3 raisons d’aller voir Alpha the right to kill

Posté par kristofy, le 17 avril 2019

Le pitch : Dans les quartiers pauvres de Manille, la lutte antidrogue fait rage. Un officier de police et un petit dealer devenu indic tentent coûte que coûte de faire tomber l’un des plus gros trafiquants de la ville, mettant en jeu leur réputation, la sécurité de leur famille… et leur vie.

Le retour de Brillante Mendoza
La plupart des films de Brillante Mendoza ont été sélectionnés dans différents festivals comme Cannes (prix de la mise en scène en 2009 pour Kinatay), Venise, Berlin ; ce qui a encouragé ensuite leur sortie en salles en France comme par exemple Serbis, Lola, Captive… Cependant, certains de ses films n’ont pas été distribués chez nous. Ce fut le cas de Thy Womb (pourtant à Venise, et très bon) et comme de Sapi (une incursion ratée dans le surnaturel). Son dernier film Ma' Rosa (prix d'interprétation féminine à Cannes) faisait le portrait d’une mère de famille qui devait trouver de l’argent pour sortir sa famille de garde-à-vue chez les flics pour une histoire de petit deal de drogue… Le drogue et les diverses ramifications de ses trafics sont cette fois au centre de ce nouveau film Alpha the right to kill : pistage d’un gros trafiquant, intervention armée des policiers, une partie de la drogue disparue, les curieuses relations entre un flic et son indic… Les amateurs de polars seront ravis.

Le style immersif de Brillante Mendoza
Cette impression de captation du réel ou de cinéma-vérité qui forment le style de Mendoza est ici encore à l’œuvre durant tout le film (sauf certains moments de l’assaut, au début, qui empruntent aux codes du polar/thriller classique). Nous assistons presque en temps réel à ce qui se passe. Au Festival de Vesoul, il nous avait expliqué sa façon de travailler si particulière (sur presque chaque film) : « Sur grand écran, tout semble être exactement comme on le voit dans la réalité. Mais pour obtenir ce résultat, et le rendre réaliste, comme un documentaire, cela demande beaucoup de travail et de patience. Il faut s’appuyer sur différents éléments de réalisation, comme le son, la direction artistique, la mise en scène, le montage, et même la musique. Même si on tourne en temps réel, il faut d’une certaine manière tout recréer lorsque l’on réunit tous les éléments. Comment procède-t-on concrètement ? Dès le casting : on mélange des acteurs professionnels avec des amateurs. Je les laisse improviser beaucoup. Je ne leur dis pas où sera placée la caméra pour ne pas les bloquer. Et pour ce qui est de la musique : je n’en utilise pas beaucoup. Si le film se suffit à lui-même, il n’y a pas besoin de musique. Mais j’utilise la musique comme un son naturel de l’environnement. Même chose avec la direction artistique : je veux que tout semble le plus vrai possible. Je n’aime pas que les acteurs portent des vêtements qui ne sont pas habituellement portés par les gens ordinaires. Parce que la plupart de mes personnages sont des gens ordinaires. »

La lutte (im)possible contre le trafic de drogue…
Alpha the right to kill montre presque chaque rouage du trafic de drogue : le gros bonnet, les petits vendeurs, les passeurs, les guetteurs, les indics, les policiers, les médias… Ce n’est pas seulement un bon sujet de film d’action mais aussi un sujet politique, aux Philippines la ‘guerre contre la drogue’ était une thématique forte pour son élection en 2016 du président Rodrigo Dutertre. Ainsi, lors d’une importante intervention, il y a dans le film-  comme dans le réel - certains policiers qui peuvent tirer et tuer des criminels ou des simples suspects… Après une première partie musclée typique d’un film d’action, Alpha the right to kill se recentre sur deux personnages en particulier : un policier respecté pour son efficacité et son rôle de bon père et mari ; et un petit dealer habile qui doit trouver de l’argent pour les besoins du bébé.

Mais on remarque surtout que les quantités de drogues saisies par les autorités ont beau être importantes, il y en aura toujours en circulation. Ce trafic profite à tellement de gens qu'on ne voit pas comment il peut prendre fin.

Brillante Mendoza affirme son soutien au controversé président philippin Rodrigo Duterte

Posté par vincy, le 17 novembre 2016

Le réalisateur philippin Brillante Mendoza, dont le film Ma' Rosa, qui a reçu le prix d'interprétation féminine à Cannes (pour Jaclyn Jose) et qui sort le 30 novembre en salles, est réputé, connu, récompensé pour ses films presque caméra au poing, montrant les fractures sociales de son pays. C'est pourtant avec un autre film qu'il fait parler de lui. Le cinéaste a filmé le premier discours à la Nation du président Rodrigo Duterte, pas vraiment en odeur de sainteté en Occident.

