[2019 dans le rétro] Le triomphe ambivalent de l’animation adulte

Posté par MpM, le 10 janvier 2020

Un regard rapide sur l'année écoulée suffit pour se réjouir de la vitalité du cinéma d'animation en France. Avec 50 longs métrages et 20 programmes de courts, il représente en effet en moyenne plus d'une sortie par semaine, sans compter les ressorties, ce qui témoigne d'une offre riche et diversifiée.

L'animation française s'en sort bien, avec 9 longs métrages, contre 16 pour les Etats-Unis, et 8 pour le Japon. Côté box-office, cette année encore ce sont les blockbusters américains qui dominent : Le Roi lion est en tête avec 10 millions d'entrées, suivi de La Reine des neiges 2 et de Toy Story 4. Le premier film français est loin derrière avec 750 000 entrées (Minuscule 2), tandis que le premier film d'auteur et à destination d'un public adulte, Les Hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec, affiche 320 000 entrées. Evidemment, on préférerait que ce soit le contraire, et que l'animation exigeante (et de manière générale le cinéma d'auteur) triomphe dans les salles, au nez et à la barbe des blockbusters et autres sequels en série.

Pourtant, on peut aussi voir le verre à moitié plein et se dire que si l'adaptation du roman de Yasmina Khadra pouvait sans doute prétendre à mieux (n'est-ce pas toujours le cas ?), surtout avec Zabou Breitman, personnalité connue et appréciée du grand public à la co-réalisation, son résultat au-dessus des 300 000 entrées prouve malgré tout qu'il existe un public art et essai susceptible de se mobiliser pour aller voir un long métrage d'animation qui aborde un sujet complexe et difficile (en l'occurence, l'Afghanistan des Talibans). Ce qui signifie qu'un "transfert" de spectateurs amateurs d'art et essai est bel et bien possible entre prise de vue continue et animation.

La question est plutôt de savoir pourquoi le transfert marche dans certains cas, et pas dans d'autres. On pense notamment à Funan de Denis Do, premier long métrage sensible et bouleversant sur la période terrible de la dictature des khmers rouges au Cambodge. Inspiré de l'histoire vraie de la mère et du frère du réalisateur, le film nous plonge sans fard dans le quotidien des camps de travail khmers, et expose toute la complexité d'une situation dans laquelle chacun joue sa vie à chaque instant. Malgré sa force, malgré son sujet, malgré le Cristal du meilleur long métrage à Annecy en 2018, le film n'a pas trouvé son public. Hélas, il est loin d'être le seul.

Et s'il fallait une démonstration plus cruelle encore du fait que la qualité est parfois inversement proportionnelle au nombre d'entrées, il faudrait citer ce qui demeure comme l'un des plus beaux films (tout court) de l'année 2019, Ville neuve de Félix Dufour-Laperrière, malheureusement sorti sur très peu d'écrans, et donc vu par un nombre limité de spectateurs. Ville neuve démontre pourtant autre chose que les injustices grossières du box-office.

Il est l'exemple parfait de ce que les amateurs de cinéma d'animation attendaient depuis longtemps : un long métrage qui bouscule les habitudes, tente des choses d'ordinaire bannies en animation (un long plan fixe sur deux personnages à la fenêtre, des passages abstraits au milieu du récit, un plan-séquence virtuose sur deux personnages qui marchent dans la rue...) et affirme à chaque image que l'animation n'est pas du sous-cinéma. Son histoire de couple qui tente de renouer avec le passé nous touche autant que sa variante en prise de vue continue chez Christophe Honoré dans Chambre 212, l'autre grand film sur le couple de 2019. De la même manière, son aspiration à rapprocher les espaces du rêve, de l’imaginaire, du souvenir, de l’intime et du collectif, nous interpelle et nous interroge. Ville neuve est non seulement un film destiné à un public adulte, mais aussi un film doté d'une incontestable maturité formelle et narrative.

L'autre exemple criant en la matière est bien entendu J'ai perdu mon corps de Jérémy Clapin, qui fait lui aussi la démonstration d'une maîtrise formelle peu fréquente. Attention, il ne s'agit pas ici de technique, mais bien de mise en scène, avec un sens du cadre et du point de vue qui dénotent une connaissance millimétrée du langage cinématographique. Une virtuosité qui ne doit pas faire oublier les autres qualités de ce premier long métrage singulier, à commencer par sa mélancolie douce-amère et son émotion sous-jacente. Là encore, Jérémy Clapin déjoue les attentes en proposant, entre deux scènes d'action qui flirtent avec le cinéma de genre, une longue séquence presque statique de dialogue entre les deux personnages principaux, par interphone interposé. Cerise sur le gâteau, même s'il n'a pas battu de record, J'ai perdu mon corps est loin d'avoir démérité au Box-Office, surtout en comparaison avec nos précédents exemples...

Il faut encore mentionner Bunuel après l'âge d'or de Salvador Simó et Another day of life de Raul de la Fuente et Damian Nenow qui, s'ils nous ont moins enthousiasmés, participent également à ce mouvement général de longs métrages d'animation résolument tournés vers un public plus adulte. De la même manière que le documentaire Zero impunity de Nicolas Blies, Stéphane Hueber-Blies et Denis Lambert (grand succès de festival encore inédit en salles), qui dénonce l'impunité des violences sexuelles dans les conflits armés actuels.

Quelques films, enfin, prennent le parti de s'adresser à un public certes familial, mais tout en offrant un niveau de lecture particulièrement développé aux spectateurs adultes. C'est le cas dans une moindre mesure de La Fameuse invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattotti, et surtout du formidable Voyage du Prince de Jean-François Laguionie, qui aborde sans fard la question des réfugiés et de l'accueil que leur réservent nos sociétés contemporaines bien pensantes.

