True grit : un roman de Charles Portis, deux films signés Coen et Hathaway

Posté par MpM, le 23 février 2011

true gritA l'origine, True grit est un roman de Charles Portis publié  en 1968 et rapidement devenu culte. Écrit à la première personne, il raconte comment, peu après la fin de la guerre de Sécession, la jeune Mattie Ross remue ciel et terre pour venger la mort de son père, embarquant dans une aventure périlleuse un shérif fédéral porté sur la boisson et un Texas Ranger aux airs de boyscout.Plus que l'histoire elle-même, c'est l'ambiance décrite, et surtout le ton employé, qui font tout le sel du livre.

En effet, la jeune fille porte sur ses compagnons un regard si teinté de puritanisme, de candeur et d'absence totale de second degré que c'en est savoureusement décalé, voire franchement drôle. Ce qui n'empêche pas le roman de dépeindre un monde hostile et violent, où chacun doit se battre pour se faire une place. D'où la personnalité forte, mais aride, de Mattie, qui ayant endossé très jeune les responsabilités et les soucis, doit être capable d'y faire face. Les autres personnages sont eux aussi de forts caractères, purs produits de leur époque, et notamment de la guerre civile encore toute fraîche. Ils nous entraînent dans une aventure à la fois romanesque et très épurée, puisque les relations entre les trois protagonistes l'emportent très largement sur l'action.

Il existe deux adaptation cinématographiques de True grit. La première, plus connue sous le titre  Cent dollars pour un shérif, est signée Henri Hathaway (1969) et valut à John Wayne son unique Oscar du meilleur acteur. La deuxième, réalisée par les frères Coen, vient tout juste de sortir en France. Les deux films sont relativement fidèles au roman de Charles Portis, mais chacun à sa manière.

Ainsi, Cent dollars pour un shérif a respecté au plus près le texte, et notamment les détails fournis par Mattie sur sa propre vie. On y retrouve par exemple des allusions au fait qu'elle appartient à une branche spécifique de Presbytériens, ou une séquence mettant longuement en scène sa famille. Comme si Henri Hathaway avait essayé de ttraduire sa moindre pensée en dialogue plus ou moins signifiants.

En revanche, le film semble aujourd'hui assez daté, bien que cela ne soit pas le cas du roman. Il s'inscrit sans aucun doute dans la lignée des grands westerns, avec image Technicolor, grands espaces et passages obligés comme les chevauchées sur la plaine ou le bivouac improvisé. Les violons, les bons sentiments et le happy end de circonstance ne sont pas très loin...

Côté acteurs, la jeune actrice est assez niaise et John Wayne lui-même paraît un peu fade. Les personnalités sont aussi moins tranchées, comme marquées au sceau d'un certain classicisme, voire conservatisme : impossible de montrer la jeune Mattie se fondre totalement dans un costume et un rôle d'homme, par exemple.

Chez les Coen, c'est presque l'inverse. Sur certains points purement narratifs, ce sont eux qui ont pris le plus de liberté avec le roman, inventant des personnages, supprimant des séquences, et forçant certaines situations. Ainsi, l'opposition entre Rooster Cogburn et LaBoeuf tient moins de l' affrontement viril de deux systèmes de valeurs que d'une chamaillerie puérile entre deux insupportables garnements. Quant à la chasse à l'homme, déjà accessoire dans le roman,  elle sert carrément de prétexte à des dialogues enlevés et un portrait au vitriol de l'époque et de ses règles.

Mais en déconstruisant les codes du western et en s'appropriant si complètement le roman de Portis, les deux réalisateurs restent fidèles à son ton inimitable. D'ailleurs, on voit bien ce qui a pu les séduire dans cette histoire rocambolesque de vengeance mais aussi de découverte et d'initiation, tant les deux personnages masculins ont ce petit quelque chose que l'on retrouve à des degrés divers dans la plupart de leurs films : ce sont des êtres solitaires et presque marginaux, mi losers magnifiques, mi farfelus irrécupérables. Ainsi, leur version décalée, à la fois pessimiste et légère, s'avère une relecture moderne de l'œuvre originale dont elle respecte les fulgurances, l'auto-dérision et le rythme.

S'il fallait choisir entre les deux adaptations, celles des Coen semblent donc plus adaptée aux goûts du jour. Mais quoi qu'il en soit, l'essentiel est de ne pas passer à côté du roman de Charles Portis, de l'intransigeante Mattie Ross et du terrible Rooster Cogburn.

Cannes 2011 : ça se bouscule côté cinéma américain

Posté par vincy, le 23 février 2011

Dès l'ouverture, le ton sera donné : le cinéma américain était quasiment absent l'an dernier ? les films venus d'Hollywood étaient médiocres ? Cette année, Cannes 2011 comblera sans doute les attentes.

