Horizon sombre pour le cinéma hongrois : Bela Tarr mène la révolte

Posté par vincy, le 24 février 2012

Entre l'élection présidentielle, la crise économique, Jean Dujardin, et la Syrie, on oublie qu'à une heure de vol de la France, un pays de l'Union européenne glisse lentement vers un régime autoritaire de plus en plus inquiétant. Si l'Europe commence à prendre des mesures de rétorsion (un blâme vient d'être prononcé par la Commission, accompagné de la suspension d'un versement de 495 millions d'euros pour l'aide aux régions les plus défavorisées), cela ne suffit pas à calmer les dérives du pouvoir.

Dernier acte en date : le cinéma. Le Monde a consacré un passionnant reportage sur un secteur qui connait aussi bien une crise économique qu'un conflit larvé avec le pouvoir en place. Il n'y a pas que la Russie, l'Iran, la Chine et la Biélorussie, entre autres, qui ont décidé de contrôler le 7e art. Depuis la nomination d'Andrew G. Vajna, ancien producteur des Rambo, Total Recall et autres Terminator au titre de Commissaire du gouvernement chargé du cinéma, rien ne va plus entre les cinéastes et le régime du premier ministre Viktor Orban. Ce dernier a donné à Vajna la mission de restructurer le secteur. Avec comme objectif souterrain de le calquer sur celui du théâtre ou de la presse, devenue muselée, censurée, pressurisée depuis son arrivée au pouvoir.

Les réalisateurs hongrois commencent à se rebeller. Bela Tarr a lancé l'idée de créer un fonds indépendant pour produire les films (sous entendu librement). Désormais président de l'Association des réalisateurs hongrois, Tarr avait organisé le 4 février dernier un débat au cinéma Urania à Budapest où des dizaines de cinéastes avaient répondu à l'appel. Ce forum s'est tenu dans le cadre de la 43e Semaine du film hongrois, qui ne dure que quatre jours, faute de moyen. L'ordre du jour était simple : survivre et déclarer la guerre contre la politique "arbitraire" du commissaire.

Celui-ci était présent. Il a du encaisser toutes les critiques à son encontre. Depuis l'entrée en vigueur en septembre dernier du Fonds national du cinéma, qui remplace la Fondation publique MMKA, il est au centre des mécontentements. Doté de 20 millions d'euros de budget, ce Fonds semble très opaque. Les réalisateurs s'interrogent sur les critères décidés par l'Etat pour choisir les films qui seront aidés. D'autres se demandent pourquoi les professionnels du cinéma ne sont plus impliqués dans le processus de sélection? Poser la question c'est y répondre. Le pouvoir politique veut décider lui-même, sans forcément retenir les qualités cinématographiques d'un projet.

Pire, l'Etat veut s'introduire jusque dans la salle de montage. Un des cinéastes présents confie : "Quand un réalisateur signe le contrat, une clause stipule que l'Etat financeur a le dernier mot sur le montage. Pour contrebalancer ce pouvoir, il va falloir trouver des coproductions étrangères." Les jeunes cinéastes, trop effrayés à l'idée de ne pas pouvoir faire leurs premiers films, sont absents : c'est la vieille garde qui monte au créneau. Bela Tarr, primé dans tous les festivals du monde et reconnu comme le plus grand cinéaste vivant du pays, n'a en effet rien à perdre.

Les Festivals internationaux comme vitrine

" Je voyais mes amis pleurer, attendre de l'argent qui ne venait pas. Je leur ai proposé de tourner un film à zéro budget, pour raconter la situation. Tout le monde a travaillé gratuitement, les comédiens, les techniciens ", raconte Béla Tarr au journal Le Monde. Il a décidé de produire Hongrie 2011, un film sur la détresse des réalisateurs hongrois, présenté en ouverture de la Semaine du cinéma hongrois. 11 courts métrages compilés qui ont été projetés à Berlin.

C'est aussi à Berlin que Juste le vent, de Bence Fliegauf, en compétition, a reçu le Grand prix du jury. De quoi redonner du baume au coeur à la profession, un an après l'Ours d'argent du meilleur réalisateur pour Bela Tarr.

A Cannes, on devrait voir le prochain film de György Palfi, Final cut. Ladies & Gentlemen. Sans financement pour son nouveau projet, il a décidé de puiser dans 450 films du cinéma mondial, de Chaplin à Cameron, pour créer des histoires d'amour entre les plus grands comédiens du 7e art, faisant ainsi rencontrer les légendes de l'âge d'or avec les stars actuelles. Pour que le film soit projeté, il faut cependant résoudre le délicat problème des droits d'auteur.