Duterte, "The Punisher"

Considéré comme un dictateur, Duterte a balancé quelques phrases controversées ("Hitler a massacré trois millions de Juifs. Bon, il y a trois millions de drogués (aux Philippines). Je serais heureux de les massacrer"), insulté Barack Obama (en le traitant de "fils de pute") et l'ambassadeur américain ("Comme vous le savez, je me bats avec l'ambassadeur. Son ambassadeur homosexuel, le fils de pute. Il m'a fait chier.") et déclaré "l’Etat de non-droit" sur l’ensemble de l’archipel. Il appelle à tuer tous les trafiquants de drogue (sans justice intermédiaire) et s'apprête à réhabiliter le dictateur sanguinaire Ferdinand Marcos en lui offrant des funérailles nationales. Le « Punisher », président depuis juin dernier, est violemment critiqué pour le non respect des droits de l'Homme et pour la violence de sa politique anticriminalité. Depuis son investiture, plus de 1800 suspects ont été abattus par la police et 2600 autres personnes sont mortes dans des circonstances inexpliquées.

Voilà pour le contexte.

Brillante Mendoza assume complètement son soutien à son Président. Outre le le premier discours de la Nation, il a réalisé deux courts métrages défendant l'action gouvernementale (le premier avec un toxicomane qui rate les grands événements de la vie de sa fille, et le second avec une Philippine qui travaille à l'étranger pour envoyer de l'argent à son fils drogué).

Dans un entretien à l'AFP, il estime que "l'incompréhension suscitée à l'étranger" par le dictateur est avant tout "la conséquence d'un fossé "culturel" entre les sociétés occidentales et philippine.". "S'il y a une personne qui comprend la situation, c'est le président", affirme Mendoza. "Je sais que beaucoup de gens ne soutiennent pas tout ce qu'il fait. Mais, quand on connaît la situation, on sait qu'il fait ce qu'il faut faire".

Lutte contre la drogue

C'est d'autant plus étonnant, et inciterait à revoir l'œuvre de Mendoza d'un autre œil, que les films du cinéaste sont assez critiques à l'encontre d'une police violente et d'un pouvoir corrompu dans un pays où la pauvreté amène souvent les populations à des situations extrêmes pour survivre (il suffit de revoir Kinatay). En fait, là où Mendoza rejoint le discours de Duterte, c'est dans la lutte contre la drogue. Mais lors de son entretien, il ne prend pas parti sur le cas des exécutions extrajudiciaires: "Quand je n'ai pas une connaissance personnelle d'une situation, je n'en parle pas" dit-il pour ne pas se mouiller. C'est un peu hypocrite puisque le Président philippin a remporté en mai l'élection présidentielle en promettant de tuer des milliers de criminels pour éradiquer le trafic de drogue. C'est cash.

Là où Mendoza a plutôt raison, c'est lorsqu'il explique que l'Occident a une vision assez déformée de Duterte: "Ils le regardent avec l'idée qu'ils se font de la façon dont un président doit se comporter." On ne relativisera pas ici sa politique d'extermination mais on oublie que ce machiste sexiste et vaniteux (et populaire) a aussi pris position en faveur du maintien des écoles communautaires indigènes, s'est engagé en faveur de la transparence des pouvoirs publics aux Philippines en signant un décret permettant à chaque citoyen d’accéder aux archives gouvernementales et a soutenu les droits des homosexuels, position singulière dans un pays encore fortement influencé par la religion.

Différence culturelle?

Pour Mendoza, tout ne serait qu'une affaire de "différence culturelle". "Je ne suis pas en train de défendre l'idée que les pauvres doivent être tués", tempère le réalisateur. "Mais au final, il ne faut pas regarder le problème de la drogue que de ce point de vue". La lutte contre la drogue justifierait donc toutes les exceptions de droit.

Brillante Mendoza, dans Libération en mai estimait: "le genre de films que je fais en dit déjà assez", "ils constituent la meilleure contribution possible à mon devoir de citoyen." Apparemment, il a changé d'avis (entre temps Duterte est arrivé au pouvoir) et a décidé de participer à la propagande nationale d'un homme qui, en 1989, en tant que maire, a déclaré à propos d'une missionnaire australienne violée puis tuée dans sa ville: "J'ai vu son visage et je me suis dit Putain, quel dommage ! Ils l'ont violée, ils ont tous attendu leur tour. J'étais en colère qu'ils l'aient violée, mais elle était si belle. Je me suis dit le maire aurait pu passer en premier."

