Cannes 70 : les découvertes de la critique

Posté par cannes70, le 26 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-22. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


Les critiques de cinéma passant leur temps, à Cannes comme ailleurs, à remettre en cause les films vus et les sélections proposées, il était assez logique qu'on finisse par leur dire de parler moins et d'agir plus, en gros de proposer leur propre programmation et d'arrêter d'embêter le monde.

Pourtant, on doit malheureusement à la vérité historique d'avouer que les choses ne se sont pas tout à fait passées ainsi. Si les critiques ont aujourd'hui leur propre section compétitive (La Semaine de la Critique), c'est certes à l'initiative du Délégué général du Festival officiel Robert Fabre le Bret, mais dans l'optique plus positive d'apporter à Cannes un cinéma innovant et sortant des sentiers battus.

En effet, en 1961, l'Association française de la Critique de cinéma (l'ancien nom du Syndicat de la critique) organise la projection, pendant le festival, du film indépendant The Connection de Shirley Clarke. C'est un événement dans le Landernau cannois habitué aux productions plus traditionnelles, et c'est un véritable succès, qui conduit le Festival et le CNC à renouveler l'expérience. L'association se voit alors confier une salle (la salle Jean Cocteau) avec la charge de la programmer pendant toute une semaine du festival 1962. C'est la critique et cinéaste Nelly Kaplan qui trouve le nom : Semaine de la Critique.

Cette année-là, sous la présidence de Georges Sadoul, sont ainsi montrés dix longs métrages : Les Oliviers de la justice de James Blue (Algérie/France), Tre veces Ana de David José Kohon (Argentine), Alias Gardelito de Lautaro Murúa (Argentine), Strangers in the City de Rick Carrier (Etats-Unis), Adieu Philippine de Jacques Rozier (France), I Nuovi angeli d’Ugo Gregoretti (Italie), Mauvais garçons de Susumu Hani (Japon), La Toussaint de Tadeusz Konwicki (Pologne), Football de R.Drew, R.Leacock et J.Lipscomb (Etats-Unis) et Les Inconnus de la terre de Mario Ruspoli (France)

Il faudra attendre 1988 pour que le court métrage fasse son apparition à la Semaine, puis l'an 2000 pour que les séances spéciales viennent enrichir la compétition. L'objectif est toujours le même : révéler de jeunes cinéastes venus du monde entier et donner du cinéma une vision élargie englobant tous les nouveaux courants et styles en devenir. C'est pourquoi la plus ancienne section parallèle du Festival de Cannes ne montre-t-elle que des premiers et deuxièmes films, systématiquement sélectionnés par des comités composés de critiques qui sont renouvelés à intervalles réguliers. Toutes les tendances, tous les regards sont ainsi conviés à tour de rôle, lui permettant de s'enorgueillir de la découverte d'un nombre important de cinéastes de premier plan et d'une dizaine de Caméras d'or obtenues.

Parmi les cinéastes « passés » par la Semaine à ses débuts, citons Bo Widerberg (Le péché suédois en 1963, il deviendra ensuite un habitué de la compétition officielle), Chris Marker (Le joli mai en 1963, avec Pierre Lhomme), Bernardo Bertolucci (Prima della rivulozione en 1964), Jerzy Skolimowski (Walkover en 1965), Jean Eustache (Le père Noël a les yeux bleus en 1966), Jean-Marie Straub (Nicht versöhnt en 1966), Philippe Garrel (Marie pour mémoire en 1968) ou encore Barbet Schroeder (More en 1969). On sent poindre un jeune cinéma d'auteur, plus libre et clairement moins académique que la sélection officielle de l'époque, et qui annonce les grands cinéastes des années (voire des décennies) à venir.

Dans les années 70, la tendance se confirme avec Ken Loach en 1970 (Kes), Victor Erice en 1974 (El Espíritu de la colmena), Benoît Jacquot en 1975 (L’Assassin musicien), Alexei Guerman en 1977 (Vingt jours sans guerre)... Mais la Semaine montre aussi des œuvres engagées, emblématiques de leur époque, voire provocatrices : Trash de Paul Morrissey en 1971, Avoir 20 ans dans les Aurès de René Vautier et Fritz the Cat de Ralph Bakshi en 72, Mourir à trente ans de Romain Goupil en 82...

Elle ne passe à côté ni de l'énergie poétique de Leos Carax (Boy Meets girl en 1984), ni de l'audace stylistique de Wong Kar-wai (As Tears Go By en 1989), ni du décalage noir et hilarant de C’est arrivé près de chez vous de Rémy Belvaux, André Bonzel et Benoît Poelvoorde  en 1992. Elle repère aussi Amos Gitaï (Esther en 1986), Arnaud Desplechin (La vie des morts en 1991), Guillermo del Toro (Cronos en 1993), Alejandro González Iñárritu (Amours chiennes en 2000)... Plus près de nous, c'est une avalanche de paris réussis et de découvertes prometteuses confirmées. Citons seulement Fabrice du Welz (Calvaire en 2004), Rebecca Zlotowski (Belle épine en 2010), Jeff Nichols (Take shelter en 2011) ou encore Clément Cogitore (Ni le ciel ni la terre en 2015).

La Semaine reste ainsi le lieu des premières fois, et la création de la compétition courts métrages en 1988 vient renforcer son image de tête chercheuse du cinéma mondial. Via le format court, elle révèle par exemple Tran-Anh Hung (La Femme mariée de Nam Xuong, 1989), Gurinder Chadha (A Nice Arrangement, 1991), Andrea Arnold (Milk, 1998), Delphine Gleize (Les méduses, 2000), Denis Villeneuve (Next Floor, 2008), Marie Amachoukeli et Claire Burger (C’est gratuit pour les filles, 2009), Nicolas Pariser (Agit pop, 2013)... Elle a aussi fait la part belle au cinéma d'animation avec des œuvres qui ont fait date comme Ryan de Chris Landreth (2004) et L'homme sans ombre de Georges Schwizgebel (2004) ou encore Eat de Bill Plympton (2001) et Vasco de Sébastien Laudenbach (2010).