Et puis, bien sûr, il y a L'extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damian, qui vient tout juste de sortir en salles, mais qui dès sa première projection au festival d'Annecy, montrait lui-aussi les facilités qu'a le cinéma (qu'il soit d'animation ou non) pour s'adresser simultanément à tous les publics. Brillant, splendide et d'une grande intelligence, le film est ainsi à la fois une fresque colorée qui retrace la vie douce amère d'une petite chienne et une réflexion profonde sur le bonheur, et notre incapacité à le saisir, ou même à le reconnaître.

A noter enfin qu'il serait impossible de prétendre à un quelconque tour d'horizon du cinéma d'animation en omettant sa part la plus foisonnante, celle du court et du moyen métrage. Cette année encore, on a vu des films superbes, comme en témoignent nos deux focus sur les meilleurs courts métrages de 2019, qui comptent une dizaine de films d'animation sur les 25 titres cités. Afin de ne pas se répéter, on ne citera donc que deux d'entre eux, qui ont d'ores et déjà marqué durablement les esprits : L'Heure de l'ours d'Agnès Patron et Physique de la Tristesse de Théodore Ushev.

2018 dans le rétro : la belle année du cinéma d’animation

Posté par MpM, le 25 décembre 2018

De Fireworks de Akiyuki Shimbo et Nobuyuki Takeuchi le 3 janvier à Mirai de Mamoru Hosoda le 26 décembre, le cinéma d'animation n'aura pas beaucoup quitté l'affiche en 2018. Cette année aura d'ailleurs été exceptionnelle à plusieurs titres pour les films animés.

C'était en effet la première fois, en février dernier, qu'un court métrage d'animation était couronné par un Grand Prix à Clermont Ferrand (Vilaine fille d'Ayce Kartal, en compétition nationale). Pour la première fois également, un film réalisé en stop-motion remportait quelques jours plus tard le prestigieux Ours d'argent de la meilleure mise en scène à Berlin (L'île aux chiens de Wes Anderson). Deux récompenses ultra-symboliques qui prouvent que les mentalités changent, les barrières tombent, les préjugés reculent. Breaking news : le cinéma d'animation est avant tout du cinéma, et ça commence à se savoir !

En force à Cannes


A Cannes, festival réputé frileux pour tout ce qui n'est pas prise de vue réelle, l'animation semblait d'ailleurs être partout (et pas seulement dans les programmes de courts métrages !) : en compétition dans les sections parallèles (Chris the Swiss d'Anja Kofmel à la Semaine de la Critique, Samouni Road de Stefano Savona et Mirai de Mamoru Hosoda à la Quinzaine), en séance spéciale à l'officielle (Another day of life de Raúl de la Fuente et Damian Nenow), mais aussi en guest star dans plusieurs films de la sélection officielle, à l'image de Leto de Kirill Serebrennikov, Under the silver lake de David Robert Mitchell et The house that Jack built de Lars von Trier. En touches légères, pour l'humour ou la dérision, l'animation apportait cette année une grosse dose de liberté à des films en quête de singularité formelle.

Pour ce qui est de l'offre en salles, là encore 2018 aura été riche et éclectique, offrant des longs métrages pour tous les goûts, et moins de suites ou de reboots qu'en 2017, même si ceux-ci sont assez incontournables dans le marché du cinéma contemporain. Le plus notable dans le domaine fut évidemment Les indestructibles 2 de Brad Bird, 14 ans après le premier volet, mais on peut aussi citer Maya l'abeille 2, les jeux du miel de Noel Cleary et Sergio Delfino, Tad et Le secret du roi Midas de Enrique Gato et David Alonso, et bien sûr le nouveau volet des aventures d'Astérix et Obélix, Le Secret de la potion magique, par Alexandre Astier et Louis Clichy. Côté adaptation, difficile de faire l'impasse sur Croc-blanc d'Alexandre Espigares qui redonne vie au héros de Jack London avec l'un des plus gros budgets du cinéma français de l'année.

Le dynamisme jamais démenti des films pour jeune public


Sans surprise, ce sont les films à destination du jeune public, voire du très jeune public, qui sont largement en tête des sorties, à l'image de Agatha ma voisine détective de Karla Von Bengston, Pierre Lapin de Will Gluck, Le voyage de Lila de Marcela Rincon Gonzalez, Yéti et compagnie de Karey Kirkpatrick et Jason Reisig, Capitaine Morten et la reine des araignées de Kaspar Jancis ou encore Pachamama de Juan Antin. Sans oublier le grand retour des studios Aardman avec Cro-man de Nick Park, qui ne s'est pas tout à fait avéré à la hauteur des attentes,  celui de Michel Ocelot, qui s'est planté avec son Dilili à Paris inventif visuellement mais souffrant d'un scénario ultra didactique et d'une interprétation outrée, et la belle surprise Spider-man : new generation de Peter Ramsey, Bob Persichetti, Rodney Rothman.

Les programmes de courts étaient eux-aussi au rendez-vous : Rita et crocodile de Siri Melchior, L'étrange forêt de Bert et Joséphine de Filip Pošivac et Barbora Valecká, Le quatuor à cornes de Benjamin Botella, Arnaud Demuynck, Emmanuelle Gorgiard et Pascale Hecquet, La grande aventure de Non-Non de Matthieu Auvray, le programme collectif Ta mort en shorts, Mimi et Lisa, les lumières de Noël de Katarina Kerekesova et Ivana Šebestová... et plusieurs très belles sorties de films "du patrimoine" : le merveilleux Alice Comedies 2 de Walt Disney et l'indispensable Révolte des jouets (qui réunit trois courts métrages de Bretislav Pojar et Hermina Tyrlova), tous deux distribués par Malavida, et l'également formidable programme Les Contes merveilleux de Ray Harryhausen (Carlotta Films) qui permet de (re)découvrir les premiers films en stop motion de ce grand maître des effets spéciaux.

