Les Frères Sisters grand vainqueur des Prix Lumières 2019

Posté par vincy, le 5 février 2019

Les Frères Sisters de Jacques Audiard a remporté trois prix  lors de la 24e cérémonie des Lumières de la presse internationale, qui s’est déroulée lundi soir, 4 février 2019, à l’Institut du monde arabe à Paris. Le premier film en anglais du cinéaste, prix de la mise en scène à Venise et parmi les favoris aux César, est reparti avec les trophées du meilleur film, de la meilleure mise en scène, pour Jacques Audiard, et de la meilleure image, pour Benoît Debie.

Guy écrit, réalisé et interprété par Alex Lutz a été distingué par deux prix: meilleur acteur et meilleure musique pour Vincent Blanchard et Romain Greffe.

72 correspondants de la presse internationale ont aussi distingué Élodie Bouchez comme actrice pour Pupille, Ophélie Bau, comme révélation féminine dans Mektoub My Love, Félix Maritaud, comme révélation masculine pour Sauvage, et Pierre Salvadori, Benoît Graffin et Benjamin Charbit pour le scénario de En liberté !.

Les prix Lumières ont par ailleurs récompensé Samouni Road, de Stefano Savona (documentaire), Dilili à Paris de Michel Ocelot (animation), Jusqu’à la garde, de Xavier Legrand (premier long métrage), et Girl, de Lukas Dhont (film des pays francophones).

Enfin, l’Académie des Lumières, a rendu hommage à l’actrice Jane Birkin et au film Un homme et une femme, en présence de Anouk Aimée et Claude Lelouch, pour leur contribution au rayonnement mondial du cinéma français.

2018 dans le rétro : la belle année du cinéma d’animation

Posté par MpM, le 25 décembre 2018

De Fireworks de Akiyuki Shimbo et Nobuyuki Takeuchi le 3 janvier à Mirai de Mamoru Hosoda le 26 décembre, le cinéma d'animation n'aura pas beaucoup quitté l'affiche en 2018. Cette année aura d'ailleurs été exceptionnelle à plusieurs titres pour les films animés.

C'était en effet la première fois, en février dernier, qu'un court métrage d'animation était couronné par un Grand Prix à Clermont Ferrand (Vilaine fille d'Ayce Kartal, en compétition nationale). Pour la première fois également, un film réalisé en stop-motion remportait quelques jours plus tard le prestigieux Ours d'argent de la meilleure mise en scène à Berlin (L'île aux chiens de Wes Anderson). Deux récompenses ultra-symboliques qui prouvent que les mentalités changent, les barrières tombent, les préjugés reculent. Breaking news : le cinéma d'animation est avant tout du cinéma, et ça commence à se savoir !

En force à Cannes


A Cannes, festival réputé frileux pour tout ce qui n'est pas prise de vue réelle, l'animation semblait d'ailleurs être partout (et pas seulement dans les programmes de courts métrages !) : en compétition dans les sections parallèles (Chris the Swiss d'Anja Kofmel à la Semaine de la Critique, Samouni Road de Stefano Savona et Mirai de Mamoru Hosoda à la Quinzaine), en séance spéciale à l'officielle (Another day of life de Raúl de la Fuente et Damian Nenow), mais aussi en guest star dans plusieurs films de la sélection officielle, à l'image de Leto de Kirill Serebrennikov, Under the silver lake de David Robert Mitchell et The house that Jack built de Lars von Trier. En touches légères, pour l'humour ou la dérision, l'animation apportait cette année une grosse dose de liberté à des films en quête de singularité formelle.

Pour ce qui est de l'offre en salles, là encore 2018 aura été riche et éclectique, offrant des longs métrages pour tous les goûts, et moins de suites ou de reboots qu'en 2017, même si ceux-ci sont assez incontournables dans le marché du cinéma contemporain. Le plus notable dans le domaine fut évidemment Les indestructibles 2 de Brad Bird, 14 ans après le premier volet, mais on peut aussi citer Maya l'abeille 2, les jeux du miel de Noel Cleary et Sergio Delfino, Tad et Le secret du roi Midas de Enrique Gato et David Alonso, et bien sûr le nouveau volet des aventures d'Astérix et Obélix, Le Secret de la potion magique, par Alexandre Astier et Louis Clichy. Côté adaptation, difficile de faire l'impasse sur Croc-blanc d'Alexandre Espigares qui redonne vie au héros de Jack London avec l'un des plus gros budgets du cinéma français de l'année.