Sa programmation est un savant mélange d'audace et de reconnaissance, de paris et de suivis. Il arrive ainsi régulièrement que de jeunes cinéastes découverts avec leur court métrage reviennent avec leur premier long avant d'aller voler de leurs propres ailes dans d'autres sections cannoises, et sur les écrans des festivals du monde entier. Ce fut le cas de François Ozon sélectionné en 1996 avec le court Une robe d'été puis en 1998 avec le long Sitcom), de Gaspar Noé (Carne en 91, Seul contre tous en 98), de Justin Kurzel (Blue Tongue en 2005 puis Snowtown en 2011), de Jonas Carpignano (A Ciambra en 2014, Mediterranea en 2015) et bien sûr de Julia Ducournau, sensation de Cannes 2016 avec Grave, précédemment révélée avec Junior (2011).

C'est à la fois un peu cruel (car passé le deuxième film, ces talents que la Semaine a parfois été la première à reconnaître lui échappent) et d'une grande force, car il est ici plus question de transmission que d'ego. Quand Marie Amachoukeli et Claire Burger reçoivent la caméra d'or en section Un Certain regard (Party girl en 2014) ou quand Jeff Nichols est invité en compétition officielle (Mud en 2012, Loving en 2016), pour citer des exemples récents, c'est une satisfaction supplémentaire pour les équipes de la Semaine, soucieuses de voir leurs "poulains" "transformer l'essai" et confirmer leur potentiel.

Voilà sûrement pourquoi les cinéphiles les plus curieux et avides de découvertes suivent de près sa programmation, qui donne chaque année un aperçu des tendances de la jeune création cinématographique et des préoccupations (thématiques comme stylistiques) du moment. On s'y rend aussi dans l'idée de se ressourcer quand il semble que le cinéma tourne en rond ou que les "grands auteurs" n'ont plus rien de neuf à dire.

Enfin, depuis trois  ans, la Semaine de la Critique va au-delà du simple travail de découverte et de programmation en s'impliquant activement dans l'accompagnement de projets de premiers longs métrages. Le programme Next step permet ainsi aux réalisateurs des courts métrages sélectionnés pendant Cannes de suivre un atelier d'une semaine lorsqu'ils passent au long. Ils ont notamment l'occasion de discuter de leur projet avec des professionnels, d'échanger sur leur scénario et de se familiariser avec la réalité du monde du cinéma.

On ne peut jamais être sûr du tour que prendra la carrière d'un réalisateur, surtout lorsqu'il débute, et la Semaine a eu comme les autres sections l'occasion de s'en apercevoir, mais on peut en revanche mettre toutes les chances de son côté en lui donnant l'opportunité de poser les premiers jalons. A suivre, donc, car les longs métrages de la première promotion de Next Step commencent seulement à arriver. L'un d'eux n'est autre que... A ciambra de Jonas Carpignano, que l'on a déjà mentionné, et qui aura en mai prochain les honneurs de la Quinzaine des réalisateurs. On a connu pire destin.

Marie-Pauline Mollaret pour Ecran Noir

Le silence de Jonathan Demme (1944-2017)

Posté par redaction, le 26 avril 2017

Jonathan Demme est décédé mercredi 26 avril à New York des suites d'un cancer, à l'âge de 73 ans.

Issu de l'école Roger Corman, il avait débuté sa carrière à l'âge de 30 ans, en 1974, avec 5 femmes à abattre. Le réalisateur y donnait déjà le ton de la première partie de sa  filmographie, un mélange d'humour, parfois noir, parfois sarcastique, d'action mais surtout des personnages souvent féminins, exploités mais sachant prendre leur revanche. Il a d'ailleurs tourné de nombreux films un peu barrés avant d'être consacré par ses pairs. Ses premiers films durant les années 70 - Crazy Mama, Colère froide, Handle with Care, Meurtres en cascade (son premier thriller avec une vedette), en 1979, Melvin and Howard - ne marquent pas les esprits. Il s'essaye alors à différents genres.

Dans les années 1980, il se diversifie : vidéo clips, téléfilms, séries, docus.... Fan de musique, il dédaigne presque la fiction (hormis Swing Shift avec Goldie Hawn et Kurt Russell en 1984) et ne tourne rien jusqu'en 1986. Là, sa carrière décolle avec le débridé Dangereuse sous tous rapports (Melanie Griffith), le jouissif Veuve mais pas trop (Michelle Pfeiffer) et finit ainsi les années 1980 avec deux succès, deux comédies où l'action et le polar ne sont pas loin.

Doublé magique

Or ses deux grands films, et d'ailleurs la suite de sa carrière, seront aux antipodes de ce genre où il excellait. En 1991, il créé le duo le plus fantastique du cinéma américain, le bien et le mal, où l'innocence est une notion bien floue quand un cannibale est moins monstrueux qu'un serial-killer. Le silence des agneaux va devenir une référence dans le genre. Outre son immense carton public et critique, le film est l'un des rares à recevoir le quinté gagnant aux Oscars : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, meilleur acteur pour Anthony Hopkins et meilleure actrice pour Jodie Foster.

Deux ans plus tard, il réalise la première grosse production hollywoodienne sur le SIDA, avec Philadephia. Tom Hanks sera oscarisé tout comme Bruce Springsteen pour la chanson du film. Son cinéma est minutieux, toujours centré sur la psychologie humaine, sur le dialogue entre des opposants ou des incompris. Mais Jonathan Demme va enchaîner deux fiascos qui vont lui faire perdre rapidement son aura de grand cinéaste. En 1998, Beloved, d'après le grand roman de Toni Morrison, film de 3 heures avec Oprah Winfrey et Danny Glover, est attaqué par la critique, boudé par le public. En 2002, il signe le remake de Charade, avec La Vérité sur Charlie. Plantage.

Cinéaste insatiable

Il se refait grâce à un autre remake, en 2004, Un crime dans la tête, bon thriller politique avec Denzel Washington, Liev Schreiber et Meryl Streep, puis retrouve ses premières amours avec la comédie féminine (Rachel se marie, en 2008 avec Anne Hathaway, Rosemarie DeWitt et Debra Winger). Il faut alors attendre 2015 pour qu'il revienne derrière la caméra pour une fiction. Ricki and the Flash, show construit pour Meryl Streep, n'a rien d'un grand film, mais il y a toujours cet attachement personnel que Demme a pour les femmes un peu déjantées mais autonomes, et surtout pour la musique. On lui doit trois docus sur Neil Young parmi de multiples documentaires sur le rock ou la pop (Justin Timberlake + the Tennessee Kids). De même, il est passionné de politique (docus sur Jimmy Carter ou la démocratie en Haïti), et a filmé des scientifiques (le biologiste Tyrone Hayes, l'agronomiste Jean Dominique).