Sans doute une différence culturelle difficile à comprendre pour un occidental, Brillante Mendoza?

Cannes 2015 : Lettre à Brillante Mendoza

Posté par MpM, le 19 mai 2015

Cher Brillante Mendoza,

Taklub signifie "piège". C'est le titre de votre dernier film présenté à Cannes 2015 dans la section Un certain regard, qui raconte les suites du passage du typhon Haiyan aux Philippines en 2013, et notamment les conditions de survie de plusieurs habitants de la ville de Tacloban dévastée par la catastrophe.

Sous une forme très proche du documentaire, en mouvement et au plus près de vos personnages, vous filmez les conditions précaires, voire périlleuses, des réfugiés, leurs difficultés pour obtenir de l'aide, leur combat pour retrouver le corps de leurs proches disparus. Vous montrez les stratagèmes de chacun pour continuer à avancer et se reconstruire, ainsi que la peur d'une nouvelle catastrophe qui sourd.

On croirait presque un état des lieux exhaustif, et à la portée universelle, du statut de victime. Certaines images nous sont familières pour occuper les journaux télévisés à chaque nouveau drame humain : campements de fortune, maisons en ruine, rescapés démunis... Comme c'est souvent le cas dans votre cinéma, rien ne nous est épargné de la misère et de l'horreur, de la douleur et du sordide. Au début du film, le plan qui s'attarde sur le corps calciné d'une mère serrant encore un enfant dans ses bras est ainsi purement insupportable.

Il faut témoigner, inlassablement et sans fard, des injustices et des horreurs du monde. Faut-il pour autant le faire à n'importe quel prix ? Talklub répond à la question à sa manière, plutôt démonstrative. Mais votre acharnement à donner film après film une voix à ceux qui en sont privés va bien au-delà d'une question de morale cinématographique. C'est une nécessité vitale.

Vesoul 2014 : rencontre avec Brillante Mendoza

Posté par MpM, le 28 février 2014

Brillante Mendoza, chef de file du cinéma philippin contemporain, est régulièrement sélectionné dans les grands festivals internationaux depuis le milieu des années 2000 :  Le Masseur à Locarno en 2005, John John à Cannes et Tirador à Toronto en 2007,  Serbis à  Cannes en 2008, Lola en 2009 à Venise, Kinatay à Cannes en 2009 (avec un prestigieux prix de la mise en scène en prime), Captive en 2012 à Berlin, etc.

C’est donc fort logiquement que le festival international des Cinémas d’Asie de Vesoul lui a décerné son Cyclo d'honneur 2014, et lui a proposé de présider le jury international de sa 20e édition, qui proposait justement un regard sur le cinéma philippin.

Disponible et d’une grande simplicité, le cinéaste en a profité pour présenter une rétrospective de son travail, participer à une table ronde sur le cinéma de son pays, et aller à la rencontre des festivaliers. L’occasion de l’écouter parler avec énormément de précision de son travail minutieux de mise en scène, et de lui demander de décortiquer pour Ecran Noir sa méthode de travail habituelle :

La plupart de mes films sont basés sur des histoires vraies. J’essaye d’adapter ces histoires de la manière dont j’aimerais les voir dans la réalité.

Par exemple, si je pars de l’histoire de personnes en particulier, et si je vois les personnages en eux, j’essaye de les mettre dans le film, de transcrire leur vie dans le film. Ce n’est pas aussi simple que ce dont ça a l’air quand on regarde le film. Sur grand écran, tout simple improvisé, tout semble être exactement comme on le voit dans la réalité.

Mais pour obtenir ce résultat, et le rendre réaliste, comme un documentaire, cela demande beaucoup de travail et de patience. Il faut s’appuyer sur différents éléments de réalisation, comme le son, la direction artistique, la mise en scène, le montage, et même la musique. Même si on tourne en temps réel, il faut d’une certaine manière tout recréer lorsque l’on réunit tous les éléments.

Brillante MendozaComment procède-t-on concrètement ? Dès le casting : on mélange des acteurs professionnels avec des amateurs. Je les laisse improviser beaucoup. Je ne leur donne pas le scénario, même si j’en ai un. Je passe beaucoup de temps à faire des recherches, et j’écris avec une équipe de scénaristes, mais on ne montre pas notre travail aux acteurs. Je leur donne juste les situations et je les laisse improviser. Je ne leur dis pas où sera placée la caméra pour ne pas les bloquer.