Le dynamisme jamais démenti des films pour jeune public


Sans surprise, ce sont les films à destination du jeune public, voire du très jeune public, qui sont largement en tête des sorties, à l'image de Agatha ma voisine détective de Karla Von Bengston, Pierre Lapin de Will Gluck, Le voyage de Lila de Marcela Rincon Gonzalez, Yéti et compagnie de Karey Kirkpatrick et Jason Reisig, Capitaine Morten et la reine des araignées de Kaspar Jancis ou encore Pachamama de Juan Antin. Sans oublier le grand retour des studios Aardman avec Cro-man de Nick Park, qui ne s'est pas tout à fait avéré à la hauteur des attentes,  celui de Michel Ocelot, qui s'est planté avec son Dilili à Paris inventif visuellement mais souffrant d'un scénario ultra didactique et d'une interprétation outrée, et la belle surprise Spider-man : new generation de Peter Ramsey, Bob Persichetti, Rodney Rothman.

Les programmes de courts étaient eux-aussi au rendez-vous : Rita et crocodile de Siri Melchior, L'étrange forêt de Bert et Joséphine de Filip Pošivac et Barbora Valecká, Le quatuor à cornes de Benjamin Botella, Arnaud Demuynck, Emmanuelle Gorgiard et Pascale Hecquet, La grande aventure de Non-Non de Matthieu Auvray, le programme collectif Ta mort en shorts, Mimi et Lisa, les lumières de Noël de Katarina Kerekesova et Ivana Šebestová... et plusieurs très belles sorties de films "du patrimoine" : le merveilleux Alice Comedies 2 de Walt Disney et l'indispensable Révolte des jouets (qui réunit trois courts métrages de Bretislav Pojar et Hermina Tyrlova), tous deux distribués par Malavida, et l'également formidable programme Les Contes merveilleux de Ray Harryhausen (Carlotta Films) qui permet de (re)découvrir les premiers films en stop motion de ce grand maître des effets spéciaux.

Les documentaires hybrides et l'animation pour adultes


Mais 2018 aura également relancé la veine de l'animation documentaire et à destination des adultes. A Cannes, trois films sur quatre étaient des documentaires, qui mêlaient tous animation et prise de vue continue pour aborder des sujets historiques ou politiques sensibles : la mort d'un journaliste suisse pendant la guerre en ex-Yougoslavie (Chris the Swiss), le quotidien d'une famille de Gaza city frappée de plein fouet par l'offensive terrestre israélienne "Plomb durci"' en 2009 (Samouni Road) et la guerre civile en Angola (Another day of life).

A Annecy, ce sont deux films forts, abordant l'Histoire récente, qui ont remporté les principaux prix : Funan de Denis Do qui revient sur la période terrible de la dictature des khmers rouges au Cambodge (Cristal du meilleur long métrage) et Parvana de Nora Twomey, qui dépeint la condition de vie des femmes dans l'Afghanistan des Talibans. Le reste de la sélection était d'ailleurs à l'avenant, avec deux films sur le conflit israélo-palestinien (Wall de Cam Christiansen et Wardi (anciennement La Tour) de Mats Grorud), un essai au vitriol sur la religion (Seder-Masochism de Nina Paley), un portrait cruel de la Chine contemporaine (Have a nice day de Liu Jian) et même un témoignage saisissant sur un important conflit social du début des années 50, Un homme est mort d'Olivier Cossu.

Dans un registre plus intime, mais tout aussi grave, Happiness road de Hsin-Yin Sung (présenté hors compétition et sorti pendant l'été) est un beau récit introspectif sur le temps qui passe, les choix que l'on fait et les rêves que l'on poursuit. Sélectionné à Annecy l'an passé, Silent voice de Naoko Yamada est quant à lui l'adaptation sensible et audacieuse d'un manga qui aborde la question du handicap et du harcèlement. Preuve qu'il n'existe pas de sujets tabous en cinéma d'animation, et qu'il est au contraire parfois le format idéal pour faire passer certaines images difficiles à supporter.

Et 2019 alors ?


