Berlin 2016 : nos pronostics et favoris pour le palmarès

Posté par MpM, le 19 février 2016

Fuocoammare

L'heure est déjà aux pronostics et bilans en vue du palmarès du 66e festival de Berlin qui sera révélé samedi 20 février, après dix jours d'une compétition éclectique et de bonne facture qui a permis de mettre à l'honneur le cinéma dans tous ses états. Premier constat, c'est que là où Cannes entérine le talent en invitant chaque année les plus grands réalisateurs du monde, Berlin essaye de le révéler, de donner une chance aux nouveaux venus ou cinéastes moins réputés, et se concentre pour cela en priorité sur ce que proposent les films sélectionnés plus que sur ceux qui les font, stars et paillettes incluses.

Pour le jury, il ne s'agit donc plus de distinguer le plus "méritant" parmi ses pairs, mais bien de choisir une direction, un type de cinéma, une esthétique, voire un message à défendre, en prenant en compte au-delà des qualités purement  cinématographiques, une notion d'urgence et de nécessité, d'expérimentation ou d'audace. Dans cette optique, bien des choix s'offrent à la présidente Meryl Streep et aux jurés.

Fuocoammare, ours d'or trop évident ?

crosscurrentDans la droite ligne de la tradition berlinoise, l'Ours d'or pourrait aller à l'un des films les plus politiques de la sélection. Un choix logique serait Fuocoammare de Gianfranco Rosi qui aborde avec beaucoup de subtilité le sort terrible des migrants en recherche d'une terre d’accueil. Mais peut-être est-ce trop évident, dans une Berlinale qui a mis continuellement l'accent sur l'aide aux réfugiés. Un Grand prix pourrait alors faire l'affaire, à condition de choisir un ours d'or qui fasse contrepoint.

De notre point de vue, CrossCurrent de Yang Chao serait le choix idéal, mêlant des qualités cinématographiques sidérantes à un propos complexe sur la Chine contemporaine. Ce serait alors le 2e Ours d'or pour un film chinois en l'espace de trois éditions (Black coal, thin ice de Diao Yi'nan en 2014) et le 3e en 10 ans (Le mariage de Tuya de Wang Quan'an en 2007).

Mais ce sont loin d'être les seules options du jury pour les deux plus grands prix. S'il souhaite être radical, il s'orientera vers A Lullaby to the Sorrowful Mystery de Lav Diaz et ses 8 heures de projection-marathon dans un noir et blanc classieux. S'il souhaite être politique, il choisira Mort à Sarajevo de Danis Tanovic et sa vision corrosive de l'ex-Yougoslavie et de l'Europe, ou même Zero days, l'impressionnant documentaire d'Alex Gibney sur le virus Stuxnet et le recours par les Etats-Unis à la guerre virale pour lutter contre le nucléaire iranien... A condition que Meryl Streep n'ait rien contre le fait de se fâcher avec l'administration Obama.

Hedi, prix du scénario du coeur

Le point fort de la compétition cette année hediétait clairement le scénario, et les candidats au prix ne manquent pas. On a une préférence pour Hedi de Mohammed Ben Attia qui raconte l'émancipation d'un jeune homme jusque là étouffé par une famille trop aimante. Avec une subtilité déconcertante, le film évite tous les écueils du drame familial qui tourne au cauchemar pour aller systématiquement vers la lumière et l'espoir.

A côté des sujets plutôt lourds abordés par les autres concurrents, ce premier film tunisien intimiste a quelque chose de l'outsider improbable, et pourtant il est incontestablement la découverte du festival. A défaut du scénario, Meryl Streep pourrait choisir de distinguer l'acteur masculin, le caméléon Majd Mastoura qui arrive à changer de physionomie d'une scène à l'autre, recroquevillé et maladroit quand il est sous le joug de sa mère, ouvert et séduisant quand il est enfin libre.

Quand on a 17 ans d'André Téchiné serait également un choix intéressant de prix du scénario, tant le film vaut par sa finesse d'écriture, là encore toujours plus subtile que son sujet ne le laissait présager. Même chose pour The commune de Thomas Vinterberg qui a par ailleurs l'avantage d'être l'un des films les plus drôles, quoique grinçant, de la compétition, avec l'Avenir de Mia Hansen-Love, lui aussi joliment écrit. Toutefois, les jurés pourraient leur préférer 24 Wochen d'Anne Zohra Berrached, pas vraiment un grand film, mais qui tient un propos intelligent et mesuré sur la difficile question de l'avortement thérapeutique.

CrossCurrent et A Lullaby to the Sorrowful Mystery favoris pour le Prix de mise en scène ?

lullabyLe choix sera sans doute plus facile pour le prix de mise en scène qui devrait en toute logique récompenser l'une des propositions esthétiques de la compétition, à condition que les plus fortes d'entre elles (CrossCurrent de Yang Chao et A Lullaby to the Sorrowful Mystery de Lav Diaz) n'aient pas déjà reçu une récompense plus importante.

