiquer le trafic de drogue. C'est cash.

Là où Mendoza a plutôt raison, c'est lorsqu'il explique que l'Occident a une vision assez déformée de Duterte: "Ils le regardent avec l'idée qu'ils se font de la façon dont un président doit se comporter." On ne relativisera pas ici sa politique d'extermination mais on oublie que ce machiste sexiste et vaniteux (et populaire) a aussi pris position en faveur du maintien des écoles communautaires indigènes, s'est engagé en faveur de la transparence des pouvoirs publics aux Philippines en signant un décret permettant à chaque citoyen d’accéder aux archives gouvernementales et a soutenu les droits des homosexuels, position singulière dans un pays encore fortement influencé par la religion.

Différence culturelle?

Pour Mendoza, tout ne serait qu'une affaire de "différence culturelle". "Je ne suis pas en train de défendre l'idée que les pauvres doivent être tués", tempère le réalisateur. "Mais au final, il ne faut pas regarder le problème de la drogue que de ce point de vue". La lutte contre la drogue justifierait donc toutes les exceptions de droit.

Brillante Mendoza, dans Libération en mai estimait: "le genre de films que je fais en dit déjà assez", "ils constituent la meilleure contribution possible à mon devoir de citoyen." Apparemment, il a changé d'avis (entre temps Duterte est arrivé au pouvoir) et a décidé de participer à la propagande nationale d'un homme qui, en 1989, en tant que maire, a déclaré à propos d'une missionnaire australienne violée puis tuée dans sa ville: "J'ai vu son visage et je me suis dit Putain, quel dommage ! Ils l'ont violée, ils ont tous attendu leur tour. J'étais en colère qu'ils l'aient violée, mais elle était si belle. Je me suis dit le maire aurait pu passer en premier."

Sans doute une différence culturelle difficile à comprendre pour un occidental, Brillante Mendoza?

Venise 2016: un Lion d’or pour Lav Diaz, et un palmarès très américain

Posté par redaction, le 10 septembre 2016

Tous les pronostics prédisaient une grande année hollywoodienne à Venise. Le jury de Sam Mendes n'en a fait qu'à sa tête en préférant miser sur la diversité, mais, de fait, le cinéma américain a trusté le palmarès. Le cinéma français s'avère finalement le grand perdant de cette 73e Mostra, même si Frantz est récompensé pour son actrice allemande et si Stéphane Brizé repart avec le prix de la critique internationale.

C'est le film philippin The Woman who left (La femme qui est partie), un long récit de quatre heures en noir et blanc sur le combat d'une femme injustement accusée d'un crime, qui a remporté le Lion d'Or du meilleur film. Réalisé par Lav Diaz, l'œuvre succède au film vénézuélien Les amants de Caracas. C'est donc la deuxième année consécutive que Venise récompense un cinéma qui jusque là n'avait jamais été courronné à Cannes, Berlin ou sur la lagune italienne. Lav Diaz avait par ailleurs remporté en février dernier le prix Alfred-Bauer à la Berlinale avec Hele Sa Hiwagang Hapis (Une berceuse au mystère douloureux).

Le cinéma américain s'en tire quand même bien avec le Grand prix du jury pour le film de Tom Ford, le prix spécial du jury pour The Bad Batch, le prix du scénario et le prix d'interprétation féminine pour Emma Stone. Trois ans après son prix de la mise en scène à Cannes, le mexicain Amat Escalante partage le même prix à Venise avec le vétéran russe Andreï Konchalovsky.

L'Europe n'est pas en reste, surtout si on ajoute la section Orizzonti avec des films ou des talents allemand, portugais, belge, espagnol, italien et espagnol.

Notons enfin le beau prix d'avenir, le Lion du futur, décerné à un film tunisien, six mois après le sacre d'Hedi, autre film tunisien, à Berlin (lui aussi prix du meilleur premier film).

