Le Festival des cinémas d’Asie de Vesoul célèbre en fanfare son 25e anniversaire

Posté par kristofy, le 5 février 2019

Le FICA de Vesoul va ouvre une nouvelle fois ses portes ce 5 février jusqu'au 12 février : cette année le Festival International des Cinémas d'Asie de Vesoul va fêter (déjà) son 25ème anniversaire et, pour l'occasion, il sera inauguré par le ministre de la Culture, Franck Riester.

Cette année le président du jury international est de réalisateur de Singapour Eric Khoo, deux fois sélectionné à Cannes et dont le dernier film était en salles La saveur des ramens en octobre dernier. En plus des nouveaux films en compétition et des diverses Vesoul va présenter dans une section Japonisme une quinzaine de films à (re)découvrir pour leur influence sur le 7e art, et rendre un hommage à l'immense actrice Hiam Abbass.

C'est le plus ancien festival asiatique, et le seul de cette ampleur. Il attire plus de 30 000 spectateurs dans ses multiples salles de projections, avec presque une centaine de films chaque année. Le FICA de Vesoul est ainsi devenu la première manifestation cinématographique asiatique de France, tant en nombre de films que de spectateurs, et même l'un des dix plus importants festival de cinéma en France. «Il a fallu s'adapter au terrain, tisser des liens de confiance, constituer une équipe... Car un festival, c'est aussi une équipe fidèle : les projectionnistes, les photographes, les chauffeurs, ceux qui s'occupent des plannings... Tous participent à l'âme du FICA. » expliquent les organisateurs.

À l'origine de la création de cette manifestation en 1995, Martine et Jean-Marc Thérouanne ont fait de ce festival un rendez-vous incontournable pour les amateurs de cinéma asiatique, des rives de la Méditerranée à la mer de Chine, de l'Océan indien aux steppes de Sibérie. Au fil de ces 25 éditions Vesoul a accueilli des cinéastes majeurs comme Kore-Eda Hirokazu, Hou Hsiao-Hsien, Im sang-soo, Brillante Mendoza, Wang Chao, Jia Zhang-Ke, Stanley Kwan, Wang Xioshuai, Garin Nugroho, Eugene Domingo, Jocelyne Saab, Tran Anh Hung...

La convivialité et l'esprit de découverte ont toujours animé le festival : pour l'ancien membre du jury Li Yang (et réalisateur de Blind shaft et Blind mountain): "C’est bien mieux que dans les grands festivals, ici il n’y a pas tout le cirque autour du show-business…". Selon Mohsen Makhmalbaf (invité d’honneur en 2009) "d’habitude, dans les festivals, il y a beaucoup de monde devant la porte pour voir passer les stars et peu à l’intérieur. Ici, c’est le contraire : les salles sont pleines! En général, c'est un signe qui ne trompe pas." La curiosité ancrée dans l'identité de Vesoul qui place la découverte et la singularité au cœur de ses programmations, en privilégiant les cinématographies atypiques tout comme des premiers films.

Inédits et invisibles

« Si l’une des missions du FICA de Vesoul est de mettre à l’honneur les films totalement inédits de futurs talents de demain dans les sections compétitives, elle est aussi de faire connaître et reconnaître des cinématographies peu ou mal connues. Proposer une rétrospective implique pendant plusieurs années l’étude de l’histoire du cinéma et de l’histoire du pays souvent intimement mêlées, le visionnement de centaines de films, des déplacements et des contacts sur place, l’aide à la restauration de certaines copies, la traduction et la création de sous-titres en français… » rappellent les fondateurs.

C’est une des spécificités du Festival de Vesoul : aller dénicher des films inédits, et même des films devenus invisibles. Les Cinémas d'Asie sont ici à découvrir au sens géographique : outre bien sûr les pays phares comme le Japon, La Chine, La Corée du Sud, etc ; on y a programmé des rétrospectives uniques en provenance du Skri-Lanka, de Georgie, des Philippines, du Vietnam, d'Indonésie par exemple. Autant de cinéphilies oubliées. Et le public répond présent de plus en plus nombreux chaque année. « Nous avons donné le goût du cinéma asiatique à des gens qui n'auraient jamais pensé aller voir ce genre de films »

