Cannes 2019: Nos retrouvailles avec Elia Suleiman

Posté par vincy, le 24 mai 2019

A bientôt 59 ans, Elia Suleiman se fait rare. L’enfant de Nazareth, acteur, scénariste, réalisateur, navigant entre Chaplin et Tati, était absent des écrans depuis dix ans.

Enfin pas tout à fait. Le cinéaste palestinien a fait un des segments de 7 jours à la Havane, sélectionné à Un certain regard en 2012. Elia Suleiman est un abonné de la Croisette. Même en tant qu’acteur, puisqu’il avait un petit rôle dans Bamako d’Abderrahmane Sissako, hors-compétition à Cannes en 2006.

À l’exception de son premier film, Chronique d’une disparition (1996), prix du meilleur premier film à Venise, tous ont été à Cannes. Dès son premier long, Suleiman impose son style ironique, avec une narration fragmentée, comme des vignettes sur le quotidien absurde de ses concitoyens. Un assemblage de sketches dramatiques ou burlesques, émouvants ou cocasses. Sa marque de fabrique. Une poésie visuelle sans trop de dialogues pour conjurer les tragédies observées.

En 2001, il présente un moyen métrage, Cyber Palestine à la Quinzaine et l’année suivante il est en compétition. Avec Intervention divine, il maîtrise un peu plus son savoir-faire et bouscule les conventions narratives dans l’air du temps. Le cinéphile n’était plus vraiment habitué à voir ce genre de récits, aussi décousus que déconcertants. Maniant la métaphore à outrance, avec son physique à la Pacino et son regard à la Buster Keaton, il démontre que le cinéma peut encore être imaginatif et corrosif. Le film obtient le prix du jury sur la Croisette. Quatre ans plus tard, il sera membre du jury cannois.

Avec son long métrage suivant, Le temps qu’il reste, toujours en compétition, il repart bredouille. Pourtant le film est plus accompli. Il donne une dimension historique et affective à son histoire. Son regard est toujours aussi atterré, affligé, ouvert. Clown triste en errance, son personnage muet observe un monde qui lui échappe, et son monde qui le rassure.

On s’interroge sur son nouveau film, qui sera certainement dans la lignée des précédents. Le titre It Must Be Heaven porte déjà l’ironie mordante de son auteur. Engagé pour la paix, ce palestinien qui a vécu à New York puis à Jérusalem, conférencier et essayiste, Elia Suleiman a peut-être collé des morceaux de sa vie et des voyages dans un seul film sur l’exil et l’identité. Ici, il fuit la Palestine à la recherche d'une nouvelle terre d'accueil, avant de réaliser que son pays d'origine le suit toujours comme une ombre. Sa patrie est partout, même à Cannes.

Cannes 2017: Isabelle Huppert et Maysaloun Hamoud, lauréates du 3e Women in Motion

Posté par vincy, le 15 mai 2017

Kering et le Festival de Cannes remettront le 3e Prix Women in Motion 2017 à Isabelle Huppert. L'actrice a choisi d'attribuer le Prix Jeunes Talents à Maysaloun Hamoud.

Les Prix seront décernés lors du dîner officiel Women in Motion le dimanche 21 mai 2017.

"Libre et audacieuse entre toutes, Isabelle Huppert a multiplié les prises de risque artistique, et joué auprès des plus grands pour imposer son style dans les registres les plus variés, allant du drame à la comédie. Faisant bouger les lignes à travers les rôles forts et loin de tout stéréotype qu’elle interprète depuis ses débuts, qu’elle soit dirigée par des réalisateurs mythiques ou par une nouvelle génération de créatrices et créateurs brillants, Isabelle Huppert est l’une des figures les plus inspirantes du monde du cinéma" explique le communiqué. Par ailleurs, Kering, partenaire officiel du Festival, a choisi un portrait d’Isabelle Huppert pour l’affiche officielle de la 3e édition de Women in Motion.

Et pour conforter l'image de cette comédienne qui multiplie les sélections cannoises années après années (pour cette édition 2017, Huppert est présente deux fois en sélection officielle), il suffit de voir son choix pour le Prix Jeunes Talents. La jeune réalisatrice et scénariste palestinienne Maysaloun Hamoud a réalisé en 2016 Je danserai si je veux (Bar Bahar), à l'affiche en France depuis un mois. Le film avait déjà été récompensé par le Prix NETPAC (Network for the Promotion of Asian Cinema) au 41e Festival International du Film de Toronto et trois récompenses au 64e Festival de San Sebastian : le Prix Sebastiane, le Prix L’Autre Regard et le Prix de la Jeunesse.

