2018 dans le rétro : la belle année du cinéma d’animation

Posté par MpM, le 25 décembre 2018

De Fireworks de Akiyuki Shimbo et Nobuyuki Takeuchi le 3 janvier à Mirai de Mamoru Hosoda le 26 décembre, le cinéma d'animation n'aura pas beaucoup quitté l'affiche en 2018. Cette année aura d'ailleurs été exceptionnelle à plusieurs titres pour les films animés.

C'était en effet la première fois, en février dernier, qu'un court métrage d'animation était couronné par un Grand Prix à Clermont Ferrand (Vilaine fille d'Ayce Kartal, en compétition nationale). Pour la première fois également, un film réalisé en stop-motion remportait quelques jours plus tard le prestigieux Ours d'argent de la meilleure mise en scène à Berlin (L'île aux chiens de Wes Anderson). Deux récompenses ultra-symboliques qui prouvent que les mentalités changent, les barrières tombent, les préjugés reculent. Breaking news : le cinéma d'animation est avant tout du cinéma, et ça commence à se savoir !

En force à Cannes


A Cannes, festival réputé frileux pour tout ce qui n'est pas prise de vue réelle, l'animation semblait d'ailleurs être partout (et pas seulement dans les programmes de courts métrages !) : en compétition dans les sections parallèles (Chris the Swiss d'Anja Kofmel à la Semaine de la Critique, Samouni Road de Stefano Savona et Mirai de Mamoru Hosoda à la Quinzaine), en séance spéciale à l'officielle (Another day of life de Raúl de la Fuente et Damian Nenow), mais aussi en guest star dans plusieurs films de la sélection officielle, à l'image de Leto de Kirill Serebrennikov, Under the silver lake de David Robert Mitchell et The house that Jack built de Lars von Trier. En touches légères, pour l'humour ou la dérision, l'animation apportait cette année une grosse dose de liberté à des films en quête de singularité formelle.

Pour ce qui est de l'offre en salles, là encore 2018 aura été riche et éclectique, offrant des longs métrages pour tous les goûts, et moins de suites ou de reboots qu'en 2017, même si ceux-ci sont assez incontournables dans le marché du cinéma contemporain. Le plus notable dans le domaine fut évidemment Les indestructibles 2 de Brad Bird, 14 ans après le premier volet, mais on peut aussi citer Maya l'abeille 2, les jeux du miel de Noel Cleary et Sergio Delfino, Tad et Le secret du roi Midas de Enrique Gato et David Alonso, et bien sûr le nouveau volet des aventures d'Astérix et Obélix, Le Secret de la potion magique, par Alexandre Astier et Louis Clichy. Côté adaptation, difficile de faire l'impasse sur Croc-blanc d'Alexandre Espigares qui redonne vie au héros de Jack London avec l'un des plus gros budgets du cinéma français de l'année.

Le dynamisme jamais démenti des films pour jeune public


Sans surprise, ce sont les films à destination du jeune public, voire du très jeune public, qui sont largement en tête des sorties, à l'image de Agatha ma voisine détective de Karla Von Bengston, Pierre Lapin de Will Gluck, Le voyage de Lila de Marcela Rincon Gonzalez, Yéti et compagnie de Karey Kirkpatrick et Jason Reisig, Capitaine Morten et la reine des araignées de Kaspar Jancis ou encore Pachamama de Juan Antin. Sans oublier le grand retour des studios Aardman avec Cro-man de Nick Park, qui ne s'est pas tout à fait avéré à la hauteur des attentes,  celui de Michel Ocelot, qui s'est planté avec son Dilili à Paris inventif visuellement mais souffrant d'un scénario ultra didactique et d'une interprétation outrée, et la belle surprise Spider-man : new generation de Peter Ramsey, Bob Persichetti, Rodney Rothman.