600000 asiatophiles

Déjà 25 années que le Festival de Vesoul fait rayonner en France les diverses cultures asiatiques, et mêmes au delà de l'Europe où certaines rétrospectives sont demandées ailleurs. Certains films, restaurés, redeviennent même visibles dans leurs pays d'origine. Ces 25 années sont synonymes de 1600 films, 550 personnalités de cinéma invitées, 600000 spectateurs. Avant de souffler ces 25 bougies les créateurs du Festival Martine et Jean-Marc Thérouanne ont reçu fin 2018 le 23e Korean Cinema Award, qui honore chaque année une personnalité du monde du cinéma lors de la cérémonie d'ouverture du Festival de Busan en Corée du sud (le plus grand festival d'Extrême Orient), pour couronner une vie dédiée à la connaissance et au partage des cinémas d’Asie, et plus particulièrement du cinéma coréen.

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25e Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul

Du 5 février janvier au 12 février 2019
Informations pratiques sur le site de la manifestation

Vesoul 2015 : Wang Chao président du jury

Posté par MpM, le 13 janvier 2015

fica2015C'est donc Wang Chao qui succèdera à Brillante Mendoza en tant que président du jury international du 21e Festival international des Cinémas d'Asie de Vesoul.

Le cinéaste chinois, qui est un habitué de Cannes (L’orphelin d’Anyang, Voiture de luxe...), présentera en avant-première son dernier long métrage, Fantasia. C'est par ailleurs son très beau thriller amoureux, Memory of love, qui clôturera cette 21e édition.

Pour décerner le Cyclo d"or, Wang Chao sera accompagné de Laurice Guillen (actrice et réalisatrice philippine, actuellement présidente du Festival Cinemalaya de Manille), Mohammad Rasoulof (réalisateur iranien) et  Prasanna Vithanage (réalisateur sri lankais).

Le FICA 2015, dont on connaîtra bientôt la programmation complète, se tiendra du 10 au 17 février.

Vesoul : les films en compétition et le Palmarès

Posté par kristofy, le 4 février 2010

FICA palmarès

Durant ce 16ème Festival international des Cinémas d’Asie, on pariait sur l’un ou l’autre des neuf films inédits en compétition. Lequel recevrait le Cyclo d’Or du jury présidé par le réalisateur taïwanais Wan Jen ?

Ce sont en fait deux films ex-aequo qui ont remporté cette récompense, un fait rare dans l’histoire du FICA, qui peut être vu comme le signe d’une sélection de haute tenue. Cependant, les membres des différents jurys n’ont semble-t-il pas réussi à se mettre d’accord entre eux puisqu’ils ont accordé des coups de cœur et mention spéciale. Ayant pu voir 8 films en compétition (sur 9), ce sont en fait véritablement les 4 meilleurs films qui ont été remarqués par le jury international, dont voici le palmarès :

Cyclo d’or (ex-aequo) 
Cow de Guan Hu (Chine) et No Puedo Vivir Sin Ti de Leon Dai (Taiwan)

Grand Prix du jury
The Damned Rain de Satish Manwar (Inde)

Mention spéciale du jury
Animal Town de Jeon Kyu-hwan (Corée du sud)

Retour sur les 4 principaux primés

Cow était peut-être le filmCyclo le plus commercial parmi cette sélection de films d’auteur, Cow montre en effet une esthétique proche des films à gros budget. Un villageois simplet est chargé de s’occuper d’une vache étrangère monstrueuse pendant une bataille qui va dévaster son village. Avec ce duo étrange, le film évoque toute la brutalité et l’absurdité d’une guère avec du spectaculaire et de l’humour.

No Puedo Vivir Sin Ti raconte en noir et blanc le combat d’un marginal vivant de petites combines qui voudrait inscrire sa fille à l’école. Il n’avait plus de nouvelles de la mère depuis des années mais il apprend que bien qu’il soit le père, il n’est pas reconnu comme le responsable légal de la fillette. Il est envoyé de bureau en bureau sans succès, à bout de cette situation ubuesque il va alors menacer de se suicider. Cette histoire d’un homme qui ne rentre dans aucune case administrative est un drame émouvant et élégant qui est logiquement primé.