Dans la continuation du beau dynamisme 2018, 2019 devrait nous réserver quelques belles surprises. Ca commence dès le 23 janvier avec la première sortie dans les salles françaises du premier film d'Hayao Miyazaki, Le château de Cagliostro, qui fêtera ses 40 ans ! On verra aussi enfin plusieurs films dont nous vous parlons depuis plusieurs mois, à savoir Another day of life de Raúl de la Fuente et Damian Nenow, Wardi de Mats Grorud, Funan de Denis Do et Tito et les oiseaux de Gustavo Steinberg, Gabriel Bitar et André Catoto Dias.

Côté suites, on découvrira Minuscules 2, les mandibules du bout du monde de Thomas Szabo et Hélène Giraud, Dragons 3 de Dean deBlois, Ralph 2.0 de Rich Moore et Phil Johnston, La grande aventure lego 2 de Mike Mitchell, Toy Story 4 de Josh Cooley, Shaun le Mouton Le Film : La Ferme Contre-Attaque de Richard Starzak ou encore La reine des neiges 2 de Jennifer Lee et Chris Buck.

Enfin, dans le registre des grandes impatiences, on n'en peut plus d'attendre Buñuel après l’âge d’or de Salvador Simo, La Fameuse invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattoti, L'extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damian et quelques autres qui, malheureusement, ne verront peut-être pas le jour avant 2020... C'est peut-être là le grand défaut de l'animation : souvent, elle requiert une certaine dose de patience.

Le cinéma d’animation épate la galerie

Posté par MpM, le 23 novembre 2018


Vue de la galerie Miyu, 18 passage du chantier

Après avoir prouvé qu'il n'était pas un genre mineur, et qu'il pouvait tout à fait s'adresser à un public spécifiquement adulte, le cinéma d'animation s'échappe désormais de la salle obscure pour s'exposer en pleine lumière dans une nouvelle galerie qui lui est entièrement dédiée, la galerie Miyu.

A l'origine, Miyu est une société de production et de distribution spécialisée dans le court métrage d'animation avec une ligne très axée sur le cinéma d'auteur (on lui doit entre autres Je sors acheter des cigarettes d'Osman Cerfon, prix Emile Reynaud 2018, et Nothing happens de Michelle et Uri Kranot, prix André Martin 2017).

Grâce à la persévérance de son fondateur Emmanuel-Alain Raynal, la société s'est donc également dotée depuis le 17 novembre d'une galerie consacrée à l'animation d'auteur, internationale et contemporaine, qui propose à la fois des expositions temporaires in situ, des expositions itinérantes "clefs en mains" (dont une consacrée à La jeune fille sans mains de Sébastien Laudenbach, qui montre notamment l'étendue de son travail préparatoire), des activités hors les murs (à la demande) et même une galerie en ligne !


Simone Massi, "Amal et olivier" (Samouni Road, Stefano Savona, Picofilms, Alter ego, Dugong films, 2018)

La galerie physique, située au 18 passage du Chantier dans le XIe arrondissement de Paris, accueille jusqu'au 30 janvier une exposition consacrée aux images réalisées par Simone Massi pour les séquences animées du long métrage de Stefano Savona, Samouni Road. Un travail remarquable qui met en valeur la technique particulière de l'artiste : partir d’une surface entièrement noire et faire apparaître la lumière en grattant la matière. Les visages sont d'une expressivité déroutante, avec des personnages qui semblent planter leur regard dans le nôtre. Tout est saisissant, presque envoûtant, dans ces images qui existent bien au-delà du contexte du film de Savona.

En ligne, on trouve des œuvres de treize artistes internationaux (le chiffre est appelé à augmenter au gré des envies et des rencontres) qui sont à la fois des auteurs confirmés comme Georges Schwizgebel, Sébastien Laudenbach ou Florence Miailhe et des créateurs plus émergents tels que Alice Saey ou Kevin Manach et Ugo Bienvenu. On y trouve également deux cinéastes majeurs dont Ecran Noir vous a déjà parlé : Boris Labbé et Vergine Keaton, avec des pépites qui promettent de prolonger le plaisir pris en regardant leurs films...