Les programmes de courts étaient eux-aussi au rendez-vous : Rita et crocodile de Siri Melchior, L'étrange forêt de Bert et Joséphine de Filip Pošivac et Barbora Valecká, Le quatuor à cornes de Benjamin Botella, Arnaud Demuynck, Emmanuelle Gorgiard et Pascale Hecquet, La grande aventure de Non-Non de Matthieu Auvray, le programme collectif Ta mort en shorts, Mimi et Lisa, les lumières de Noël de Katarina Kerekesova et Ivana Šebestová... et plusieurs très belles sorties de films "du patrimoine" : le merveilleux Alice Comedies 2 de Walt Disney et l'indispensable Révolte des jouets (qui réunit trois courts métrages de Bretislav Pojar et Hermina Tyrlova), tous deux distribués par Malavida, et l'également formidable programme Les Contes merveilleux de Ray Harryhausen (Carlotta Films) qui permet de (re)découvrir les premiers films en stop motion de ce grand maître des effets spéciaux.

Les documentaires hybrides et l'animation pour adultes


Mais 2018 aura également relancé la veine de l'animation documentaire et à destination des adultes. A Cannes, trois films sur quatre étaient des documentaires, qui mêlaient tous animation et prise de vue continue pour aborder des sujets historiques ou politiques sensibles : la mort d'un journaliste suisse pendant la guerre en ex-Yougoslavie (Chris the Swiss), le quotidien d'une famille de Gaza city frappée de plein fouet par l'offensive terrestre israélienne "Plomb durci"' en 2009 (Samouni Road) et la guerre civile en Angola (Another day of life).

A Annecy, ce sont deux films forts, abordant l'Histoire récente, qui ont remporté les principaux prix : Funan de Denis Do qui revient sur la période terrible de la dictature des khmers rouges au Cambodge (Cristal du meilleur long métrage) et Parvana de Nora Twomey, qui dépeint la condition de vie des femmes dans l'Afghanistan des Talibans. Le reste de la sélection était d'ailleurs à l'avenant, avec deux films sur le conflit israélo-palestinien (Wall de Cam Christiansen et Wardi (anciennement La Tour) de Mats Grorud), un essai au vitriol sur la religion (Seder-Masochism de Nina Paley), un portrait cruel de la Chine contemporaine (Have a nice day de Liu Jian) et même un témoignage saisissant sur un important conflit social du début des années 50, Un homme est mort d'Olivier Cossu.

Dans un registre plus intime, mais tout aussi grave, Happiness road de Hsin-Yin Sung (présenté hors compétition et sorti pendant l'été) est un beau récit introspectif sur le temps qui passe, les choix que l'on fait et les rêves que l'on poursuit. Sélectionné à Annecy l'an passé, Silent voice de Naoko Yamada est quant à lui l'adaptation sensible et audacieuse d'un manga qui aborde la question du handicap et du harcèlement. Preuve qu'il n'existe pas de sujets tabous en cinéma d'animation, et qu'il est au contraire parfois le format idéal pour faire passer certaines images difficiles à supporter.

Et 2019 alors ?


Dans la continuation du beau dynamisme 2018, 2019 devrait nous réserver quelques belles surprises. Ca commence dès le 23 janvier avec la première sortie dans les salles françaises du premier film d'Hayao Miyazaki, Le château de Cagliostro, qui fêtera ses 40 ans ! On verra aussi enfin plusieurs films dont nous vous parlons depuis plusieurs mois, à savoir Another day of life de Raúl de la Fuente et Damian Nenow, Wardi de Mats Grorud, Funan de Denis Do et Tito et les oiseaux de Gustavo Steinberg, Gabriel Bitar et André Catoto Dias.

Côté suites, on découvrira Minuscules 2, les mandibules du bout du monde de Thomas Szabo et Hélène Giraud, Dragons 3 de Dean deBlois, Ralph 2.0 de Rich Moore et Phil Johnston, La grande aventure lego 2 de Mike Mitchell, Toy Story 4 de Josh Cooley, Shaun le Mouton Le Film : La Ferme Contre-Attaque de Richard Starzak ou encore La reine des neiges 2 de Jennifer Lee et Chris Buck.

Enfin, dans le registre des grandes impatiences, on n'en peut plus d'attendre Buñuel après l’âge d’or de Salvador Simo, La Fameuse invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattoti, L'extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damian et quelques autres qui, malheureusement, ne verront peut-être pas le jour avant 2020... C'est peut-être là le grand défaut de l'animation : souvent, elle requiert une certaine dose de patience.

