Berlin 2011 : histoire allemande, cinéma et catharsis
Entre festivaliers, il se dit qu'une Berlinale sans film évoquant la seconde guerre mondiale ou le nazisme n'est pas vraiment une Berlinale. Il doit y avoir quelque chose de vrai là-dedans, puisqu'après Les faussaires de Stefan Ruzowitzky, Jud Süß, Film ohne Gewissen d'Oskar Roehler, The good german de Steven Soderbergh, Moi qui ai servi le roi d'Angleterre de Jiri Menzel... les années précédentes, c'est au tour de Mon meilleur ennemi de Wolfgang Murnberger (Autriche) d'être présenté en sélection officielle hors compétition.
Le film, qui se veut une comédie, raconte l'histoire de deux amis d'enfance séparés par la guerre, puisque l'un est juif et que l'autre s'engage chez les SS. Rien de franchement drôle en apparence puisque le second prend l'avantage sur le premier en lui volant sa maison, sa petite amie et le Michel-Ange qui appartient à sa famille, tandis que le deuxième croupit dans un camp de concentration.
Mais bien sûr, les choses n'en restent pas là et suite à un invraisemblable quiproquo, les rôles sont tout à coup inversés. Le prisonnier endosse avec une certaine satisfaction le rôle du capitaine SS et fait subir à son camarade toutes les humiliations et violences d'ordinaire réservées aux déportés juifs. C'est de loin la meilleure partie du film, ou en tout cas la plus jubilatoire. En cela, c'est une bonne catharsis, à défaut d'être un bon film. Mais passons sur ses grosses ficelles scénaristiques, ses rebondissements prévisibles et son invraisemblance chronique car dans le fond l'enjeu se situe à un autre niveau. Il s'agit de faire rire avec le sujet délicat du nazisme et de la Shoah, et ce sans choquer personne. Une mission autrefois quasi impossible qui peu à peu devient acceptable. Probablement parce que le rire permet de fantasmer sur une réalité où les victimes auraient raison de leur bourreau. Ca tombe bien, cela fait justement partie de la magie du cinéma que de nous donner la possibilité de démythifier et de régler ses comptes avec le passé.
De ce point de vue, les Allemands ont leur lot de traumatismes à évacuer, et c'est sans surprise que l'on découvre If not us, who (Qui, si ce n'est pas nous ?) d'Andres Veiel, le deuxième film allemand en compétition, qui lui ne s'intéresse pas tant à la deuxième guerre mondiale qu'à ses conséquences et à la naissance de la RAF. On découvre ainsi le contexte et les fondements du mouvement à travers le parcours de Bernward Vesper, fils d'un écrivain nationaliste célébré par les nazis, et de sa compagne Gudrun Ensslin, qui s'engage peu à peu dans le militantisme de gauche, avant de devenir la pasionaria de la lutte armée auprès d'Andreas Baader.
Veiel tente de mettre en lumière les causes diverses de l'émergence de cette contestation organisée qui débouchera sur le terrorisme et la violence. Malheureusement, il se perd aussi en circonvolutions pseudo-romantiques, comme s'il était plus attaché aux aspects sentimentaux de son histoire qu'à son implication politique. De ce fait, il ne peut que survoler superficiellement la réalité de l'époque, terriblement dense et complexe. Reste une passion amoureuse pas banale, mais vidée de sa substance. Pas sûr que ce soit suffisant pour exorciser cette période noire de l'Histoire allemande.
Qu'à cela ne tienne, rendez-vous à la Berlinale 2012 pour découvrir une nouvelle variation sur ce thème... En attendant, on peut toujours revoir La bande à Baader d'Uli Edel, pas beaucoup plus profond d'un point de vue théorique, mais bien plus réussi cinématographiquement parlant.
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