Florence Miailhe, "La Rixe" (Au premier dimanche d'août, Les Films de l'Arlequin, 2002), exposition "French kiss"

Trois expositions in situ sont prévues pour cette première saison, et plusieurs itinérantes devraient voir le jour dans les mois à venir. Sans compter les expositions hors les murs, dont la première a déjà eu lieu à Viborg, au Danemark, autour du thème "French kiss". C'est que la matière ne manque pas, tant le monde de l'animation fourmille de créativité et d'auteurs. Une occasion en or de rencontrer Cécile Noesser, la gérante et co-fondatrice de la galerie Miyu, afin de parler de ce lieu atypique et singulier, né à une époque charnière pour le cinéma d'animation.

Ecran Noir : Une galerie entièrement consacrée au cinéma d'animation, c'est inhabituel !

Cécile Noesser : Oui, on est les premiers en Europe ! Il y en a une autre qui existe à Tokyo, c'est la galerie du réalisateur japonais Koji Yamamura. Dans son temps libre, il a ouvert un petit espace ouvert au public,  en bas de chez lui, où il vend des œuvres d'artistes dans la même ligne que nous. Il y a une vraie parenté avec cette galerie qui s'appelle "Au praxinoscope", en français dans le texte, en hommage au cinéma des premiers temps. Et puis c'est à peu près tout.

Bien sûr, il y a la galerie Artludik, qui défend plutôt une ligne entertainment, avec un paysage qui va du jeu vidéo à la bande-dessinée en passant par l'animation, mais une galerie dédiée entièrement aux auteurs de films d'animation, finalement on est les seuls avec Koji Yamamura.

EN : Comment l'idée a-t-elle germé ?

CN : Il y a une matière graphique qui est impressionnante, inépuisable, et c'est une frustration trop grande, quand on connait l'animation, de ne pas avoir plus accès à ces œuvres qui, jusqu'à présent, étaient considérées uniquement comme des étapes de travail avant le produit final, c'est-à-dire le film. Or ce sont des œuvres à part entière ! Il y a des auteurs qui sont reconnus depuis très longtemps pour leur travail graphique. Par exemple Georges Schwizgebel et Florence Miailhe qui travaillent la peinture animée, sont exposés depuis très longtemps dans le monde entier. C'est une vraie reconnaissance de leur travail, mais très partielle. Et c'est aussi très rare.

Il y a donc un continent de création à montrer, valoriser, explorer. L'envie vient de là. Il y a une deuxième raison qui est dans la continuité, c'est l'idée qu'il y a des trésors de création notamment dans le court métrage et qu'ils restent assez méconnus, malgré un grand dynamisme dans les festivals et même dans les émissions de télévision comme Court-circuit sur Arte. Il y a une ébullition autour de ces films-là, mais qui reste dans un cercle de cinéphilie et d'amateurs d'animation. On aimerait bien que ce continent créatif explose à la vue du grand public et du cercle du monde de l'art en général. Qu'ils reconnaissent cette partie de la création comme faisant partie du monde des arts visuels à part égale avec l'illustration, l'art contemporain, la bande dessinée...

EN : C'est aussi une manière de réaffirmer l'importance de l'animation, souvent considérée comme un genre mineur, moins "noble" que les autres.

CN : L'animation continue à pâtir du ghetto jeunesse d'une part et du ghetto "télé" d'autre part, puisque quantitativement, le plus gros de la production animation, c'est le dessin animé pour la télé. Par contre, il y a une énorme créativité du côté du court métrage, qui est reconnue dans le monde entier, qui commence à poindre dans le long métrage à travers des chefs d'oeuvre comme La Tortue rouge et La jeune fille sans mains. Donc c'est vrai que la galerie, c'est aussi une forme de signal pour dire que l'animation est également de l'art et doit être reconnue comme tel. On espère que ce sera un outil pour aller vers cette idée.

D'ailleurs ce n'est pas un hasard si la galerie naît maintenant. L'animation pâtit toujours d'une image réductrice, mais c'est en train de changer. En un mois, je suis allée voir de l'animation au Louvre, à la Maison de la poésie pour une performance autour du film Le tigre de Tasmanie de Vergine Keaton et à la foire Asia now, dans le cadre de la FIAC, pour une table-ronde sur les liens entre animation chinoise et art contemporain... tous ces événements dans des institutions aussi prestigieuses, c'est totalement nouveau ! On sent qu'il y a une vraie envie. Qu'il y a un patrimoine à valoriser et des innovations à suivre. Donc je pense qu'on est vraiment dans une période propice !