Les documentaires hybrides et l'animation pour adultes


Mais 2018 aura également relancé la veine de l'animation documentaire et à destination des adultes. A Cannes, trois films sur quatre étaient des documentaires, qui mêlaient tous animation et prise de vue continue pour aborder des sujets historiques ou politiques sensibles : la mort d'un journaliste suisse pendant la guerre en ex-Yougoslavie (Chris the Swiss), le quotidien d'une famille de Gaza city frappée de plein fouet par l'offensive terrestre israélienne "Plomb durci"' en 2009 (Samouni Road) et la guerre civile en Angola (Another day of life).

A Annecy, ce sont deux films forts, abordant l'Histoire récente, qui ont remporté les principaux prix : Funan de Denis Do qui revient sur la période terrible de la dictature des khmers rouges au Cambodge (Cristal du meilleur long métrage) et Parvana de Nora Twomey, qui dépeint la condition de vie des femmes dans l'Afghanistan des Talibans. Le reste de la sélection était d'ailleurs à l'avenant, avec deux films sur le conflit israélo-palestinien (Wall de Cam Christiansen et Wardi (anciennement La Tour) de Mats Grorud), un essai au vitriol sur la religion (Seder-Masochism de Nina Paley), un portrait cruel de la Chine contemporaine (Have a nice day de Liu Jian) et même un témoignage saisissant sur un important conflit social du début des années 50, Un homme est mort d'Olivier Cossu.

Dans un registre plus intime, mais tout aussi grave, Happiness road de Hsin-Yin Sung (présenté hors compétition et sorti pendant l'été) est un beau récit introspectif sur le temps qui passe, les choix que l'on fait et les rêves que l'on poursuit. Sélectionné à Annecy l'an passé, Silent voice de Naoko Yamada est quant à lui l'adaptation sensible et audacieuse d'un manga qui aborde la question du handicap et du harcèlement. Preuve qu'il n'existe pas de sujets tabous en cinéma d'animation, et qu'il est au contraire parfois le format idéal pour faire passer certaines images difficiles à supporter.

Et 2019 alors ?


Dans la continuation du beau dynamisme 2018, 2019 devrait nous réserver quelques belles surprises. Ca commence dès le 23 janvier avec la première sortie dans les salles françaises du premier film d'Hayao Miyazaki, Le château de Cagliostro, qui fêtera ses 40 ans ! On verra aussi enfin plusieurs films dont nous vous parlons depuis plusieurs mois, à savoir Another day of life de Raúl de la Fuente et Damian Nenow, Wardi de Mats Grorud, Funan de Denis Do et Tito et les oiseaux de Gustavo Steinberg, Gabriel Bitar et André Catoto Dias.

Côté suites, on découvrira Minuscules 2, les mandibules du bout du monde de Thomas Szabo et Hélène Giraud, Dragons 3 de Dean deBlois, Ralph 2.0 de Rich Moore et Phil Johnston, La grande aventure lego 2 de Mike Mitchell, Toy Story 4 de Josh Cooley, Shaun le Mouton Le Film : La Ferme Contre-Attaque de Richard Starzak ou encore La reine des neiges 2 de Jennifer Lee et Chris Buck.

Enfin, dans le registre des grandes impatiences, on n'en peut plus d'attendre Buñuel après l’âge d’or de Salvador Simo, La Fameuse invasion des ours en Sicile de Lorenzo Mattoti, L'extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damian et quelques autres qui, malheureusement, ne verront peut-être pas le jour avant 2020... C'est peut-être là le grand défaut de l'animation : souvent, elle requiert une certaine dose de patience.

Parvana de Nora Twomey triomphe aux Emile Awards 2018

Posté par MpM, le 11 décembre 2018

Pour sa 2e édition, la cérémonie des Emile Awards, les récompenses de l'animation européenne, a vu le triomphe de Parvana, une enfance en Afghanistan de Nora Twomey, qui remporte 4 trophées, dont celui de la meilleure réalisation. La cinéaste en a profité pour délivrer un message aux jeunes réalisatrices présentes dans l'assemblée : "N'écoutez jamais les voix qui disent que vous ne pouvez pas y arriver, parce que vous pouvez ! Je souhaite voir plus de films politiques comme ceux qui étaient nommés dans notre catégorie [Another day of life, Funan, Teheran Tabu] et plus d'héroïnes comme Parvana !"

A côté de la fable sensible sur l'Afghanistan en guerre, c'est le très attendu récit intime de Denis Do sur la vie au temps des khmers rouges, Funan, qui repart avec deux prix, dont meilleur scénario, tandis qu'Another day of life de Raul de la Fuente et Damian Nenow, qui suit le reporter polonais Ryszard Kapuscinski au cœur de la guerre civile angolaise. est couronné pour sa musique. Probablement victime d'une très grosse année de l'animation européenne, et du succès écrasant de Parvana, d'ailleurs présenté en avant-première lors de la première édition des Emile Awards, le splendide Chris the Swiss d'Anja Kofmel repart quant à lui bredouille.

Côté courts métrages, Ce magnifique gâteau ! d'Emma De Swaef et Marc James Roels ajoute un nouveau titre à son palmarès, tandis que (Fool Time) Job de Gilles Cuvelier dont nous vous avons régulièrement parlé tout au long de l'année est distingué pour ses décors et le design de ses personnages.