The Damned Rain s’intéresse à une femme qui commence à s’inquiéter pour son mari et va faire en sorte qu’il soit toujours accompagné de sa mère ou de son fils pour éviter qu’il ne soit un moment seul. Quelques situations cocasses vont laisser place aux difficultés de cultiver la terre (labourer, semer, traiter, récolter, vendre, transporter…). On mesure le déséquilibre entre les dettes énormes et le petit bénéfice aléatoire. Une fiction qui a valeur de témoignage sur les milliers d’agriculteurs qui se suicident chaque année.

Animal Town était le film le plus fragile car il n’a pas encore été vraiment distribué dans aucun pays, mais il est remarqué dans chacun des quelques festivals où il est vu. On suit les parcours de deux hommes solitaires qui vont se croiser. Un pédophile sorti de prison lutte pour se réinsérer avec un travail et contre ses pulsions tandis qu’un imprimeur néglige son travail et sombre dans le désespoir. C’est le second volet d’une trilogie sur le thème de ville, il s’agit de la ville qui blesse les gens et en même temps des gens qui blessent la ville.

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Vesoul : le cinéma Taiwanais d’après la Nouvelle Vague

Posté par kristofy, le 3 février 2010

cité des douleursPour poursuivre son regard sur le cinéma taïwanais, Vesoul propose de revoir certains films des pionniers de la Nouvelle Vague taiwanaise (qui s’est arrêtée en 1987)  et même d’en découvrir certains qui n'ont jamais été diffusés en France.

Ainsi sont programmés deux films d'Edward Yang (Yi Yi et Ce jour-là sur la plage, film de 1983 resté inédit en France) ainsi que La cité des douleurs de Hou Hsiao Hsien qui revient sur la période entre le départ des japonais de Taïwan et le début de la loi martiale chinoise. Ce dernier,  malgré son Lion d’Or à Venise en 1989, avait disparu de la circulation. Une nouvelle copie a donc dû être refaite pour que le film puisse être projeté à Vesoul.

Les festivaliers ont également pu (re)voir Betelnut Beauty (Ours d’argent à Berlin en 2001) et Murmures de la jeunesse (à Cannes en 1997) de Lin Cheng-Sheng, Blue gate crossing de Yee Chih-Yen, Goodbye Dragon Inn de Tsai Ming-Liang et Lust Caution (Lion d’Or à Venise en 2007) de Ang Lee. Deux autres films tirés de la sélection ont retenu notre attention : Hidden whisper et God man dog.

Portrait de femmes et film choral

Hidden Whisper est le premier long-métrage de Vivian Chang en 2000, il était resté inédit en France. On y remarque déjà le joli visage d’une actrice qui allait être reconnue plus tard en occident : la belle Shu Qi. Une petite fille mendie la charité avec son père sur les marchés et au retour à la maison elle observe ses parents qui se disputent. La fillette supporte ce quotidien gris en le colorant  en fêtes dans des rêvasseries imaginaires. Une adolescente utilise les cartes d’identité de clientes de la boutique où elle travaille pour voler des vhs de films en location ou entrer dans des clubs où l’on sert de l’alcool, mais un jour elle rencontre un homme muet qui lui n’a plus d’identité après un accident de scooter. Une femme qui fuyait sa mère se rend compte deGod man dog son importance quand celle-ci risque de mourir dans un lit d’hôpital. Hidden Whisper montre différentes relations mère-fille avec trois portraits féminins à différents âges où on fait comme si on était quelqu’un d’autre.

God man dog est plus inégal, un film-choral avec aussi un récit éclaté entre différents personnages. On y croise un homme qui veut arrêter de boire après avoir fait souffert sa famille, un couple en crise va essayer de surmonter le décès de leur bébé, un conducteur de camion qui prend soin de divinités en statuettes doit trouver de l’argent pour une nouvelle jambe artificielle, deux jeunes filles profitent de leur corps (en faisant de la boxe, en posant pour des photos) pour gagner leur indépendance… La réalisatrice Singing Chen explique que "nous vivons dans un monde matérialiste où l’on donne un prix à toute chose. Ce ne sont pas les biens matériels ni la dévotion religieuse qui peuvent aider les protagonistes du film à trouver la paix intérieure".