Et pour ce qui est de la musique : je n’en utilise pas beaucoup. Si le film se suffit à lui-même, il n’y a pas besoin de musique.  Je pense que la musique sert à mettre les scènes en valeur. Mais s’il n’y en a pas besoin, s’il n’y a rien à mettre en valeur parce que ça sonne déjà tellement vrai, j’essaye d’adapter le son et l’environnement. Mais j’utilise la musique comme un son naturel de l’environnement.

Même chose avec la direction Brillante Mendozaartistique : je veux que tout semble le plus vrai possible. Je n’aime pas que les acteurs portent des vêtements qui ne sont pas habituellement portés par les gens ordinaires. Parce que la plupart de mes personnages sont des gens ordinaires. Ensuite, cela dépend. Si le personnage a vraiment besoin de porter du maquillage, alors je fais maquiller les acteurs.

Quoi d’autre… Ah oui, même dans le montage, j’essaye d’aller à l’encontre des règles. Normalement, quand on sort d’une école de cinéma, on apprend à suivre une série de règles de montage. Par exemple, si je filme votre visage, ensuite il faut montrer l’envers et filmer mon visage. Moi, je me contente de suivre mon instinct. De réfléchir à ce qui est nécessaire et à ce qui ne l’est pas.

Lire l'intégralité de notre rencontre avec Brillante Mendoza

Photos : Brigitte Arradi

Vesoul 2014 : fréquentation record pour une édition d’exception

Posté par MpM, le 23 février 2014

"Pour nos vingt ans, nous avons dépassé les 30000 spectateurs", s'enthousiasme Jean-Marc Thérouanne, délégué général du Festival international des cinémas d'Asie de Vesoul (photo de gauche, en compagnie de son épouse et complice Martine, la directrice du Festival,  lors de la soirée d'ouverture). "Nous n'avions jamais fait autant !" Un succès à la fois mérité et logique, tant les organisateurs avaient concocté une édition anniversaire d'exception, mêlant une compétition de haute volée et des rétrospectives d'envergure sur les cinémas philippin et vietnamien. En tout, exactement 100 films présentés en une semaine.

"C'était un cru d'excellente qualité en raison aussi de nos nombreux invités", explique Jean-Marc Thérouanne.  "Par exemple l'actrice fétiche d'Ashgar Farhadi, Taraneh Alidoosti, la réalisatrice libanaise Jocelyn Saab, le critique et programmateur Philip Cheah, le directeur de la photographie Sunny Joseph, l'universitaire philippin Rolando B. Tolentino... et bien sûr le président du jury international Brillante Mendoza qui a la simplicité des plus grands." La gentillesse et la disponibilité du talentueux cinéaste philippin resteront d'ailleurs comme l'un des meilleurs souvenirs de cette 20e édition. "Il nous a rappelé Hou Hsiao-Hsien ou Jafar Panahi. Savoir rester simple quand on sait qu'on fait partie des meilleurs est une vraie preuve de grandeur."

Lorsqu'ils ont créé la manifestation en 1995, Martine et Jean-Marc Thérouanne n'imaginaient probablement pas recevoir un jour des personnalités d'envergure comme celles qui se sont succédé à Vesoul depuis. D'ailleurs, à l'époque, ils étaient peu nombreux à parier sur le succès de la manifestation. "On nous a beaucoup dit qu'on n'y arriverait pas seuls, ou que l'on n'arriverait pas à grandir" se souvient en effet Jean-Marc Thérouanne. "Il a fallu s'adapter au terrain, tisser des liens de confiance, constituer une équipe... Car un festival, c'est aussi une équipe fidèle : les projectionnistes, les photographes, les chauffeurs, ceux qui s'occupent des plannings... Tous participent à l'âme du FICA."

Sans oublier le public, qui est toujours au centre des préoccupations des organisateurs du Festival, soucieux de proposer un programme populaire de qualité. "Nous ne sommes pas une manifestation élitiste", explique le délégué général du FICA. "Nous avons donné le goût du cinéma asiatique à des gens qui n'auraient jamais pensé aller voir ce genre de films, parce que nous l'avons popularisé. Par exemple, nous avons eu des thèmes porteurs, comme cette année avec "avoir 20 ans". On a tous eu 20 ans ! C'est comme cela qu'on arrive à rendre les gens curieux."

Et la curiosité, c'est justement le maître-mot de cette manifestation qui met la découverte et la singularité au cœur de sa programmation, en privilégiant les cinématographies atypiques et les premiers films. Désormais, tout le monde a des raisons de vouloir voir Vesoul ! Et ça tombe bien, puisque le FICA ouvrira un nouveau chapitre de son histoire dès 2015, soucieux de poursuivre le travail de défrichage qui, en moins de 20 ans, en a fait l'un des plus importants festivals européens consacrés à l'Asie.