A signaler enfin que le Danemark rafle la mise dans la catégorie programmes de télévision et film de commande.

La soirée, qui se tenait à Lille, dans le cadre confortable du Nouveau siècle, a été ponctuée par plusieurs interludes, et notamment deux morceaux interprétés par le compositeur Vincent Courtois et le musicien Daniel Erdmann ainsi que par un hommage touchant à Clare Kitson, honorée par le Lotte Reiniger Lifetime Achievement Award. L'auteure et ancienne programmatrice qui a fait de Channel 4 un leader de l'animation a commencé par s'excuser du Brexit, avant d'affirmer modestement qu'elle avait surtout "eu de la chance", son poste à Channel 4 lui ayant permis de soutenir, financer et promouvoir l'animation britannique et mondiale pendant une décennie.

C'est le très psychédélique Yellow submarine de George Dunning, un long métrage coloré et absurde mettant en scène les Beatles, qui a joyeusement clôturé la soirée. Le film, qui fête son 50e anniversaire, reste d'une modernité étonnante, avec une animation qui foisonne de gags visuels, une histoire ultra simpliste aux ressorts alambiqués, des dialogues bourrés de jeux de mots plus ou moins décalés, et bien sûr les inégalables chansons du groupe, de Lucy in the sky à Nowhere man, en passant par When I'm 64 ou Eleonore Rigby.

Tout le palmarès

Meilleure réalisation pour un long métrage
Nora Twomey pour Parvana, une enfance en Afghanistan (Irlande / Luxembourg / canada)

Meilleur scénario pour un long métrage
Denis Do et Magali Pouzol pour Funan (France)

Meilleur storyboard pour un long métrage
Giovanna Ferrari, Julien Regnard et Stuart Shankly pour Parvana, une enfance en Afghanistan (Irlande / Luxembourg / canada)

Meilleure animation de personnage pour un long métrage
Fabian Erlinghäuser, John Walsh, Lorraine Lordan, Jeremy Purcell, Viktor Ens, Nicolas Debray, Geoff King et Emmanuel Asquier-Brassart pour Parvana, une enfance en Afghanistan (Irlande / Luxembourg / canada)

Meilleurs décors et design de personnage pour un long métrage
Ciaran Duffy, Reza Riaihi et Sandra Andersen pour Parvana, une enfance en Afghanistan (Irlande / Luxembourg / canada)

Meilleure musique  pour un long métrage
Mikel Salas pour Another Day of Life (Pologne)

Meilleur sound design pour un long métrage
Nicolas Leroy, Michel Schillings et Nicolas Tran Trong pour Funan (France)

Meilleure réalisation pour un court métrage
Emma De Swaef, Marc James Roels pour Ce magnifique gâteau ! (Belgique / France / Pays-Bas)

Meilleurs décors et character design pour un court métrage
Gilles Cuvelier pour (Fool) Time Job (France)

Meilleure réalisation pour un film étudiant
Anna Mantzaris  pour Enough (Grande-Bretagne)

Meilleure réalisation pour un film de commande
Magnus Igland Møller pour A most precise and nuanced look into the life of the man, legend and visionary - Martin Luther (Danemark)

Meilleure réalisation pour un programme de télévision

Christian Bøving-Andersen et Eva Lee Wallberg pour The Heroic Quest of the Valiant Prince Ivandoe (Danemark)

Meilleur scénario pour un programme de télévision
Kim Fupz Aakeson et Ida Mule Scott pour Vitello - Vitello Gets a Yucky Girlfriend (Danemark)

Meilleur storyboard pour un programme de télévision
Kenneth Ladekjær et Eva Lee Wallberg pour The Heroic Quest of the Valiant Prince Ivandoe (Danemark)

Meilleure animation de personnage pour un programme de télévision
Tina Lykke Thorn, Henrik Sønniksen, Mikkel Vedel et Eva Lee Wallberg pour  The Heroic Quest of the Valiant Prince Ivandoe (Danemark)

Meilleurs décors et design de personnage pour un programme de télévision
Mikkel Sommer et Birk Von Brockdorff pour The Heroic Quest of the Valiant Prince Ivandoe (Danemark)

Meilleure musique pour un programme de télévision
Yan Volsy et Pablo Pico pour Un homme est mort (France)

Meilleur sound design pour un programme de télévision
Célia Sayaphoum pour Athleticus - Middle-distance running (France)

Notre guide pour le 16e carrefour du cinéma d’animation

Posté par MpM, le 10 décembre 2018

Dans son éditorial en ouverture du programme du 16e Carrefour du cinéma d'animation qui commence ce mercredi 12 décembre, le directeur des programmes du forum des images Fabien Gaffez souligne à quel point ce festival fut précurseur pour sortir le cinéma d'animation "des ornières du "dessin animé" (comprendre : cette chose divertissante pour les enfants)".

Si quinze ans plus tard la situation reste contrastée (on entend encore, régulièrement, et de la part de gens par ailleurs tout à fait sensés, les pires clichés sur le cinéma d'animation), le Carrefour poursuit son sillon en offrant le bel écrin du Forum à toutes les formes de cinéma animé, longs et courts métrages, documentaires et fictions,  cinéma d'auteur et films pour jeune public. Pour vous aider à ne rien rater, Ecran Noir vous a concocté un guide des principaux événements de cette édition 2018.