Ce premier long-métrage suit le quotidien de trois jeunes femmes palestiniennes vivant à Tel Aviv, partagées entre leur désir d’indépendance et les traditions familiales. "Ce film remarqué dans les Festivals du monde entier a été produit par Shlomi Elkabetz dont la soeur, la grande scénariste, réalisatrice et actrice Ronit Elkabetz, disparue l'année dernière, a marqué de son empreinte le cinéma israélien" rappelle le communiqué.

Le Prix Jeunes Talents, accompagné d’un soutien financier de 50 000 euros, permettra à Maysaloun Hamoud de poursuivre ses projets cinématographiques.

Un partenariat avec Unifrance

Isabelle Huppert et Maysaloun Hamoud rejoignent ainsi les personnalités mises à l’honneur lors des éditions précédentes de Women in Motion. En 2016, Geena Davis et Susan Sarandon, les deux actrices américaines de Thelma et Louise particulièrement engagées dans la défense des droits des femmes, avaient ainsi reçu le Prix Women in Motion, avant de mettre à l’honneur les trois jeunes réalisatrices Leyla Bouzid, Gaya Jiji et Ida Panahandeh. Cinq femmes de talent qui succédaient à l’actrice mythique Jane Fonda et à la productrice Megan Ellison, récipiendaires de la première édition.

Lancé en 2015, Women in Motion continuera cette année à organiser des Talks ouverts aux journalistes et aux professionnels du cinéma permettront de confronter les expériences et les points de vue de grandes personnalités autour de la question de la contribution des femmes au cinéma, et de partager leurs recommandations pour faire avancer leur représentation au sein de ce secteur.

Cette année, Kering et Unifrance se sont associés pour accélérer le déploiement de Women in Motion et assurer sa présence dans les festivals à l’étranger. Un partenariat de deux ans a été signé pour accroître la portée du programme et l’inscrire dans des manifestations cinématographiques internationales.

Un film, une ville : Jérusalem

Posté par vincy, le 16 octobre 2013

Jérusalem à la Géode

Le documentaire IMAX de Daniel Ferguson, Jerusalem, sort aujourd'hui à la Géode (Paris). Très consensuel, de sorte à ne fâcher aucune des trois religions, il est représenté par trois jeunes filles jolies et innocentes - Revital, Farah et Nadia, respectivement juive, musulmane et chrétienne - (jusqu'au plan ultime où l'on rêve d'une réconciliation). Le film raconte à la fois l'histoire de la cité (la partie la plus intéressante, de son aspect archéologique à son angle patrimonial) et la coexistence des trois communautés religieuses (quid des athées?), sous leur aspect le plus positif (la partie la plus naïve). Dans le film, cependant, Jérusalem est bien coupée en deux, ignorant complètement sa partie cisjordanienne et évitant totalement le sujet de la colonisation des territoires palestiniens. Reste la beauté des plans à 180° et la lumière somptueuse que peut offrir le ciel du Proche-Orient.

Depuis 1897 et le Départ de Jérusalem en chemin de fer, court métrage documentaire d'Alexandre Promio, la ville est un décor de cinéma. Jérusalem, de par son poids historique, ne joue cependant aps dans la même catégorie que des villes comme Istanbul ou le Caire. La vitalité du cinéma israélien contribue heureusement à faire de Jérusalem une ville très présente sur le grand écran, que ce soit ses ruelles d'antan, ses faubourgs modernes ou ses lieux saints.

Peu de blockbusters hollywoodiens ont planté leurs caméras sur place. On peut signaler Le tombeau, avec Antonio Banderas, La passion du Christ de Mel Gibson ou Kingdom of Heaven, de Ridley Scott. Objet de documentaires comme Samsara ou Baraka, elle reste un joyau inépuisable pour les esthètes. Récemment, Jérusalem la moderne s'est dévoilée dans Une bouteille à la mer, Precious Life ou Le directeur des ressources humaines. Plus loin dans le temps, Hannah Arendt y a fait un voyage fondateur dans le film de Margareth Von Trotta. La communauté orthodoxe a été décrite sous un angle tabou dans Tu n'aimeras point. Des cinéastes comme Amos Gitai avec Free Zone ou Elia Suleiman dans Intervention divine ont réuni Jérusalem en passant le poste frontière entre sa partie israélienne et sa partie palestinienne.