Pour l'instant, le cinéma hongrois est en suspens : entre désespoir et angoisses, entre méfiance et vigilance. Vajna a décidé de financer quatre films d'auteur. Mais nombreux y voient un subterfuge pour endormir les esprits révoltés. Car pour le pouvoir, il s'agit avant tout de dynamiser la part de marché des films nationaux (entre 5 et 10% selon les années) dans un marché plutôt en croissance. Complètement dominé par Hollywood, le marché local a, par exemple, été absent des trente plus gros succès de l'année 2011.

Oscars 2012 : des nominations entre nostalgie et gros oublis

Posté par vincy, le 24 janvier 2012

Toutes les nominations par catégorie

On pourra toujours se ravir de la présence française dans ses Oscars : 10 nominations pour The Artist (un record pour une production frenchy), toutes pour des talents hexagonaux ; Une vie de chat dans une catégorie animation sans aucun film Pixar (une première depuis des lustres), sans Tintin et sans Rio ; 11 nominations pour Hugo Cabret et 4 autres pour Minuit à Paris, tous les deux tournés dans la capitale française... Ces Oscars auront une "french touch" particulière, une fois n'est pas coutume. Etrangement, que ce soit pour Minuit à Paris, Hugo Cabret ou The Artist, la nostalgie imprègne cette liste, avec des films renvoyant au passé, voire en faisant l'éloge d'un temps oublié (le cinéma muet, le cinéma de Méliès, le Paris intellectuel de l'entre deux guerres). Ce que conforte le nombre impressionnant d'histoires en costume dans la liste des 9 nommés au titre de meilleur film.

Si l'on s'en tient aux favoris, Hugo Cabret devance d'une nomination The Artist, même si le film d'Hazanavicus équilibre davantage ses citations entre les catégories techniques et artistiques. D'autres films sont nommés plus de cinq fois : Cheval de guerre (mais pas Spielberg), Le stratège, The Descendants et Millénium (mais rien pour le réalisateur ou le film).
A l'inverse on peut s'étonner que des films comme Extremely Loud & Incredibly Close soit nommé en meilleur film alors qu'il n'a qu'une autre nomination ou que La couleur des sentiments ne se voit pas honoré en meilleure adaptation.
On est agréablement surpris de voir Une séparation reconnu aussi pour son scénario, Pina de Wenders cité dans les meilleurs documentaires, le cinéma québécois deux fois reconnu (Monsieur Lazhar en film en langue étrangère et Dimanche en court métrage animé).

Et puis on grimace, fortement, face aux oublis, qui confirment la tendance conformiste de cette cérémonie : Tilda Swinton, Tintin, Drive (une fois de plus les Oscars n'ont pas de tripes), Ryan Gosling (l'acteur de l'année), Leonardo DiCaprio et J.Edgar, Take Shelter (et ses comédiens), Le projet Nim, Michael Fassbender. On se plaignait de l'absence de risques des Golden Globes ; et finalement les Globes apparaissent comme "dangereusement" avant-gardistes comparés aux Oscars.

Golden Globes 2012 : un palmarès sans audace

Posté par vincy, le 16 janvier 2012

Si deux vainqueurs se détachent - The Artist (toute l'équipe en photo) et The Descendants, chacun primé dans leur catégorie comme meilleur film mais aussi comme meilleur acteur - ces Golden Globes 2012, un peu tièdes malgré quelques beaux éclats (Madonna, Felicity Huffman et William H. Macy, George Clooney, Jean Dujardin, Morgan Freeman) ont été à la (faible) hauteur des nominations. Le palmarès a saupoudré ses récompenses, essayant de n'oublier personne : les poids lourds sont repartis avec au moins un prix : Steven Spielberg, Martin Scorsese, Meryl Streep, Woody Allen, Madonna... La couleur des sentiments n'a pas subit d'humiliation avec une statuette. Une séparation a continué sa razzia de prix internationaux.
Mais, quelle absence de panache! les Golden Globes ne distinguent plus le grain de l'ivraie. Spielberg, Scorsese, Clooney, Streep, Winslet (en TV), Allen avaient déjà tous été honorés par un, deux, trois, Golden Globes dans le passé. Ce sentiment de répétition entraîne forcément une banalisation. On le voit dans la catégorie des meilleurs interprètes. Une actrice doit incarner une personnalité mythique dans un (mauvais) biopic et c'est la martingale. Un acteur doit être charmeur et drôle pour séduire les votants.
On se dira juste que ces GG étaient très européanisés : Tintin, Hugo Cabret, Minuit à Paris, My Week with Marilyn, La dame de fer et d'une certaine manière The Artist. Mais sur scène, c'était les stars hollywoodiennes qui faisaient le show. Un paradoxe ?