Quatre décennies à filmer des histoires ou la réalité, qui, selon lui, reflétaient le monde. A jouer des gros plans, des regards qui fixent la caméra, à amener ses acteurs à une certaine vérité, loin des artifices hollywoodiens (au total huit d'entre eux auront été nommés au Oscars, et trois l'auront gagné, grâce à ses films).

Gentil et généreux

Finalement, Jonathan Demme était inclassable. Des spectacles hollywoodiens aux excentriques films indés en passant par des docs rocks et des épisodes de séries, il semblait ne suivre aucun plan de carrière. Il expliquait il y a quatre ans qu'il suivait toujours son enthousiasme, qu'il avait eu la chance de ne jamais se répéter. "J'adore le thriller, mais j'ai eu la chance de faire Le silence des agneaux, alors je ne voudrais pas réaliser un thriller qui soit moins bien que celui-là."

"J'ai rencontré des tonnes de gens avec Moonlight mais mon camarade Demme était le plus gentil, le plus généreux", a tweeté le réalisateur Barry Jenkins. De l'avis général, il était en effet très humain. L'épouse de Jonathan Demme et ses trois enfants, ont demandé qu'"à la place de fleurs", ceux qui le souhaitaient effectuent, en son hommage, des dons à l'association de défense des immigrés Americans for Immigrant Justice.

Cannes 70 : la nouvelle vague coréenne

Posté par cannes70, le 25 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-23. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


Deux des meilleurs films de l'année dernière nous venaient tout droit de Corée du Sud et sont passés sur la Croisette. Dernier train pour Busan de Yeon Sang-ho, avec son train rempli de zombies, en séance de minuit et Mademoiselle, récit à tiroirs de Park Chan-wook, en compétition officielle mais reparti bredouille, comme les meilleurs films de la sélection diront les mauvaises langues. On retrouvait en même temps à Cannes, hors-compétition, un autre film coréen plutôt bien reçu : The Strangers, dans lequel Na Hong-Jin mêlait vampires, exorcismes et thriller.

Cette année, ce ne seront pas moins de quatre cinéastes coréens qui seront présents en sélection officielle à Cannes. En séance spéciale, Hong Sang-soo retrouve Isabelle Hubert, cinq ans après In another country, avec La Caméra de Claire, un film tourné pendant ... le Festival de Cannes 2016. Dans un registre plus violent, nous auront droit en Séance de minuit à deux longs-métrages de réalisateurs inconnus dans nos contrées : The Merciless, "film de prison" de Byun Sung-hyun et The Vilainess, "film de vengeance" de Jung Byung-gil. Bong Joon Ho, lui, fait partie des 18 aspirants à la Palme d'or grâce à son Okja, production Netflix qui vraisemblablement n'aura pas l'honneur de sortir en salles, en tout cas pas en France.

Cannes a d'ailleurs été une rampe de lancement pour ce qu'on appelle "la nouvelle vague coréenne". Comme pour la française (et les innombrables déclinaisons dans d'autres pays), cette vague ne se définit pas tant par une période précise que par le nouvel élan permis par une poignée de réalisateurs, aux préoccupations plus ou moins semblables. Des cinéastes par ailleurs extrêmement populaires au pays du matin calme et qui ont été accueillis à bras ouverts par la critique française tout au long des années 2000.

Ha ! Si j'avais un marteau ...


Il nous faut revenir quelques années avant l'éclosion de cette "nouvelle vague" pour en comprendre les obsessions. De 1961 à 1979, la Corée du Sud subit la dictature de Park Chung Hee, et le cinéma national est, comme on peut s'en douter, fortement censuré et contrôlé par le pouvoir. Pendant les années 1980, la transition démocratique est en marche (n'y voyez aucun slogan politique), ce qui permet à l'industrie cinématographique d'être plus ou moins libre à partir des années 1990. Une décennie pendant laquelle les futurs grands cinéastes vont se former, faire leurs premiers pas avant de débarquer en trombe au début des années 2000. On peut même prendre une date charnière : 2004. Cette année-là, ce sont deux films coréens qui vont être unanimement acclamés. Non seulement deviennent-ils des classiques instantanés mais, surtout, ils vont révéler en France deux réalisateurs qui vont devenir des sortes d'ambassadeurs de ce cinéma coréen. Old Boy et Memories of murder vont, chacun dans leur style même, caractériser la nouvelle vague coréenne.

Dans Old Boy, deuxième film de la "trilogie de la vengeance" de Park Chan Wook, il est question d'un homme enfermé pendant 15 ans pour une raison qu'il ignore et qui va traquer ses malfaiteurs. Bong Joon Ho lui, dans Memories of murder, signe aussi un thriller (quoiqu'il s'agisse d'un terme plutôt générique) dans lequel deux policiers enquêtent sur un tueur en série. Les deux films sont d'une grande violence et leurs récits prennent le spectateur aux tripes du début à la fin. Ils partagent une critique, plus ou moins explicite, de la société coréenne et exorcisent le passé à coup de marteau ou de coups de pieds sautés.

D'un côté, nous avons un homme enfermé sans raison pendant plus de quinze ans, de l'autre c'est autant la société elle-même qui devient folle que ses rouages. Les policiers de Memories of murder sont en effet aussi violents que Oh Dae-soo, le protagoniste d'Old Boy qui est prêt à tout pour avoir sa revanche. Surtout, les deux long-métrages sont des claques visuelles : le plan-séquence du couloir de Park Chan-wook en aura marqué plus d'un, tandis que Bong Joon-ho nous plonge pendant plus de deux heures dans une atmosphère aussi crasse que belle. Si ce dernier triomphe au Festival international du film policier de Beaune, Old Boy est lui présent à Cannes et repart avec un Grand Prix amplement mérité.

Quelques jeunes turcs coréens (vous suivez ?)


Park Chan Wook reviendra sur la croisette, repartant même avec un Prix du Jury pour Thirst en 2009, et Bong Joon Ho est à la Quinzaine des réalisateurs avec The Host en 2006, à Un Certain Regard avec Mother en 2008 et sera donc pour la première fois en compétition officielle cette année. Un autre cinéaste de la même génération qui aime bien la violence et les anti-héros, Kim Jee Won, est lui aussi passé par la Riviera à deux reprises hors-compétition :en 2005 pour A bittersweet life et en 2008 pour le génial et déjanté western mandchourien Le bon, la brute et le cinglé.

