Bassidji : le poids des mots, le choc des silences

Posté par Claire Fayau, le 19 octobre 2010

Synopsis de Mehran Tamadon : "Dans un désert, sur une colline, des hommes, des femmes en tchador et des enfants déambulent dans un vaste “musée” en plein air dressé en mémoire des martyrs de la guerre Iran-Irak. C'est le nouvel an iranien, nous sommes près de la frontière irakienne. Un homme me guide. Il est grand et charismatique et s’appelle Nader Malek-Kandi. Pendant près de trois ans, j’ai choisi de pénétrer au cœur du monde des défenseurs les plus extrêmes de la République islamique d'Iran (les bassidjis), pour mieux comprendre les paradigmes qui les animent. Nous venons du même pays, et pourtant, tout nous oppose : Iranien habitant en France, athée et enfant de militants communistes sous le Shah, j’ai tout pour heurter les convictions de ceux qui respectent les dogmes du régime. Un dialogue se noue pourtant. Mais entre les jeux de séduction et de rhétorique, les moments de sincérité et la réalité du système politique et religieux qu'ils défendent, jusqu’où nos convictions respectives sont-elles prêtes à s’assouplir pour comprendre qui est l’autre ?"

Notre avis : "Bassidji", en persan, signifie "être mobilisé pour défendre une cause". Les bassidjis sont, à l’origine, d’anciens combattants de la guerre Iran/Irak (1980-1988). Ceux qui sont morts sont considérés comme des martyrs. Aujourd'hui, les bassidjis sont les plus fervents défenseurs de la République islamique... Décrits ainsi, on ne voit pas bien qui ils sont vraiment, quel est leur rôle au quotidien dans l'Iran d'aujourd'hui. C'est pour cela que Mehran Tamadon est parti les rencontrer.

On ressort sonné(e) de ce documentaire.

Bassidji, ce n'est ni une fiction, ni un reportage sur l'Iran. C'est un projet personnel, un voyage physique et intellectuel. Un témoignage d'une rencontre entre un Iranien de France, athée, "qui boit de l'alcool" et quatre bassidjis. Mehran Tamadon s'est en effet impliqué personnellement, en retournant dans son pays pour tourner ce film et y travailler en tant qu'architecte (son premier métier).

Son film, c'est d'abord une source d'information extraordinaire, un dialogue direct avec les bassidjis et des images fortes de l'Iran : de la ville de Téhéran, des lieux de pèlerinage ...
On y voit des croyants pleurer, pleurer puis se flageller. Images choc, donc, d'autant plus que la scène semble interminable.

Les dialogues avec les quatre bassidjis font moins réagir que les images... Même si Mehran Tamadon pose courageusement ses questions ou les questions enregistrées par des Iraniens, il se fait damner le pion par ses interlocuteurs. Et doit l'accepter, car son but n'est pas de critiquer directement le système, mais de tenter de le comprendre. Et ainsi, il peut dialoguer ouvertement avec les bassidjis, "des gens qui ne s'expriment habituellement que dans les limites du discours officiel" selon lui.

Cependant, même avec les meilleures intentions du monde, il est difficile pour lui d'avoir un dialogue équitable et des réponses précises avec des orateurs dotés d'un discours sans faille, qui pensent toujours pouvoir le convertir à leurs idées. Mais peu importe, car leurs réponses (forcément biaisées) en disent finalement bien plus sur leur état d'esprit qu'un dialogue faussement ouvert.

Bassidji a fait des débuts remarqués aux Etats généraux du film Documentaire de Lussas et au Festival des 3 continents de Nantes en 2009. Depuis, il continue son chemin de festivals en festivals. Le film a d'ailleurs obtenu le Grand Prix du  Festival international du Film Documentaire de Jihlava (République Tchèque).

Allez Raconte?!?: c’est l’histoire d’un mec…

Posté par Morgane, le 19 octobre 2010

L’Histoire?: Laurent déborde d’imagination et raconte si bien les histoires que ses enfants décident de l’inscrire à un concours télévisé... de papa conteur. Mais sera-t-il le meilleur? Car il faudra compter avec la présence d’Éric, son diabolique collègue de bureau, menteur, tricheur... sans scrupules!