Dès l'ouverture, Woody Allen ouvrira le bal avec Minuit à Paris (Midnight in Paris). La montée des marches ravira les photographes : Marion Cotillard, Rachel McAdams, Michael Sheen, Marcial Di Fonzo Bo, Adrien Brody, Elsa Pataky, Kathy Bates, Owen Wilson, Manu Payet, Léa Seydoux, Gad Elmaleh, et Carla Bruni-Sarkozy (avec ou sans son mari ?). Evidemment, ce sera hors compétition, mais au moins, la légèreté sera au rendez-vous.

Et puis, normalement (on ne jure plus de rien), le film le plus attendu de Cannes 2010 sera en compétition à Cannes 2011. Tree of Life de Terrence Malick sortirait même simultanément en France. Avec Brad Pitt et Sean Penn (qui pourrait aussi être en compétition avec Paolo Sorrentino) à l'affiche, là encore l'hystérie est à prévoir.

Autre confirmation, le long métrage de Madonna, dont quelques extraits ont été présentés à Berlin, W.E. sera hors-compétition ou en séance spéciale. L'icône pop a une longue histoire d'amour avec le Festival. Pas sûr cependant que ce film, en partie tourné sur la Côte d'Azur, sur Edouard VII (le frère de George VI, protagoniste du Discours du roi) fasse saliver les critiques.

Parmi les prétendants à la compétition, il y a trois ex-palmés : Gus Van Sant (Restless, opportunément reporté), Francis Ford Coppola (Twixt now and sunrise, qui pourrait encore faire un pied de nez aux organisateurs en allant à la Quinzaine ou en exigeant la clôture) et Steven Soderbergh avec Haywire, son "petit" film, tourné dans la foulée de Contagion (qui devrait faire les beaux jours de Venise).

Autres possibilités, ceux qui ont déjà eu les honneurs de la sélection officielle ou des sections parallèles : Richard Linklater (Bernie), Lynne Ramsay (We need to talk about Kevin), Lynn Shelton (projet pas encore titré) et Alexander Payne (The Descendants, avec George Clooney).

Mais les sélectionneurs peuvent aussi surprendre. Pour la compétition, quelques cinéastes réputés peuvent être choisis : Andrew Niccol (Now), Joe Wright (Hanna), Tom McCarthy (Win Win), Rodrigo Garcia (Albert Nobbs, avec une Glenn Close travestie), David O'Russel (Nailed), J.J. Abrams (Super 8).

Hors-compétition, les studios peuvent décider de faire du festival leur rampe de lancement pour des films comme X-Men First Class (le troisième épisode avait déjà été présenté sur la Croisette), Larry Crowne (de et avec Tom Hanks et Julia Roberts), Kung-Fu Panda 2 (le premier avait fait son avant-première à Cannes) ou Cars 2 (profitant aussi du championnat de Formule 1 à Monaco) et bien évidemment Pirates des Caraïbes 4, ne serait-ce que pour avoir Johnny Depp et Penelope Cruz sur les marches.

Plus sûrement, The Beaver de Jodie Foster, avec Mel Gibson, devrait faire le déplacement. On imagine Jodie faire la bise à De Niro, 35 ans après Taxi Driver...

Beaucoup plus hypothétique, Tintin de Spielberg (a priori l'avant-première aura lieu à Bruxelles ou Angoulême à l'automne), Hugo Cabret de Martin Scorsese (pas vraiment fini) ou l'ultime épisode d'Harry Potter. Quoique. En clôture, ça aurait de la gueule et ça obligerait les accrédités à rester jusqu'au dernier week-end.

Côté indépendants, il y a foule pour remplir Un certain regard, la Quinzaine et la semaine de la critique. So Yong Kim (For Ellen), Drake Doremus (Like Crazy), Maryam Keshavarz (Circumstance), Sean Durkin (Martha Marcy May Marlene), Sam Levinson (Another Happy Day), Jesse Peretz (My Idiot Brother), Nathaniel Dorsky (Pastourelle), Jonathan Levine (Life with it)...

Mais il n'y a pas que les Américains. Deux Canadiens tiennent la corde : l'habitué David Cronenberg (A Dangerous Method) et la respectée Sarah Polley (Take this Waltz). Les Latinos américains ne sont pas en reste. Malgré la polémique actuelle, Cannes fêtera le Mexique avec son enfant prodigue, Carlos Reygadas (Post Tenebras Lux). Benjamin Avila (Infancia clandestina) et Pablo José Meza (La vieia de atras) pourraient trouver leur place dans la liste des élus.

Le mystère reste entier sur le Walter Salles. Certes Venise semble plus probable, question de timing, mais MK2 et Coppola pourraient accélérer le calendrier de Sur la route, d'après le livre de Jack Kerouac. Avec le Malick, ce serait sans doute l'événement américain du festival.