L'an prochain, elle sera l'objet d'une déclaration d'amour avec Jerusalem, I Love You, assemblage de 5 courts métrages réalisés par Hiam Abbass, Joseph Cedar, Lawrence Kasdan, Brad Silberling et Jerry Zucker.

La France signe un accord de coproduction avec les Territoires palestiniens

Posté par vincy, le 13 septembre 2013

Omar d'Hany Abu Assad

La ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti et son homologue palestinien Anwar Abu Eisheh ont signé mercredi 11 septembre un accord de coproduction cinématographique, le 54e accord de coproduction internationale.

Depuis une quinzaine d’années, de nombreux films palestiniens ont été soutenus par le Fonds Sud Cinéma ou par le programme qui l'a remplacé, l’Aide aux cinémas du monde. "C’est le cas notamment de Palestine Stereo de Rashid Masharawi, sélectionné cette année au festival de Toronto" indique le communiqué. Si les cinéphiles français connaissent surtout Elia Suleiman (Intervention divine), récompensé autant à Cannes qu'à Venise, ou Hiam Abbass, les Territoires palestiniens abritent aussi de jeunes cinéastes, notamment dans le documentaire. Ces dernières années, quelques films ont reçu des prix prestigieux comme Paradise Now d'Hany Abu-Assad (Golden Globe du meilleur film étranger, 2005), Le sel de la mer d'Annemarie Jacir (2008) ou cette année à Cannes, Omar d'Hany Abu-Assad (photo).

"L’accord facilitera le montage financier de coproductions bilatérales impliquant une coopération sur les plans artistique et technique" précise le communiqué du ministère. "La part du coproducteur minoritaire sera au minimum de 20% mais, par dérogation, pourra être abaissée à 10% après accord des autorités des deux parties en tenant compte des collaborations artistiques et techniques de chacun des coproducteurs."

Des dispositions visant "à encourager des initiatives communes dans les domaines de la formation aux métiers du cinéma, l’éducation à l’image, l’échange de savoir-faire entre professionnels, la distribution et diffusion des œuvres ainsi que la conservation du patrimoine cinématographique" sont aussi inclues dans cet accord.

Derniers jours à Jérusalem ou les derniers instants d’amour…

Posté par cynthia, le 22 mai 2012

Synopsis : Après s'être rencontré dans des circonstances peu praticable dans leur pays d'origine, le Jérusalem-Est, Nour et Iyad décide d'immigrer en France. Alors qu'ils sont en route à l'aéroport pour une nouvelle vie, les évènements désastreux que rencontre leur ville, va obligé ce dernier, chirurgien, a favorisé son métier aux détriments de son épouse.
Délaissée une fois de plus par son mari, Nour va remettre en cause leur voyage ainsi que leur relation, tout en témoignant son attachement à ceux qu’elle s’apprête à quitter.

Critique : Entre Nour et son mari, tous les opposent. Elle est moderne, séduisante, croque la vie à pleine dents et débute une carrière d'actrice. Iyad, quant à lui, est un chirurgien stressé qui a laissé sa jeunesse mourir au bloc opératoire.

Au premier abord, nos deux protagonistes semblent représenter un couple tout ce qu'il y a de plus banal, les contraires s'attirent mais l'amour est là. Et pourtant, outre leur environnement qui est risqué, il y a quelque chose en eux de mort, une chose qui les empêchent de savourer leur vie de couple pleinement. On a l'impression que seul le voyage, ce changement, pourra sauver leur mariage. Mais ce dernier étant repoussé, nous sommes témoins de leurs "derniers jours à Jérusalem" et on se demande si ce n'est pas non plus leur derniers jours d'amoureux. Il est vrai que dès leur rencontre, les questions fusaient. Sous forme de destin, cette rencontre était à la fois une naissance et une mort dans une histoire qui vacille entre rire et larmes.

Comme cette scène qui illustre parfaitement le paradoxe présent dans leur relation : Nour se maquille devant son miroir et commence à se chamailler avec Iyad qui l'observe. Celui-ci rentre dans son jeu, ils se mettent à rire comme n'importe quel couple jusqu'à ce que cette dernière se lasse et s'arrête subitement de jouer.

Soutenu par le festival de Locarno et sélectionné par celui de Toronto, le film de Tawfik Abu Wael est un hymne à la complexité amoureuse. "Je t'aime moi non plus" ou "tu veux ou tu veux pas", serait un qualificatif parfait pour cette histoire. Un amour à double sens mais trop bancal, nous laissant ainsi sur notre fin.

