Berlin 2011 : Asghar Farhadi, Miranda July, Bela Tarr, trio gagnant

Posté par MpM, le 15 février 2011

turin horseAlors que cette 61e Berlinale vient déjà d'entrer dans sa seconde partie, la compétition proposait aujourd'hui trois captivantes propositions de cinéma, quoi que chacune dans une direction très particulière.

Asghar Farhadi (A propos d'Elly) propose dans Nader et Simin, une séparation un regard aigu et profond sur la société iranienne contemporaine. On y découvre la mesquinerie de certains rapports  sociaux, l'hypocrisie des rouages administratifs ou judiciaires, ou encore la difficulté du "vivre ensemble", que ce soit entre homme et femme ou entre individus issus de classes différentes. Le film démonte les préjugés et oppose deux visions totalement opposées de la vie, l'une consistant à être prêt à tout pour sauver sa peau, tandis que l'autre conduit à privilégier la droiture et la vérité, même si les conséquences s'avèrent terribles.

Miranda July (You, me and everyone we know) explore elle-aussi les tréfonds de l'âme humaine en proposant une réflexion à la fois tendre, amère et pleine de dérision sur l'existence, le temps qui passe et la sensation de passer à côté de sa vie. Dans The Future, les personnages qu'elle met en scène ressemblent à un couple de pré-ados immatures qui jouent à se faire peur ("Et si... ?") pour masquer la réalité de leurs angoisses. Ils arrivent à ce moment de l'existence où l'on commence à compter les points, à faire la liste de ce que l'on ne sera jamais, à restreindre celle de ce que l'on fera un jour. Malgré leur finesse, l'humour et l'absurdité des dialogues et des situations ne parviennent guère à dissimuler l'aspect désespéré du constat.

Bela Tarr (Les harmonies Werckmeister), de son côté, propose The Turin horse (notre photo), une oeuvre à l'esthétisme envoûtant, portée par la musique lancinante et hypnotique de Mihaly Vig. On suit le quotidien austère et répétitif d'un fermier et de sa fille, filmé dans un noir et blanc riche en contrastes et en clairs-obscurs. La mise en scène est moins immédiatement impressionnante que dans L'homme de Londres, mais elle est entièrement au service du projet poursuivi par le réalisateur, capter le rythme de la vie et s'ouvrir à la conscience de chaque moment. On est ébloui (mais aussi effrayé) par la radicalité du cinéaste qui refuse toute concession à la narration traditionnelle.  Cet aspect jusqu'au boutiste confère au film un statut d'expérience sensorielle et esthétique qui ne s'appelle plus vraiment du cinéma. Il provoque un état de flottement, presque de léthargie, voire d'ennui pour les moins réceptifs, et s'avère pour le cinéphile un peu las un véritable bain de jouvence.

Berlin 2011: Taïwan et la Chine continentale en pleine mutation cinématographique

Posté par MpM, le 15 février 2011

L'absence de films taïwanais sélectionnés à Berlin cette année n'empêche pas le pays d'être bien présent sur Potsdamer Platz, et notamment au marché. C'est que Taipei a des films à vendre ! En 2010, 45 longs métrages ont été tournés dans l'ile. En tout, 278 films (incluant les téléfilms et courts métrages) ont été soutenus par la commission du film de Taipei. Les co-productions sont également nombreuses et concernent principalement Hong Kong et la Chine continentale. Cette dernière représente notamment un marché considérable, à condition de jouer le jeu et de ne pas aborder de questions taboues.

De son côté, la Chine continentale est confrontée elle aussi à de nouveaux enjeux. En dépassant les 1,5 milliards de dollars en 2010, le box-office chinois a gagné 64% par rapport à 2009. Il est aussi bien parti pour devenir le deuxième marché le plus important du monde.

Par ailleurs, de plus en plus de films sont produits en Chine (520 en 2010) mais peu d'entre eux bénéficient d'une sortie en salles. Paradoxalement, près de 1000 nouveaux écrans verront le jour en 2011, portant le total à plus de 7000, et il faut bien les alimenter.

Le quota de films étrangers (limités à 20 chaque année) pourrait ainsi être remis en question, d'autant que la demande pour les films étrangers est de plus en plus forte. En 2010, Avatar a rapporté 210 millions de dollars contre 100 millions pour le meilleur film chinois, Aftershock de Feng Xiaogang. En tout, les films locaux ne représentent que 56% du box-office chinois.

Si les quotas sont modifiés, la marge de progression du box-office pourrait atteindre des sommets, dans la mesure où avec un écran pour 200 000 personnes, la Chine a encore un gigantesque potentiel de croissance. De quoi inciter ses voisins les plus proches, comme Taïwan ou Hong Kong, à la fournir en films, mais également Hollywood ou le marché européen. Et parmi eux, la France, qui occupe actuellement six des vingt places disponibles pour des films étrangers, a indéniablement une carte à jouer.