Vesoul : le cinéma Taiwanais d’après-guerre et d’avant la Nouvelle Vague

Posté par kristofy, le 2 février 2010

Wan JenLe cinéma de Taiwan a été beaucoup conditionné par le pouvoir politique, d’abord l’occupation japonaise puis le gouvernement nationaliste chinois. Les films devaient être en mandarin et les paysages du pays servaient à situer des histoires en Chine ou ailleurs. C’est seulement à partir de 1955 que les films ont commencé à être produits en taiwanais.

Pour revenir sur cette histoire spécifique, Vesoul a choisi d’organiser un "Regard sur le cinéma taiwanais" qui comprend films récents (Nouvelle vague et post Nouvelle vague) et films anciens souvent inconnus en France. Une table ronde a par ailleurs réuni divers spécialistes comme le réalisateur Wan Jen (président du jury, en photo à gauche) ou Michel Lu, qui représente Taipei en France.

Quatre films en particulier (entre 1956 et 1976) ont été retrouvés pour être découvert lors du festival, choisis par Wafa Ghermani (en photo à droite), spécialiste du cinéma taïwanais, et qui résume ainsi cette démarche :

"L’idée de cette rétrospective est née l’année dernière, on parlait wafa ghermanide Nouvelle Vague taiwanaise mais c’était intéressant aussi de voir ce qui avait été fait avant. Ma mission était de trouver des films avec des particularités de cette période et de les faire découvrir ici à Vesoul.

Quand j’étais à Taiwan, les personnes que j’ai contactées étaient vraiment étonnées que l’on s’intéresse à ces vieux films. C’est nous qui avons fait les sous-titres. C’est très dur de retrouver une copie de ces films rares, il y a un que l’on n'a pu avoir que sous la forme d’une cassette Betamax de la part du cinéaste lui-même !"

Comédie, triangle amoureux et propagande...

Posterity and Perplexity est un film de Lee Hsing de 1976 qui n’avait jamais été vu auparavant en Europe. Il est typique des santing ou genre dit "des 3 salles", soit restaurant/salon/chambre à coucher par exemple, car pour l’essentiel l’histoire se déroule dans trois décors. Un couple de jeunes mariés n’arrive pas à avoir un enfant car la femme est stérile, mais la famille du mari exige de lui une descendance de leur chair. La solution serait alors que le mari fasse un bébé à une autre femme qui ensuite leur donnerait l’enfant. Et le choix se pose sur la meilleure amie de la femme qui est de plus devenue comme une sœur adoptive… Le mari a son cœur qui balance entre ses deux femmes qui vivent sous le même toit ! Donc il y a plus de trente ans à Taiwan on faisait une comédie sur un triangle amoureux en abordant déjà le sujet délicat d’une mère porteuse...

Le plus ancien des films de ce regard taiwanais est aussi le plus drôle Il s’agit de A journey to Gwan Shan réalisé par Wen Yi en 1956. C’est une des premières fois où le paysage local sert vraiment à représenter Taiwan et pas un autre pays, c’est aussi une première coproduction avec Hong-Kong. On y voit l’actrice Grace Chang qui est connue comme chanteuse. Un bus se retrouve bloqué sur une route à cause d’un éboulement, et les voyageurs vont se disperser sous la pluie dans le village voisin. Le groupe est assez disparate avec différents comportements, il y a un patron parvenu, un médecin alcoolique, une demoiselle aguicheuse, un ouvrier, une fille qui fuit sa mère qui réprouve son amoureux, un homme suicidaire et même un voleur de banque. Pendant que certains se démènent pour aider à dégager la route d’autres attendent en jouant aux cartes chez l’habitant. Différents intrigues se développent aux conséquences cocasses. Et même si tout se termine par un joyeux chant à l’allure de propagande ("c’est l’affaire de tout le monde de s’impliquer"), aujourd’hui on le voit comme une vraie comédie.

Vesoul qui est un lieu de découverte de nouveaux talents se donne aussi pour mission de montrer des films du patrimoine, et les festivaliers de remercier Wafa pour la découverte de ces films inédits.