Parvana de Nora Twomey triomphe aux Emile Awards 2018

Posté par MpM, le 11 décembre 2018

Pour sa 2e édition, la cérémonie des Emile Awards, les récompenses de l'animation européenne, a vu le triomphe de Parvana, une enfance en Afghanistan de Nora Twomey, qui remporte 4 trophées, dont celui de la meilleure réalisation. La cinéaste en a profité pour délivrer un message aux jeunes réalisatrices présentes dans l'assemblée : "N'écoutez jamais les voix qui disent que vous ne pouvez pas y arriver, parce que vous pouvez ! Je souhaite voir plus de films politiques comme ceux qui étaient nommés dans notre catégorie [Another day of life, Funan, Teheran Tabu] et plus d'héroïnes comme Parvana !"

A côté de la fable sensible sur l'Afghanistan en guerre, c'est le très attendu récit intime de Denis Do sur la vie au temps des khmers rouges, Funan, qui repart avec deux prix, dont meilleur scénario, tandis qu'Another day of life de Raul de la Fuente et Damian Nenow, qui suit le reporter polonais Ryszard Kapuscinski au cœur de la guerre civile angolaise. est couronné pour sa musique. Probablement victime d'une très grosse année de l'animation européenne, et du succès écrasant de Parvana, d'ailleurs présenté en avant-première lors de la première édition des Emile Awards, le splendide Chris the Swiss d'Anja Kofmel repart quant à lui bredouille.

Côté courts métrages, Ce magnifique gâteau ! d'Emma De Swaef et Marc James Roels ajoute un nouveau titre à son palmarès, tandis que (Fool Time) Job de Gilles Cuvelier dont nous vous avons régulièrement parlé tout au long de l'année est distingué pour ses décors et le design de ses personnages.

A signaler enfin que le Danemark rafle la mise dans la catégorie programmes de télévision et film de commande.

La soirée, qui se tenait à Lille, dans le cadre confortable du Nouveau siècle, a été ponctuée par plusieurs interludes, et notamment deux morceaux interprétés par le compositeur Vincent Courtois et le musicien Daniel Erdmann ainsi que par un hommage touchant à Clare Kitson, honorée par le Lotte Reiniger Lifetime Achievement Award. L'auteure et ancienne programmatrice qui a fait de Channel 4 un leader de l'animation a commencé par s'excuser du Brexit, avant d'affirmer modestement qu'elle avait surtout "eu de la chance", son poste à Channel 4 lui ayant permis de soutenir, financer et promouvoir l'animation britannique et mondiale pendant une décennie.

C'est le très psychédélique Yellow submarine de George Dunning, un long métrage coloré et absurde mettant en scène les Beatles, qui a joyeusement clôturé la soirée. Le film, qui fête son 50e anniversaire, reste d'une modernité étonnante, avec une animation qui foisonne de gags visuels, une histoire ultra simpliste aux ressorts alambiqués, des dialogues bourrés de jeux de mots plus ou moins décalés, et bien sûr les inégalables chansons du groupe, de Lucy in the sky à Nowhere man, en passant par When I'm 64 ou Eleonore Rigby.

Tout le palmarès

Meilleure réalisation pour un long métrage
Nora Twomey pour Parvana, une enfance en Afghanistan (Irlande / Luxembourg / canada)

Meilleur scénario pour un long métrage
Denis Do et Magali Pouzol pour Funan (France)

Meilleur storyboard pour un long métrage
Giovanna Ferrari, Julien Regnard et Stuart Shankly pour Parvana, une enfance en Afghanistan (Irlande / Luxembourg / canada)

Meilleure animation de personnage pour un long métrage
Fabian Erlinghäuser, John Walsh, Lorraine Lordan, Jeremy Purcell, Viktor Ens, Nicolas Debray, Geoff King et Emmanuel Asquier-Brassart pour Parvana, une enfance en Afghanistan (Irlande / Luxembourg / canada)

Meilleurs décors et design de personnage pour un long métrage
Ciaran Duffy, Reza Riaihi et Sandra Andersen pour Parvana, une enfance en Afghanistan (Irlande / Luxembourg / canada)

Meilleure musique  pour un long métrage
Mikel Salas pour Another Day of Life (Pologne)

Meilleur sound design pour un long métrage
Nicolas Leroy, Michel Schillings et Nicolas Tran Trong pour Funan (France)

Meilleure réalisation pour un court métrage
Emma De Swaef, Marc James Roels pour Ce magnifique gâteau ! (Belgique / France / Pays-Bas)

