Cannes 2019: comme en 1939, un festival très franco-américain

Posté par vincy, le 14 mai 2019

La première édition de Cannes est le produit d'une alliance anti-fasciste (Venise) des pays libres (la France en tête avec Jean Zay) et d'Hollywood (les studios américains en profitant pour avoir un accès libre au marché français à travers un accord international). Ce Festival très politique, l'ADN du festival finalement, n'a pas eu lieu puisque la seconde guerre mondiale fut déclenchée au même moment.

Cette année, après une édition 2018 audacieuse et renouvelée, le Festival mise sur pas mal de valeurs sûres, mais aussi de jeunes cinéastes. Géographiquement c'est une autre histoire. La domination franco-américaine est de retour. La présence de la France est toujours très forte (pas loin de 30 films et même beaucoup plus avec les coproductions), preuve que la Croisette reste la meilleure vitrine de la diversité française.

Voir aussi la carte 2018

Deuxième délégation en nombre, les Américains, avec 15 films. Difficile de rivaliser. Le trio de tête est complété par le cinéma britannique (6 films).

Cependant, si le cinéma ouest-européen est largement majoritaire et si le cinéma asiatique est relativement peu présent cette année, les films venus d'Amérique latine et d'Afrique francophone sont bien représentés. La carte du monde a beaucoup de zones blanches, mais des cinémas venus du Brésil, d'Argentine (grâce à son focus à l'Acid), de Chine et d'Espagne sont bien répartis dans les sélections.

Pendant ce temps à Veracruz...

Plus notable, des cinémas rares seront mis en lumière cette année: le Costa Rica, l'Algérie, l'Islande, le Guatémala, le Pérou, la Tunisie, Taïwan, le Sénégal et la Palestine.

Du Costa Rica, petit pays, on connaît peu de films. On découvrira la cinéaste Sofía Quirós Ubeda à la semaine de la Critique, deux ans après Valentina Maurel, premier prix de la Cinéfondation. Outre Hernan Jiménez et Esteban ramirez, peu de cinéastes du pays traversent la frontière.

L'Algérie dépend toujours de la censure et du manque de financement dans la culture. Malgré une période faste dans les années 1960-1970 (dont une Palme d'or) et des coproductions françaises parfois populaires (Hors-la-Loi, en compétition à Cannes), les films parvenant dans les grands festivals sont rares, malgré quelques réalisateurs bien affirmés. Avec deux films - semaine de la Critique et Un certain regard - c'est un certain retour en force.

L'Islande a souvent vu ses cinéastes s'exiler en Europe ou aux Etats-Unis. Le cinéma islandais, ici sélectionné à la Semaine de la critique, est plus rare dans les festivals. On se souvient quand même de Béliers, prix Un certain regard il y a quatre ans, de Grimur Hakonarson ou de films signés Solveig Anspach, Baltasar Kormaruk ou Asdis Thoroddsen, sélectionné à la SIC.

Pour le Guatemala, la figure émergente est Jayro Bustamente (Ixnacul, Tremblements). Mais les films venus de ce pays d'Amérique centrale restent sporadiques, après une grande effervescence dans les années 2000. Cesar Diaz, à la Semaine de la Critique, va donc démontrer que ce pays existe sur la carte de la cinéphilie mondiale.

Plus au sud, le Pérou s'installe progressivement, entre le cinéma chilien, déjà bien honoré, et le cinéma colombien, de plus en plus courtisé. Il y a dix ans, le deuxième film de Claudia Llosa remportait l'Ours d'or à Berlin et une nomination aux Oscars. une première pour le cinéma péruvien. Avec Francisco José Lombardi dans les années 1980-2000, le Pérou a déjà connu la Croisette (Un certain regard) et les faveurs de la critique occidentale. Mais depuis dix ans, le Pérou se réveille, sans être forcément exporté en Europe.

La Tunisie est l'autre pays dont on voit le cinéma s'affirmer d'années en années. Il n'est plus présent qu'à la Quinzaine des réalisateurs (Tamless d'Ala Eddine Slim) et indirectement avec Abdellatif Kechciche en compétition (6 ans après sa Palme d'or), mais désormais on peut voir régulièrement dans les grands festivals - Berlin, Venise et Toronto - des productions tunisiennes. 2019 est d'ailleurs l'année du centenaire du cinéma tunisien. Des cinéastes comme Leyla Bouzid, Kaouther Ben Hania ou Mohamed Ben Attia (primé à la Berlinale en 2016) lui donne un nouveau souffle.

De Taïwan, on connaît Tsai Ming-liang, Hou Hsiao-hsien et Ang Lee. A force de les voir dans les festivals, on en oublie qu'une nouvelle génération émerge, dont Midi Z en est une des figures (Un certain regard cette année, après son précédent film à Venice Days à Venise). Et surtout, cela occulte les films populaires taïwanais, comme les récents Our Times de Frankie Chen, More than Blue de Gavin Lin, ou The Tenants Downstairs de Adam Tsuei. Outre ces films grand public, Taïwan produit aussi des films d'auteur, souvent ignorés en Europe comme ceux de Yang Ya-che, Umin Boya, Chang Tso-chi.