Les teintes désaturées du film polonais United states of love de Tomasz Wasilewski ou la construction expérimentale de A dragon arrives de Mani Haghighi peuvent alors être des seconds choix intéressants.

En revanche, il faut espérer que le jury ne tombera pas dans le piège du noir et blanc maniéré d'Ivo M. Ferreira pour Lettres de guerre. A la limite, on préférerait voir distinguée la rigueur stylistique de Jeff Nichols dans Midnight special, même si le film se perd en route.

Isabelle Huppert, Julia Jentsch et Trine Dyrholm en tête

On a vu plusieurs grands rôles féminins juliacette année, et il est possible que la présence de Meryl Streep au jury fasse pencher la balance en faveur d'une des deux cinquantenaires délaissées : celle de l'Avenir de Mia Hansen-Love, incarnée avec humour par une Isabelle Huppert très juste, ou celle de The commune de Thomas Vinterberg, Trine Dyrholm, qui propose une composition plus dramatique.

Julia Jentsch (24 Wochen) serait elle-aussi une candidate sérieuse en femme contrainte à une décision impossible, mais elle a déjà obtenu le prix en 2005 pour son rôle dans Sophie Scholl, les derniers jours. Un doublé à l'horizon ?

Bien sûr, la surprise pourrait aussi venir du casting féminin d'United states of love avec un prix collectif pour les quatre actrices Julia Kijowska, Magdalena Cielecka, Dorota Kolak et Marta Nieradkiewicz.

Pas de favori pour le prix d'interprétation masculine

soy neroCôté acteurs masculins, personne ne se détache vraiment, ce qui laisse la possibilité au jury de mettre en avant un film sur lequel il n'arrive pas à se mettre d'accord. On pense notamment à Johnny Ortiz, le jeune homme déraciné de Soy Nero, à Majd Mastoura pour Hedi, à Amir Jadidi pour A dragon arrives, à Qin Hao pour Crosscurrent, au casting masculin dans sa globalité du film de Lav Diaz, ou même au duo Kacey Mottet Klein et Corentin Fila pour Quand on a 17 ans.

S'ils sont vraiment désespérés, les jurés pourraient toutefois aller jusqu'à se tourner vers des performances pensées pour impressionner comme celles de Brendan Gleeson en résistant au nazisme dans Alone in Berlin de Vincent Perez, de Denis Lavant dans Boris sans Béatrice de Denis Côté ou de Colin Firth et Jude Law, respectivement éditeur de génie et écrivain grandiloquent dans Genius de Michael Grandage.

Mais avant même de connaître les lauréats 2016, on peut d'ores et déjà se réjouir des belles propositions de cinéma découvertes pendant cette 66e édition de la Berlinale, qui viennent rappeler que le cinéma ne se résume pas aux suites, prequels, franchises, comédies décérébrées et autres blockbusters qui se bousculent au box-office à longueurs d'année. Un cinéma engagé (politiquement comme artistiquement), ancré dans son époque, qui propose des pistes de réflexion et d'interrogation au spectateur, et refuse les voies formatées du prêt-à-penser. Contrairement à ce que laissait entendre un titre de la compétition, le cinéphile, lui, n'est jamais seul à Berlin.

Berlin 2016: ce que l’on sait déjà de la future Berlinale

Posté par vincy, le 22 décembre 2015

La 66e Berlinale aura lieu du 11 au 21 février 2016. Et une bonne partie de son contenu est en partie révélée. Les Coen, Michael Moore, Jeff Nichols côté américains mais aussi Vincent Perez, Bouli Lanners, Ducastel et Martineau côté français participeront à cette édition qui projettera des films venus d'Inde, du Ghana, du Canada ou encore d'Europe centrale.

Voici en 12 points ce que l'on sait.

Une présidente de jury royale: Meryl Streep a accepté, pour la première fois, de présider un grand jury international. Ours d'or d'honneur en 2012, Berlinale Camera en 199 et prix d'interprétation féminine en 2003, c'est une habituée du festival. Lire aussi notre article du 14 octobre

Une ouverture impériale avec Hail, Caesar! des frères Joel et Ethan Coen, présidents du jury cannois en mai dernier. Le film a un chouette pédigrée avec la présence au générique de George Clooney, Ralph Fiennes, Jonah Hill, Scarlett Johansson, Frances McDormand, Tilda Swinton et Channing Tatum. C'est la deuxième fois que les Coen ouvrent la Berlinale, quatre ans après True Grit. Lire aussi nos articles sur le film