Meilleurs décors et character design pour un court métrage
Gilles Cuvelier pour (Fool) Time Job (France)

Meilleure réalisation pour un film étudiant
Anna Mantzaris  pour Enough (Grande-Bretagne)

Meilleure réalisation pour un film de commande
Magnus Igland Møller pour A most precise and nuanced look into the life of the man, legend and visionary - Martin Luther (Danemark)

Meilleure réalisation pour un programme de télévision

Christian Bøving-Andersen et Eva Lee Wallberg pour The Heroic Quest of the Valiant Prince Ivandoe (Danemark)

Meilleur scénario pour un programme de télévision
Kim Fupz Aakeson et Ida Mule Scott pour Vitello - Vitello Gets a Yucky Girlfriend (Danemark)

Meilleur storyboard pour un programme de télévision
Kenneth Ladekjær et Eva Lee Wallberg pour The Heroic Quest of the Valiant Prince Ivandoe (Danemark)

Meilleure animation de personnage pour un programme de télévision
Tina Lykke Thorn, Henrik Sønniksen, Mikkel Vedel et Eva Lee Wallberg pour  The Heroic Quest of the Valiant Prince Ivandoe (Danemark)

Meilleurs décors et design de personnage pour un programme de télévision
Mikkel Sommer et Birk Von Brockdorff pour The Heroic Quest of the Valiant Prince Ivandoe (Danemark)

Meilleure musique pour un programme de télévision
Yan Volsy et Pablo Pico pour Un homme est mort (France)

Meilleur sound design pour un programme de télévision
Célia Sayaphoum pour Athleticus - Middle-distance running (France)

Funan favori des Emile Awards 2018

Posté par vincy, le 9 novembre 2018

Hier, à Athènes, la sélection des deuxièmes Emile Awards, les "Oscars" de l’animation européenne, a été dévoilée. Les lauréats seront connus le samedi 8 décembre, à Lille.

Au total, 18 prix seront remis. Deux catégories apparaissent pour cette 2e édition: meilleure conception et habillage sonores dans un long métrage de cinéma et dans un film de télévision, ainsi que la meilleure bande originale musicale.

On passe aussi de trois à cinq nommés. Si bien que la liste a presque doublé avec un total de 90 nominations. Cela permet une plus grande diversité géographique. La France reste dominante avec un tiers des nominations si on prend en compte les coprods.

Les nominations des films de cinéma sont liées à leur sortie, du 1er août 2017 au 15 octobre 2018. C'est moins que les 18 mois de la première édition. Ainsi, une partie des films sélectionnés à Annecy font le plein de nominations. On peut aussi noter que deux films qui sortiront au premier trimestre 2019 en France sont sélectionnés  (Funan et Another Day of Life). Funan est d'ailleurs le grand favori de cette édition.

Enfin, le conseil d’administration des EAA a choisi d'honorer Clare Kitson avec un Lotte Reiniger Lifetime Achievement Award. L'auteure et ancienne programmatrice qui a fait de Channel 4 un leader de l'animation donnera une masterclasse à Lille le 7 décembre.

Meilleure réalisation

- Another Day of Life de Raúl de la Fuente et Damian Nenow (Pologne, Espagne Belgique, Allemagne)
- Capitaine Morten et la reine des araignées (Captain Morten and the Spider Queen) de Kaspar Jancis, Henry Nicholson et Riho Hunt (Estonie, Belgique, Irlande, Royaume-Uni)
- Funan de Denis Do (France, Belgique, Luxembourg, Cambodge)
- Téhéran Tabou de Ali Soozandeh (Allemagne, Autriche)
- Parvana (The Breadwinner) de Nora Twomey (Irlande, Luxembourg, Canada)

Meilleur scénario
- Another Day of Life (Raúl de la Fuente, Damian Nenow, David Weber, Amaia Remirez, Niall Johnson) (Pologne, Espagne Belgique, Allemagne)
- Chris the Swiss (Anja Kofmel) (Suisse, Croatie, Allemagne, Finlande)
- Funan (Denis Do, Magali Pouzol) (France, Belgique, Luxembourg, Cambodge)
- Gordon & Paddy (Janne Vierth) (Suède)
- Téhéran Tabou (Ali Soozandeh) (Allemagne, Autriche)