Depuis près de 40 ans, le cinéma venu du Sénégal n'est pas en grande forme. Il y a eu Ousman Sembène qui a marqué les esprits, et Djibril Diop Mambéty. La présence d'un film tourné sur place par une cinéaste franco-sénégalaise en compétition, est d'autant plus exceptionnelle. Récemment, Alain Gomis a sans aucun doute été le cinéaste le plus récompensé de par le monde avec Félicité. Et n'oublions pas à Un certain regard en 2012, la sélection de La Pirogue de Moussa Toure.

A l'ombre du grand cinéma israélien, il existe heureusement un cinéma de Palestine. Son ambassadeur le plus célèbre est Elia Suleiman, pour la troisième fois en compétition cette année. mais le réalisateur reste rare. Et le cinéma palestinien ne peut compter que sur quelques films d'Emad Burnat, Ali Nassar, Leila Sansour ou Rasgid Masharawi. La censure ne facilite pas les choses. Si après le prix FIPRESCI à Cannes pour Noce en Galilée de Michel Khleifi (1987) semblai un peu perdu dans le désert cinématographique, la décennie des années 2000 a été productive, notamment avec Paradise Now d'Hany Abu-Assad, lauréat d'un Golden Globe et nommé aux Oscars, présenté à Berlin, et Le sel de la mer d'Annemarie Jacir, retenu à Un certain regard en 2008.

Mario Vargas Llosa, un prix Nobel de littérature qui fut une fois cinéaste

Posté par vincy, le 7 octobre 2010

Le grand écrivain péruvien Mario Vargas Llosa a reçu aujourd'hui jeudi 7 octobre le Prix Nobel de littérature. En 1975 il avait co-réalisé, avec José Maria Gutierrez Santos, l'adaptation de son roman Pantaléon et les visiteuses (Pantaleón y las visitadoras). L'acteur espagnol José Sacristan, primé dans des festivals comme Mar del Plata et San Sebastian,  interprétait le rôle principal : un capitaine de l'armée péruvienne chargé de recruter des femmes pour satisfaire les besoins sexuels des soldats. Il y eut un remake en 2000, réalisé par Francisco J. Lombardi. Cette deuxième version avait reçu plusieurs prix : meilleur acteur (Salvador del Solar) au festival du film de Carthagène, prix du public au festival de Gramado et à celui de Vina del Mar et une nomination aux Goya (César espagnols).

D'autres de ses romans livres ont été adaptés sur grand écran : Los cachorros (publié en 1967, traduit en français sous le titre Les chiots), réalisé au Mexique par Jorge Gons en 1973 ; La ville et les chiens, filmé en 1985 par Francisco J. Lombardi, qui a reçu le prix du meilleur réalisateur au Festival de San Sebastien à cette occasion ; Le même livre a été transposé en Russie en 1986 par Sebastian Alarcon sous le titre de Yaguar ; Hollywood s'est aussi intéressé à l'écrivain en adaptant Tante Julia et le scribouillard, roman de 1977 et film de 1990. Jon Amiel a réunit Barbara Hershey, Keanu Reeves et Peter Falk. Fiasco public, le film avait reçu le prix du public et le prix de la critique au Festival de Deauville. Enfin, La fiesta del chivo (traduit en français par La fête du bouc) paru en 2000, a donné lieu cinq ans plus tard à un film de Luis Llosa, cousin de l'écrivain, avec Isabella Rossellini et Eileen Atkins.

Langage du monde

Posté par vincy, le 19 juin 2009

Fausta a reçu le prestigieux Ours d’or au dernier Festival de Berlin, une consécration inédite pour un film péruvien. Peu importe si l’on est séduit par la sensibilité de l’œuvre ou si l’auteurisme un peu appuyé de la mise en scène peut agacer, le film a deux qualités qui méritent à elles-seules le détour. L’une d’elle est très bien décrite par Francisco Miro Quesada, avec son article paru dans El Comercio, le 17 juin dernier. Il s’agit de la description de ce Pérou précaire, cette pauvreté palpable dans chacun des plans. Une « réalité sociale » qui, grâce au cinéma, nous est révélée à des milliers de kilomètres de là.

La seconde vertu se situe dans l’arrière-plan de cette histoire où la langue et les traditions Quechuas hantent cinématographiquement ce film en pleine compassion avec cette minorité. Ce Pérou méconnu, où les fantômes du Sentier Lumineux ne sont jamais loin, nous ait dévoilés à travers le regard d’une jeune femme introvertie, sauvage, peureuse, mutique, prisonnière de son héritage culturel. On observe un village fermé sur ses rites et ses codes mais aussi une villa cossue cloisonnée au cœur de la ville. Passant de l’un à l’autre, elle va s’émanciper. Cet épanouissement va la libérer de ses angoisses vécues ou transmises. Et, plus encore que la misère de ce pays, ce qui nous touche c’est bien cet affranchissement du passé et des douleurs.