Il ne faudrait cependant pas réduire la nouvelle vague coréenne à des films ultra-violents, ni aux quelques noms cités au-dessus. On retrouve en effet parmi ses rejetons des cinéastes plus intimistes. Hong Sang Soo, qui aime les femmes et l'alcool de soja, est ainsi devenu un habitué de Cannes, et ce dès son deuxième film, Le pouvoir de la province de Kangwon. En moins de vingt ans, il est ainsi passé quatre fois par la case Un certain regard et quatre autres fois en sélection officielle. Il a d'ailleurs côtoyé Old boy en 2004 avec La femme est l'avenir de l'homme.

Deux autres figures importantes de la nouvelle vague coréenne ont elles-aussi été accueillies à Cannes, mais assez tardivement, en tout cas bien après d'autres festivals de renom. Kim Ki Duk, remarqué à la Mostra de Venise pour L’île en 2000, et acclamé pour Printemps, été, automne, hiver… et printemps en 2003, est présent à Un certain regard en 2005 (L'Arc) et 2011 (Arirang), et en compétition officielle en 2007 (Souffle). Im Sang Soo se fait connaître internationalement pour Une femme coréenne à la Mostra de Venise de 2003 et c'est sans surprise qu'il débarquera sur la Croisette les années suivantes. À la Quinzaine des Réalisateurs, en 2005, il traite de l'assassinat du dictateur Park Chung Hee, puis en 2010 et 2012 il concourt pour la Palme avec d'abord The Housemaid, remake d'un classique coréen de 1961, puis avec L'ivresse de l'argent.

Et aujourd'hui ?

La nouvelle vague coréenne a donc mis sur le devant de la scène toute une génération de cinéastes, encore plébiscitée aujourd'hui, à Cannes notamment. Il est peut-être trop tôt pour choisir une date précise à laquelle arrêter ce "mouvement", mais à n'en pas douter il sera l'objet de plusieurs études dans un avenir proche. Et qui sait, peut-être qu'un film coréen sera enfin palmé à Cannes cette année ? Park Chan-wook fait d'ailleurs partis du jury… De bonne augure ?

Nicolas Santal de Critique-film

Cannes 2017 : le jury du 70e Festival

Posté par wyzman, le 25 avril 2017

A trois semaines de la 70ème édition, les organisateurs du festival de Cannes viennent de dévoiler la liste des jurés. Du 17 au 28 mai, et comme nous vous l'avions déjà annoncé, Pedro Almodóvar (réalisateur espagnol) présidera ce jury.

Il sera épaulé par Jessica Chastain (actrice américaine), Will Smith (acteur américain), Fan Bingbing (actrice chinoise), Maren Ade (réalisatrice allemande), Park Chan-wook (réalisateur sud-coréen), Agnès Jaoui (actrice française), Paolo Sorrentino (réalisateur italien), Gabriel Yarde (compositeur français). Très international, ce jury est également assez paritaire : quatre femmes et quatre hommes aux côtés de Pedro Almodovar.

Chiara Mastroinanni, Emmanuelle Bercot et Jéremie Elkaïm dans un « When We Rise » à la française

Posté par wyzman, le 24 avril 2017

Après ses trois César 2016 reçus pour Fatima, Philippe Faucon revient au petit écran par la grande porte. En effet, le réalisateur de Dans la vie et La Désintégration prépare activement le tournage de la mini-série Fiertés, produite par Joëy Jaré (Clara Sheller, Kaboul Kitchen) pour une diffusion sur Arte.

Centrée sur "la vie d'une famille, les combats menés par les homosexuels autour du Pacs, du mariage et de l'adoption" comme indique Le Film Français, Fiertés sera composée de 3 épisodes de 52 minutes. Ceux-ci se dérouleront sur trois décennies, de l'arrivée de François Mitterrand à l'Elysée en mai 1981 jusqu'à l'adoption de la loi Taubira promulguée en mai 2013. Les scénarios sont l'oeuvre de José Caltagirone (Speakerines) et Niels Rahou (Derniers recours).

Le tournage de Fiertés se déroulera en région parisienne du 2 mai au 16 juin. Au casting de cette mini-sérié, on retrouvera Emmanuelle Bercot (La Tête haute), Chiara Mastroinanni (Poulet aux prunes), Jéremie Elkaïm (Marguerite et Julien), Fréderic Pierrot (Populaire), Loubna Abidar (Much Loved), Stanislay Nordey (N'oublie pas que tu vas mourir) et Samuel Théïs (Party Girl).

Bien que l'on ne connaisse pas encore la date de diffusion de Fiertés, l'annonce du début du tournage n'est pas sans rappeler l'autre mini-série LGBTQ de l'année : When We Rise. En 8 épisodes, la série de ABC retraçait la naissance du mouvement LGBT à la suite des émeutes de Stonewall en 1969 et allait jusqu'à l'abandon de la Proposition 8 et l'autorisation du mariage homosexuel en 2013. Entière écrite par Dustin Lance Black (Harvey Milk), When We Rise était réalisée par Gus Van Sant (Elephant) entre autres. Émouvante et importante, When We Rise est un bel exemple de mini-série audacieuse. Philippe Faucon et Arte auraient tort de ne pas s'en inspirer pour Fiertés !

Cannes 70: Et Cannes créa l’actrice française…

Posté par vincy, le 23 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-25. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

Au fil des décennies, entre flâneries sur la Croisette, poses sur le tapis rouge, robes traînant sur les marches ou sourires radieux éclairés par les flashs des photographes, l'actrice française a su être la Marianne, l'emblème du chic gaulois, l'ambassadrice de la beauté et le symbole d'un jeu mêlant glamour et drame. Souvent jurées, voire présidentes de jury, les comédiennes ont aussi été les égéries de grandes marques, les figurantes classes d'une montée des marches ou d'une remise de prix.

Inutile d'en faire la liste exhaustive. Elles sont toutes passées par Cannes. De Danielle Darrieux à Emmanuelle Béart, de Marie-France Pisier à Laetitia Casta en passant par Simone Signoret, Sandrine Bonnaire ou Nathalie Baye. Mais on ne va en retenir que quelques-unes, celles qui ont cette particularité d'avoir marqué le Festival, par leur nombreux films sélectionnés ou par leur présence sensationnelle, et qui ont un retentissement mondial, dont Cannes n'est pas étranger. Un Top 10, qui couvre toutes les décennies cannoises. Et en cadeau bonus, une comédienne à part dont on fête les 50 ans de la disparition.