La sélection officielle a déjà quelques uns de ses titres. En compétition: Boris sans Béatrice de Denis Coté (Canada, avec Denis Lavant et James Hyndman) ; Genius de Michael Grandage (premier film, Royaume Uni, avec Colin Firth, Jude Law, Nicole Kidman, Laura Linney et Guy Pearce) ; Seul à Berlin de Vincent Perez (France-Allemagne, avec Brendan Gleeson, Emma Thomson et Daniel Brühl) ; Midnight Special de Jeff Nichols (Etats-Unis, avec Michael Shannon, Kirsten Dunst, Adam Driver, Joel Edgerton) ; Zero Days d'Alex Gibney (Etats-Unis). En séances spéciales: The Music of Strangers: Yo-Yo Ma and the Silk Road Ensemble de Morgan Neville (documentaire) ; The Seasons in Quincy : Four portraits of John Berger, de Colin MacCabe, Christopher Roth, Bartek Dziadosz et Tilda Swinton (documentaire) ; Where to Invade Next de Michael Moore (documentaire).

Une nouvelle charte visuelle. L'Ours, symbole du festival, n'est plus graphique. L'illustration fait place à la photo avec une série de six images ou un ours se promène la nuit dans les lieux les plus connus de Berlin (Alexander Platz, le métro jaune, ...).La campagne a été imaginée par Velvet agency.

Les Teddy Awards ont 30 ans. La section Panorama lui fera honneur avec une projection spéciale de la version restaurée d'Andels als die Andern (Different from the Others), premier film gay de l'histoire réalisé en Allemagne en 1919 par Richard Oswald. A l'occasion de cet anniversaire, seront aussi projetés des films de Lothar Lambert, Ulrike Ottinger, Chantal Akerman,  récemment disparue, Isaac Julien, Barbara Hammer et Agusti Vilaronga. Lire aussi nos nos articles sur les Teddy Awards

La section Panorama accueille le premier film ghanéen de l'histoire du Festival. Au programme de cette section parallèle, souvent considérée comme la plus riche: I Olga Hepnarova de Tomas Weinreb et Petr Kazda ; Junction 48 de Udi Aloni ; Les premiers, les derniers de Bouli Lanners ; Maggie's Plan de Rebecca Miller ; Nakom de Kelly Daniela Norris et TW Pittman ; Remainder d'Omer Fast ; On the Other Side de Zrinko Ogresta ; Starve your Dog d'Hicham Lasri ; Sand Storm d'Elite Zexer ; Théo et Hugo dans le même bâteau d'Olivier Ducastel et Jacques Martineau ; The Ones Below de David Garr ; War on Everyone de John Michael McDonagh.

Un hommage et un Ours d'or d'honneur pour Michael Ballhaus. Le chef opérateur légendaire a travaillé avec Fassbinder, Scorsese, Schlöndorff, Sayles, Redfotd, Nichols et Coppola.  La cérémonie aura le 18 février, avec la projection de Gangs of New York, film présenté hors-compétition à Berlin en 2003. Ballhaus a déjà été président du jury de Berlin en 1990 et avait reçu le prix Berlinale Camera en 2006. L'hommage comprendra la projection de 10 films.

Generation 2016, le programme jeunesse pour les enfants et les adolescents. In your dreams de Petr Oukropec ; Born to Dance de Tammy Davis ; Girl Asleep de Rosemary Myers ; Las Plantas de Roberto Davis ; Sairat (Wild) de Nagraj Manjule ; Rag Union de Mikhail Mestekiy : What's in the Darkness de Ychun Wang ; Fortune Favors the Brave de Norbert Lechner ; Young Wrestlers de Mete Gümürhan ; Rauf de Baris Kaya et Soner Caner ; Siv Sleeps Astray de Catti Edfeldt et Lena Hanno Clyne ; Ted Sieger's Molly Monster de Ted Stieger, Matthias Bruhn et Michael Ekbladh ; Zud de Marta Minorowicz

Perspektive Deutsche's Kino a 15 ans. Wer ist Oda Jaune de Kamilla Pfeffer ; Las cuatro esquinas del circulo de Katarina Stankovic ; Liebmann de Jules Hermann ; Agonie de David Clay Diaz ; Pallasseum de Manuel Inacker ; Valentina de Maximian Feldmann.

Le jury du court métrage réunit cette année Sheikha Hoor Al-Qasimi (Emirats Arabes Unis), Katerina Gregos (Grèce) et Avi Mograbi (Israël).

Une rétrospective qui regarde le rétroviseur. La rétrospective de la Berlinale sera consacrée à l'Allemagne en 1966, quand le pays redéfinissait son rapport au cinéma avec l'émergence de nouveaux talents tels Volker Schlöndorff, Alexander Kluge, Peter Schamoni...

