Cannes 2016: les prétendants asiatiques, océaniques et africains

Posté par vincy, le 5 mars 2016

Queen of Katwe mira nair lupita nyong'o

Deuxième liste des prétendants pour le Festival de Cannes 2016. A moins de deux mois du Festival, faisons un point sur les films qui pourraient être sur la Croisette. C'est sans doute la liste la plus imparfaite tant il difficile de savoir d'où nous sommes l'état de production des films dans certains pays comme la Chine, l'Iran ou l'Inde. Mais il est sûr qu'avec la sélection officielle (compétition, hors compétition, un certain regard) et les sections parallèles (Quinzaine des réalisateurs, Semaine de la critique), certains des grands auteurs auront un ticket pour la Côte d'Azur, à moins que les producteurs préfèrent aller sur la lagune de Venise.

- Eternité, de Tran Anh Hung, avec Audrey Tautou, Bérénice Bejo et Mélanie Laurent
- Under the Shadow, de Babak Anvari, avec Narges Rashidi, Avin Manshadi et Bobby Naderi
- The Sense of an Ending, de Ritesh Batra, avec Michelle Dockery, Charlotte Rampling, Emily Mortimer
- Fleur d'Alep, de Ridha Behi, avec Hend Sabry, Hichem Rostom et Badis Behi
- Strategies (Oppenheimer Strategies), de Joseph Cedar, avec Richard Gere, Lior Ashkenazi et Michael Sheen
- Luomandike xiaowang shi, de Er Cheng, avec Zhang Ziyi et Tadanobu Asano
- Diamond Island, de Davy Chou
- Lion, de Garth Davis, avec Rooney Mara, Nicole Kidman, Dev Patel
- Rhaees, de Rahul Dholakia, avec Shah Rukh Khan, Nawazuddin Siddiqui et Farhan Akhtar
- Forushande, d'Asghar Farhadi, avec Shahab Hosseini et Taraneh Alidoosti
- Harmonium, de Koji Fukada, avec Tadanobu Asano et Kanji Furutachi
- Gokseong, de Hong-jin Na, avec Woo-hee Chun, Jeong-min Hwang et So-yeon Jang
- After the Storm, de Hirokazu Kore-Eda, avec Kirin Kiki, Hiroshi Abe et Sôsuke Ikematsu
- La femme de la plaque argentique, de Kiyoshi Kurosawa, avec Tahar Rahim, Olivier Gourmet et Mathieu Amalric
- Gita, de Masoud Madadi, avec Merila Zare'i, Hamid Reza Azarang et Sara Bahrami
- Terra Formars, de Takashi Miike, avec Rila Fukushima, Rinko Kikuchi, Kane Kosugi
- Queen of Katwe, de Mira Nair, avec Lupita Nyong'o et David Oyelowo
- Beyond the Known World, de Pan Nalin, avec David Wenham, Emmanuelle Béart et Chelsie Preston Crayford
- Agassi (The Handmaid), de Park Chan-wook, avec Jung-woo Ha, Min-hee Kim et Jin-woong Jo
- A mon âge je me cache pour fumer, de Rayhana
- Ikari, de Sang-il Lee, avec Ken Watanabe, Ken'ichi Matsuyama et Aoi Miyazaki
- Wolf and Sheep, de Shahrbanoo Sadat
- Berlin Syndrome, de Cate Shortland, avec Teresa Palmer, Max Riemelt, Matthias Habich
- Detour, de Christopher Smith, avec Emory Cohen, Bel Powley et Tye Sheridan
- Saam Yan Hang, de Johnnie To, avec Louis Koo, Wei Zhao, Wallace Chung
- Crouching Tiger, Hidden Dragon: Sword of Destiny, de Woo-Ping Yuen, avec Donnie Yen, Michelle Yeoh et Harry Shum Jr.
- The Great Wall, de Zhang Yimou, avec Matt Damon, Willem Dafoe, Pedro Pascal
- The Ferryman, de Jiajia Zhang, avec Angelababy, Wei Tang, Ji-hyun Jun

Catherine Deneuve honorée au Festival de Dubai

Posté par vincy, le 8 décembre 2015

Catherine Deneuve recevra un prix honorifique pour l'ensemble de sa carrière lors du 12e Festival international du film de Dubai (9-16 décembre). L'hommage sert à récompenser une "carrière illustre qui s'étend sur près de 60 ans et comprends plus de 120 films" explique le communiqué. "Catherine Deneuve est une icône et l'une des femmes les plus influentes du cinéma. Sa contribution au cinéma mondial a été phénoménale et nous sommes fiers d'honorer ses talents incroyables" s'enthousiasme Abdulhamid Juma, directeur de l'événement. L'actrice française a a souligné qu'elle a été chanceuse de travailler dans le monde entier et de voir que son "travail reconnu au Moyen-Orient est comme une preuve que le cinéma est multiculturel et universel".