Françoise Dorléac. Il y a 50 ans, le 26 juin 1967, Françoise Dorléac disparaissait tragiquement pas très loin de Cannes. Elle avait 25 ans. La sœur de Catherine Deneuve était alors une des rares stars françaises de la nouvelle génération. 16 films à son actif en 8 ans de carrière. Magnétique, charmeuse, à l'aise dans la comédie et le drame, gracieuse, la comédienne avait tout pour plaire. Elle avait tourné avec Michel Deville, René Clair, Édouard Molinaro, Philippe de Broca, Roger Vadim, Roman Polanski, Ken Russell.

Tout la destinait à une carrière internationale. Juste avant son accident de voiture, elle avait conquis le public, en compagnie de Deneuve, avec les éternelles Demoiselles de Rochefort, de Jacques Demy. Pourtant c'est bien un film de Demy et avec Deneuve qui avait assombrit son passage sur la Croisette.

En 1964, Françoise Dorléac accompagnait le film de François Truffaut, La peau douce. Dorléac et Truffaut sont alors en couple. La première est au top du box office avec L'Homme de Rio. Le second a des difficultés financières. Le film est là pour consacrer la star en devenir et remettre le réalisateur sur les rails de la prospérité. Hélas, la critique éreintera le beau drame adultérin. Et le jury ignorera complètement le film au palmarès. Le film ne sera finalement vu que par 600000 spectateurs. La blessure est immense pour Truffaut, qui ne reviendra plus à Cannes avant 1973.

Mais l'ironie de l'histoire est ailleurs, dans un match que personne n'attendait. De ce Festival, personne ne retiendra la sublime Françoise Dorléac. Tous les yeux étaient rivées sur sa cadette, Catherine Deneuve, qui explose à Cannes avec son premier grand rôle dans le film qui, en bonus, reçoit la Palme d'or : Les Parapluies de Cherbourg.

Michèle Morgan. Le cas particulier de l'actrice récemment disparue est qu'elle était déjà une star internationale lorsqu'elle est venue au premier festival de Cannes, en 1946. Elle y a présenté La symphonie pastorale en compétition. Elle est revenue en compétition en 1956 avec Marie Antoinette, reine de France, en 1990 avec Ils vont tous bien et hors-compétition en 1962 avec Le crime ne paie pas. Ce fut surtout la première actrice de l'histoire du Festival à recevoir le prix d'interprétation féminine. La quintessence du jeu à la Française où elle incarne une aveugle dans le film de Jean Delannoy. C'était son grand retour en France, pays qu'elle avait quitté au début de la guerre pour Hollywood. Elle avait le mal du pays et son passage sur la Côte d'Azur lui faisait un bien fou. Elle était ravie de son prix. Et à jamais, l'image la plus représentative de ce premier festival c'est cette jeune femme de 25 ans, en bikini, libre et radieuse, s'amusant devant les photographes sur le sable de la plage du Carlton.

Brigitte Bardot. Avec elle l'après-guerre prend fin, l'émancipation sexuelle éclot, la libération de la femme naît. La star des starlettes, c'est elle. Elle débarque sur la Croisette et va affoler paparazzis et photographes. La première "people" de l'histoire du Festival. Brigitte Bardot n'a jamais été en compétition à Cannes.

Mais sa seule présence, en "touriste", en 1953, convaincue que son sex-appeal ferait tourner la tête des festivaliers, a suffit à en faire une vedette dans l'air du temps. Elle n'a tourné que quelques films, avec des petits-rôles. Son sex-appeal n'est pas encore mondial. Elle vit avec Roger Vadim, qui a des difficultés à monter son film, Et Dieu créa la femme... En débarquant à Cannes, elle veut à la fois voler la vedette aux grandes actrices, améliorer sa notoriété et ainsi rassurer les éventuels producteurs d'investir dans le projet de son époux.

Le film sort trois ans plus tard, grâce à la participation financière de l'acteur principal, Curd Jürgens. Il en fait une actrice de premier rang. Déchaînant les passions, défiant la censure, entre érotisme libéré et modèle féministe, Et Dieu créa la femme... entraînera aussi la fin du couple Bardot/Vadim.

Jeanne Moreau. Deux fois présidente du jury (1975 et 1995), Jeanne Moreau est l'une des plus fortes incarnations du festival. A la fois actrice incontournable, autorité cinéphile, muse de la Nouvelle vague, citoyenne engagée. Lady Moreau a débarqué en 1960 avec Moderato Cantabile. Elle fait face à Jean-Paul Belmondo dans un film mis en scène par Peter Brook d'après le roman de Marguerite Duras. Excusez du peu. Jeanne Moreau obtient le prix d'interprétation à Cannes.

Elle a déjà dix ans de carrière derrière elle, avec Vadim, Malle, Becker, Allégret, Decoin dans sa filmographie. Certains de ses films ont été de jolis succès (La Reine Margot a séduit 2,4 millions de Français). Moderate Cantabile sera aussi un succès avec un million de spectateurs. Mais ce prix d'interprétation à Cannes est son premier grand prix international.

De ce jour-là, elle ne quittera plus la Croisette avec parfois deux films en compétition la même année (en 1966 tout comme en 1991). Les dernières fois où Jeanne a présenté un film à Cannes, c'était en 2005, à Un certain regard avec Le temps qui reste de François Ozon, et en 2009 avec Visage de Tsai Ming-liang, en compétition. Elle n'était pas là pour monter les marches. Le temps est passé.

Catherine Deneuve. On ne va pas s'éterniser sur le cas Deneuve. Une Palme d'or d'honneur. Un prix d'interprétation spécial. Deux films ayant reçu la Palme d'or. Une vice-présidence de jury. Plusieurs fois remettante de la Palme. La Deneuve est plus qu'une abonnée de la Croisette, elle est Cannes. Même si elle apprécie peu le chaos du Festival comme toutes ces mondanités du 7e art. Le plus impressionnant est sans doute le nombre de films qu'elle a accompagné, depuis son lancement au firmament des étoiles en 1964, avec Les Parapluies de Cherbourg, jusqu'à aujourd'hui. Six décennies de présence ininterrompues.

D'abord Hors compétition avec Luis Bunuel, Claude Lelouch, Tony Scott et Alain Corneau. Puis régulièrement en compétition grâce à André Téchiné (trois fois), Manoel de Oliveira, Raoul Ruiz, Leos Carax, Lars von Trier, Marjane Satrapi, Arnaud Desplechin... Ces dernières années, elle a soutenu un film d'ouverture, une petite production de Paul Vecchiali, un film de Christophe Honoré. Mais elle est surtout revenue pour présenter ses grands films à Cannes Classics, du Dernier métro à Indochine, du Sauvage à La vie de château.