Vesoul 2014 : Regard sur le cinéma philippin

Posté par kristofy, le 14 février 2014

Les Philippines sont depuis quelques années un nouveau centre incontournable du cinéma asiatique : c'est là-bas que ça bouge. D'ailleurs, le réalisateur britannique Sean Ellis y a retrouvé l’inspiration et y a tourné son film Metro Manilla, qui raconte la mise en place d’un hold-up sophistiqué avec un regard naturaliste sur le pays perçu à travers les yeux d’un paysan de la campagne qui découvre les trafics de la grande ville.

Un des premiers cinéastes philippins dont les films ont été vus en France par le biais d’une sélection au Festival de Cannes est Lino Brocka dont justement le film Maynila évoquait les attraits factices d’une mégapole à travers le destin d’un jeune pêcheur immigré.

Ce film, qui vient d’être restauré (et programmé à Vesoul), est un exemple de la richesse du cinéma philippin malheureusement méconnu. Une partie du patrimoine cinématographique est d’ailleurs disparue, par exemple le réalisateur Gerardo de Leon (décédé en 1981) a tourné environ 75 films mais seulement une vingtaine ont été sauvegardés.

Le pays a été longtemps sous la coupe d’étrangers (colons espagnols, puis domination japonaise, puis occupation américaine) qui ont fait circuler leurs propres films mais le cinéma philippin national s’est tout de même développé. En 1919, c’est Dalagang Bukid de Jose Nepomuceno, le premier film produit par un philippin ; puis en 1930 Ang Aswang est le premier film parlant. Dans les années 50, on produisait beaucoup de films et le pays était un grand exportateur dans toute l’Asie du sud-est.

Lamberto V. Avellana (1915-1991) a réalisé une cinquantaine de films, Genghis Khan du réalisateur Laurent Condé est le premier film philippin à être présenté dans un festival étranger (à la Mostra de Venise en 1952). Puis durant les années 60, le nombre de films produits a décliné ainsi que leur qualité.

Un second âge d’or arrive avec les années 70 et plusieurs cinéastes qui vont devenir incontournables. Vesoul va en faire découvrir quelques-uns : Lino Brocka (Maynila), Eddie Romero (C’est ainsi que nous vivons), Ishmael Bernal (Miracle), Marilou Díaz-Abaya (Karnal)… Les films se font l’écho du sévère régime politique du moment, avec dans les histoires la pauvreté du peuple et des injustices.

Peu à peu, le public va préférer le divertissement avec des mélos amoureux ou des films d’horreur médiocres, mais aussi des films-copies de succès occidentaux comme James Bond en version fauchée. Au tournant des années 70 va apparaître Jose Gosienfago qui va populariser les films "pito-pito" (sept jours de tournage, sept jours de post-production) avec notamment Bomba star en 1980 à caractère érotique (dans les années 60, il y a eu quantité de films de genre ‘bomba’ avec comme argument de vente beaucoup de femmes dénudées), puis en 1999 Jeffrey Jeturian réalise Fetch A Pail of Water en 21 jours (préparation, tournage, montage) où encore une fois le côté sexe permet d’évoquer plus largement la société (une jeune femme des quartiers pauvres laisse son riche employeur abuser d’elle). Le développement des outils numériques (et des petites caméras peu chères) va par la suite permettre à beaucoup de cinéastes de faire de plus en plus de films en peu de temps : de nombreux films sont tournés en une dizaine de jours.

Désormais, c’est le réalisateur Brillante Mendoza qui apparaît comme le chef de file du cinéma philippin. Ses films ont presque tous été sélectionnés et primés dans les festivals majeurs en Europe, comme Le Masseur (2005, Locarno), John John (2007, Cannes), Tirador (2007, Toronto), Serbis (2008, Cannes), Lola (2009, Venise), Kinatay (2009, Cannes, prix de la mise en scène), Captive (2012, avec Isabelle Huppert, Berlin).... Ils sont également sortis en salles en France et sont disponibles en dvd. Et c’est justement Brillante Mendoza qui est le président du jury de ce 20e FICA. Vesoul va projeter 5 de ses films dont son avant-dernier film Thy womb (2013, présenté à Venise) resté encore inédit, et en avant-première son tout nouveau film Sapi.