Catherine Deneuve vient de recevoir un prix équivalent, le 29 novembre, au festival du film d'Antalya en Turquie. Lors de sa 52e édition, le plus grand festival turc de cinéma avait diffusé Le tout nouveau testament, Les parapluies de Cherbourg et Indochine.

Dubai avait auparavant honoré des artistes comme Omar Sharif, Sean Penn, Shah Rukh Khan, Youssef Chahine, Rachid Bouchareb, Oliver Stone, Terry Gilliam. Cette année, les acteurs Ezzat Al Alayli, Naseeruddin Shah et  Sami Bouajila recevront aussi un prix honorifique et Jake Gyllenhaal recevra le Prix Variety "Star internationale de l'année".
Le Festival projettera, entre autres, Spotlight de Tom MacCarthy, Mustang, El Clan de Pablo Trapero, Truth avec Robert Redford et Cate Blanchett, Dheepan, Palme d'or, Room, prix du public à Toronto, Cemetery of Splendour, Francofonia d'Alexander Sokurov, les Suffragettes, 1001 Inventions and the World of Ibn Al-Haytham, court métrage qui fut aussi le dernier film avec Omar Sharif, le dernier Naomi Kawase, Asphalte de Samuel Benchetrit ou encore Sunset Songs de Terence Davies.

Bouleversements aux festivals de Dubaï et Doha

Posté par vincy, le 3 juin 2013

dubaï et dohaA force de rivaliser en projets culturels, les Emirats du Moyen-Orient en sont venus à se faire une trop féroce concurrence. Abu Dhabi, Dubaï et Doha proposaient chacun un Festival de cinéma avec des ambitions internationales.

Ce lundi 3 juin, le Festival International du Film de Dubaï a annoncé un partenariat avec le Festival Biarritz Amérique Latine. "Ce partenariat est le premier du genre pour le DIFF, et prend la forme d’un échange dans lequel chacun des festivals offre un espace de diffusion à des films sélectionnés" indique le communiqué.

Biarritz accueillera un film arabe lors de sa prochaine édition (30 septembre-6 octobre) et sélectionnera un producteur latino-américain intéressé par des projets de coproduction avec le monde arabe. Le producteur choisit sera invité au DIFF’s Dubai Film Connection project market ainsi qu’au Marché du Film de Dubaï lors de l’édition 2013. Le DIFF a été créé en 2004 et la prochaine édition se déroulera entre le 6 et le 14 décembre.
Par ailleurs, Dubaï incluera 10 films projetés lors de l’édition 2013 du Festival Biarritz Amérique Latine au Cinetech, vidéothèque en ligne qui fournit aux vendeurs, aux producteurs et autres professionnels un accès à des centaines de films depuis un même terminal.

A Cannes, c'est le Festival de Doha (Qatar) qui a décidé de remettre tout à plat. Désormais, le Doha Film Institute se concentrera sur les premiers et deuxièmes films. Après son divorce avec le festival de Tribeca, Doha a fait appel au cinéaste palestinien Elia Suleiman comme conseiller artistique. Premiers effets : l'évènement de décembre n'aura plus lieu et sera remplacé par le Qumra Film Festival en mars. Ce nouveau festival, de 8 jours, dédié aux jeunes cinéastes, sera accompagné d'un marché. L'objectif est de faire émerger de nouveaux talents. Parallèlement, le Doha Film Institute lancera le Ajyal Film Festival for the Young, en novembre. Ce festival ciblera le public familial et aura un rôle d'éducation à l'image pour la jeunesse. Ajyal prend comme modèle le Festival de Giffoni en Italie.

Quant au Festival d'Abu Dhabi, créé en 2007, il aura lieu avant tous les autres, du 24 octobre au 2 novembre, proposant une compétition pour les films de la région du Golfe et une présentation de films internationaux. Délesté de la concurrence de Dubaï et Doha, il pourrait ainsi devenir le véritable grand festival du Moyen-Orient.