Crédit photo : Michel Mollaret 

Vesoul 2010 : Omer Kavur et le visage de la Turquie

Posté par kristofy, le 1 février 2010

omerkavur.jpgLa 16ème édition du festival de Vesoul propose l’intégrale des films du réalisateur Omer Kavur, disparu il y a cinq ans, qui fût le chef de file (avec aussi d’autres comme Atif Yilmaz, Metin Erksan) du cinéma d’auteur en Turquie. Ses films abordent des sujets comme le doute identitaire, une incompréhension à communiquer avec les autres, le croisement de destinées, le temps qui passe et les souvenirs sont un de ses thèmes de prédilection. Omer Kavur a aussi étudié le cinéma à Paris et il a même été assistant d'Alain Robbe-Grillet. En 1986 son troisième film L’Hotel de la Mère Patrie est remarqué à Venise, ce qui lui ouvre les portes d’une reconnaissance internationale pour certains de ses films suivants.

Pour son film Le Visage Secret de 1991, Omer Kavur a travaillé le scénario en collaboration avec Orhan Pamuk, un écrivain qui fût récompensé plus tard en 2006 d’un prix Nobel de littérature. Suite à la demande d’une mystérieuse femme un photographe doit retrouvé un homme de l’une de ses photographies, mais après qu’elle ait croisé cet homme ils disparaissent. Le photographe va alors partir à le recherche de cette femme et aussi revenir dans son village… "Tout visage expressif raconte une histoire. Ce qui explique la tristesse des gens c’est leur incapacité à raconter leur histoire". Au bout de presque deux heures d’un récit assez énigmatique l’introspection du personnage principal donne sa clé.

La Turquie est aussi présente dans les films en compétition avec Des vies sans valeur de la réalisatrice Selda Cicek. Après un deuil particulièrement éprouvant la vie continue pour une famille qui nous fait apercevoir certains questionnements actuels des femmes. Une femme qui n’a jamais eu d’enfant ressent du rejet : un arbre sans fruit est maudit. Une autre femme enceinte n’est pas du tout enviée car elle attend une fille au lieu d’un garçon. Ce sont les questions d’une petite fille en particulier qui font ressortir une envie de changements. "Pourquoi une femme qui fume c’est un pêché ?... Il n’y a pas de pêchés pour les hommes." D’ailleurs un homme marié fréquente régulièrement sa maîtresse en imposant presque ce fait à son épouse. Enfin, un petit détail pas anodin autour du sous-titrage du film est que le mot Allah prononcé par un acteur est traduit par God en anglais et par Dieu en français.

Vesoul 2010 : un documentaire sur le festival en guise de miroir

Posté par kristofy, le 30 janvier 2010

frederic ambroisineComme toutes les belles histoires, celle de Vesoul commence par "il était une fois"… Il était une fois dans la ville de Vesoul en Franche-Comté deux professeurs et documentalistes, Martine et Jean-Marc Thérouanne, qui ont commencé à organiser un festival de cinéma dédié aux films asiatiques, puis les ont rejoint une troisième personne puis d’autres encore. Maintenant en 2010 c’est la 16ème édition du Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul, le FICA est reconnu au niveau international. Le 15ème anniversaire l’année dernière était l’occasion de filmer les coulisses du festival, et ces images sont devenues un documentaire projeté cette année.

C’est Frédéric Ambroisine (notre photo), journaliste et réalisateur de bonus dvd de films asiatiques, qui a réalisé ce documentaire FICA : du proche à l’extrême orient, soit un montage de plus d’une heure de la vie du festival de 2009. On y voit les organisateurs se souvenir des débuts qui était presque un ciné-club avec la conviction que la culture n’est pas réservée aux grandes villes ni à une élite intellectuelle.

Depuis le festival s’est développé et a changé de lieu, c’est environ 25 000 spectateurs en une semaine et 700 films qui ont été montré en 15 ans. On revoit certains temps forts de l’année dernière comme la venue du réalisateur Mohsen Makhmalbaf avec sa famille ou les échanges de points de vue entre les membres du jury jeunes. Le documentaire fait aussi la part belle aux passionnés bénévoles qui participent activement à son organisation.

On découvre Wafa Ghermani gère l’accueil des professionnels et qui fait la traductrice, Eugénie Zvonkine évoque la chance de pouvoir découvrir des films russophones ici, ou encore Anaïs qui conduit les invités en discutant avec eux dans la voiture, et même la directrice Martine Thérouanne qui vérifie un sous-titrage. Les différents cinéastes et acteurs invités sont heureux de la réelle proximité avec le public avec des échanges après les séances ou même des discussions autour d’un verre.