Un hymne à l’ouverture qui contraste tant avec les craintes actuelles qui conduisent à une forme d’ethnocentrisme. C’est sans doute cela qui a été apprécié par le jury cosmopolite de Berlin.

Berlin : un festival artistiquement terne, économiquement heureux

Posté par vincy, le 16 février 2009

ours d'or berlinaleLa 59e Berlinale s'est achevée sur une note d'espoir. Célébrant la chute du mur, fêtant une nouvelle cinéaste, le festival de Berlin veut croire que demain sera meilleur. L'an prochain, le 60e anniversaire  battera son plein. De quoi vite effacer une édition en demi-teinte.

La bonne nouvelle vient du public. Il a répondu présent et n'a jamais été aussi nombreux. 383 films (1 238 projections) ont été présentés à 20 000 professionnels et journalistes venus de 136 pays. Mais surtout 270 000 billets ont été vendus au public : un record historique pour le festival, battu dès le mercredi. berlinale 2009

Le marché, quant à lui, n'a pas trop souffert de la crise. On s'attendait à pire. Même si le problème du crédit et du financement était l'obsession de tous, les inquiétudes des uns et la tentative de repli des autres n'a pas trop atteint les négociations. De nombreux films ont été vendus sur plusieurs territoires, même si les distributeurs russes et brésiliens ont fait baisser fortement les prix pour cause de dévaluation monétaire. Les génériques prestigieux (réalisateurs, stars) ont souvent été une valeur refuge (voir actualité du 9 février 2009). Il y avait peu de productions à risques présentées dans les catalogues.

On devrait dire hélas. Dans un entretien à l'AFP, Vincent Maraval (Wild Bunch) estime que le cinéma n'échappera pas à la crise financnière, les banques se retirant du jeu au fil des mois. "Aux Etats-Unis les films indépendants ambitieux, visant un public adulte, tels que No country for old men ou There will be blood, devraient se faire plus rares. Pour nous, c'est une opportunité: ces réalisateurs viendront en Europe !"

Etrangement ce sont souvent des films à venir, parfois prévus pour Cannes ou Venise, qui ont connu les meilleures ventes. La sélection officielle n'a pas été le moteur du marché cette année. Peu de films en compétition ont séduit.

claudia llosa la testa asustada ours d'orCette Berlinale artistiquement terne gâche un peu l'ambiance. La critique a trouvé l'ensemble des films assez faible, ne s'enthousiasmant jamais pour un film ou un autre. La teta asustada, Ours d'or, premier film d'une cinéaste péruvienne, est le seul à avoir fait l'unanimité. Le palmarès fait la part belle aux films latino-américains : d'un Teddy Bear à un film mexicain aux multiples prix de l'argentin Gigante. D'un point de vue global, les cinémas germanophones et sud américains ont distancé les autrs, considérés comme médiocres.

Si la Berlinale essuie le feu des critiques qui jugent les sélections de plus en plus moyennes, notons que Berlin poursuit une double cohérence historique. D'une part l'accompagnement d'un cinéma émergeant. Après avoir sacré un cinéma chinois renaissantà la fin des années 80, la Berlinale a privilégié les nouveaux territoires comme l'Afrique du Sud, la Turquie, la Bosnie et surtout le Brésil, primé deux fois en 10 ans. Le Pérou confirme cette tendance. berlinale 2009 palmares

Enfin, la jeunesse l'a emporté sur les grands noms. Depuis l'Ours d'or remis à Walter Salles en 1998, neuf primés étaient des nouveaux talents du 7e Art. Et en fait depuis Winterbottom en 2003, tous les Ours d'or ont été réalisés par des cinéastes ayant commencé leur carrière après 1998.

En cela la Berlinale, qui a porté en triomphe Fatih Akin, Ang Lee, Walter Salles, Paul Thomas Anderson ou encore Paul Greengrass avant tous les autres, a encore vocation à briller artistiquement...

Biarritz accueille l’Amérique latine

Posté par MpM, le 3 juillet 2008

Festival des cinémas et cultures d’Amérique latineCet automne, si l’aller et retour Paris-Montevideo est au-dessus de vos moyens,  l’Uruguay et les cultures d’Amérique latine, en revanche, sont tout à fait à votre portée. Pour la 17e année consécutive, la ville de Biarritz accueille en effet le Festival des cinémas et cultures d’Amérique latine.

Au programme, trois sections compétitives composées de films inédits et récents (documentaires, longs et courts métrages), un panorama du cinéma uruguayen (en présence d’André Pazos, l’interprète principal de Whisky de Juan Pablo Rebella et Pablo Stoll), et un hommage à l’école de cinéma brésilienne Universidade Federal Fluminense en présence de Nelson Pereira dos Santos, son fondateur.

Mais aussi  des expositions (photos péruviennes et affiches argentines de films français), des concerts gratuits (chaque soir, avec des groupes venus de tout le continent) et des rencontres littéraires (Antonio Skarmeta, Mempo Giardinelli, Fabrizio Mejia Madrid…). Soit une occasion unique d'embrasser en un seul lieu toute la diversité et la richesse des cultures sud-américaines.