Vesoul montre aussi les nouveaux cinéastes qui comptent aux Philippines  à travers un panel de films comme The Bet collector (2006) de Jefrey Jeturian, Independencia de Raya Martin (2009), Manila Skies (2012) de Raymond Red (ainsi que son court-métrage Anino palme d’or en 2000),  Busong (2011) de Aureus Solito, Posas de Lawrence Fajardo (2012), The story of Mabuti (2013) de Mes de Guzman, Death March (2013, sélectionné à Cannes) de Adolfo Alix Jr, Here comes the bride (2010) et The woman in septik tank (2011) en présence de la star Eugene Domingo.

En tout, ce Regard sur le cinéma philippin rassemble plus d’une vingtaine de films couvrant la période 1975-2013 et dont la plupart sont inédits ou en avant-première française. A noter que, pour ce qui est des films en compétition, on retrouve la nouvelle figure montante des Philippines, depuis son premier film Baby factory (le quotidien d’une maternité à travers différentes mamans, infirmières, bébés), le réalisateur Edouardo Roy Jr (34 ans), qui est invité à Vesoul pour son second film Quick change (sélectionné au festival de Berlin en ce moment) où il sera question de transsexuels et de trafic illégal de produits de chirurgie esthétique…

Depuis une dizaine d’années, il y a un nouvel âge d’or du cinéma philippin, et c’est le FICA de Vesoul qui en expose ses multiples facettes.

Vesoul 2014 : une ouverture sous le signe des arts asiatiques

Posté par MpM, le 12 février 2014

La 20e édition du Festival international des Cinémas d'Asie de Vesoul s'est ouverte mardi 11 février devant une salle comble soucieuse de rendre un hommage appuyé aux créateurs et organisateurs de la manifestation, Martine et Jean-Marc Thérouanne, qui, contre l'avis de presque tout le monde, eurent en 1995 l'idée, l'envie et l'énergie de faire naître un festival à la fois exigeant et populaire dans cette petite commune de Haute Saône.

La soirée a donné un avant-goût des deux compétitions-phare du Festival (fictions et documentaires), ainsi que sur ses principales sections thématiques, et a permis de découvrir les membres des différents jurys présents, tels que Brillante Mendoza, président du jury international, Roshane Saidnattar, membre du jury NETPAC ou encore Taraneh Alidoosti, membre du jury international.

Mais les organisateurs avaient surtout choisi de mettre l'accent sur d'autres aspects moins connus de la culture asiatique, comme la danse ou la poésie.

Se sont ainsi succédés sur scène la conteuse Flora Mercier, qui a évoqué la liberté que procure l'art ; des experts de l'art martial Jô do, qui ont fait une démonstration de quelques katas ; le Huong Thanh Trio qui a interprété trois chants traditionnels vietnamiens et le groupe Sandigan qui a exécuté plusieurs danses folkloriques philippines, dont le "pandanggo sa Ilaw" (littéralement : danse de lumière).

Toutefois, c'est bien le cinéma qui a clos la soirée puisque les festivaliers ont pu découvrir en grande avant-première FICA : nos 20 ans, le documentaire consacré au Festival par deux membres de l'équipe, Jean-Claude Boisseaux et Marc Haaz. L'occasion de revoir des images d'archives des éditions précédentes et de mieux saisir la logistique qui entoure l'organisation d'une manifestation telle que celle de Vesoul.

C'est désormais parti pour une 20e édition riche en films (100), en découvertes, en rencontres et en festivités : Happy birthday, Vesoul !

Vesoul 2014 : le Vietnam, les Philippines et la jeunesse au menu de la 20e édition

Posté par MpM, le 26 janvier 2014

vesoul 2014Le 20e Festival des cinémas d'Asie de Vesoul, qui se tiendra du 11 au 18 février 2014, s'annonce une fois de plus comme une grande fête de toutes les cinématographies venues du continent asiatique, du Proche à l'extrême Orient, avec un programme éclectique et d'une grande richesse. Petit tour d'horizon des temps forts de cette édition anniversaire :

- une rétrospective consacrée au réalisateur Brillante Mendoza (Lola, Kinatay, Serbis...), qui est le président du jury et Cyclo d'honneur de cette édition 2014 ;

- un focus sur le cinéma philippin, avec 21 films clés des 40 dernières années, dont l'avant-première de Death March d'Adolfo Alix Junior, présenté à Cannes en 2013, la première française du nouveau film de Brillante Mendoza, Sapi, et la première européenne de The Story of Mabuti de Mez de Guzman ;

- un focus sur le cinéma vietnamien qui réunit 7 longs métrages de fiction, 4 documentaires et 4 films d'animation dans le cadre de l'année France-Vietnam ;