Vesoul 2011 : le tour de l’Asie en 90 films

Posté par kristofy, le 15 février 2011

Ce sont pas moins de 90 films qui sont programmés à Vesoul et, si certains nous sont déjà connus, les œuvres présentées sont autant de films anciens très rares et inédits sur grand écran ou de films récents découverts ici en avant-première. 90 films en provenance de toute l'Asie et qui délivrent un regard atténuant finalement les différences culturelles...

Tout d’abord le regard de l’enfant est toujours un point de vue qui interpelle. Dans La petite fille de la terre noire de Jeon Soo-il on découvre une petite fillette qui grandit avec des responsabilités qui ne sont pas de son âge : prendre soin de son grand frère attardé mental et de leur père qui a perdu son travail, sombrant dans l’alcoolisme alors que la famille doit être expulsée de leur maison. Dans La rivière Tumen de Zhang Lu c’est la fragile amitié entre un garçon nord-coréen immigré clandestin et un garçon chinois qui va être mise à mal avec les conflits entre les réfugiés de Corée du Nord affamés et les villageois de Chine. Susa de Pirveli Rusudan est un des films très remarqué de la compétition : un gamin de douze ans, vendeur ambulant de bouteilles de vodka, est sous la pression des policiers et d’adolescents qui font du racket ; le retour de son père qu’il ne connaît pas vraiment sera peut-être l’opportunité d’aller vers une vie plus agréable.

Le déracinement est aussi sources de nombreux drames humains. Autre favori de la compétition, Where are you going ? de Park Chur-woong montre les dilemmes de cinq membres d’une famille dont le logement dans un bidonville est menacé par des promoteurs immobiliers : le gouvernement veut réaménager cette zone et souhaite voir les habitants partir ailleurs alors que la mégapole voisine est une ville riche où ils n’ont pas leur place. Dans Le brouillard de Kim Soo-young un homme fuit Séoul pour revenir dans son village natal, il regrette son mariage sans véritable amour et séduit une femme qui espère  découvrir une autre vie dans la capitale. Ensemble, ils vont vivre une parenthèse de passion ardente (avec notamment une scène sensuelle assez osée pour l’époque en 1967).

La condition de la femme provoque de multiples questions, et cela très tôt d’ailleurs dans le cinéma coréen. Si Im Kwon-taek est reconnu comme un cinéaste majeur (avec plus d’une centaine de films !), son chef d’œuvre de 1986 n’a quasiment jamais été vu en France. Il s’agit de La mère porteuse (Sibajee) où il y a déjà plusieurs siècles (au temps de la dynastie Lee) un notable et riche seigneur et son épouse ne peuvent avoir d’enfant, son devoir est absolument d’être le père d’un fils (pas d’une fille) pour pérenniser le nom et la succession de la famille. Il ‘achète’ contre des arpents de rizière la fertilité d’une jeune campagnarde de 17 ans, mais alors qu’elle doit seulement procréer et donner son bébé commence une histoire d’amour interdite… En 1968 dans Les pommes de terre, q’unique film et chef d’œuvre du réalisateur de Kim Sung-ok (scénariste de Le brouillard), on revient dans les années 1920 sous l’occupation japonaise, une jeune fille quitte son village et sa famille pour suivre un mari qu’on lui a choisi ; il va se révéler être particulièrement fainéant et elle devra travailler pour entretenir son époux : les situations drôles et injustes se suivent pour en faire déjà un manifeste féministe.

Fractures sociale et familiale

L’ensemble de ces films cités histoires et personnages les plus divers comportent tous en filigrane une observation sociale de l’interdépendance entre des plus riches et des plus pauvres, mais aussi une critique politique (envers le gouvernement ou à l’aristocratie en place) plus ou moins allusive.

Mais cette édition 2011 est sous le signe la famille dans toutes ses composantes, comme l’indiquent Martine et Jean-Marc Thérouanne du FICA de Vesoul : "La famille est soit encensée comme pilier de la société, foyer de solidarité, centre d’épanouissement ; soit décriée comme milieu d’aliénation de l’individu, lieu de lutte d’intérêt ente fratries, instrument d’oppression du système familial patriarcal. Les films d’hier et d’aujourd’hui reflètent l’image de ce que furent les familles traditionnelles et dessinent les formes nouvelles qu’elles prennent". Ces différentes facettes se reflètent notamment avec des films aussi divers que L’enfant de Kaboul de Akram Barmak, Une famille chinoise de Xiaoshuai Wang, Le mariage de Tuya de Quan’an Wang, Shower de Yang Zhang, Le mariage des moussons de Mira Nair, Les Sept jours de Shlomi et Roni Elkabetz, 4:30 de Royston Tan, Serbis de Brillante Mendoza.

Tous les chemins mènent à Monte Hellman, qui fait étape au Nouveau Latina

Posté par Claire Fayau, le 15 février 2011

À l’occasion de la sortie du premier livre d’entretien en français avec le cinéaste culte Monte Hellamn et de la sortie prochaine de son nouveau film Road to Nowhere (le 6 avril, l'histoire d'un réalisateur de films embarqué malgré lui dans une conspiration criminelle), Le Nouveau Latina et Capricci Films organisent ce mardi 15 février une soirée exceptionnelle autour du cinéaste et en sa présence.

