La cinéaste libanaise Nadine Labaki, Prix du jury l'an dernier avec Capharnaüm, nommé aux Golden Globes et aux Oscars, présidera le jury Un Certain Regard de la 72e édition du Festival de Cannes.
Réalisatrice, productrice, scénariste, et comédienne , elle est une fidèle de la Croisette. Ses trois longs métrages y ont été présentés: Caramel, projeté à la Quinzaine des réalisateurs, Et maintenant on va où?, prix du jury œcuménique, et Capharnaüm en compétition l'an dernier.
"Je me souviens du temps où je venais à Cannes en tant qu’étudiante de cinéma, avide de découvrir le festival le plus prestigieux du monde !, déclare-t-elle dans le communiqué du festival. À cette époque, ce monde me semblait inaccessible. Je me rappelle des réveils matinaux et des queues interminables pour pouvoir obtenir un billet. Il y a quinze ans de cela, comme si c’était hier, je remplissais avec angoisse et espoir la fiche d’admission à la Cinéfondation du Festival de Cannes. Aujourd’hui, me voilà Présidente du Jury Un Certain Regard : la vie apporte parfois plus que les rêves. J'ai hâte de découvrir les films de la Sélection. J’ai hâte de débattre, d’échanger, d’être secouée, de trouver l’inspiration dans la découverte du travail d’autres artistes."
Née en 1974, Nadine Labaki a aussi réalisé un des films à sketches de Rio, I Love you et plusieurs clips musicaux au Moyen-Orient. Elle a également été candidate aux élections municipales de Beyrouth. En tant qu'actrice on l'a vue dans ses deux premiers films mais aussi dans Rock the Casbah de Laïla Marrakchi, Mea Culpa de Fred Cavayé et La rançon de la gloire de Xavier Beauvois.
Elle a reçu de multiples prix au cours de sa carrière dont les prix du meilleur film et du public au Festival en Acadie, les prix du public aux Festival de Melbourne, Sarajevo et de Rotterdam, le prix de la mise en scène aux Asia Pacific Screen Awards (Capharnaüm), le prix du public à San Sebastian pour Caramel et Et maintenant on va où?, qui aussi récolté le convoité prix du public à Toronto.
A Beyrouth, de nos jours, une insulte qui dégénère conduit Toni (chrétien libanais) et Yasser (réfugié palestinien) devant les tribunaux. De blessures secrètes en révélations, l'affrontement des avocats porte le Liban au bord de l'explosion sociale mais oblige ces deux hommes à se regarder en face...
Un film multi-primé, depuis Venise jusqu'aux Oscars : Le nouveau film de Ziad Doueiri a d'abord été découvert en compétition lors du festival de Venise et, déjà, il n'a pas laissé indifférent. Le jury a choisi de le porter au palmarès en lui attribuant la Coupe Volpi du meilleur acteur pour Kamel El Basha. A noter d'ailleurs que ce prix aurait tout aussi bien pu être attribué à l'autre personnage principal, interprété par Adel Karam. En fait l'ensemble du casting est remarquable: Rita Hayek, la femme enceinte, ou Camille Salameh l'avocat... L'insulte a ensuite été remarqué aux festivals de Toronto, Telluride, Vienne, jusqu'à être retenu parmi les 5 films nommés à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Il représente le Liban, mais c'est bien une coproduction française.
Les séquelles d'une difficile réconciliation après un conflit : Le scénario démarre par une petite histoire pour aborder une plus grande Histoire, une banale dispute et une insulte entre deux hommes à propos d'un chantier amène une bagarre puis un procès médiatique qui deviendra politique en évoquant les conséquences d'une guerre au Liban (qui est toujours en conflit avec Israel) : des réfugiés palestiniens seraient coupables de différentes choses à l'encontre des libanais chrétiens. Toutefois il n'est pas nécessaire d'être calé en géopolitique pour suivre le film, celui-ci apporte des informations au fur et à mesure jusqu'au procès. D'ailleurs, pour l'essentiel, il ne s'agit pas de prendre parti pour un camp ou l'autre puisque justement le délicat sujet du film est plutôt de cicatriser le passé.