Un marché du cinéma européen (European Film Market) déjà complet. Plus de 8000 professionnels sont déjà attendus. Une nouvelle initiative a été lancée avec les Drama Series Days qui font entrer la Berlinale de plein pieds dans l'industrie du documentaire télévisuel.

Cannes 2015 – Les télex du marché: Natalie Portman en France, Bardem & Cruz, Béjo & Bellocchio, Firth & Law et La Mouette

Posté par vincy, le 14 mai 2015

marché du film - cannes

- Natalie Portman profite de sa venue au Festival de Cannes pour annoncer ses projets. La réalisatrice et actrice de A Tale of Love and Darkness (Hors compétition) tournera de nouveau en France, 21 ans après Léon plus précisément chez Rebecca Zlotowski (Belle Epine, Grand Central). Pour son prochain film, Planetarium, la cinéaste a aussi enrôlé Lily-Rose Depp, la fille de Vanessa Paradis et Johnny Depp. Drame se déroulant dans les années 30, le récit suit deux sœurs qui semblent posséder une capacité surnaturelle à entrer en contact avec des fantômes et croisent le chemin d'un producteur de films.

- Outre le prochain Besson, Valérian, EuropaCorp a annoncé un film sur Pablo Escobar, avec le duo espagnol, et couple à la ville, Javier Bardem et Penelope Cruz. Le biopic s'inspirera des Mémoires de Virginia Vallejo, non traduites en France, Amando a Pablo, odiando a Escobar. La journaliste avait notamment révélé avoir eu une relation avec le chef de cartel colombien dans les années 80, ce qui la conduisit à l'exil, après avoir du cesser son métier. Fernando Leon de Aranoa (a href="http://www.ecrannoir.fr/films/films.php?f=649">Les lundis au soleil devrait réaliser ce projet. Il est en sélection cette année à la Quinzaine des réalisateurs avec Perfect Day.

- Bérénice Béjo continue de tourner à l'étranger. Elle sera du prochain Marco Bellocchio, Fai bei sogni. Bellocchio vient de terminer L'ultimo vampiro? sans doute sélectionné à Venise cette année. Béjoy sera la compagne et le soutien moral d’un homme (Valerio Mastandrea) en lutte contre le traumatisme causé par la mort prématurée de sa mère quand il avait 9 ans. Il s'agit de l'adaptation du roman autobiographique du journaliste italien Massimo Gramellini, Fais de beaux rêves, mon enfant, paru en 2013 en France. Le tournage vient de commencer.

- Lionsgate a réalisé une des grosses acquisitions du marché en achetant les droits de distribution de Genius, pour un peu moins de 4M$. Ce drame en milieu littéraire oppose l'éditeur de F. Scott Fitzgerald et Ernest Hemingway, Max Perkins, au romancier Thomas Wolfe. Le premier sera incarné par Colin Firth et le second par Jude Law. Au casting on retrouvera aussi Laura Linney, Nicole Kidman (qui a déjà joué avec les deux comédiens), Guy Pearce (en Fitzgerald) et Dominic West (en Hemingway).

- La Mouette, le classique de Tchekhov maintes fois adapté au cinéma, va être de nouveau transposer sur grand écran, avec Saoirse Ronan, Annette Bening et Corey Stoll en vedettes. Le film sera réalisé par le metteur en scène de Boradway Michael Mayer et scénarisé par le dramaturge Stephen Karam.

Colin Firth et Michael Fassbender, l’éditeur et son génie

Posté par vincy, le 9 novembre 2012

Colin Firth et Michael Fassbender tourneront début 2014 Genius, un film réalisé par Michael Grandage, légende du théâtre britannique, et scénarisé par John Logan (Lincoln, Skyfall, Hugo Cabret, Sweeney Todd, Gladiator...).

Il s'agit de l'adaptation de Max Perkins : Editor of Genius, d'A. Scott Berg, paru en 1978.  Le film sera fidèle au livre, qui se concentrait sur la relation entre l'éditeur Max Perkins (Firth) et l'un des talents qu'il a découvert, Thomas Wolfe (Fassbender). Une liaison littéraire tumultueuse où Perkins fut un éditeur impitoyable malgré le génie de l'auteur. Ils se séparèrent professionnellement après un conflit éthique sur son troisième roman ; mais Perkins et Wolfe restèrent de très proches amis, au point que l'écrivain fit de son "découvreur" son exécuteur testamentaire.

Perkins fut aussi l'éditeur d'Hemingway et Fitzgerald. Le géant (1m99) Thomas Wolfe a peu écrit, mort prématurément à l'âge de 38 ans en 1938.  Il a cependant influencé des auteurs comme Jack Kerouac et tous ceux de la Beat generation, Ray Bradbury ou Philip Roth. Certains de ses romans ont été adaptés à la télévision.