20e festival de Rennes : travelling sur Jérusalem

Posté par MpM, le 29 janvier 2009

Festival Travelling20 ans, pour un festival de cinéma, c’est déjà un bel âge, dénotant maturité et capacité à durer, tout en promettant un regard résolument tourné vers l’avenir. C’est pourquoi, en lieu et place d’une commémoration un peu plombante, les organisateurs ont-ils choisi de s’offrir pour cette 20e édition un voyage dans une ville ô combien symbolique, Jérusalem.

Le principe du Festival Travelling de Rennes est en effet de s’intéresser chaque année à la cinématographie générée autour d’une ville en particulier (Buenos Aires en 2008, Téhéran ou Tokyo par le passé) ou d’une thématique liée au cadre de vie urbain ("Une ville la nuit" en 2007). "Nous choisissons la ville entre un et deux ans à l’avance, en fonction d’une envie d’équipe", explique Anne Le Hénaff, responsable artistique. "L’idée est d’abord de voir s’il se passe des choses cinématographiquement, c’est-à-dire si la ville a souvent été portée à l’écran, s’il y a matière pour la dérouler dans le temps. On commence par les œuvres majeures puis on emprunte les chemins de traverse." Commence alors un long travail de recherche, presque de fouille, qui permet de dénicher "de petits bijoux", nouveaux comme anciens, mais aussi de déborder le cadre du cinéma pour appréhender les spécificités sociales, géographiques ou culturelles d’une ville.

"Dans le cas de Jérusalem, nous voulions dès le départ aller au-delà des images toutes faites de la ville, de celles que montrent les médias. Il est souvent difficile d’imaginer comment on y vit, donc c’était notre première ambition : simplement entrer dans la vie des uns et des autres", se souvient Mirabelle Fréville, la co-programmatrice. "Très honnêtement, nous ne pensions pas trouver 53 films ! Mais Jérusalem a une consistance incroyable, avec des genres très différents. Tous les films que nous avons choisis ont un aspect esthétique ou artistique qui nous a intéressés."

Les festivaliers pourront ainsi découvrir toute une programmation déclinée en divers thèmes : rétrospective Jérusalem de plus d’un siècle de cinéma, coups de cœur du cinéma israélien contemporain, coups de cœur du cinéma palestinien au présent et cartes blanches à la productrice israélienne Yaël Fogiel et au cofondateur du Festival, le Palestinien Hussam Hindi. On retrouve bien sûr de grands noms comme Amos Gitaï et le troublant Kadosh, Elia Suleiman (Intervention divine, Chronique d’une disparition), Chris Marker (Description d’un combat), Hany Abu-Assad (Paradise now, Le mariage de Rana…), mais aussi des œuvres plus confidentielles comme Jérusalem est fier de présenter de Nitzan Gilady, un documentaire sur la tentative d’organiser une gay pride internationale dans la ville.

Parmi l’ensemble, Anne Le Hénaff et Mirabelle Fréville recommandent tout particulièrement Fragments de Jérusalem de Ron Havilio, un film inédit en 7 parties qui permet Travelling juniorde remonter le fil de l’histoire de la ville en parallèle avec celle d’une vieille famille de Jérusalem ; Quelqu’un avec qui courir de Oded Davidof, sur la vie nocturne et troublée de la cité et Ford transit de Hany Abu-Assad, jamais sorti en France, sur les incessants passages aux checkpoints de ceux qui doivent se déplacer dans Jérusalem. "Nous espérons ainsi donner une autre vision de la vie à Jérusalem et renvoyer le spectateur à des interrogations plus larges".

En parallèle, le festival organise un concours d’adaptation de nouvelles, des ciné-concerts, des séances "ciné-baby" pour les 18 mois / 2 ans et des compétitions de courts métrages. L’idée est de faire de la manifestation le point d’orgue d’une action culturelle qui a lieu au long cours toute l’année au travers de séances en plein air et d’éducation à l’image, afin d’impliquer le tissu local rennais. "La star, c’est Rennes. Il faut la faire vivre un minimum !", conclut Anne Le Hénaff. Et quoi de plus normal pour un festival qui met la ville à l’honneur ?!

_________________________________
20e Festival de Rennes Métropole
Travelling Jérusalem
Du 31 janvier au 10 février 2009
Informations et horaires sur le site du festival