Compétition
Lion d'or: The Woman Who Left (Ang Babaeng Humayo) de Lav Diaz
Grand prix du jury: Nocturnal Animals de Tom Ford
Prix de la mise en scène ex-aequo: Andreï Konchalovsky pour Paradise et Amat Escalante pour The Untamed (La Región Salvaje)
Prix spécial du jury: The Bad Batch d'Ana Lily Amir
Coupe Volpi de la meilleure actrice: Emma Stone pour La La Land
Coupe Volpi du meilleur acteur: Oscar Martinez pour El ciudadano ilustre
Prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir: Paula Beer pour Frantz
Prix du scénario: Noah Oppenheim pour Jackie

Lion du futur, Prix Luigi de Laurentiis: The Last of Us d'Ala Eddine Slim

Section Orizzonti
Meilleur film: Liberami de Federica di Giacomo
Meilleur réalisateur: Fien Troch pour Home
Prix spécial du jury: Big Big World de Reha Erdam
Prix spécial du meilleur acteur: Nino Lopes pour Sao Jorge
Prix spécial de la meilleure actrice: Ruth Diaz pour The Fury of a Patient Man (Tarde para la ira)
Meilleur scénario: Wang Bing pour Bitter Money

Autres prix de la sélection officielle
Meilleur court métrage: La Voz Perdida de Marcelo Mantinessi
Meilleur documentaire sur le cinéma (Classici): Le Concours de Claire Simon
Meilleur film restauré (Classici): L’uomo dei cinque palloni de Marco Ferreri
Lion d'or pour l'ensemble de la carrière: Jean-Paul Belmondo ; Jerzy Skolmowski
Prix Jaeger-Lecoultre pour un cinéaste: Amir Naderi
Prix hommage pour un talent visionnaire: Liev Schreiber

Autres prix
Prix Fipresci (critique internationale) - compétition : Une vie de Stéphane Brizé
Prix Fipresci - Orizzonti: Kékszakállú de Gastón Solnicki

Prix Future Film Festival Digital: Arrival de Denis Villeneuve ; mention spéciale : Voyage of Time: Life’s Journey de Terrence Malick

Semaine de la Critique: prix du public: Los nadie (The Nobodies) de Juan Sebastián Mesa

Prix de la Fédération des critiques de film d'Europe et de Méditerranée:
Film: The Road to Mandalay de Midi Z
Nouveau cinéaste: Amanda Kernell pour Sameblod (Sámi Blood)
Actrice: Ashleigh Cummings pour Hounds Of Love
Film européen: Ne gledaj mi u pijat (Quit Staring at My Plate) de Hana Jušic

Venice Days Award: The War Show de Andreas Dalsgaard et Obaidah Zytoon
Label Europa Cinema: Sameblod (Sámi Blood)de Amanda Kernell
Prix du public: Pamilya Ordinaryo d’Eduardo Roy Jr.

Prix Mouse d’Oro - compétition: Jackie de Pablo Larraín
Prix Mouse d’Argento – hors competition: Austerlitz de Sergei Loznitsa

Queer Lion Award: Hjartasteinn (Heartstone) de Guðmundur Arnar Guðmundsson

Prix de la meilleure musique de film: L’estate addosso par Jovanotti

Berlin 2016: Fuocoammare, Mort à Sarajevo, Mia Hansen-Love, Hedi, Lav Diaz récompensés

Posté par vincy, le 20 février 2016

La 66e Berlinale s'achève. Les jurys ont rendu leur verdict. Dans la compétition, Meryl Streep (présidente) était entourée de Lars Eidinger (acteur), Nick James (critique), Brigitte Lacombe (chef op), Clive Owen (acteur), Alba Rohrwacher (actrice) et Margorzata Szumowska (réalisatrice). Pour le jury du premier film était composé de Enrico Lo Verso (acteur), Ursula Meier (réalisatrice) et Michel Franco (réalisateur).

Avec un Ours d'or, Gianfranco Rosi réalise un doublé après son Lion d'or à Venise en 2013 pour Sacro GRA. Danis Tanovic réussit aussi un autre doublé, un deuxième Grand prix du jury berlinois, trois ans après celui de La femme du ferrailleur.