Tout le palmarès

Bilan 2011 : les films les plus consultés sur Ecran Noir

Posté par redaction, le 1 janvier 2012

Chers lecteurs, vous avez des goûts éclectiques. Des succès du box office, des films d'auteurs, des comédies, une Palme d'or, un Ours d'or et un Lion d'or. Et même le film oscarisé de l'année en tête. Du Québec à l'Iran, les films que vous avez le plus consulté ne sont pas forcément nos choix en tant que critiques. Comme souvent les films sortis au début de l'année, et déjà en DVD/Blu-Ray prennent l'avantage.

1 - Le discours d'un roi. 3 *. Oscar du meilleur film.
2 - Rien à déclarer. 2*. 2e au box office français.
3 - Somewhere. 3*. Lion d'or 2010 à Venise.
4 - Incendies. 4*. Meilleur film canadien.
5 - Black Swan. 4*. Meilleur film indépendant américain.
6 - 127 heures. 4*.
7 - Les femmes du 6e étage. 3*.
8 - Crazy, Stupid, love. 2*.
9 - The Tree of Life. 2*. Palme d'or à Cannes.
10 - Une séparation. 5*. Ours d'or à Berlin.

2011, dernier coup d’oeil dans le rétroviseur

Posté par redaction, le 31 décembre 2011

Pas de Top 10. Pas de Palmarès. Mais plutôt une liste de films qui nous semblent incontournables, ou essentiels, entre coups de coeur fédérateurs et passions individuelles.

Le cheval de Turin , Le Havre, Drive et Une séparation sont symboliques du cinéma que l'on a aimé et même adoré. Un cinéma d'auteurs qui marquent leur empreinte par un style, une envie de contourner les codes habituels, ou un désir de les maîtriser. Nous étions immergés dans les univers en noir et blanc ou aux couleurs vives, contemplatifs ou frénétiques, poétiques ou tragiques, humanistes ou ultra-violents. Le plaisir était sans limite.

Incendies, The Murderer, The Tree of Life, La piel que habito, Black Swan, J'ai rencontré le diable, Hors-Satan, Hanna, Pater, L'exercice de l'Etat, Le discours d'un roi, Attenberg, Insidious, We need to talk about Kevin, et dans un registre de blockbuster, La Planète des singes : les origines, nous ont séduits, divisés, réconciliés, captivés. La variété des styles rassure : le 7e art a encore cette force de nous surprendre, d'où qu'il vienne, quelque soit sa forme.

Et puis il y a les visages et les corps, les images et et les acteurs : Michael Fassbender mis à nu dans Shame ou tourmenté dans X-Men, Ryan Gosling dans tous ses films, Vincent Lindon dans tous ses films également, Jessica Chastain, révélation de l'année qui peut passer de Terrence Malick à La couleur des sentiments (sans doute le plus beau personnage du film), Joey Starr et un enfant qui pleure dans ses bras, Tintin rajeunit et jouant les Indiana Jones, Fabrice Luchini et ses espagnolades, Valérie Donzelli qui court dans les couloirs d'un hôpital, Philippe Torreton amaigri sur son lit d'hôpital, Deneuve et sa fille qui chantent sur un quai de gare, Owen Wilson se transformant en un Woody Allen amélioré physiquement, Kirsten Dunst et Charlotte Gainsbourg attendant la fin du monde dans un jardin danois, toutes les filles magnifiques de L'apollonide, Jafar Panahi regardant son miroir sur un petit écran, Sean Penn en Robert Smith, les femmes de Nadine Labaki qui dansent en allant au cimetière, l'enfant de Michael qui défie son agresseur, les ombres chinoises des Contes de la nuit, Cécile de France sur son vélo au bord d'une rivière, Angèle qui se perd dans les bras rassurants de Tony, Omar Sy qui danse sur du Kool & the Gang, James Franco, sans bras ou exhibant ses fesses, Jennifer Lawrence ramassant un bras dans un marais, Mel Gibson se sciant le bras, Rango jouant dans son aquarium, Kim Ki Duk le revenant,  les danseurs de Pina faisant la farandole sur une crête de colline, Miranda July s'essayant lamentablement à youtuber une chorégraphie, Nicole Kidman lisant une BD de celui qui a causé son malheur, l'ambigüe et attachant Tomboy, le grand père et son petit fils dans un cabane de Sibérie, Monamour, la famille d'Animal Kingdom, Micheline Presle et Maria de Medeiros se faisant leur cinéma, Hermione et Ron préférant s'embrasser que de combattre dans le final d'Harry PotterChristopher Plummer en vieil homo glissant vers la mort, le clown du cirque d'Iglesia, l'amour de jeunesse de deux adolescents chez Mia Hansen-Love, les sensuels Chico & Rita, les ados de Super 8 face à une catastrophe ferroviaire spectaculaire, les peintures préhistoriques en 3D par Herzog, le monologue d'un Kanak dans l'Ordre et la morale, le final de Poulet aux prunes, la troupe de Guédiguian autour d'une bonne table pour se réconcilier, Brad Pitt au volent de sa voiture écoutant le match à la radio, la beauté de Colorful, les jeunes femmes en petite tenue pour envoyer les vieux messieurs sur la lune de Méliès, incarné chez Scorsese par Ben Kingsley s'émerveillant de redécouvrir son joyau  ... et on en oublie.