La mécanique absurde d'un fait-divers qui devient une affaire d’Etat : "Quand les mots vont trop loin, il faut s’attendre à une réaction" : tout commence entre un garagiste et un contremaitre pour une bête histoire de corniche à modifier. Cela dégénère en un pugilat privé puis est amplifié jusqu'à un procès public et médiatique. C'est presque une farce, mais dramatiquement réaliste. Tout l'enjeu est de présenter des excuses à l'autre après une insulte, soit reconnaître d'avoir tort ou raison après une agression. Une simple question de principes devient un symbole politique puisqu'il y a eu attaque et défense. Ici l'insulte révèle une rancune entre plusieurs communautés. Comment vivre ensemble après une guerre ? Le film ne cherche pas à répondre à cette question mais fait le constat d'un pays fracturé qui a de plus en plus de mal à maintenir sa cohésion. Bref, une belle parabole politique.
Pas de Cate Blanchett (incompréhensible) aux côtés de Rooney Mara. Pas de Sorrentino ni de Moretti (favori de la critique française). Pas de Jia Zhang-ke. Bref, comme toujours, il y a de gros oublis, des choix étranges dans le classement, et même des injustices. On se félicitera de quelques récompenses pour The Lobster, Vincent Lindon (enfin!), Hou Hsiao-hsien, le premier film de Laszlo Nemes... Le cinéma français est arrivé en force ce soir. Le jury des frères Coen a surtout donné une tonalité socio-politique à son palmarès: l'immigration et les cités chez Audiard, les camps de concentration chez Nemes, la diplomatie plutôt que la guerre chez HHH, les chômeurs et précaires chez Brizé, la fin de vie chez Franco.
Trois parcours romanesques ont pu quand même séduire les jurés: dans un monde dicté par des normes tyrannique, on cherche le grand amour chez Lantimos, l'amour est transgressif et pudique chez Haynes, passionnel et douloureux chez Maïwenn.
Mais ce qu'on retiendra de cette 68e édition, c'est l'absence d'un très grand film et la multiplication de bons films aux regards acérés et esthétiques assumés. Quitte à prendre de forts risques qui ont souvent divisé les festivaliers.
Abboudi Abou Jaoudé est un cinéphile pur et dur. Dans son sous-sol de Beyrouth, il a entassé 20 000 affiches de 5 000 films, certaines remontant aux années 30. Il a probablement la plus grande collection de posters de films libanais mais aussi de précieuses raretés syriennes, irakiennes, et surtout égyptiennes.
Cet éditeur du quartier d'Hamra regrette le temps où les dizaines de cinéma de la capitale libanaise lui permettait de manquer la messe du dimanche. Il a débuté sa collection dans les années 50 : des affiches aux couleurs vives conçues par des artistes de l'époque offrent l'occasion d'un voyage en arrière et reflètent les différents styles et cultures populaires du siècle dernier. On revoit ainsi les stars d'une époque : Fairouz, Sabah, Samira Toufic, Chams el-Baroudi et Abdelhalim Hafez
Sa plus ancienne est celle du film égyptien de 1933, Al Warda al-Baydaa (La Rose Blanche). La plus vieille affiche d'un film libanais remonte à 1958, Al Shams La Tagheeb (Le soleil ne se couche jamais). A travers cette collection, il remarque que le monde arabe est devenu conservateur et censurerait la plupart, où des actrices peu vêtues posaient avec provocation pour aguicher le spectateur.
Depuis les années 70, il voyage à travers le Moyen Orient pour enrichir sa collection, qui comprend aussi des films occidentaux comme Les temps modernes de Charlie Chaplin. Un patrimoine inestimable aujourd'hui pour comprendre le cinéma arabe. Il souhaiterait créer un institut pour les entreposer, et surtout les préserver. L'ambassade de France envisage de l'aider en finançant une partie de ce projet.