Si le cinéma européen est en force dans ce palmarès, notons les beaux prix pour le philippin Lav Diaz et le chinois Yang Chao, deux oeuvres dont l'esthétisme a été salué. Enfin, le cinéma français n'est pas en reste avec le prix de la meilleure réalisatrice pour Mia Hansen-Love, manière de signaler que les femmes existent aussi derrière la caméra, et surtout pour Hedi, le film tunisien de Mohamed Ben Attia, récompensé par deux jurys: celui pour le meilleur premier film et celui de la compétition pour son acteur.

Ours d'or (meilleur film): Fuocoammare (La mer en feu) de Gianfranco Rosi (Italie)
Ours d'argent - Grand prix du jury: Smrt u Sarajevu (Mort à Sarajevo) de Danis Tanovic
Prix Alfred Bauer pour un film qui offre de nouvelles perspectives: Hele Sa Hiwagang Hapis (Une berceuse au mystère douloureux) de Lav Diaz (Philippin)
Ours d'argent du meilleur réalisateur: Mia Hansen-Love pour L'amour (France)
Ours d'argent de la meilleure actrice: Trine Dyrholm dans La commune de Thomas Vinterberg (Danemark)
Ours d'argent du meilleur acteur: Majd Mastoura dans Hedi (Tunisie)
Ours d'argent du meilleur scénario:: Tomasz Wasilewski pour son film Zjednoczone Stany Milosci (United States of Love / Les Etats-Unis de l'amour) (Pologne)
Ours d'argent pour la meilleure contribution artistique: Le chef opérateur Mark Lee Ping-Bing pour Chang Jiang Tu (Courant contraire) de Yang Chao (Chine)

Prix du meilleur premier film (toutes sélections confondues): Inhebbek Hedi (Hedi) de Mohamed Ben Attia (Tunisie) en section Compétition - photo

Ours d'or du meilleur court métrage: Balada de um batraquio de Leonor Teles (Portugal)
Ours d'argent du court métrage - Prix du jury: A man returned de Mahdi Fleifel (Royaume Uni)
Prix Audi du meilleur court métrage: Jin Zhi Xia Mao (Anchorage Prohibited) de Chiang Wei Liang (Taiwan)

Ours d'or d'honneur: Michael Ballhaus
Berlinale Kamera: Ben Barenholtz, Tim Robbins, Marlies Kirchner

Tous les autres prix remis au Festival du film de Berlin 2016

Cannes 2015 : Lettre à Brillante Mendoza

Posté par MpM, le 19 mai 2015

Cher Brillante Mendoza,

Taklub signifie "piège". C'est le titre de votre dernier film présenté à Cannes 2015 dans la section Un certain regard, qui raconte les suites du passage du typhon Haiyan aux Philippines en 2013, et notamment les conditions de survie de plusieurs habitants de la ville de Tacloban dévastée par la catastrophe.

Sous une forme très proche du documentaire, en mouvement et au plus près de vos personnages, vous filmez les conditions précaires, voire périlleuses, des réfugiés, leurs difficultés pour obtenir de l'aide, leur combat pour retrouver le corps de leurs proches disparus. Vous montrez les stratagèmes de chacun pour continuer à avancer et se reconstruire, ainsi que la peur d'une nouvelle catastrophe qui sourd.

On croirait presque un état des lieux exhaustif, et à la portée universelle, du statut de victime. Certaines images nous sont familières pour occuper les journaux télévisés à chaque nouveau drame humain : campements de fortune, maisons en ruine, rescapés démunis... Comme c'est souvent le cas dans votre cinéma, rien ne nous est épargné de la misère et de l'horreur, de la douleur et du sordide. Au début du film, le plan qui s'attarde sur le corps calciné d'une mère serrant encore un enfant dans ses bras est ainsi purement insupportable.