EN : Quel public espérez-vous toucher ?

CN : On sent qu'il y a une énorme curiosité, une attente et une envie de la part du monde de l'animation en général, qui est une communauté très internationale, d'où la galerie en ligne aussi. Ca, c'est ce qu'on connaît. Le grand public, on le sait aussi, est toujours émerveillé de voir ce genre d’œuvres, de comprendre le lien entre les œuvres et les films. Ce qui est caché derrière les films d'animation, ça fascine totalement les spectateurs. Et puis le public que l'on a envie de séduire également, c'est le monde de l'art, tout simplement. Le public des Beaux-Arts, le monde des galeries, les gens qui ont une culture visuelle et qui vont découvrir tout ce continent créatif.

EN : Que peut-on s'attendre à voir dans la galerie ?

CN : C'est très varié. Comme il y a différentes techniques, les images prennent différentes formes : dessin, peinture, papiers découpés, gravure... Ensuite, il y a différentes étapes dans la création : il y a les images finies pour le film, mais aussi des story boards, des recherches, des œuvres qui précèdent la création du film... C'est le cas notamment pour l'exposition consacrée à Simone Massi, où nous exposons trois grands formats qui sont des recherches et qui ne figurent pas dans le film terminé. Mais aussi le travail personnel des artistes pour le monde de l'édition, des projets d'affiche, des tableaux... Ce sera justement l'occasion de montrer toute la richesse de cette création.

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Galerie Miyu
18 passage du Chantier
75012 Paris

Accessible sur rendez-vous du mardi au samedi.
01 43 44 53 76

Consulter également la Galerie en ligne

Cannes 2018: L’Oeil d’or et le Prix de la citoyenneté décernés

Posté par vincy, le 19 mai 2018

Le Jury de l’Œil d’Or, présidé par le cinéaste Emmanuel Finkiel a remis son prix à Samouni Road de Stefano Savona (Quinzaine des Réalisateurs). Le film qui revient sur l’opération "Plomb durci" menée par l’armée israélienne à Gaza en 2009, le réalisateur restitue le quotidien d’une famille pendant et après le deuil, mêlant prises de vues réelles et animation.

"Le jury a décidé de décerner L’Œil d’or – Le Prix du documentaire au film Samouni Road de Stefano Savona, pour l’intelligence de son dispositif, la juste distance du point de vue, la délicatesse de son regard, la brillante et subtile utilisation de l’animation et pour la force de sa proposition narrative. Autant d’éléments qui contribuent à nous plonger dans une proximité exceptionnelle avec des êtres pris dans la réalité insupportable du conflit israélo-palestinien" a déclaré le jury.

Le jury a aussi distingué deux autres documentaires avec une mention spéciale ex-aequo pour The Eyes of Orson Welles (Sélection Officielle - Cannes Classics) de Mark Cousins et Libre (Sélection Officielle - Séances Spéciales) de Michel Toesca.

Pour sa première édition, le Prix de la Citoyenneté, initié par Laurent Cantet et dont le jury était présidé par Abderrahmane Sissako, a récompensé l'un des favoris pour la Palme d'or: Capharnaüm de Nadine Labaki, qui l'errance d'un enfant et d'un bébé livrés à eux-mêmes dans les zones misérables de Beyrouth.

Cannes 2018 : quelle place pour l’animation sur la Croisette ?

Posté par MpM, le 8 mai 2018

C’est souvent le parent pauvre du festival, et cette année n’y fait pas complètement exception. Certes il y a de l’animation sur la Croisette. Mais trop souvent, on a l’impression que la sélection des films d'animation répond à une concession faite au genre et à ses défenseurs plus qu'à un véritable choix de programmation.

N’incriminons pas la Semaine de la Critique, qui pour la 2e fois consécutive propose un long métrage d’animation en compétition : Chris the swiss d'Anja Kofmel (1 sur 7, c’est un bon ratio s’il faut penser en termes purement numériques). On se réjouit de cette nouvelle "tradition" instaurée par la Semaine, et qui est un exemple à suivre pour l'ensemble du festival. Incriminons encore moins la Quinzaine des réalisateurs qui a elle sélectionné deux longs métrages en compétition : Mirai de Mamoru Hosoda et Samouni Road, un documentaire de Stefano Savona en partie animé par Simone Massi.