* Seder masochism de Nina Paley :  le film incontournable

S'il ne devait y en avoir qu'un, ce serait évidemment ce film déjanté et hilarant, extrêmement brillant dans son propos, qui véhicule un discours politique fort à travers le rite du Seder (propre à la fête de Pessah dans la religion juive) qui consiste à "revivre" l'exode du peuple juif guidé hors d'Egypte par Moïse. La réalisatrice, qui se représente sous la forme d'une chèvre, converse avec son père (sous la forme de Dieu le père, avec barbe et moustache, et œil de la providence sur le front). Leur dialogue est extrait d'une conversation qu'ils ont eue en 2011, peu de temps avant sa mort, et qu'elle avait opportunément enregistrée. Interviennent également Moïse, Aaron et l'ange de la mort, ainsi que des prophètes réunis autour d'un banquet, et quantité d'autres symboles religieux et patriarcaux toujours utilisés à bon escient, c'est-à-dire de manière à produire le rire et la réflexion.

Pas encore convaincus ? Ajoutons à cela qu'il s'agit aussi d'une comédie musicale mêlant le chant folklorique américain "This land is your land" (sur des scènes joyeuses de gens qui s’entretuent en boucle), "The things we do for love" de 10CC qui accompagne, notamment, des scènes d'explosions et des vues des attentats contre le World Trade Center en 2001 et le fameux duo "Paroles, Paroles" d'Alain Delon et Dalida pour illustrer les rapports entre les religions et les femmes (avec Alain Delon en Dieu, et Dalida en Déesse).

* Les courts d'école : la jeune création prometteuse

Quoi de mieux que les courts métrages réalisés par les étudiants en animation pour se faire une idée de la richesse de la production contemporaine, et du véritable vivier de talents que recèlent les écoles françaises ? A travers quatre programmes, le festival propose ainsi un panorama de la jeune création, dont le poétique Baransu d'Alice Lahourcade qui raconte la rencontre entre deux yokais (esprits japonais) en utilisant les codes du théâtre kabuki, le touchant Hedgehog (de Vaibhav Keswani, Jeanne Laureau, Colombine Majou, Morgane Mattard, Kaisa Pirttinen, Jong-ha Yoon), qui met en scène un petit garçon se réfugiant dans son savoir encyclopédique sur les hérissons, ou encore l'amusant Thermostat 6 (de Maya Av-Ron, Mylène Cominotti, Marion Coudert, Sixtine Dano), dans lequel une petite fuite d'eau révèle la propension d'une famille à vivre en-dehors de toute réalité.

* Mirai ma petite soeur de Mamoru Hosada : la séance à voir en famille

Ce n'est pas si souvent qu'on peut aller au cinéma avec ses enfants sans s'endormir discrètement devant des programmes pas vraiment conçus pour des adultes. Avec Mirai ma petite sœur de Mamoru Hosada, grands et petits passent un beau moment de cinéma, portés par les minuscules mais attachants enjeux familiaux du récit et l'animation libre et pleine d'ampleur du réalisateur japonais.

* Les courts métrages français professionnels : les fondamentaux


On ne peut pas se proclamer amateur de cinéma d'animation si l'on ne s'intéresse pas un minimum au court métrage, qui est comme toujours le plus formidable des terrains d'expérimentation et d'audace. C'est dans le format court que l'on voit émerger des auteurs singuliers, exigeants, inspirés, qui bousculent nos certitudes et nos attentes pour tracer leur propre chemin. Outre les incontournables de l'année, comme Le tigre de Tasmanie de Vergine Keaton, La nuit des sacs plastiques de Gabriel Harel ou Je sors acheter des cigarettes d'Osman Cerfon, on découvrira au Carrefour Moutons, Loup et Tasse de thé… de Marion Lacourt et Riviera de Jonas Schloesing en work in progress !

* Focus sur le studio d'animation Miyu productions : les scoops potentiels

Pour tout connaître du beau travail réalisé par le studio Miyu depuis sa création en 2009, avec notamment des courts métrages comme Nothing happens de Michelle et Uri Kranot et Egg de Martina Scarpelli, mais aussi découvrir des images inédites de leurs projets en cours, parmi lesquels Saules aveugles, femme endormie de Pierre Földes dont nous vous parlions il y a quelques jours.

* L'extraordinaire voyage de Marona d'Anca Damian : le Work in progress pour les impatients


On vous a déjà parlé du nouveau film d'Anca Damian (Le voyage de M. CrulicLa montagne magique) qui s'annonce comme une fresque virtuose et intense racontant à la première personne l'histoire tragique de son héroïne, une petite chienne qui a connu plusieurs foyers. Cette fois, le Carrefour propose l'occasion exceptionnelle de découvrir en avant-première des images du film commentées par la réalisatrice elle-même. Histoire de patienter jusqu'à sa sortie courant 2019 (après une première mondiale dans un grand festival international ?).

* Masterclass Richard Williams : la rencontre culte

Cet animateur, réalisateur et producteur d’animation est célèbre pour avoir animé la panthère rose dans Quand la panthère rose s’emmêle (1976) et dirigé l’animation de Qui veut la peau de Roger Rabbit (1988), qui lui a valu deux Oscars. Pour les plus connaisseurs, son long métrage inachevé The Thief and the Cobbler: A moment in Time (présenté lors du Carrefour) est une oeuvre culte. Lors de sa masterclass, il évoquera en compagnie du spécialiste de l'animation Alexis Hunot les temps forts de sa carrière, extraits et exemples à l'appui.

* Focus sur l'oeuvre de Jonathan Hodgson : la rétrospective indispensable

Lors d'une séance en présence du réalisateur, le public pourra découvrir le travail de Jonathan Hodgson, fer de lance de l'animation britannique, dont l'oeuvre se nourrit de "graphisme et de collages au service d'une narration choc". Qu'il mélange animation et prise de vues réelles comme dans son film Camouflage (2001) ou adapte un texte de Charles Bukowski (The Man with the beautiful eyes, 1999), c'est un auteur en perpétuelle recherche qui tente de se renouveler en permanence. On pourra en avoir un aperçu au travers de la douzaine de films présentés (dont certaines commandes) ainsi que de son dernier court métrage Roughouse, également présenté en compétition.