Moyen-Orient (4/4) : Abboudi Abou Jaoudé dispose d’un trésor de 20 000 affiches de films…

Posté par vincy, le 17 juillet 2010

Abboudi  Abou Jaoudé affiches de filmsAbboudi Abou Jaoudé est un cinéphile pur et dur. Dans son sous-sol de Beyrouth, il a entassé 20 000 affiches de 5 000 films, certaines remontant aux années 30. Il a probablement la plus grande collection de posters de films libanais mais aussi de précieuses raretés syriennes, irakiennes, et surtout égyptiennes.

Cet éditeur du quartier d'Hamra regrette le temps où les dizaines de cinéma de la capitale libanaise lui permettait de manquer la messe du dimanche. Il a débuté sa collection dans les années 50 : des affiches aux couleurs vives conçues par des artistes de l'époque offrent l'occasion d'un voyage en arrière et reflètent les différents styles et cultures populaires du siècle dernier. On revoit ainsi les stars d'une époque : Fairouz, Sabah, Samira Toufic, Chams el-Baroudi et Abdelhalim Hafez

Sa plus ancienne est celle du film égyptien de 1933, Al Warda al-Baydaa (La Rose Blanche). La plus vieille affiche d'un film libanais remonte à 1958, Al Shams La Tagheeb (Le soleil ne se couche jamais). A travers cette collection, il remarque que le monde arabe est devenu conservateur et censurerait la plupart, où des actrices peu vêtues posaient avec provocation pour aguicher le spectateur.

Depuis les années 70, il voyage à travers le Moyen Orient pour enrichir sa collection, qui comprend aussi des films occidentaux comme Les temps modernes de Charlie Chaplin. Un patrimoine inestimable aujourd'hui pour comprendre le cinéma arabe. Il souhaiterait créer un institut pour les entreposer, et surtout les préserver. L'ambassade de France envisage de l'aider en finançant une partie de ce projet.

Moyen-Orient (3/4) : la Syrie cherche à dynamiser son cinéma

Posté par vincy, le 29 juin 2010

La Syrie n'est pas, dans nos esprits, un pays très libre. Pourtant, l'Etat souhaite que le secteur privé s'engage davantage dans le développement du cinéma, à l'instar de ce qu'il a fait pour les feuilletons télévisés, qui remportent un grand succès dans le monde arabe.

De nombreuses mesures ont été prises pour favoriser le financement non étatique. L'Organisation nationale du cinéma (ONC), dirigée par Mohammad al-Ahmad,  est le seul organisme produisant des films dans le pays. Mais dorénavant, la promotion du cinéma relève du secteur privé. L'Etat est accusé d'avoir tué le cinéma syrien, alors que les sociétés de productions ont "boosté" les séries TV (une cinquantaine  de séries est produite par an, contre quelques unes quand l'Etat en avait la charge).

L'ONC, avec un budget qui dépasse difficilement le million d'euros, ne finance en effet que deux longs métrages par an, et quelques documentaires, en plus d'organiser le festival de cinéma de Damas. Le festival, qui se déroule en novembre, a été créé en 1979, mais n'en est qu'à sa 18e edition.

Par conséquent, l'Etat a prévu des exemptions d'impôts sur cinq ans afin d'encourager les réalisateurs et les propriétaires de salles de cinémas à acheter de nouveaux matériels, à importer des films et à construire des salles. Pourtant rien ne bouge, hormis l'ouverture récente d'un complexe comprenant deux cinémas, des restaurants et une librairie, baptisé "CinemaCity"  à Damas. Une première en 25 ans dans un pays qui compte 36 salles pour 22 millions d'habitants. Un gouffre comparé aux 158 salles présentes dans les années 60.

Pour les cinéastes, le problème est ailleurs : la censure est encore trop présente, empêchant des films primés à l'étranger d'être diffusés dans leur pays, et l'ONC devrait disposer de trois fois plus de fonds pour pouvoir aider les producteurs.

Si dans la première moitié des années 2000, on a cru une renaissance du cinéma syrien, elle s'est rapidement ensablée. Bien sûr quelques films sont primés dans les festivals de Marrakech, Dubaï ou du Caire.  Mais les grands festivals n'ont rien sélectionné depuis plusieurs années. Le dernier grand succès syrien à l'étranger est Passion (en 2005) de Mohamed Malas, par ailleurs en compétition au FFM de Montréal.