Meilleur storyboard
- Croc-Blanc (France, Luxembourg)|
- Dilili à Paris (France, Belgique, Allemagne)
- Cro Man (Early Man) (Royaume-Uni)
- Gordon & Paddy (Suède)
- Parvana (The Breadwinner) (Irlande, Luxembourg, Canada)

Meilleure animation de personnage
- Captain Morten and the Spider Queen (Estonie, Belgique, Irlande)
- Cro Man (Early Man) (Royaume-Uni)
- Luis & the Aliens (Allemagne, Luxembourg, Danemark)
- Parvana (The Breadwinner) (Irlande, Luxembourg, Canada)
- Zombillénium (France, Belgique)

Meilleurs décors et design de personnage
- Another Day of Life (Pologne, Espagne, Belgique, Allemagne)
- Chris the Swiss (Suisse, Croatie, Allemagne, Finlande)
- Funan (France, Belgique, Luxembourg, Cambodge)
- Parvana (The Breadwinner) (Irlande, Luxembourg, Canada)
- The Incredible Story of the Giant Pear (Danemark)

Meilleure bande originale
- Another Day of Life (Pologne, Espagne, Belgique, Allemagne)
- Black is Beltza (Espagne)
- Chris the Swiss (Suisse, Croatie, Allemagne, Finlande)
- The Incredible Story of The Giant Pear (Danemark)
- THEOX (Grèce)

Meilleurs conception et habillage sonores
- Another Day of Life (Pologne, Espagne, Belgique, Allemagne)
- Chris the Swiss (Suisse, Croatie, Allemagne, Finlande)
- Funan (France, Belgique, Luxembourg, Cambodge)
- Téhéran Tabou (Allemagne, Autriche)
- La tour (France, Norvège, Suède)

Meilleur court métrage
- Bloeistraat 11 de Nienke Deutz (Belgique, Pays-Bas)
- Egg de Martina Scarpelli (France, Danemark)
- Fest de Nikita Diakur (Allemagne)
- Musical Traumas de Milos Tomi (Serbie)
- Ce magnifique gâteau ! d'Emma De Swaef et Marc James Roels (Belgique, France, Pays-Bas)

Meilleurs décors et design de personnage dans un court métrage
- Cat Days de Jon Frickey (Allemagne)
- (Fool Time) Job de Gilles Cuvelier (France)
- Have Heart de Will Anderson (Royaume-Uni)
- Last Stop is the Moon de Birute Sodeikaite (Pologne, Lituanie)
- The Fruits of Clouds de Katerina Karhankova (République tchèque)

Annecy 2018 : des longs métrages d’animation qui dressent un certain état du monde

Posté par MpM, le 22 juin 2018

Cette édition 2018 du Festival d'Annecy aura redit avec efficacité et panache le dynamisme et la belle diversité du cinéma d'animation mondial, qui s'adresse à tous les publics et explore tous les genres cinématographiques. Côté longs métrages, la tendance principale était clairement à un cinéma fort et engagé, voire politique, qui regarde en face les réalités de son époque comme celles du passé. La guerre et la violence étaient ainsi omniprésentes à l'écran, du conflit israélo-palestinien à la guerre civile en Angola, en passant par l'Afghanistan des Talibans et le Cambodge des Khmers rouges.

Ce sont d'ailleurs ces deux propositions qui ont emporté l'adhésion du jury et du public. Sur un mode assez classique, Funan de Denis Do, qui a reçu le Cristal du meilleur long métrage, et Parvana de Nora Twomey, qui a fait le doublé prix du Jury et prix du Public, racontent de manière linéaire et simple le quotidien dans un régime d'ordre totalitaire.