* Funan de Denis Do : l'avant-première inratable


Couronné à Annecy, Funan est le récit sensible et pudique du quotidien sous le régime des khmers rouges. Un jeune couple de déportés, contraints aux durs travaux agricoles, se retrouve séparé de son fils, envoyé dans un camp pour enfants. N'étant jamais à charge, si ce n'est contre le système lui-même, le film montre à la fois les gestes cachés de solidarité (deux cadres aident fugacement le couple de protagonistes, les membres de la famille essayent de rester soudés) et l'impossibilité de cette solidarité dans un contexte où se joue, à chaque instant, la survie de chacun. Son écriture sobre et sa mise en scène ample et subtile évitent le misérabilisme comme le spectaculaire, pour un résultat visuellement et émotionnellement impressionnants.

A noter que plein d'autres avant-premières valent le déplacement, comme Another day of life de Raul de la Fuente et Damian Nenow (sortie le 23 janvier 2019), Tito et les oiseaux de Gabriel Bitar, Gustavo Steinberg et André Catoto Dias (24 avril 2019), Wardi de Mats Grorud (27 février 2019), Virus tropical de Santiago Caicedo de Roux (pas encore de date de sortie) ou encore Le Château de Cagliostro, le premier long métrage d'Hayao Miyazaki, pour la première fois sur les écrans français le 23 janvier 2019.

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16e Carrefour du cinéma d'animation
Du 12 au 16 décembre
Infos et programme sur le site du Forum des Images

Funan favori des Emile Awards 2018

Posté par vincy, le 9 novembre 2018

Hier, à Athènes, la sélection des deuxièmes Emile Awards, les "Oscars" de l’animation européenne, a été dévoilée. Les lauréats seront connus le samedi 8 décembre, à Lille.

Au total, 18 prix seront remis. Deux catégories apparaissent pour cette 2e édition: meilleure conception et habillage sonores dans un long métrage de cinéma et dans un film de télévision, ainsi que la meilleure bande originale musicale.

On passe aussi de trois à cinq nommés. Si bien que la liste a presque doublé avec un total de 90 nominations. Cela permet une plus grande diversité géographique. La France reste dominante avec un tiers des nominations si on prend en compte les coprods.

Les nominations des films de cinéma sont liées à leur sortie, du 1er août 2017 au 15 octobre 2018. C'est moins que les 18 mois de la première édition. Ainsi, une partie des films sélectionnés à Annecy font le plein de nominations. On peut aussi noter que deux films qui sortiront au premier trimestre 2019 en France sont sélectionnés  (Funan et Another Day of Life). Funan est d'ailleurs le grand favori de cette édition.

Enfin, le conseil d’administration des EAA a choisi d'honorer Clare Kitson avec un Lotte Reiniger Lifetime Achievement Award. L'auteure et ancienne programmatrice qui a fait de Channel 4 un leader de l'animation donnera une masterclasse à Lille le 7 décembre.

Meilleure réalisation

- Another Day of Life de Raúl de la Fuente et Damian Nenow (Pologne, Espagne Belgique, Allemagne)
- Capitaine Morten et la reine des araignées (Captain Morten and the Spider Queen) de Kaspar Jancis, Henry Nicholson et Riho Hunt (Estonie, Belgique, Irlande, Royaume-Uni)
- Funan de Denis Do (France, Belgique, Luxembourg, Cambodge)
- Téhéran Tabou de Ali Soozandeh (Allemagne, Autriche)
- Parvana (The Breadwinner) de Nora Twomey (Irlande, Luxembourg, Canada)

Meilleur scénario
- Another Day of Life (Raúl de la Fuente, Damian Nenow, David Weber, Amaia Remirez, Niall Johnson) (Pologne, Espagne Belgique, Allemagne)
- Chris the Swiss (Anja Kofmel) (Suisse, Croatie, Allemagne, Finlande)
- Funan (Denis Do, Magali Pouzol) (France, Belgique, Luxembourg, Cambodge)
- Gordon & Paddy (Janne Vierth) (Suède)
- Téhéran Tabou (Ali Soozandeh) (Allemagne, Autriche)

Meilleur storyboard
- Croc-Blanc (France, Luxembourg)|
- Dilili à Paris (France, Belgique, Allemagne)
- Cro Man (Early Man) (Royaume-Uni)
- Gordon & Paddy (Suède)
- Parvana (The Breadwinner) (Irlande, Luxembourg, Canada)

Meilleure animation de personnage
- Captain Morten and the Spider Queen (Estonie, Belgique, Irlande)
- Cro Man (Early Man) (Royaume-Uni)
- Luis & the Aliens (Allemagne, Luxembourg, Danemark)
- Parvana (The Breadwinner) (Irlande, Luxembourg, Canada)
- Zombillénium (France, Belgique)

Meilleurs décors et design de personnage
- Another Day of Life (Pologne, Espagne, Belgique, Allemagne)
- Chris the Swiss (Suisse, Croatie, Allemagne, Finlande)
- Funan (France, Belgique, Luxembourg, Cambodge)
- Parvana (The Breadwinner) (Irlande, Luxembourg, Canada)
- The Incredible Story of the Giant Pear (Danemark)

Meilleure bande originale
- Another Day of Life (Pologne, Espagne, Belgique, Allemagne)
- Black is Beltza (Espagne)
- Chris the Swiss (Suisse, Croatie, Allemagne, Finlande)
- The Incredible Story of The Giant Pear (Danemark)
- THEOX (Grèce)