En revanche, on a le droit d’être un poil déçu par la place réservée par l’officielle à Another day of life de Raúl de la Fuente et Damian Nenow, son seul long métrage d’animation : une simple séance spéciale. Difficile de ne pas y voir une manière de reléguer l’animation à un créneau pas trop voyant, sans grand enjeu, tout en neutralisant les éventuelles critiques sur l’absence d’animation. Ceci dit, on se réjouit sincèrement de la présence de ces quatre longs métrages sur la Croisette.

D'autant qu'il faut aussi souligner la belle place réservée à l’animation par les sections courts métrages, à savoir 8 films répartis entre la Semaine de la Critique, la Quinzaine des Réalisateurs, la compétition officielle de courts métrages et la Cinéfondation, la compétition des films d'école.

Enfin, plusieurs événements consacrés à l'animation se tiennent en parallèle du Festival. Au Marché du Film, les plus chanceux pourront par exemple découvrir certains des projets les plus attendus de l'année. Une "journée de l'animation" est également organisée, comme chaque année. Enfin, pour la troisième année consécutive,  l'opération "Annecy goes to Cannes" se tiendra le 11 mai, avec la présentation de cinq projets de longs métrages en work in progress.

Petit guide en 12 étapes pour voir la vie cannoise en version animée.

Another day of life de Raúl de la Fuente et Damian Nenow (Espagne / Pologne)

Long métrage d’animation parmi les plus attendus de l'année, A,other day of life est l’adaptation dans une forme hybride (animation, images d’archives, témoignages) du livre de Ryszard Kapuscinski, reporter de guerre pris dans la guerre civile en Angola. Lorsque commence le film, l’Angola vient de recouvrir son indépendance et deux factions se font face (MPLA et UNITA). Kapuscinski implore les autorités de le laisser rejoindre la ligne de front, et finira par être exaucé. On le suit dans ce périple périlleux et fou, tandis qu'en parallèle, des témoignages ou des images d'époque viennent compléter le récit, ou lui apporter un contrepoint. Une oeuvre historique et politique comme le festival en raffole, sur un conflit du XXe siècle souvent méconnu.

Chris the swiss d'Anja Kofmel (Suisse)

Tourné dans un somptueux noir et blanc ultra-contrasté, Chris the Swiss mêle film documentaire et images d'archives pour raconter l'histoire vraie de Chris, un reporter de guerre suisse retrouvé mort en Croatie en janvier 1992, après avoir rejoint une milice internationale d'extrême droite impliquée à la fois dans la guerre en Yougoslavie et dans des trafics de toutes sortes.

Anja Kofmel, qui est la cousine de Chris,  propose à travers le film une plongée brutale dans le contexte de cette guerre sanglante en même temps qu'une enquête intime et personnelle pour comprendre ce qui est, réellement, arrivé au jeune homme. Ainsi, elle se met en scène, ainsi que certains membres de sa famille, afin de dresser le portrait le plus juste de Chris. En parallèle, on suit le jeune homme en Yougoslavie, au contact de ceux qui l'entraîneront dans les rangs du "First International Platoon of Volunteers".

Mirai de Mamoru Hosoda (Japon)

Kun est un petit garçon à l’enfance heureuse jusqu'à l’arrivée de Miraï, sa petite sœur. Jaloux de ce bébé qui monopolise l’attention de ses parents, il se replie peu à peu sur lui-même, jusqu'au jour où il découvre un univers fantastique où se mêlent le passé et le présent. Le nouvel opus de Mamoru Hosoda, à qui l'on doit notamment Le garçon et la bête, Les enfants loups ou encore Summer wars, s'annonce comme une oeuvre familiale aux thèmes universels et aux graphismes chaleureux et doux. A retrouver également en compétition à Annecy.

Samouni Road de Stefano Savona (Italie)

Ce documentaire de Stefano Savona, en partie animé par Simone Massi, a été tourné dans la périphérie rurale de la ville de Gaza City. La route du titre tire son nom de la famille élargie Samouni, une communauté de paysans miraculeusement épargnée par soixante ans d’occupations et de guerres jusqu’en janvier 2009. Le film suit les survivants de la famille lors d'une fête qui est la première depuis la dernière guerre. Les séquences animées permettent de donner vie aux souvenirs des protagonistes qui tentent de se reconstruire.