Vesoul est devenue capitale de l’Asie et souvent la première fenêtre européenne de distributions de certains films, dont certains ne peuvent même pas être vus dans leurs pays d’origine. Le réalisateur Frédéric Ambroisine avec ce documentaire FICA : du proche à l’extrême orient a réussi à synthétiser l’esprit de Vesoul, ce que Jean-Marc Thérouanne définit comme une recherche d’émotions collectives partagées.

Crédit photo : Christophe Maulavé

Vesoul 2010 : 3 questions au réalisateur indien Satish Manwar

Posté par kristofy, le 30 janvier 2010

Satish ManwarMême s'il ne figure pas dans la sélection "L'homme et la nature", The damned Rain (présenté en compétition) montre avec acuité comment l’homme dépend de la nature pour subvenir à ses besoins. Le réalisateur indien Satish Manwar s’intéresse en effet aux milliers d’agriculteurs qui se suicident chaque année. Dès le début du film, un fermier est
retrouvé pendu à un arbre, une femme va alors inquiéter pour son mari et faire en sorte qu’il soit toujours accompagné de sa mère ou de son fils pour éviter qu’il soit un moment seul.

Quelques situations cocasses vont laisser place aux difficultés de cultiver la terre : il faut labourer, semer, traiter, récolter, vendre, transporter… et surtout s’endetter. De plus, tout dépend de la pluie dans une région où il ne pleut quasiment jamais ou alors beaucoup trop et ça inonde tout. Au fur et à mesure du film, on mesure la somme d’efforts dépensée pour peut-être pas grand-chose en bénéfice...

Trois questions au réalisateur Satish Manwar à l’issue de la projection.

EN : Racontez-nous l’élaboration de ce film ?

SR : Il a fallu cinq ans pour faire ce film entre l’écriture et le tournage. Je suis originaire de ce milieu rural que l’on voit ici, je voulais raconter des histoires vraies et tourner en décors réels. Il y a des acteurs mais aussi beaucoup de vrais villageois. On était tous émus par la situation de ces gens. Lorsque les paysans ont vu le film, il y a eu une
décharge émotionnelle énorme.

EN : Pourquoi autant de paysans sont confrontés à de telles extrémités ?

SR : Il y a plusieurs causes mais la principale est que le prix d’achat des récoltes n’est pas assez élevé, il couvre à peine les dépenses. Mais je crois que ça ne concerne pas seulement ces gens de l’Inde.

EN : Quelles sont les mesures pour aider ces paysans ?

SR : Ce que l’on voit dans le film existe en réalité. Lorsqu’il y a un suicide, le gouvernement selon certains cas indemnise la famille en lui donnant une somme d’argent, surtout quand il s’agit de la disparition d’un homme qui travaillait pour subvenir aux besoins de toute sa famille. Il y a quelque temps le gouvernement a aussi débloqué une énorme somme pour venir en aide aux agriculteurs, mais cette somme a été donnée aux banques pour les inciter à accorder plus de prêts. Ce qui ne change en fait absolument rien puisque ces paysans sont déjà beaucoup trop endettés.

Crédit photo : Christophe Maulavé

Vesoul 2010 : L’Homme et la Nature

Posté par kristofy, le 29 janvier 2010

Le 16ème festival de Vesoul a choisi une vingtaine de film sur la thématique de L’Homme et la Nature. Martine Thérouanne, la directrice du FICA, souligne que c’est plus que jamais d’actualité. "Pendant longtemps l’homme a semblé dépendre totalement d’elle, puis les progrès techniques ont pu lui faire croire qu’il la dominait à sa guise. Il commence enfin à prendre conscience, bien timidement, que cette nature dont il a tant besoin est à la fois menacée et menaçante".

Le réalisateur Zhang Lu, qui avait déjà reçu le Cyclo d’Or de Vesoul pour Grain in ear en 2006, nous fait découvrir dans son film Desert Dream un endroit désertique à la frontière de la Mongolie où le sable progresse en étouffant toute végétation. Les villageois s’en vont, sauf un qui reste dans sa yourte pour replanter de jeunes pousses d’arbres. Alors que son épouse est partie pour faire guérir les oreilles de leur fille, c’est une femme coréenne dont il ne comprend pas la langue qui arrive avec son petit garçon. Le trio va communiquer par gestes pour se connaître puis vont se partager les gestes du quotidien (traire la vache pour le lait, ramasser des bouses pour le feu…). Il semble que planter des arbres pour protéger la steppe est un combat perdu d’avance, et que là-bas la nature exclue l’homme.