Meilleurs conception et habillage sonores
- Another Day of Life (Pologne, Espagne, Belgique, Allemagne)
- Chris the Swiss (Suisse, Croatie, Allemagne, Finlande)
- Funan (France, Belgique, Luxembourg, Cambodge)
- Téhéran Tabou (Allemagne, Autriche)
- La tour (France, Norvège, Suède)

Meilleur court métrage
- Bloeistraat 11 de Nienke Deutz (Belgique, Pays-Bas)
- Egg de Martina Scarpelli (France, Danemark)
- Fest de Nikita Diakur (Allemagne)
- Musical Traumas de Milos Tomi (Serbie)
- Ce magnifique gâteau ! d'Emma De Swaef et Marc James Roels (Belgique, France, Pays-Bas)

Meilleurs décors et design de personnage dans un court métrage
- Cat Days de Jon Frickey (Allemagne)
- (Fool Time) Job de Gilles Cuvelier (France)
- Have Heart de Will Anderson (Royaume-Uni)
- Last Stop is the Moon de Birute Sodeikaite (Pologne, Lituanie)
- The Fruits of Clouds de Katerina Karhankova (République tchèque)

Annecy 2018 : des longs métrages d’animation qui dressent un certain état du monde

Posté par MpM, le 22 juin 2018

Cette édition 2018 du Festival d'Annecy aura redit avec efficacité et panache le dynamisme et la belle diversité du cinéma d'animation mondial, qui s'adresse à tous les publics et explore tous les genres cinématographiques. Côté longs métrages, la tendance principale était clairement à un cinéma fort et engagé, voire politique, qui regarde en face les réalités de son époque comme celles du passé. La guerre et la violence étaient ainsi omniprésentes à l'écran, du conflit israélo-palestinien à la guerre civile en Angola, en passant par l'Afghanistan des Talibans et le Cambodge des Khmers rouges.

Ce sont d'ailleurs ces deux propositions qui ont emporté l'adhésion du jury et du public. Sur un mode assez classique, Funan de Denis Do, qui a reçu le Cristal du meilleur long métrage, et Parvana de Nora Twomey, qui a fait le doublé prix du Jury et prix du Public, racontent de manière linéaire et simple le quotidien dans un régime d'ordre totalitaire.

Vivre sous un régime totalitaire


Dans Funan, le réalisateur s'attache à un couple, déporté par le régime, qui se retrouve séparé de son fils. Contraints aux durs travaux des champs, malmenés par les cadres du nouveau régime, sous-alimentés, et sous surveillance permanente, les personnages se battent pour leur survie en même temps que pour retrouver leur fils. C'est l'occasion d'un plongée toute en nuances dans la vie de ces déportés privés de tout : on découvre la cruauté et la bêtise de cadres qui se raccrochent à des idéaux fallacieux de pureté et d'égalité absolue, l'inhumanité d'un système qui nie toute individualité, puis contamine insidieusement victimes comme bourreaux, l'impuissance de tous, la nécessité de survivre coûte que coûte... N'étant jamais à charge, si ce n'est contre le système lui-même, le film montre à la fois les gestes cachés de solidarité (deux cadres aident fugacement le couple de protagonistes, les membres de la famille essayent de rester soudés) et l'impossibilité de cette solidarité dans un contexte où se joue, à chaque instant, la survie de chacun, et où il devient tout à coup acceptable d'accepter un viol (parce que le violeur peut fournir de la nourriture) ou de ne pas venir en aide à une enfant (parce qu'elle est la fille d'un des bourreaux).

Il s'agit de l'histoire vraie de la famille du cinéaste, qui s'est attaché, on le sent, à retranscrire toutes les nuances d'une réalité complexe. Là où on aurait pu craindre une certaine forme de complaisance ou de misérabilisme, il préfère la sécheresse narrative de l'ellipse et une mise en scène très ample qui fait la part belle aux vastes paysages comme aux très gros plans sur les visages, et surtout les yeux, de ses personnages. Le regard voilé de cette mère séparée de son enfant se suffit à lui-même, et l'absence devient une forme de fantôme présent à chaque scène, même quand il n'est pas question du petit garçon. Le cinéaste a aussi tenu à ne pas transformer l'histoire douloureuse de ses proches en une matière à suspense facile. Il limite donc ses effets dans une écriture très sobre qui se contente de raconter, au jour le jour, les moments les plus prégnants de ces destins tragiques, où la douleur des uns ne prend jamais le pas sur celle tout aussi réelle des autres.

Parvana, adapté d'un roman de Deborah Ellis, s'attache aux pas d'une petite fille contrainte de se déguiser en garçon à la suite de l'arrestation arbitraire de son père. Le stratagème, bien que risqué, est le seul moyen pour elle d'assurer la subsistance de sa mère, de sa soeur et de son petit frère, confinés à la maison car le régime taliban interdit à une femme de sortir seule dans la rue. Une fois ce postulat de départ posé, le film patine un peu dans une forme d'auto-complaisance à l'égard des exactions commises et des obstacles qui s'amoncellent sur le chemin de la petite fille. On sent parfois le regard occidental qui force le trait et adopte un ton manichéen destiné à mieux dénoncer les absurdités du régime.

Même la très belle idée du film, celle de raconter en parallèle, sous forme de conte, le combat qui se joue entre Parvana et ses ennemis, est plombée par des maladresses d'écriture (notamment la mère qui ne cesse de réclamer la suite de l'histoire) qui alourdissent tout. C'est pourtant cette partie, réalisée dans une forme de "papiers découpés" numérique, qui est de loin la plus amusante et la plus riche, débordant d'une fantaisie et d'une légèreté qui font défaut au reste. Malgré tout, et même si les bons sentiments n'ont jamais fait les bons films, on ne peut qu'applaudir sur le fond, à savoir un discours engagé sur la culture, l'éducation et l'art comme remèdes contre l'obscurantisme, et le rappel nécessaire du travail qu'il reste à accomplir dans le domaine des droits des femmes.