Mais le cinéma a de la mémoire. Nos esprits n'oublient jamais les émotions qu'il procure. Espérons que 2012 sera aussi riche.

2011 – février : Une séparation gagne l’Ours d’or

Posté par vincy, le 26 décembre 2011

19 février 2011. Le jury présidé par Isabella Rossellini décerne l'Ours d'or au film iranien d'Asghar Farhadi, Une séparation. Le film repart avec deux Ours d'argent pour les interprètes masculins et féminins, le prix du jury oecuménique, le prix des lecteurs du Berliner Morgenpost. Les prix ont d'autant plus de résonance que des cinéastes iraniens sont condamnés, emprisonnés, assignés à résidence. Cet Ours ne sera que le début de sa longue marche triomphale. Au cours de l'année, il remportera plus d'une quarantaine de prix. Il est le favori pour l'Oscar du film en langue étrangère. Cette tragédie subtile qui scrute de son regard perçant les contradictions de la société iranienne et les conflits humains nés de schémas préconçus emballe aussi le public. En France, sorti à la fin du printemps, il séduit 922 000 spectateurs. Un record pour un film iranien, et un score exceptionnel pour un film asiatique.

Tout le bilan 2011

Melancholia, grand vainqueur des European Film Awards

Posté par vincy, le 5 décembre 2011

Les European Film Awards ont été décernés à Berlin samedi soir. Le cinéma du nord de l'Europe a été le grand vainqueur de l'année, et particulièrement le cinéma nordique puisque le meilleur film, la meilleure réalisatrice, la meilleure image, le meilleur décor et le prix de la meilleure carrière européenne dans le cinéma mondial ont été remis à des films ou personnalités danoises. Le cinéma anglais n'est pas en reste avec les deux prix d'interprétation, le prix du meilleur montage, le prix du public et un prix honorifique pour Stephen Frears.

Autant dire que le cinéma français est paradoxalement le grand perdant de l'année. Paradoxalement puisque le cinéma hexagonal ne s'est jamais aussi bien porté : dans les salles, des films d'auteur comme The Artist ou Polisse ont rencontré un large public ; dans les festivals puisque ces mêmes films ont récolté quelques uns des prix les plus convoités ; auprès des critiques internationaux où l'on constate que certains de ces films se retrouvent dans les listes des meilleurs films de l'année.

Les European Film Awards ont toujours du mal à s'installer médiatiquement. Mais en récompensant des films déjà oscarisés (Le discours d'un roi, In a Better World), ils ont un goût de réchauffé. Notons cependant qu'avec des prix pour Melancholia, We Need to Talk about Kevin et Le gamin au vélo, le Festival de Cannes garde encore la main sur le meilleur de la production européenne.