Moyen-Orient (1/4) : le cinéma essaie de se faire une place

Posté par vincy, le 1 juin 2010

kick off shawkat amin korki the city of life ali moustafaEn avril se tenait le Festival du film du Golfe, à Dubaï. A ne pas confondre avec le Festival International du film de Dubaï qui se déroule en décembre.

Là, 112 films de la péninsule arabique, incluant l'Irak, ont été projetés lors de cette troisième édition. Une gageure tant le cinéma a longtemps été incompatible avec les dogmes religieux imposés par la plupart des Etats. En Arabie Saoudite, les salles de cinéma sont même interdites et les festivals de cinéma sont annulés par le gouvernement (voir aussi actualité du 9 août 2009).

A l'inverse, l'Irak a longtemps eu un cinéma dynamique. Pas étonnant que 9 des 13 prix décernés lors de la manifestation aient récompensé des films irakiens, avec le premier prix du long métrage pour Kick Off, de Shawkat Amin Korki. Le film évoque la vie des réfugiés dans le Kurdistan irakien.

Au total sept longs métrages de fiction étaient en compétition, venus d'Arabie Saoudite (Hidden Evil, de Mohammad Helal), de Bahrein (The Last days of Yousif, de Mohammed Janahi et Longing, de Hussein Al-Hulaybi), d'Irak (Tungled Up in Blue, de Haider Rashid) ou des Emirats Arabes Unis (The Curse of the Devil, de Maher Al-Khaja)

Parmi l'ensemble de la programmation, le Festival a permis de distinguer des cinémas méconnus : le réalisateur Émirati Ali Moustafa (La cité de la vie, allégorie sur le métissage de Dubaï à travers trois personnages, un Émirati, une Européenne et un Indien, prix spécial du jury) ; la cinéaste Saoudienne Reem al-Bayyat (La poupée, sur le mariage forcé des adolescentes) ; sa jeune collègue Omanaise Muzna al-Musafir (Niqab, mettant en scène une femme voilée qui se prépare à un rendez-vous amoureux, 2e prix dans la catégorie court métrage documentaire étudiant) ; ou encore les étudiantes Émiraties Maitha Hamdan et Maryam ben Ali qui ont montré sous forme documentaire le problème de dot lors des mariages.

Cinéma émergeant, au regard singulier, toujours un peu trop cloisonné, il n' a pas encore la chance de se propager dans le monde. En France, les cinéphiles ont parfois accès à des films Syriens ou Irakiens. Selon le cinéaste marocain Jillali Ferhat, président du jury du Festival, "les idées sont là, même s'il n'y a pas encore assez de maîtrise des outils cinématographiques, notamment le montage et les dialogues."

Le Festival a rendu hommage à l'acteur  Irakien Khalil Shawki, à l'actrice Émiratie Raziqa Al Tareshand et à la star koweitienne Hayat Al Fahad. Deux focus étaient dédiés au vidéaste français François Vogel et au cinéma bulgare.

67 pays au départ pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère

Posté par vincy, le 20 octobre 2008

Il sont 67 pays au départ. Un record pour viser une des cinq nominations à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, avec pour la première fois l'entrée de la Jordanie dans la liste.

Depuis une dizaine d'années, notamment avec l'inflation du nombre de pays dans le monde, les Oscars enregistrent un chiffre croissant dans cette catégorie où un pays ne peut présenter qu'un seul film. Le Luxembourg est ainsi l'égal de la Chine, l'Inde ou la France. Pour l'instant l'Italie reste le pays le plus oscarisé avec dix statuettes, devant la France (neuf).

On note que la plupart des pays ont placé leur sélectionné du festival de Cannes. Preuve de l'hégémonie du festival sur la planète "art & essai". C'est le cas de Léonéra (Argentine), Eldorado (Belgique), Tony Manero (Brésil), Premières neiges (Bosnie), Entre les murs (France), Valse avec Bashir (Israel), Gomorra (Italie), Tulpan (Kazakhstan), La nouvelle vie de mr O'Horten (Norvège), My Magic (Singapour), Blind Loves (Slovaquie), Les trois singes (Turquie). En revanche, la Hongrie et les Philippines ont préféré un autre film que celui qui les représentaient sur la Croisette.

Les nominations seront annoncées le 22 janvier 2009.