Cannes a toujours illustré sa carrière en soulignant son éclectisme et son ouverture sur le monde. Star mondiale, elle assume son rôle : avec des tenues extravagantes et glamours de grands stylistes, en épaulant la novice Björk qu'elle défend en conférence de presse, en rendant hommage aux cinéastes à qui elle doit beaucoup ou en embrassant à pleine bouche le Maître de cérémonie, juste pour le fun.

Isabelle Huppert. On a déjà évoqué le cas spécifique de Isabelle Huppert dans cette série (lire notre article). L'actrice est celle qui a reçu deux prix d'interprétation, avec ses deux cinéastes emblématiques (Chabrol et Haneke). Une exception en soi. Depuis Aloise en 1975, Huppert est une régulière. Dès l'année suivante elle est couronnée avec Violette Nozière. Quatre films en compétition dans les années 70, 6 dans les années 80 (dont trois en 1980), 2 dans les années 90, 2 dans les années 2000 et 6 depuis 2010.

Avec les autres sélections, le compteur explose. Huppert est une sorte de quintessence cannoise. L'actrice française par excellence, qui, comme Moreau, Deneuve, Binoche ou Cotillard, est sur le tapis rouge pour un film français, européen, américain ou asiatique. Elle n'a aucune frontière. Toutes ces comédiennes révèlent ainsi l'universalité du cinéma, en bonnes héritières des frères Lumière et de l'esprit des Lumières.

Isabelle Adjani. En 1976, Adjani arrive sur la Croisette, auréolée du génie qu'on lui colle à la peau, avec Roman Polanski, pour Le Locataire. Elle est déjà populaire (La gifle), admirée (L'histoire d'Adèle H), curieuse (Barocco). Cannes s'offre alors les deux Isabelle. La Huppert qui repartira avec un prix d'interprétation pour Violette Nozière. L'Adjani déjà insaisissable.

Isabelle A. et Isabelle H. reviennent d'ailleurs ensemble en 1979 avec un Téchiné, Les sœurs Brontë. Mais en 1981, c'est bien Adjani qui domine Huppert. La star de l'époque,c'est elle. Elle obtient un prix d'interprétation pour deux films radicalement différents: Quartet de James Ivory et Possession d'Andrzej Zulawski. Ce dernier film a été un cauchemar. Le début du déraillement qui la conduira dans le mur dix ans plus tard.

Entre temps, elle revient à Cannes, avec L'été meurtrier. Puis se fait rare. Le désastreux Toxic Affair est présenté hors-compétition en 1993. Un échec. Son grand retour s'annonce en 1994 avec La Reine Margot. Le rôle de Jeanne Moreau. Catherine Deneuve au jury. Adjani au sommet. Mais c'est Virna Lisi qui emporte le prix d'interprétation. Une dispute au sein du jury prive la Reine Isabelle de la gloire promise. Et l'étoile file vers les confins obscurs d'une galaxie de films plus ou moins oubliés. Parfois, elle revient briller. Pour présider le 50e Festival de Cannes, remettre un prix, ou s'attirer la colère des photographes. Elle sait encore créer l'événement.

Sophie Marceau. On ne peut pas passer à côté de l'actrice chérie des Français. A Cannes, elle n'a jamais été en compétition. Tout juste au début de sa carrière, elle a quand même accompagné Noiret, Depardieu et Deneuve sur le tapis rouge pour le film d'ouverture de 1984, Fort Saganne. 25 ans plus tard, elle est revenue en séance de minuit avec un film de genre, Ne te retourne pas. Elle a bien présenté deux films à Un certain regard (dont son premier film en tant que réalisatrice, le court métrage L'aube à l'envers).

Bref on ne peut pas dire que Sophie Marceau ait une histoire particulière en tant qu'actrice avec Cannes. Elle fut quand même membre du jury en 2015. Mais, connue de la Chine à la Russie, du Japon à l'Allemagne, elle a souvent été réclamée par Cannes pour faire sensation sur le tapis rouge ou remettre un prix. Parfois tout se mélangeait. Un décolleté qui dénude un sein, une robe qui s'emmêle les pinceaux, une autre qui dévoile sa culotte, un discours brouillon où tout se mélange. Son franc-parler, sa sincérité, sa personnalité difficile affrontent alors les quolibets, moqueries, critiques. C'est la copine sympa qu'on regrette parfois d'inviter. Mais elle fait partie du folklore. Les malheurs de Sophie ont toujours fait le bonheur des magazines people et féminins qui ne viennent pas à Cannes pour le cinéma mais bien pour chopper une Cendrillon perdant sa chaussure sur les marches.

Juliette Binoche. Comme Deneuve, elle est née sur la Croisette. En 1985, l'actrice vient de présenter le dernier film de Godard, Je vous salue Marie à Berlin. Trois mois plus tard, elle monte les marches grâce à André Téchiné pour Rendez-vous, le film qui la révèle définitivement. Elle obtient quelques mois plus tard sa première nomination aux César comme meilleure actrice et reçoit le Prix Romy Schneider. Rendez-vous sera primé pour sa mise en scène et Binoche, nue sur l'affiche, va alors rapidement devenir l'une des comédiennes les plus sollicitées.

Pourtant, il faut attendre quinze ans avant qu'elle ne revienne à Cannes. Entre temps, elle a eu un Oscar, un César, un prix à Venise et un autre à Berlin. La jeune comédienne est devenue une actrice internationale. Et c'est d'ailleurs avec des cinéastes étrangers qu'elle vient sur la Croisette : Michael Haneke, Hou Hsiao-hsien, Abbas Kiarostami, qui lui permet, grâce à Copie Conforme, de réaliser le grand chelem, et David Cronenberg. Olivier Assayas (co-scénariste de Rendez-vous) et Bruno Dumont ont été les deux derniers cinéastes en date à la faire briller sur les marches. Mais surtout, Juliette Binoche a été la seule actrice française a être le visage de Cannes, égérie le temps d'une édition, sur une affiche bleue électrique.