Meilleur film : Melancholia, Lars Von Trier, Danemark

Meilleur réalisateur : Susanne Bier pour In a Better World, Danemark

Meilleure actrice : Tilda Swinton dans We Need to Talk About Kevin, Royaume Uni

Meilleur acteur : Colin Firth dans Le discours d'un Roi, Royaume Uni

Meilleurs scénaristes : Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne pour Le Gamin au vélo, Belgique

Meilleure image : Manuel Alberto Claro pour Melancholia, Danemark

Meilleur montage : Tariq Anwar pour Le discours d'un Roi, Royaume Uni

Meilleur décor : Jette Lehmann pour Melancholia, Danemark

Meilleur compositeur : Ludovic Bource pour The Artist, France

Prix de la découverte : Adem (Oxygène) de Hans Van Nuffel, Belgique

Meilleur documentaire - Prix ARTE : Pina de Wim Wenders, Allemagne

Meilleur film d'animation : Chico & Rita de Tono Errando, Javier Mariscal & Fernando Trueba, Espagne

Meilleur court métrage : The Wholly Family de Terry Gilliam, Italie

Prix Eurimages de la coproduction européenne : Mariela Besuievsky (Balada triste, Tetro, Dans ses yeux), Espagne

Meilleure carrière européenne dans le cinéma mondial : Mads Mikkelsen, Danemark

Prix du public du meilleur film : Le discours d'un Roi, Tom Hooper, Royaume Uni

Prix honorifiques : pour l'ensemble de sa carrière, le cinéaste britannique Stephen Frears ; prix spécial, le comédien français Michel Piccoli

Le rare Béla Tarr sur les écrans, au Centre Pompidou et en librairie

Posté par geoffroy, le 4 décembre 2011

Le Cheval de Turin, dernier opus cinématographique du réalisateur hongrois récompensé par l’Ours d’argent et le Prix de la Critique internationale au dernier festival de Berlin, est actuellement en salles. Il a séduit 800 spectateurs dans seulement 12 salles lors de son premier jour d'exploitation, soit la meilleure moyenne par copie pour une nouveauté du 30 novembre pour un film exploité dans moins de 200 salles.

Selon les dires du cinéaste, il n’y en aura pas d’autre. A 56 ans, Béla Tarr a décidé d’arrêter le cinéma, de clore une œuvre magistrale commencée il y a un peu plus de trente ans. En septembre 2008, pour la sortie de L’Homme de Londres, il déclarait déjà aux Cahiers du Cinéma : « Quand vous le verrez, vous comprendrez pourquoi ce ne peut être que mon dernier film ».

Béla Tarr, né en 1955 à Pecs en pleine Hongrie communiste, est un artiste pour le moins atypique et qui aura construit sans l’ombre d’une déviation un cinéma exigeant traversé par la condition humaine. En alliant pureté esthétique et force émotionnelle brute, il a su rendre captivant sa vision d’une humanité enchaînée ou l’espoir ne serait qu’un leurre. Son cinéma s’est déplacé avec le temps, passant de la ville aux champs et de l’intime des corps à ceux, plus lointains, des labeurs au cœur d’un paysage froid, pauvre et avilissant.  Le désespoir est de mise, ses influences sont les cinémas de Tarkosky et de Cassavetes. Pas étonnant, alors, de retrouver l’utilisation d’un noir et blanc sublime transcendé par des plans-séquence inoubliables.

-  Pour ceux qui voudraient (re)découvrir l’œuvre de Béla Tarr, le Centre Pompidou lui consacre une rétrospective intégrale du 3 décembre 2011 au 2 janvier 2012. Tout le programme

-  A l’occasion de la sortie en salle du Cheval de Turin, la maison d’Editions Capricci a sorti le 29 novembre un essai critique, Béla Tarr, le temps d’après, par le philosophe français et professeur Jacques Rancière. Une autre façon d’appréhender le maître hongrois au-delà de la simple vision de ces films. Pour l’auteur, le temps d’après est « notre temps et Béla Tarr est l’un de ses artistes majeurs ». Rancière a aussi publié Scènes du régime esthétique de l'art aux éditions Galilée en octobre. (Béla Tarr, Le temps d’après, de Jacques Rancière, Editions Capricci, collection "Actualité critique" 96 pages. 7,50€)

Le livre se conclut sur un espoir. Celui de voir un autre film de Béla Tarr : "Le dernier film est encore un matin d'avant et le dernier film est encore un film de plus? Le cercle fermé est toujours ouvert."

Stephen Frears à la poursuite du Bengali Detective

Posté par vincy, le 19 novembre 2011

A l'origine, il s'agit d'un documentaire, The Bengali Detective. Avec l'aide du scénariste D.V. DeVincentis, Stephen Frears l'adapte en long métrage de fiction. Le film de Frears sera produit par Ridley et Tony Scott. Il faudra cependant attendre 2014 pour le voir en salles.

