La 13e édition du Arras Film Festival s'est ouverte avec la première projection publique du nouveau film de Michel Leclerc, Télé gaucho. Le réalisateur avait fait le déplacement en compagnie de deux de ses acteurs principaux, Sara Forestier et Félix Moati, pour présenter cette comédie joyeusement foutraque qui s'inspire de ses années de participation à la télé libre Télé Bocal.
Avec le ton qui le caractérise, burlesque et décalé, le cinéaste dresse le portrait critique mais bienveillant d'une petite bande de doux rêveurs bien décidés à inventer leur propre télé, à contre-courant des chaînes commerciales et lénifiantes. Mi-nostalgique, mi-satirique, le cinéaste évoque ainsi une "parenthèse enchantée" de son existence, faite d'idéalisme, d'engagement sincère et d'action collective, mais aussi de système D délirant et de grandes causes à défendre.
"Je faisais partie de l'équipe qui a démarré Télé Bocal, explique-t-il. Je n'étais pas là tout le temps mais j'ai fait ça pendant quatre ou cinq ans pendant les années 90. Le film est inspiré de ces moments-là. C'est vraiment un film de groupe sur ce que c'est de fonder une télé libertaire, engagée et bordélique à cette époque-là. Mon implication était réelle parce que j'ai adoré ça. On a tous envie à un moment donné de partager quelque chose de collectif. C'est un peu ce qu'on vit sur un film, d'ailleurs... Mais c'est quelque chose que l'on garde, surtout lorsque l'on est encore jeune."
"Je voulais aussi parler d'une certaine forme de cinéphilie, continue-t-il. Surtout quand on ne fait pas encore de films, il y a une espèce de plaisir à sortir des noms de cinéastes rares ou au contraire très connus. Je voulais aussi parler de quelque chose d'un peu ridicule, et là pour le coup c'est de l'autodérision : quand on a 20 ans et qu'on a l'impression de vivre dans un film, qu'on sort tout le temps des citations de tel ou tel film parce qu'on a l'impression que ça nous fait exister. Mais l'ironie n'empêche pas la sincérité, c'est-à-dire que les cinéastes dont parle le personnage de Victor, ce sont des cinéastes qu'en général j'aime bien. Mais on peut quand même se moquer de cette manière de se faire valoir en passant par les oeuvres des autres."
"J'espère que je porte un regard tendre sur l'époque, et que c'est un regard juste. En tout cas je ne crois pas que ce soit un regard méchant. Il faut être lucide sur les travers... mais il me semble quand même que la tendresse domine", conclut-il.
Assez tendre en effet, Télé gaucho s'inscrit dans la lignée du Nom des gens, à la fois engagé et bourré de fantaisie, souffrant parfois de vouloir trop en dire et de manquer de cohésion, mais plein d'une vitalité et d'une finesse qui en font une comédie intelligente plutôt qu'un pensum prêt-à-penser. Extrêmement bien accueilli par le public arrageois, preuve qu'il ne heurte finalement aucune sensibilité politique, le film pourrait connaître un joli succès en salles et marcher sur les pas de son prédécesseur... Réponse le 12 décembre prochain.
Crédit photo : Marie-Pauline Mollaret