Voici la liste complète :

Afghanistan : Opium War, Siddiq Barmak; Albanie : The Sorrow of Mrs. Schneider, Piro Milkani et Eno Milkani; Algérie : Mascarades, Lyes Salem; Allemagne : La bande à Baader, Uli Edel ; Argentine : Léonéra, Pablo Trapero; Autriche : Revanche, Gotz Spielmann ; Azerbaijan : Fortress, Shamil Nacafzada; Lire le reste de cet article »

Youssef Chahine, fils du Nil, s’en va… (1926-2008)

Posté par vincy, le 27 juillet 2008

chahine.jpgSes Pyramides et sa signature introduisaient tous les films de son distributeur français, Pyramide. Youssef Chahine, le plus grand cinéaste d'Egypte, et sans doute l'un des plus grands du monde arabe, vient de mourir, le 27 juillet, des suites d'une longue maladie, à l'âge de 82 ans. Une hémorragie cérébrale l'avait plongé dans le coma depuis plusieurs semaines.

Né le 25 janvier 1926 à Alexandrie, il étudiera le cinéma en Californie juste après la seconde guerre mondiale. Il réalise son premier film, Papa Amin, en 1950. Son dernier, Chaos, a été produit en 2007.

Dès 1951, il entamera une grande histoire d'amour avec le Festival de Cannes (six sélections). Si Berlin lui offre un Ours d'argent pour Alexandrie, Pourquoi ? (1978), c'est avec Le destin (1997) qu'il atteindra sa reconnaissance mondiale quand la présidente du jury, Isabelle Adjani, lui remettra le prix du 50e anniversaire du Festival de Cannes pour l'ensemble de son œuvre. Ce film, aux allures de fresque populaire, est inspiré de la vie du philosophe arabe (et tolérant) Averroès. Chahine, très fortement engagé politiquement, n'avait pas pu empêcher la censure de son film dans son propre pays. Le destin dénonce justement l'intégrisme et les conséquences de l'ignorance et de l'aveuglement. A l'époque, nous écrivions sur "cette poésie optimiste et révoltée" : "Ce film plein de vie bascule entre l'exubérance des sages, et la dureté froide des puissants. N'y cherchons aucune fidélité historique dans les paysages, retenons juste l'universalisme des messages, et fatalité des visages."
Notablement opposés au régime d'Hosni Moubarak, perpétuel président égyptien, mais surtout aux islamistes et aux fanatiques, rêvant d'un monde arabe éclairé et démocratique, ses films heurtaient la censure et provoquaient des embrasements dans son pays. Youssef Chahine dénonçait la bêtise et l'impasse de l'intégrisme.

Surtout ses films faisaient preuve, malgré, parfois, le manque de moyens, d'une véritable audace dans la forme, et surtout d'une fraîcheur revigorante. Il aimait les mélos et les musiques, flirtant ainsi avec un côté Bollywood dans certaines de ses œuvres. A l'instar de ces chanteurs de variété qui collent des rythmes dansants sur des textes graves... Cela ne l'empêchait pas de faire de grandes reconstitutions historiques (Adieu Bonaparte). De ses quarante films qui évoquent l'Egypte sous toutes ses coutures, de la misère à l'indépendance politique, on retiendra surtout sa trilogie autobiographique, tel un roman sur une Egypte disparue, d'avant guerre : Alexandrie, pourquoi ? (1978), La mémoire (1982) et Alexandrie encore et toujours (1989).

Figure de proue du cinéma égyptien, Youssef Chahine était davantage reconnu à l'étranger que dans son propre pays. La télévision égyptienne n'a fait que le strict minimum lors de l'annonce de sa mort, passée en deuxième plan dans la hiérarchie des informations. Il avait pourtant eu les honneurs d'une rétrospective complète à Locarno en 1996. Il avait même mis en scène Caligula d'Albert Camus à la Comédie Française en 1992.

Mythe du monde du cinéma arabe, marié à une française, honni par les "censeurs" de son pays, les artistes égyptiens n'ont pas hésité à louanger Chahine, rappelant qu'il avait découvert l'autre monstre sacré du cinéma égyptien : Omar Sharif. Il l'avait fait jouer dans Les eaux noires (1952). Il avait aussi magnifié Dalida peu de temps avant sa mort dans Le sixième jour (1986).

"Un cinéaste du tiers-monde n'est jamais assez engagé", racontait-il en 2007 dans Le Monde. "Chaque fois qu'il fait un film, il écrit trois scénarios: l'histoire qu'il veut raconter, l'éloge du gouvernement qui le commandite et le combat qu'il mène contre les adversaires politiques."

Espérons qu'il ait des héritiers, en Egypte et ailleurs...