Frears réalise actuellement Lay the favorite, une comédie biographique dans l'enfer du jeu de Vegas, d'après les mémoires de Beth Raymer, qui sera incarnée par Rebecca Hall. Bruce Willis, Vince Vaughn et Catherine Zeta-Jones complètent le casting. Là aussi, DeVincentis signe le scénario. Il avait déjà collaboré en 2000 avec Frears en écrivant le script d'High Fidelity.

The Bengali Detective, documentaire réalisé par Philip Cox, suivait l'intrépide détective privé, souffrant d'un peu de surpoids, Rajesh Ji explorant les bas fonds malfamés de Calcutta tout en rêvant de danser à la télévision indienne. C'est un regard sur l'Inde moderne, entre les empoisonnements, infidélités, fraudes, violences conjugales et meurtres et les mirages du show-biz. Le docu avait été présenté en avant-première au dernier festival de Sundance, puis à Berlin.

The Black Power Mixtape 1967-1975 : mémoires d’indignés

Posté par kristofy, le 16 novembre 2011

Le film The Black Power Mixtape 1967-1975 est un documentaire construit avec des images d’archives inédites qui ont été retrouvées dans les archives d’une télévision de Suède. Le réalisateur suédois Göran Hugo Olsson est à l’origine du montage de ce film, coproduit par Danny Glover et présenté aux Festivals de Sundance, Berlin et Deauville.

Le mouvement 'Black Power' aux Etats-Unis pourrait se résumer rapidement par la lutte des noirs américains contre le racisme (accès aux bus, au logement, à l'université, au travail...) porté par des leaders comme Martin Luther King et Malcolm X. Les principales images de l’époque des télévisions américaines sont plus orientées vers une dénonciation d’activistes provocateurs… Ici, ces images de journalistes suédois font découvrir les revendications 'Black Power' telles qu’elles étaient exprimées durant ces années 70, ce sont des témoignages de ces années troubles. Ces archives ont été compilées dans un montage en 9 chapitres (pour chaque année entre 1967 et 1975), avec, parfois, un commentaire contemporain par certains artistes afro-américains sensibles eux-aussi au 'Black Power' (Erykah Badu, Talib Kweli, Questlove, Melvin Van Peebles).

Le montage chronologique de The Black Power Mixtape 1967-1975 permet de saisir l’évolution d’un mouvement : La lutte pour les droits civiques des noirs est aussi liée à la contestation de la guerre américaine au Vietnam, et aux assassinats de Martin Luther King (et celui de Robert Kenndy) en 1968. Martin Luther King (appelé Dr King) préférait la non-violence d’un mouvement pacifique, Malcom X déplorait que le gouvernement ait trop attendus pour engager des réformes sociales en faveur des plus pauvres, Stokely Carmichael à lui écrit un manifeste du Black Power (il a popularisé l’expression) et le Black Power Party fut le plus radical en vantant le droit de se défendre (avec des armes) face à la violence du racisme…

Le documentaire est riche de plusieurs séquences mémorables qui font entendre les paroles de ces militants. Ainsi Angela Davis est interviewée en prison sur la légitimité d’une organisation armée, et sa réponse <i>« lorsque quelqu'un me demande mon avis sur la violence, je trouve cela incroyable car cela signifie que la personne qui pose cette question n'a aucune idée de ce que le peuple noir a subi »</i> lui fait raconter le quotidien de son quartier en Alabama où des blancs racistes tuaient avec des bombes des familles noires… The Black Power Mixtape 1967-1975 s’intéresse d’ailleurs surtout à Angela Davis et à Stokely Carmichael : ce sont les personnes qui ont été le plus rencontrées par les journalistes suédois. Stokely Carmichael a voyagé en Europe, en France et en Suède, pour propager de ses idées. On apprendra d’ailleurs que le gouvernement américain n’appréciait guère que ces reporters suédois donnent une image positive des activistes -  les médias américains conservateurs évoquaient davantage des troubles et des violences- au point de geler les relations diplomatiques entre les deux pays.

La force de ce documentaire est de réussir à cerner plusieurs années de luttes idéologiques pour la liberté et l’égalité. Les images et les propos sont bien évidement plutôt à charge contre les Etats-Unis (en particulier le gouvernement du Président Nixon).  The Black Power Mixtape 1967-1975 est avant tout un document historique.