Questionner le conflit israélo-palestinien


Autre sujet d'actualité brûlant, la situation au Moyen Orient était également au centre de plusieurs longs métrages.  Projeté en compétition, Wall de Cam Christiansen est l'adaptation d'un monologue du dramaturge David Hare, qui s'interroge sur les répercussions du "mur de sécurité" construit autour de l'état d'Israël.  Le documentaire nous emmène sur ses pas, de Jérusalem à Ramallah et Naplouse, montrant concrètement les effets du "mur" sur la vie quotidienne des Palestiniens.

David Hare se met ainsi beaucoup en scène : assis seul sur un banc en train de discourir sur les origines du mur, en pleine conversation avec ses amis israéliens qui se sentent honteux, ou arrêté à un checkpoint avec son chauffeur palestinien, sans raison aucune. Chaque séquence (filmée en prise de vue réelle, puis rotoscopée, ce qui donne une image assez laide sans que l'on comprenne exactement l'intérêt de ce traitement) est l'occasion de dénoncer les absurdités induites par cette barrière infranchissable, et de mettre l'état israélien face à ses contradictions. Sur le fond, le film est assez captivant, notamment lorsqu'il nous amène à Naplouse, "capitale de la pauvreté" que les Israéliens ont rendu quasiment inaccessible, ou qu'il se lance dans une démonstration ironique sur les bienfaits supposés du mur après avoir vu un portrait de Saddam Hussein sur le mur d'un café (il fallait effectivement un mur pour se protéger des gens qui affichent ce genre de choses, déclare-t-il avec malice, avant de feindre le doute : et si c'était la construction du mur qui les avait amenés à se radicaliser de la sorte ?).

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Annecy 2018 : le cinéma engagé triomphe avec Funan et Parvana

Posté par MpM, le 17 juin 2018

A l'issue d'une captivante semaine de compétition, le jury "longs métrages" du Festival d'Annecy 2018 a fait le choix d'un palmarès engagé, voire politique, qui récompense deux des films les plus attendus de l'année : Funan de Denis Do (Cristal), et Parvanna, une enfance en Afghanistan de Nora Twomey (Prix du jury, mais également prix du public). Le premier se déroule sous le régime des Khmers rouges au Cambodge et raconte à la fois le quotidien des travailleurs forcés, exilés dans les campagnes, et la lutte désespérée d'un jeune couple pour retrouver leur fils de 4 ans, retenu loin d'eux dans un autre camp. Il faudra malheureusement attendre le 13 mars 2019 pour découvrir cette belle fresque sensible, jamais tire-larmes, qui mêle avec finesse la tragédie intime et les horreurs de l'Histoire, et qui s'inspire de la propre histoire de la mère du réalisateur.

Parvana, adapté d'un roman de Deborah Ellis, se déroule en Afghanistan sous le régime taliban. Il met en scène une petite fille, Parvana, contrainte de se déguiser en garçon pour avoir la possibilité de sortir dans la rue et subvenir aux besoins de sa famille. On y sent un regard occidental qui force parfois le trait sur les innombrables obstacles se mettant sur la route de la petite fille, et adopte un ton un peu manichéen manquant de souplesse et subtilité. Reste le discours engagé sur la culture, l'éducation et l'art comme remèdes contre l'obscurantisme, et le rappel nécessaire du travail qu'il reste à accomplir dans le domaine des droits des femmes.

Stylistiquement, les deux films sont relativement classiques, proposant, pour Funan, de magnifiques plans larges sur les champs et les rizières où se déroule l'intrigue, et, pour Parvana, un paysage plus urbain, assez réaliste, mais également un univers plus délicatement naïf grâce au conte servant de fil rouge au film, illustré par des personnages en "papiers découpés" et des décors plus oniriques.

Une mention a par ailleurs été attribuée à La casa lobo de Cristóbal León et Joaquín Cociña, un film singulier, réalisé avec des marionnettes, qui raconte l'étrange séjour d'une jeune fille nommée Maria dans une maison qui ne cesse de se transformer, comme répondant à ses attentes. Tout à tour contemplatif et inquiétant, poétique et anxiogène, ce premier film chilien frappe notamment par son esthétisme qui joue sur la transformation et la déconstruction. Les personnages et les lieux se modifient ainsi sous nos yeux, laissant voir les matériaux qui les constituent, et ne cessant de se réinventer formellement.

La compétition de courts métrages a quant à elle permis de mettre en lumière les films Weekends de Trevor Jimenez remarqué à Clermont-Ferrand (Prix du jury et prix du public), Cyclistes de Veljko Popovic (mention du jury), une fresque colorée sur des cyclistes fantasmant sur les charmes de l'une de leurs voisines, et Egg de Martina Scarpelli, qui reçoit le prix du premier film. Il s'agit du récit à la première personne d'une jeune femme frappée d'anorexie.

Enfin, c'est le très délicat Bloeistraat 11 de Nienke Deutz qui remporte le Cristal. Tourné dans une grande simplicité de moyens (un décor minimaliste et une maison en carton qui tourne sur elle-même, révélant qu'il n'y a rien autour, et des personnages en celluloïd, dont les contours sont dessinés au crayon, et au travers desquels on voit en transparence), le film montre le délitement sourd de l'indéfectible amitié entre deux fillettes qui sont en train de muer en jeunes filles.