Marion Cotillard. Après un long moment où les vedettes francophones se sont enchaînées dans l'histoire de Cannes - Emmanuelle Devos, Elodie Bouchez, Audrey Tautou, Valéria Bruni Tedeschi, Emilie Dequenne, Ludivine Sagnier, Mélanie Laurent, etc... - une seule actrice a émergé dans les années 2000 : Charlotte Gainsbourg, qui fut d'ailleurs récompensée par un prix d'interprétation en plus d'être membre du jury. Mais on ne peut pas dire que sa filmographie comme son itinéraire soit liés à Cannes. Ce fut plutôt une forme de consécration d'une déjà longue carrière.

En revanche, Marion Cotillard, après plus de quinze ans de carrière, un Oscar, deux César et quelques films hollywoodiens, va devenir la plus fidèle des actrices à partir de 2010. C'est déjà une star et elle va devenir durant cette décennie l'actrice cannoise par excellence. Pas une année depuis Minuit à Paris en 2011 où elle n'aura pas un ou deux films en sélection officielle: De rouille et d'os en 2012, The Immigrant et Blood Ties en 2013, Deux jours, une nuit en 2014, Le petit prince et Macbeth en 2015, Juste la fin du monde et Mal de pierres en 2016, Les fantômes d'Ismaël en 2017.

Miss Dior qu'on adore ou qu'on abhorre est devenue une tête d'affiche pour Hollywood et une valeur sûre pour les films de festivals. A chaque fois le prix d'interprétation lui échappe. Mais après tout, Deneuve, Binoche ou Gainsbourg justement ont du longtemps attendre avant de l'obtenir. C'est l'actrice qui tourne avec un québécois, un américain, un australien, deux belges, son mari, les grands auteurs du cinéma français. Elle a troqué le taxi marseillais pour la limousine de Renault cannoise. Cotillard c'est la french touch du XXIe siècle.

Léa Seydoux. Dernière venue du casting. Il y a eu La vie d'Adèle, avant et après. Avant pourtant, elle était déjà un peu connue avec des auteurs comme Bonello, Breillat, Honoré, Ruiz. Mais Cannes, elle était surtout hors-compétition, en second rôle. Dans Robin des Bois et Minuit à Paris (comme Cotillard). Ou avec un personnage éphémère dans le premier chapitre de Inglorious Basterds en compétition.

Il faut attendre 2013 pour qu'elle s'impose. Dans Grand central à Un certain regard et dans La vie d'Adèle en compétition. Le film obtient la Palme d'or. On n'a d'yeux que pour sa partenaire, la novice et fraîche Adèle Exarchopoulos. Mais les deux comédiennes reçoivent une Palme chacune en distinction honorifique. Une première. Pour Léa Seydoux, c'est le grand virage. Les grosses productions s'ouvrent à elle, de James Bond à Wes Anderson. Elle devient la It-Girl frenchy du cinéma mondial.

Depuis sa Palme, elle est toujours en compétition: chez Bonello avec Saint Laurent, chez Lanthimos avec The Lobster, chez Dolan avec Juste la fin du monde. A l'instar de Cotillard, elle navigue entre blockbusters et films d'auteur, entre Tom Cruise et Benoit Jacquot. Elle assure la promo et assume son statut de "cover girl", avec belles robes, bijoux et ce petit accent français quand elle parle anglais. Elle aussi se joue des frontières, des genres, des étiquettes. Elle vise la catégorie "world actress". Avant la femme française faisait rayonner le cinéma du pays dans le monde ; aujourd'hui le cinéma mondial fait rayonner l'actrice française.

Les quatre suites d’Avatar calées après 2020

Posté par vincy, le 22 avril 2017


James Cameron a profité de la Journée mondiale de la Terre pour annoncer le nouvel agenda des quatre suites d'Avatar.

Avatar 2 sortira finalement le 18 décembre 2020, le troisième opus est prévu un an après, le 17 décembre 2021. Puis il faudra attendre le 20 décembre 2024 pour le quatrième épisode et le 19 décembre 2025 pour l'épilogue.

James Cameron déclare être "heureux de travailler avec la meilleure équipe qui soit !"

"Les suites d’Avatar sont imaginées comme des films pleinement divertissants à part entière, qui une fois ensemble, formeront une saga épique" indique le communiqué.

En 2013, James Cameron avait annoncé trois suites, qui devaient sortir au mois de décembre des années 2016, 2017 et 2018. Il y a un an, alors que le projet était déjà décalé, le réalisateur révélait qu'un cinquième film verrait le jour. Avatar 2 était prévu alors pour Noël 2018 puis les trois autres films fin 2020, fin 2022 et fin 2023. Depuis quelques semaines, on savait que ce calendrier ne serait pas garantit.

Avatar 2 sera donc en salles avec quatre ans de retard, et onze ans après le premier film, qui avait 2,8 milliards de $ au Box office mondial.

Clint Eastwood prend le train pour Paris

Posté par vincy, le 21 avril 2017

Clint Eastwood embarque dans le Thalys. Une autre histoire vraie, dramatique, qui fait écho à ces derniers films autour de la figure du héros, l'homme lambda qui accomplit un geste extraordinaire.

The 15:17 to Paris raconte comment des passagers ont arrêté un terroriste en passe de faire un carnage dans le Thalys de Bruxelles vers Paris, le 21 août 2015. L'attaque d'Ayoub El Khazzani, ressortissant marocain ayant grandi à Molenbeek, a été déjouée par plusieurs voyageurs, un employé de banque français, un professeur et artiste américain, deux militaires américains en vacances, un britannique, et un étudiant américain.
Rappelons également que l'acteur français Jean-Hugues Anglade avait été témoin de l'affaire.

Le scénario de Dorothy Blyskal, son premier pour un long métrage, sera adapté d'un livre co-écrit par Anthony Sadler, Alek Skarlatos, Spencer Stone et Jeffrey E. Stern (inédit en français).

Le tournage devrait commencer d'ici la fin de l'année.

Romain Duris se mue en icône virile dans « Cessez-le-feu »

Posté par wyzman, le 19 avril 2017

Au fil des années, Romain Duris est devenu une "icône". Mais de quoi au juste ? Nous pourrions dire de la masculinité mais ce serait sans doute trop subjectif. Évoluant habilement entre comédies populaires et films d'auteur, il fait aujourd'hui partie de ces rares acteurs français à ne pas s'être brûlé les ailes à un moment donné et que l'on retrouve à chaque fois avec un plaisir loin d'être coupable. Depuis le début de cette décennie, Romain Duris est ainsi de tous les bons films, grands ou petits.