III de Marta Pajek (Pologne)

D'abord, il faut savoir qu'il existe un II (Impossible figures and other stories II) mais pas (encore ?) de I. Le comité court de la sélection officielle a été bien avisée de sélectionner le nouveau film de cette réalisatrice surdouée qui propose des films métaphysiques épurés et minimalistes. Après avoir invité le spectateur à sonder les méandres de son propre labyrinthe intime, elle propose cette fois une drôle de plongée dans le tourbillon de la séduction et de l'amour véritablement charnel.

La chute de Boris Labbé (France)

Un seul court métrage d'animation à la Semaine, mais très attendu puisqu’il s’agit du nouveau film de Boris Labbé ! Après Orogenesis dont on vous a souvent parlé, le réalisateur revient avec une œuvre-somme qui lui a été inspirée par la lecture de Dante, et qui convoque à la fois l’histoire de l’art (de Jérôme Bosch à Henry Darger) et celle de l’Humanité. Hypnotique et hallucinatoire, porté par la musique envoûtante et complexe de Daniele Ghisi, le film s'annonce comme un prolongement du travail du réalisateur autour des motifs de la boucle, la prolifération, la multiplication, la contamination, la métamorphose...

Inanimate de Lucia Bulgheroni (Royaume-Uni)

Katrine a une vie normale, un travail normal, un petit-ami normal et un appartement normal dans une ville normale. C’est ce qu’elle pense en tout cas, jusqu’au jour où tout tombe en morceaux, au sens propre du terme. Un film de fin d'études en stop-motion, sur un sujet intime et sensible.

Inny de Marta Magnuska (Pologne)

En attendant l’arrivée d’un mystérieux nouveau venu, les gens essayent de deviner qui il est. L’image floue de l’étranger prend forme, de façon à rendre sa présence presque réelle. Mais l'excitation initiale de la foule tourne à l’angoisse. L'animation (minimaliste et glacée) est à la hauteur de la tension anxiogène que dégage peu à peu le récit, entre étude des foules galvanisées par le seul sentiment du collectif et dénonciation des préjugés les plus sombres.

Ce magnifique gâteau de Emma de Swaef et Marc Roels (Belgique)

Six ans après leur acclamé court métrage Oh Willy, Emma de Swaef et Marc Roels sont de retour avec un moyen métrage de 44 minutes qui fera nécessairement figure d'OVNI sur la Croisette. D'autant que ce film en stop-motion qui met en scène des figurines duveteuses et minimalistes parle avec cynisme et humour noir de la colonisation en Afrique. Vraisemblablement l'un des films-événements de l'année dans le monde de l'animation. Heureusement, pour ceux qui le rateraient à Cannes, il sera présenté en séance spéciale à Annecy.

La nuit des sacs plastiques de Gabriel Harel (France)

Agathe, bientôt 40 ans, va retrouver son ex, Marc-Antoine, avec la ferme intention de le séduire à nouveau, afin d'avoir un enfant avec lui. Mais dans l'ombre, les sacs plastiques attendent leur heure... Un film de genre, en animation 2D sur fond de prises de vues réelles, qui se moque à la fois de la notion de couple et du cinéma bis, tout en proposant une nouvelle genèse aussi loufoque qu'irrévérencieuse. Le tout par gabriel Harel, réalisateur de l'acclamé Yul et le serpent.

Sailor's delight de Louise Aubertin, Éloïse Girard, Marine Meneyrol, Jonas Ritter, Loucas Rongeart, Amandine Thomoux (France)

Une sirène essaye de séduire deux marins et se retrouve prise à son propre piège. Un film d'étudiants en 3D qui détourne les codes du genre pour une démonstration technique et visuelle classique mais prometteuse.

Le Sujet de Patrick Bouchard (Canada)

Un corps inanimé sur une table de dissection, une structure métallique, du sang. Patrick Bouchard découpe et sonde le moulage de son propre corps pour une introspection intime sidérante. Réalisé en volume et en pixilation, Le sujet est une expérience cinématographique intense et complexe qui emmènera chacun aux plus profond de lui-même.