- une section thématique consacrée à la jeunesse : "Avoir 20 ans", qui mêlera les regards sur la jeunesse de Jia Zhang-ke (Plaisirs inconnus), Takeshi Kitano (Kids return) ou encore Hany Abu-Assad (Omar) ;

- une carte blanche des organisateurs qui propose des œuvres essentielles de l’histoire des cinémas d’Asie et des films qui leur tiennent particulièrement à cœur et qu’ils n’avaient pas encore eu l’occasion de faire connaître au public du FICA, parmi lesquelles Les démons à ma porte de Jiang Wen, L'hirondelle d'or de King Hu ou Ini Avan, celui qui revient d'Asoka Handagama ;

- Et bien sûr, la compétition officielle qui se décline en une compétition de neuf longs métrages de fiction (Japon, Philippines, Thaïlande, Iran, Turquie...) et une compétition documentaire composée de huit films venus d'Azerbaidjan, de Syrie ou encore de Taïwan.

Ecran Noir est particulièrement fier d'être partenaire de cette 20e édition d'un Festival qui a précédé, puis accompagné, l'engouement du monde occidental pour toutes les formes de cinéma asiatique. Depuis 2006, la rédaction se délocalise le temps d'une semaine dans la plus asiatique des villes de l'Est de la France pour vous faire vivre en direct cette manifestation incontournable. Rendez-vous donc à Vesoul dès le 11 février pour célébrer comme il se doit ce très bel 20e anniversaire... et commencer déjà à penser aux 20 prochaines années ?

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20e Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul
Du 11 au 18 février 2014
Programme et informations sur le site de la manifestation

A découvrir, la bande-annonce :

Venise 2012 : Accouchement complexe pour Thy Womb de Brillante Mendoza

Posté par kristofy, le 6 septembre 2012

Le réalisateur philippin Brillante Mendoza enchaîne les films année après année , sélectionnés à Cannes, Locarno ou Berlin comme son précédent Captive avec Isabelle Huppert. Trois ans après Lola, sa dernière œuvre Thy Womb (Sinapupunan) et de nouveau en compétition à Venise. On y retrouve son habile sens de la mise en scène où la caméra semble toujours filmer ce qui se passe de manière naturaliste : le spectateur est ainsi pris à témoin. Thy Womb est une nouvelle preuve de son savoir-faire pour nous faire rencontrer des personnes davatage que des personnages.

Le film s’ouvre sur une séquence d’accouchement, on y voit un bébé naître avec l’assistance d’un couple qui fait office de sage-femme. C’est ce couple que l’on va suivre ensuite, dans différentes actions quotidiennes. Eux ne peuvent pas avoir d’enfant. La femme se met à recherche d’une bonne seconde épouse pour que son compagnon puisse devenir père…

Comme à son habitude Mendoza se laisse aller à nous montrer des séquences sans couper. Ainsi la cérémonie après la mort d’un banc de poisson où une autre où le couple attend quelqu’un paraissent s'étirer. Toutefois il réussit à faire tenir son film dans une durée raisonnable (1h40). On y voit des images marquantes comme la gorge tranchée d’un animal ou un bébé sortir du ventre de sa mère, mais c’est avant tout l’histoire de ce couple qui procure le plus d’émotions. Il flirte avec le débat des mères porteuses, qui offusquent les féministes occidentales : les candidates pour être secondes épouses et future mère (le titre womb signifie utérus) contre paiement d’une dot à leurs familles ne songent jamais à l'amour. Ce sacrifice d'une épouse pour le bien de son mari rappelle Une seconde femme. Mais c'est surtout une tragédie amoureuse où la seconde femme va apprendre à aimer son époux et lui demander de se séparer de la première. Une répudiation qui peut choquer...

Brillante Mendoza s’en explique : « Le film se déroule dans une partie du sud des Philippines, il montre une réalité qui est même ignorée de beaucoup de philippins. Tout ce qui a été tourné est le plus réel possible. Pour la femme qui accouche l’actrice a étudier les gestes d’une sage-femme, je montre la beauté de ce moment extraordinaire qu’est une naissance. Pour l’animal mis à mort ça fait partie de la culture de cette communauté de l’offrir pour des noces. Dans cette communauté il est possible d’avoir deux femmes, c’est autorisé dans la culture musulmane, il faut que le mari arrive à subvenir aux besoins de ces deux femmes. Avoir un enfant est une grâce divine de Allah. Je voulais montrer la beauté de la nature de cet environnement et aussi la beauté de la communauté de ces gens qui vivent là. »

Venise 2012 : une compétition sans réelles surprises

Posté par vincy, le 26 juillet 2012

69e clap pour le Festival de Venise le 29 août prochain. 17 films sont en course pour le Lion d'or, auxquels viendra s'ajouter un "film-surprise" (on murmure que ce sera The Master de Paul Thomas Anderson, retiré de la liste publiée sur les journaux professionnels américains après l'annonce de la sélection * voir fin d'article).