Au Vietnam c’est l’homme qui détruit la nature pour l’exploiter à son profit comme ressource. Le film Les coupeurs de bois de Vuong Duc avait déjà été remarqué à Nantes en 1999, et aujourd’hui à Vesoul il a de nouveau beaucoup impressionné le public. Le Vietnam avait déjà lourdement subit une grave déforestation suite au tonnes de bombes de la guerre, et de nos jours on assiste à une déforestation sauvage pour la découpe du bois en planche ou en poutre. On découvre Buong qui vole et tue des chiens pour ensuite les resservir dans son restaurant, mais on lui brûle sa paillote. Il entraîne alors avec lui son neveu et d’autres jeunes de sa famille dans la forêt pour le trafic d’arbres. Ils font les bûcherons pour le compte d’un revendeur malhonnête et rapidement les rivalités s’enveniment, surtout pour convoiter une jolie fille. Le réalisateur Vuong Duc marque les esprits avec quelques séquences brutales comme le combat contre un ours et surtout l’amputation d’un orteil. Bien qu’un personnage dise que "sauver la forêt c’est sauver le pays" on se rend compte que c’est la loi de la jungle (l’offre et la demande, le profit) qui risque de continuer.

Vesoul 2010 : le 16ème FICA tisse des liens dans le temps

Posté par kristofy, le 28 janvier 2010

Cyclo d’honneur à l’actrice iranienne Fatemeh Motamed-AryaPour sa 16e édition, le Festival international des Cinéma d'Asie de Vesoul s'est placé sous le signe fort de la liberté d'expression et de la défense de la démocratie en remettant lors de la cérémonie d'ouverture un Cyclo d'honneur à l'actrice iranienne Fatemeh Motamed-Arya (actrice iranienne la plus primée, elle a reçu plus de 30 prix au niveau national et international) et au réalisateur Jafar Panahi (Caméra d’Or à Cannes en 1995 pour Le Ballon Blanc, Léopard d’Or à Locarno en 1997 pour Le Miroir, Lion d’Or à Venise en 2000 pour Le Cercle, Ours d’argent à Berlin en 2006 pour Hors Jeu...)

Ce dernier n'a pu obtenir à temps un visa de sortie du territoire iranien, mais pourrait encore arriver à temps à Vesoul pour recueillir ce prix hautement symbolique. Fatemeh Motamed-Arya (grande habituée de Vesoul) était elle présente. Alain Joyandet, ministre de la Coopération et maire de Vesoul (à droite sur notre photo), lui a d'ailleurs rendu un hommage vibrant, saluant plus généralement tous les artistes qui "luttent" à leur façon dans le monde pour plus de démocratie.

Ensuite, les festivaliers ont découvert en avant-première La Tisseuse de Wang Quann’an, avec son actrice fétiche Yu Nan, avec laquelle le réalisateur chinois avait remporté  l’Ours d’Or à Berlin en 2007 pour Le mariage de Tuya. On y découvre une femme qui a perdu le goût de vivre au milieu de d’entreprises qui ferment, son petit garçon lui redonne à peine l’envie de s’accrocher. "Je ne veux pas attendre la mort à la maison", dit-elle. Alors elle va partir en voyage à la recherche de son premier amoureux dont elle n’a plus de nouvelles depuis dix ans. La Tisseuse est autant une évocation de changements industriels en Chine (une usine avec des traditions russes, une imprimerie démolie dans un quartier en mutation…) que le parcours d’une femme qui se rend compte qu’elle aurait pu connaître bien plus de bonheurs. Ce drame illuminé par la présence de Yu Nan a déjà valu au réalisateur Wang Quann’an d’être récompensé à Montréal.

Après avoir célébré son 15e anniversaire en 2009, le FiCA revient jusqu'au 2 février avec un rythme de projection soutenu : 80 films à découvrir parmi lesquels des longs métrages et documentaires inédits en compétition, l'intégrale des films du réalisateur turc Omer Kavur, un regard sur le cinéma taïwanais, une thématique "l’Homme et la Nature" et des documentaires indépendants vietnamiens.

Crédit photo : Michel Mollaret