Vivre sous un régime totalitaire


Dans Funan, le réalisateur s'attache à un couple, déporté par le régime, qui se retrouve séparé de son fils. Contraints aux durs travaux des champs, malmenés par les cadres du nouveau régime, sous-alimentés, et sous surveillance permanente, les personnages se battent pour leur survie en même temps que pour retrouver leur fils. C'est l'occasion d'un plongée toute en nuances dans la vie de ces déportés privés de tout : on découvre la cruauté et la bêtise de cadres qui se raccrochent à des idéaux fallacieux de pureté et d'égalité absolue, l'inhumanité d'un système qui nie toute individualité, puis contamine insidieusement victimes comme bourreaux, l'impuissance de tous, la nécessité de survivre coûte que coûte... N'étant jamais à charge, si ce n'est contre le système lui-même, le film montre à la fois les gestes cachés de solidarité (deux cadres aident fugacement le couple de protagonistes, les membres de la famille essayent de rester soudés) et l'impossibilité de cette solidarité dans un contexte où se joue, à chaque instant, la survie de chacun, et où il devient tout à coup acceptable d'accepter un viol (parce que le violeur peut fournir de la nourriture) ou de ne pas venir en aide à une enfant (parce qu'elle est la fille d'un des bourreaux).

Il s'agit de l'histoire vraie de la famille du cinéaste, qui s'est attaché, on le sent, à retranscrire toutes les nuances d'une réalité complexe. Là où on aurait pu craindre une certaine forme de complaisance ou de misérabilisme, il préfère la sécheresse narrative de l'ellipse et une mise en scène très ample qui fait la part belle aux vastes paysages comme aux très gros plans sur les visages, et surtout les yeux, de ses personnages. Le regard voilé de cette mère séparée de son enfant se suffit à lui-même, et l'absence devient une forme de fantôme présent à chaque scène, même quand il n'est pas question du petit garçon. Le cinéaste a aussi tenu à ne pas transformer l'histoire douloureuse de ses proches en une matière à suspense facile. Il limite donc ses effets dans une écriture très sobre qui se contente de raconter, au jour le jour, les moments les plus prégnants de ces destins tragiques, où la douleur des uns ne prend jamais le pas sur celle tout aussi réelle des autres.

Parvana, adapté d'un roman de Deborah Ellis, s'attache aux pas d'une petite fille contrainte de se déguiser en garçon à la suite de l'arrestation arbitraire de son père. Le stratagème, bien que risqué, est le seul moyen pour elle d'assurer la subsistance de sa mère, de sa soeur et de son petit frère, confinés à la maison car le régime taliban interdit à une femme de sortir seule dans la rue. Une fois ce postulat de départ posé, le film patine un peu dans une forme d'auto-complaisance à l'égard des exactions commises et des obstacles qui s'amoncellent sur le chemin de la petite fille. On sent parfois le regard occidental qui force le trait et adopte un ton manichéen destiné à mieux dénoncer les absurdités du régime.

Même la très belle idée du film, celle de raconter en parallèle, sous forme de conte, le combat qui se joue entre Parvana et ses ennemis, est plombée par des maladresses d'écriture (notamment la mère qui ne cesse de réclamer la suite de l'histoire) qui alourdissent tout. C'est pourtant cette partie, réalisée dans une forme de "papiers découpés" numérique, qui est de loin la plus amusante et la plus riche, débordant d'une fantaisie et d'une légèreté qui font défaut au reste. Malgré tout, et même si les bons sentiments n'ont jamais fait les bons films, on ne peut qu'applaudir sur le fond, à savoir un discours engagé sur la culture, l'éducation et l'art comme remèdes contre l'obscurantisme, et le rappel nécessaire du travail qu'il reste à accomplir dans le domaine des droits des femmes.

Questionner le conflit israélo-palestinien


Autre sujet d'actualité brûlant, la situation au Moyen Orient était également au centre de plusieurs longs métrages.  Projeté en compétition, Wall de Cam Christiansen est l'adaptation d'un monologue du dramaturge David Hare, qui s'interroge sur les répercussions du "mur de sécurité" construit autour de l'état d'Israël.  Le documentaire nous emmène sur ses pas, de Jérusalem à Ramallah et Naplouse, montrant concrètement les effets du "mur" sur la vie quotidienne des Palestiniens.