Le directeur du Festival, Alberto Barbera, a annoncé que "le thème principal de cette Mostra sera la crise économique actuelle, mais aussi la crise de valeurs, de modèles ainsi que celle des rapports humains et sociaux, notamment à travers la solitude".

Deux cinéastes français (mais 8 productions ou coproductions françaises!) sont en compétition avec quatre américains et trois italiens. Géographiquement, on note une forte présence de l'Europe avec 9 réalisateurs du vieux continent (5 pays seulement), 4 venus d'Asie, et 4 américains : l'Amérique latine, le Canada, le Royaume Uni, l'Espagne, l'Afrique, l'Océanie, la Chine, l'Inde, le Moyen orient, la Turquie, l'Europe de l'Est ou la Scandinavie sont ainsi complètement absents.

Pied de nez ou provocation au Festival de Cannes, cette édition de 2012 est très féminine avec quatre réalisatrices en compétition.

Mais, si de grands noms (Malick, Bellochio, De Palma, Kitano, Kim Ki-duk) côtoient des habitués des festivals (Assayas, Gianolli, Mendoza, Comencini, Bahraini, Seidl, Korine), on note peu de surprise ou de nouveaux talents dans cette compétition qui sera jugée par Michael Mann et son jury en vue de rendre leur palmarès.

La compétition

Après Mai de Olivier Assayas - France. Avec Clément Métayer, Lola Créton, Félix Armand.

At any price de Ramin Bahraini - USA/GB. Avec Dennis Quaid, Zac Efron, Kim Dickens, Heather Graham.

La belle endormie (Bella Addormentata) de Marco Bellocchio - Italie/France. Avec Toni Servillo, Isabelle Huppert, Alba Rohrwacher, Michele Riondino, Maya Sansa, Pier Giorgio Bellocchio.

La cinquième saison de Peter Brosens et Jessica Woodworth - Belgique/Pays-Bas/France. Avec Aurélia Poirier, Django Schrevens, Sam Louwyck, Gill Vancompernolle.

Lemale Et Ha'Chalal (Fill the void) de Rama Burshtein - Israël. Avec Hadas Yaron, Yiftach Klein, Irit Sheleg, Chaim Sharir.

E stato il figlio de Daniele Cipri - Italie/France. Avec Toni Servillo, Giselda Volodi, Alfredo Castro, Fabrizio Falco.

Un giorno speciale de Francesca Comencini - Italie. Avec Filippo Scicchitano, Giulia Valentini.

Passion de Brian de Palma - France/Allemagne. Avec Rachel McAdams, Noomi Rapace, Paul Anderson, Karoline Herfurth.

Superstar de Xavier Giannoli - France/Belgique. Avec Kad Merad, Cécile De France.

Pieta de Kim Ki-duk - Corée du Sud. Avec Cho Min-soo, Lee Jung-jin.

Outrage Beyond de Takeshi Kitano - Japon. Avec Tomokazu Miura, Ryo Kase, Fumiyo Kohinata, Toshiyuki Nishida.

Spring Breakers de Harmony Korine - USA. Avec James Franco, Selena Gomez, Vanessa Hudgens, Ashley Benson, Heather Morris.

To the wonder de Terrence Malick - USA. Avec Ben Affleck, Rachel McAdams, Rachel Weisz, Javier Bardem, Olga Kurylenko

Sinapupunan (Thy Womb) de Brillante Mendoza - Philippines. Avec Nora Aunor, Bembol Rocco.

Linhas de Wellington de Valeria Sarmiento - France/Portugal. Avec Nuno Lopes, Soraia Chaves, John Malkovich, Marisa Paredes, Melvil Poupaud, Mathieu Amalric.

Paradies: Glaube (Paradise: Faith) de Ulrich Seidl - Autriche/France/Allemagne. Avec Maria Hofstätter, Nabil Saleh.

Izmena (Betrayal) de Kirill Serebrennikov - Russie. Avec Franziska Petri, Dejan Lilic, Albina Dzhanabaeva, Arturs Skrastins.

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Le 7 août The Master de Paul Thomas Anderson a rejoint la liste. USA. Avec Philip Seymour Hoffman, Joaquin Phoenix, Amy Adams.