Il faut témoigner, inlassablement et sans fard, des injustices et des horreurs du monde. Faut-il pour autant le faire à n'importe quel prix ? Talklub répond à la question à sa manière, plutôt démonstrative. Mais votre acharnement à donner film après film une voix à ceux qui en sont privés va bien au-delà d'une question de morale cinématographique. C'est une nécessité vitale.

Un film philippin de 5h40 sacré à Locarno

Posté par vincy, le 16 août 2014

Le 67è Festival de Locarno a rendu son verdict : le palmarès est aussi hétérogène que cosmopolite. Toutes sélections confondues, le cinéma français et le cinéma latino-américain ont été particulièrement choyés par les jurys.

Le jury de la compétition internationale, présidé par le réalisateur italien Gianfranco Rosi, a choisi une oeuvre radicale pour le Léopard d'or de cette année.

From What is Before (Mula Sa Kung Ano Ang Noon) de Lav Diaz a reçu le Léopard d'or. Le cinéma philippin continue de glaner les prix les plus prestigieux des grands festivals depuis une dizaine d'année. Le vétéran Lav Diaz avait été sélectionné l'an dernier à Un certain Regard à Cannes pour son film Norte, the End of History, et avait été récompensé deux fois à Venise avec Melancholia et Kagadanan sa banwaan ning mga Engkanto, tous deux présentés dans la sélection Horizons.

From What Is Before dure 5h38 (Lav Diaz a déjà réalisé des films de 8 heures et même 10h40!). Inspiré de faits réels, le film, qui se déroule au début des années 70 quand Marcos a insaturé la Loi Martiale, a été le premier long métrage de la compétition dans le calendrier du Festival. Il semble qu'il n'ait souffert d'aucune concurrence en 9 jours. L'expérience sensorielle, composée de plans séquences très longs et d'un esthétisme très singulier, notamment avec l'utilisation du noir et blanc, ne vise évidemment pas un public très large. Diaz le dit lui-même : ses films sont lents et longs, car la vie réelle des philippins est elle-même plutôt lente. "Je suis content si dix personnes restent jusqu'à la fin" expliquait=il récemment dans une interview.

Listen Up Philip de l'américain Alex Ross Perry a été distingué par un prix spécial du jury. Le film retrace la colère qui habite un écrivain (Jason Schwartzman) dans l'attente de la publication de son deuxième roman.  Souvent récompensé à Locarno, le cinéaste portugais Pedro Costa a été couronné du prix du meilleur réalisateur pour son film Cavalo Dinheiro. Une mention spéciale a été décernée au film brésilien de Gabriel Mascaro, 31 ans, Ventos de Agosto.

Le jury de la compétition a récompensé l'actrice française d'origine grecque Ariane Labed (Attenberg, prix d'interprétation à Venise, Alps, Before Midnight) pour son interprétation dans Fidelio, l'Odyssée d'Alice de Lucie Borleteau et le jeune acteur russe Artem Bystrov pour son rôle dans Durak (L'idiot) de Yury Bykov.

Dans la sélection Cinéastes du présent, le jury a primé le film mexicain Navajazo de Ricardo Silva (premier prix), le film colombien Los Hongos de Oscar Ruiz Navia (prix spécial du jury), le film italien La Creazione di Significato de Simone Rapisarda Casanova (prix du meilleur nouveau talent) et le film français Un jeune poète de Damien Manivel (mention spéciale), repéré en 2011 avec son court-métrage La dame au chien.

Côté documentaires, le réalisateur sud-coréen Soon-mi YOO a été récompensé par le jury du meilleur premier film avec Songs from the North. Une mention spéciale a été décernée au film français Parole de Kamikaze de Masa Sawada.

Deux autres prix majeurs ont été remis : le prix du public au film suisse de Peter Luisi, Schweizer Helden, le récit d'une femme divorcée qui décide de monter Guillaume Tell avec des réfugiés en quête d'asile politique,  et le prix Variety Piazza Grande au film français de Jean-Pierre Améris, Marie Heurtin, avec Isabelle Carré : le biopic, qui sort le 12 novembre dans les salles françaises suit le parcours d'une jeune femme née sourde, muette et aveugle et jugée "débile" en 1895, qui est amenée à vivre chez des religieuses.