Notre avis?: Maquilleur sur plusieurs tournages français, Jean-Christophe Roger est également le réalisateur des deux saisons de la série télévisée (format de 6 minutes) Allez Raconte?!. Gardant le même titre et les même personnages, c’est-à-dire Laurent le conteur et ses deux enfants Pierre et Jeanne, Jean-Christophe Roger passe aujourd’hui au long métrage.

Adaptation de la bande dessinée créée par Lewis Trondheim et José Parrondo, le film en garde l’univers graphique ainsi que l’humour. En effet, le graphisme d’Allez Raconte?! ne joue pas la carte de la poésie mais plutôt la touche comique (grimaces, personnages caricaturés et très stylisés). Adoptant également un ton décalé et se jouant des clichés, le héros du film ressemble plus à un zéro, à première vue bien sûr. Peureux, peu sûr de lui, Laurent n’est pas vraiment ce qu’on pourrait appeler le plus fort des papas. Mais son imagination très fertile, son grand coeur et son authenticité font de lui un véritable héros aux yeux de ses deux enfants.

On appréciera également les intermèdes musicaux dans lesquels sont parodiés de grandes figures telles que Michel Polnareff, Michael Jackson, Les Beatles, Ray Charles, Mick Jagger etc. En revanche, un léger regret pour une petite tendance au politiquement correct qui censure les histoires sur le caca ou les mots quelque peu grossiers...

La réussite du film repose également sur les voix des personnages. Destiné aux 6-10 ans, les enfants ne les remarqueront sûrement pas mais leurs parents seront ravis de reconnaître en Éric la voix d’Élie Semoun ou bien encore celles du célèbre duo Omar et Fred qui interprètent respectivement Momo et l’animateur du jeu télévisé.

Véritable ode à une imagination débordante mêlant les extra-terrestres aux princesses et les chevaliers à la préhistoire, Allez Raconte?! est un film pour les enfants sur des adultes qui n’ont pas tout perdu de leur fantaisie de bambins...pour le bonheur de tous.

Cannes migre en Roumanie

Posté par vincy, le 19 octobre 2010

L'initiative mérite d'être soulignée. Le Festival de Cannes et le cinéaste Cristian Mungiu, Palme d'or 2007 pour Quatre mois, Trois semaines et Deux jours, ont organisé conjointement à Bucarest, capitale de la Roumanie, une semaine autour du Festival de Cannes 2010 et des longs métrages "historiques" qui ont été sélectionnés sur la Croisette. Nous vous invitons à relire notre chronique lors du Festival 2009 sur le cinéma roumain présent à Cannes, depuis les années 50.

"Les Films de Cannes à Bucarest" a commencé vendredi et se terminera jeudi soir. Au programme Quatre mois, trois semaines et deux jours évidemment mais aussi  le prix Un certain regard 2005, La mort de monsieur Lazarescu (Cristi Puiu), Hiver en flammes (Mircea Muresan), prix de la première oeuvre en 1966, La Forêt des pendus (Liviu Ciulei), prix de la mise en scène en 1965. Les cinéphiles pourront aussi voir Les dimanches de permission, Une larme de jeune fille, Le chêne, Des animaux malades, Un été inoubliable et Télégrammes. Ces films là sont accessibles gratuitement.

Les spectateurs roumains découvriront aussi la Palme d'Or 2010, Oncle Boonmee qui se souvient de ses vies antérieures du Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, le Grand prix du jury, Des Hommes et de dieux de Xavier Beauvois, Grand Prix du Jury et le prix de la mise en scène,  Tournée de Mathieu Amalric.

Le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, animera une masterclass mardi tandis que les metteurs en scène Gaspar Noé (France), Sergei Loznitsa (Ukraine) et Kornel Mundruczo (Hongrie)  débattront avec les spectateurs, en plus de la projection de leurs films récemment sélectionnés.