David Hare se met ainsi beaucoup en scène : assis seul sur un banc en train de discourir sur les origines du mur, en pleine conversation avec ses amis israéliens qui se sentent honteux, ou arrêté à un checkpoint avec son chauffeur palestinien, sans raison aucune. Chaque séquence (filmée en prise de vue réelle, puis rotoscopée, ce qui donne une image assez laide sans que l'on comprenne exactement l'intérêt de ce traitement) est l'occasion de dénoncer les absurdités induites par cette barrière infranchissable, et de mettre l'état israélien face à ses contradictions. Sur le fond, le film est assez captivant, notamment lorsqu'il nous amène à Naplouse, "capitale de la pauvreté" que les Israéliens ont rendu quasiment inaccessible, ou qu'il se lance dans une démonstration ironique sur les bienfaits supposés du mur après avoir vu un portrait de Saddam Hussein sur le mur d'un café (il fallait effectivement un mur pour se protéger des gens qui affichent ce genre de choses, déclare-t-il avec malice, avant de feindre le doute : et si c'était la construction du mur qui les avait amenés à se radicaliser de la sorte ?).

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Annecy 2018 : le cinéma engagé triomphe avec Funan et Parvana

Posté par MpM, le 17 juin 2018

A l'issue d'une captivante semaine de compétition, le jury "longs métrages" du Festival d'Annecy 2018 a fait le choix d'un palmarès engagé, voire politique, qui récompense deux des films les plus attendus de l'année : Funan de Denis Do (Cristal), et Parvanna, une enfance en Afghanistan de Nora Twomey (Prix du jury, mais également prix du public). Le premier se déroule sous le régime des Khmers rouges au Cambodge et raconte à la fois le quotidien des travailleurs forcés, exilés dans les campagnes, et la lutte désespérée d'un jeune couple pour retrouver leur fils de 4 ans, retenu loin d'eux dans un autre camp. Il faudra malheureusement attendre le 13 mars 2019 pour découvrir cette belle fresque sensible, jamais tire-larmes, qui mêle avec finesse la tragédie intime et les horreurs de l'Histoire, et qui s'inspire de la propre histoire de la mère du réalisateur.

Parvana, adapté d'un roman de Deborah Ellis, se déroule en Afghanistan sous le régime taliban. Il met en scène une petite fille, Parvana, contrainte de se déguiser en garçon pour avoir la possibilité de sortir dans la rue et subvenir aux besoins de sa famille. On y sent un regard occidental qui force parfois le trait sur les innombrables obstacles se mettant sur la route de la petite fille, et adopte un ton un peu manichéen manquant de souplesse et subtilité. Reste le discours engagé sur la culture, l'éducation et l'art comme remèdes contre l'obscurantisme, et le rappel nécessaire du travail qu'il reste à accomplir dans le domaine des droits des femmes.

Stylistiquement, les deux films sont relativement classiques, proposant, pour Funan, de magnifiques plans larges sur les champs et les rizières où se déroule l'intrigue, et, pour Parvana, un paysage plus urbain, assez réaliste, mais également un univers plus délicatement naïf grâce au conte servant de fil rouge au film, illustré par des personnages en "papiers découpés" et des décors plus oniriques.

Une mention a par ailleurs été attribuée à La casa lobo de Cristóbal León et Joaquín Cociña, un film singulier, réalisé avec des marionnettes, qui raconte l'étrange séjour d'une jeune fille nommée Maria dans une maison qui ne cesse de se transformer, comme répondant à ses attentes. Tout à tour contemplatif et inquiétant, poétique et anxiogène, ce premier film chilien frappe notamment par son esthétisme qui joue sur la transformation et la déconstruction. Les personnages et les lieux se modifient ainsi sous nos yeux, laissant voir les matériaux qui les constituent, et ne cessant de se réinventer formellement.

La compétition de courts métrages a quant à elle permis de mettre en lumière les films Weekends de Trevor Jimenez remarqué à Clermont-Ferrand (Prix du jury et prix du public), Cyclistes de Veljko Popovic (mention du jury), une fresque colorée sur des cyclistes fantasmant sur les charmes de l'une de leurs voisines, et Egg de Martina Scarpelli, qui reçoit le prix du premier film. Il s'agit du récit à la première personne d'une jeune femme frappée d'anorexie.

Enfin, c'est le très délicat Bloeistraat 11 de Nienke Deutz qui remporte le Cristal. Tourné dans une grande simplicité de moyens (un décor minimaliste et une maison en carton qui tourne sur elle-même, révélant qu'il n'y a rien autour, et des personnages en celluloïd, dont les contours sont dessinés au crayon, et au travers desquels on voit en transparence), le film montre le délitement sourd de l'indéfectible amitié entre deux fillettes qui sont en train de muer en jeunes filles.