Vesoul 2014 : rencontre avec Brillante Mendoza

Posté par MpM, le 28 février 2014

Brillante Mendoza, chef de file du cinéma philippin contemporain, est régulièrement sélectionné dans les grands festivals internationaux depuis le milieu des années 2000 :  Le Masseur à Locarno en 2005, John John à Cannes et Tirador à Toronto en 2007,  Serbis à  Cannes en 2008, Lola en 2009 à Venise, Kinatay à Cannes en 2009 (avec un prestigieux prix de la mise en scène en prime), Captive en 2012 à Berlin, etc.

C’est donc fort logiquement que le festival international des Cinémas d’Asie de Vesoul lui a décerné son Cyclo d'honneur 2014, et lui a proposé de présider le jury international de sa 20e édition, qui proposait justement un regard sur le cinéma philippin.

Disponible et d’une grande simplicité, le cinéaste en a profité pour présenter une rétrospective de son travail, participer à une table ronde sur le cinéma de son pays, et aller à la rencontre des festivaliers. L’occasion de l’écouter parler avec énormément de précision de son travail minutieux de mise en scène, et de lui demander de décortiquer pour Ecran Noir sa méthode de travail habituelle :

La plupart de mes films sont basés sur des histoires vraies. J’essaye d’adapter ces histoires de la manière dont j’aimerais les voir dans la réalité.

Par exemple, si je pars de l’histoire de personnes en particulier, et si je vois les personnages en eux, j’essaye de les mettre dans le film, de transcrire leur vie dans le film. Ce n’est pas aussi simple que ce dont ça a l’air quand on regarde le film. Sur grand écran, tout simple improvisé, tout semble être exactement comme on le voit dans la réalité.

Mais pour obtenir ce résultat, et le rendre réaliste, comme un documentaire, cela demande beaucoup de travail et de patience. Il faut s’appuyer sur différents éléments de réalisation, comme le son, la direction artistique, la mise en scène, le montage, et même la musique. Même si on tourne en temps réel, il faut d’une certaine manière tout recréer lorsque l’on réunit tous les éléments.

Brillante MendozaComment procède-t-on concrètement ? Dès le casting : on mélange des acteurs professionnels avec des amateurs. Je les laisse improviser beaucoup. Je ne leur donne pas le scénario, même si j’en ai un. Je passe beaucoup de temps à faire des recherches, et j’écris avec une équipe de scénaristes, mais on ne montre pas notre travail aux acteurs. Je leur donne juste les situations et je les laisse improviser. Je ne leur dis pas où sera placée la caméra pour ne pas les bloquer.

Et pour ce qui est de la musique : je n’en utilise pas beaucoup. Si le film se suffit à lui-même, il n’y a pas besoin de musique.  Je pense que la musique sert à mettre les scènes en valeur. Mais s’il n’y en a pas besoin, s’il n’y a rien à mettre en valeur parce que ça sonne déjà tellement vrai, j’essaye d’adapter le son et l’environnement. Mais j’utilise la musique comme un son naturel de l’environnement.

Même chose avec la direction Brillante Mendozaartistique : je veux que tout semble le plus vrai possible. Je n’aime pas que les acteurs portent des vêtements qui ne sont pas habituellement portés par les gens ordinaires. Parce que la plupart de mes personnages sont des gens ordinaires. Ensuite, cela dépend. Si le personnage a vraiment besoin de porter du maquillage, alors je fais maquiller les acteurs.

Quoi d’autre… Ah oui, même dans le montage, j’essaye d’aller à l’encontre des règles. Normalement, quand on sort d’une école de cinéma, on apprend à suivre une série de règles de montage. Par exemple, si je filme votre visage, ensuite il faut montrer l’envers et filmer mon visage. Moi, je me contente de suivre mon instinct. De réfléchir à ce qui est nécessaire et à ce qui ne l’est pas.

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Photos : Brigitte Arradi