Accro au bitume, fan de contre-culture américaine, désenchantés du flower power, si vous aimez les road movies, American Graffiti et Easy Rider (et si vous aimez Reservoir Dogs !), programmez votre GPS destination le Nouveau Latina :

- à partir de 19h : Signature de son livre "Sympathy for the Devil" au salon de thé du Nouveau Latina (1er étage)

- 20h : Macadam  à deux voies (sa réalisation la plus connue dont on fête les 40 ans) . Outre la présentation du film, une rencontre avec Monte Hellman est prévue, orchestrée par Emmanuel Burdeau.

- 22h10 : Reservoir Dogs, le film culte de Quentin Tarantino, produit par Monte Hellman.

Hellman a fait ses débuts sous la direction de Roger Corman, producteur de série B, qui a également fait débuter Scorsese et Coppola, en réalisant une parodie de film d'horreur, Beast from Haunted Cave, en 1959. Il deviendra aussi monteur sur des films de Peckinpah, Raffelson et Demme.

Après le pastiche de film d'horreur, Monte Hellman se lance dans des westerns nouveaux genres, avec Jack Nicholson pour deux d'entre eux.

Il enchaîne les flops, et autant de films devenus cultes ou de curiosités entre initiés. Road to Nowhere sera sa première réalisation en 21 ans. Il avait reçu un Lion spécial à Venise en septembre dernier, alors que Tarantino présidait le jury. Road to Nowhere y était présenté en compétition, où, à 76 ans, il faisait figure de vétéran. Il y évoquait la difficulté qu'il avait eu à développer ses projets, puisqu'aucun ne s'est concrétisé. Trente ans d'écritures stériles. "Je préfère un bon film hollywoodien à un film indépendant. Il y en a peut-être cinq par an, mais ils valent toujours la peine" expliquait-il. "Il fallait sortir de là, ne plus dépendre du bon vouloir d'autrui, en finir avec les compromissions. Ma fille a pris les choses en main et a réuni des investisseurs privés. Le film, avec tous les salaires en participation, s'est monté pour environ 5 millions de dollars."

Brad Pitt, Javier Bardem, Mark Ruffalo et James Gandolfini font affaires

Posté par vincy, le 15 février 2011

Cogan's Trade, le nouveau film d'Andrew Dominik (voir actualité du 4 janvier), s'offre un casting chic et choc. Brad Pitt donnera la réplique à Javier Bardem, Mark Ruffalo, James Gandolfini (avec qui il avait tourné dans Le Mexicain), Sam Rockwell (déjà de l'aventure de Jesse James de Dominik et avec Pitt), Richard Jenkins (qui le connaît depuis Burn after Reading) et la très jolie Bella Heathcote. Le tournage débutera d'ici la fin du mois pour une sortie prévue dans un an.

Berlin 2011 : les mondes de Mindadze, Fiennes et Le Guay s’entrechoquent

Posté par MpM, le 15 février 2011

La collision d'univers ou de préoccupations opposés était un peu le maître-mot de cette quatrième journée de compétition.

Premier en lice, le russe Alexander Mindadze a trouvé le moyen de situer Innocent saturday le 26 avril 1986 sur le site de Tchernobyl et d'utiliser la catastrophe nucléaire comme une toile de fond légèrement grotesque plutôt que d'en faire le vrai sujet du film. C'est regrettable : cela aurait sans doute été plus intéressant que l'errance du personnage principal, qui a bien compris qu'il faut fuir, mais ne le fait pas. En revanche, il court beaucoup, boit encore plus et pratique même des solos de batterie. Le tout filmé caméra à l'épaule.

Dans la continuité, on a pu découvrir le premier long métrage de l'acteur Ralph Fiennes, Coriolanus (photo), une adaptation résolument moderne du Coriolan de Shakespeare. Moderne car située à notre époque et parsemée de scènes de guerre dignes de certains "actionners" musclés. Le texte original est là, mais le treillis remplace le costume d'époque, et certains thèmes abordés ont des résonances familières. Notamment la séquence d'ouverture (très réussie) où une foule mécontente réclame du pain devant un dépôt de blé gardé par l'armée. Les protestations et la répression qui les accompagnent évoquent immanquablement la Tunisie et l'Égypte tandis que les questions liées à la démocratie et à l'équilibre des pouvoirs gardent tout leur sens.

Présenté hors compétition, Les femmes du 6e étage de Philippe Le Guay s'empare quant à lui de la rencontre entre deux mondes que tout sépare (un patron bourgeois et sa domestique espagnole) pour en faire une fable drôle et humaniste. L'opposition entre les deux milieux n'est pas tant au coeur du film que leur rapprochement sincère et harmonieux, ce qui est plus intéressant.

Enfin, dernière collision de la journée, celle entre le planning de la Berlinale (qui propose plusieurs dizaines de films par jour) et l'état de fatigue des journalistes qui ne bénéficient pas du don d'ubiquité. Et là, en revanche, le choc peut faire des dégâts.