Wannabe caméléon

Si la plupart d'entre nous pense à Cédric Klapisch dès lors qu'il est question de Romain Duris, n'oublions pas que si l'on enlève son doublage pour Raiponce c'est L'Arnacœur de Pascal Chaumeil qui lui a offert son plus gros carton au box-office français : 3,7 millions d'entrées. Un score qui fait rêver d'autant plus en 2017. Sensuel et versatile, il semble aujourd'hui tout à fait normal de dire que Romain Duris peut tout jouer (et même danser).

Bourreau des cœurs donc dans L'Arnacoeur puis avocat frustré - "homo occidentalus" - dans L'Homme qui voulait vivre sa vie, il se mue en assureur obsédé par la compétition dans Populaire avant de finir en amant maudit dans l'adaptation de L’Écume des jours. Un chapitre final avec le fameux Cédric Klapisch (Casse-tête chinois) et Romain fait sensation chez François Ozon. Dans Une nouvelle amie, l'acteur de 42 ans incarne en effet David, jeune père veuf qui tombe en dépression avant de retrouver une forme de liberté dans le travestissement. Transgression de la masculinité, qui se confond ainsi avec la maternité. Avec Anaïs Demoustier, Raphaël Personnaz et François Ozon himself au casting, Une nouvelle amie ne manque pas de faire du bruit à sa sortie et permet à Romain Duris de décrocher une nomination aux César, la cinquième.

Que ce soit dans le téléfilm Démons, la comédie Un petit boulot - en prolo qui franchit la ligne rouge avec un certain humour noir pour survivre - ou le drame La Confession, dans les pas de Bébel, il continue de faire ce qu'il fait le mieux : retenir l'attention du spectateur avec un personnage central, fort, singulier. Une présence, un sourire, un regard. Il en faut parfois peu pour que son jeu élève le projet en question. Même lorsque ce dernier s'avère un peu bancal, comme le thriller Iris de Jalil Lespert.

Icône virile

Cette semaine, Romain Duris récidive dans le très bon Cessez-le-feu d'Emmanuel Courcol, un drame historique centré sur Georges, un soldat rongé par ses mauvais souvenirs de la Première Guerre mondiale qui se réfugie en Afrique. Si le film dispose d'un casting plus qu'impressionnant (Grégory Gadebois, Céline Sallette, Maryvonne Schiltz, Julie-Marie Parmentier), c'est encore une fois Romain Duris qui fascine. Très attiré par la masculinité de son personnage, Romain Duris reconnaît avoir effectué un travail similaire à celui d'Une nouvelle amie pour entrer dans la peau du personnage. Avec la même coach, il a ainsi tenté de "trouver la manière d'être imposant et d'exprimer le vécu de Georges sans mots." Ça tombe bien, c'est amplement réussi.

A l'image de son personnage dans Cessez-le-feu, Romain Duris semble constamment en mouvement, toujours prêt à apprendre de ses erreurs. Et si le film d'Emmanuel Courcol n'en connaît pas, c'est un pur hasard car Georges l'anti-héros est loin d'être un personnage facile dans ce scénario casse-gueule. Mais Cessez-le-feu traite avec brio des traumatismes de soldats revenus du front. Le film passionne et trouble. Georges finira-t-il sa vie là où il peut fuir ses problèmes ? Combien de temps dureront encore ses cauchemars ? Ses souvenirs cesseront-ils un jour de le hanter ? Le cinéma a souvent traité de la Première Guerre mondiale, de l'horreur du conflit, du désastre humain qu'elle a causé, mais rarement de ces traumatismes qui ont balafré physiquement une génération (La chambre des officiers) ou psychologiquement (comme ici, à la fois remuant et tendre).

Au Burkina Faso, au Sénégal et à Nantes, la caméra d'Emmanuel Courcol capture parfaitement l'aura d'un Romain Duris complètement habité par son personnage. Il impose une certaine puissance, une détermination qui fait de ce soldat paumé, de ce "revenant", un homme entre deux mondes, absent des présents et à cause d'une guerre encore trop présente. Démarche alourdie, voix plus grave, plus profonde et gestes précis pour celui qui a débuté dans Le Péril jeune et qui se transforme cette semaine en véritable icône virile de 2017. Outre le fait d'incarner un homme, un "vrai", Romain Duris prouve à ceux qui en doutaient encore qu'il peut être tous les hommes de notre vie et de notre imaginaire.

On l'attend en survivant pour Dans la brume, le prochain film fantastique d'Erick Zonca, Fleuve noir, et face à Isabelle Huppert dans Madame Hyde.

Sacré quatuor hollywoodien pour le prochain film de Jacques Audiard

Posté par vincy, le 19 avril 2017

Pour The Sisters Brothers, le premier film en langue anglaise de Jacques Audiard, c'est un carré d'as que s'offre le cinéaste français. Joaquin Phoenix, que l'on verra à Cannes dans le film de Lynne Ramsey, Jake Gyllenhaal, à l'affiche aujourd'hui avec Life, John C. Reilly, par ailleurs producteur du film, et Riz Ahmed (la série "The Night Of", "The OA", Rogue One, Jason Bourne) seront les héros de cette coproduction franco-américaine (Why Not, Page 114).

Le scénario est adapté du roman de Patrick deWitt, dont Reilly avait acquis les droits. Annoncé il y a deux ans, avec Reilly comme seul acteur à l'époque et après qu'Audiard ait reçu sa Palme d'or pour Dheepan, le projet s'est étoffé ces dernières semaines en vue d'un tournage dans les prochains mois en vue d'une sortie calée pour 2018. On imagine le beau tapis rouge à Cannes avec les quatre comédiens.

Le récit se déroule principalement en Oregon, en 1851. Eli et Charlie Sisters, redoutable tandem de tueurs professionnels aux tempéraments radicalement opposés mais d’égale (et sinistre) réputation, chevauchent vers Sacramento, en Californie, dans le but de mettre fin, sur ordre du “Commodore”, leur employeur, aux jours d’un chercheur d’or du nom de Hermann Kermit Warm. Tandis que Charlie galope sans états d’âme – mais non sans eau-de-vie – vers le crime, Eli ne cesse de s’interroger sur les inconvénients de la fraternité et sur la pertinence de la funeste activité à laquelle lui et Charlie s’adonnent au fil de rencontres aussi insolites que belliqueuses avec toutes sortes d’individus patibulaires et de visionnaires qui hantent l’Amérique de la Ruée vers l’or. Deux frères moins liés par le sang et la violence que par l’indéfectible amour qu’en silence ils se portent.