Le Prix Alice Guy 2020 pour Papicha

Posté par vincy, le 20 février 2020

Le jury du Prix Alice Guy a délibéré ce jeudi 20 février au restaurant Aux Lyonnais à Paris pour désigner la lauréate parmi les cinq finalistes: Atlantique de Mati Diop, Jean Vanier, le sacrement de la tendresse de Frédérique Bedos, Papicha de Mounia Meddour, Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma et Proxima d’Alice Winocour.

C'est Papicha qui a été retenu. Le Prix Alice Guy 2020 sera officiellement remis à la réalisatrice, à Paris, au printemps, lors d’une soirée ouverte au public, durant laquelle des courts métrages d’Alice Guy et le film primé seront projetés. Pour la deuxième année consécutive, le Prix est doté par la SACD.

Le jury était composé cette année de Yann Arthus-Bertrand, Catherine Corsini, Emmanuel Denizot, Julie Gayet, Jordan Mintzer, et Marianne Slot.

Sorti le 9 octobre dernier, Papicha a attiré 260000 spectateurs. En sélection à Un certain regard à Cannes en mai, le film est deux fois nommé aux César (premier film, espoir féminin).

Cannes 2019: comme en 1939, un festival très franco-américain

Posté par vincy, le 14 mai 2019

La première édition de Cannes est le produit d'une alliance anti-fasciste (Venise) des pays libres (la France en tête avec Jean Zay) et d'Hollywood (les studios américains en profitant pour avoir un accès libre au marché français à travers un accord international). Ce Festival très politique, l'ADN du festival finalement, n'a pas eu lieu puisque la seconde guerre mondiale fut déclenchée au même moment.

Cette année, après une édition 2018 audacieuse et renouvelée, le Festival mise sur pas mal de valeurs sûres, mais aussi de jeunes cinéastes. Géographiquement c'est une autre histoire. La domination franco-américaine est de retour. La présence de la France est toujours très forte (pas loin de 30 films et même beaucoup plus avec les coproductions), preuve que la Croisette reste la meilleure vitrine de la diversité française.

Voir aussi la carte 2018

Deuxième délégation en nombre, les Américains, avec 15 films. Difficile de rivaliser. Le trio de tête est complété par le cinéma britannique (6 films).

Cependant, si le cinéma ouest-européen est largement majoritaire et si le cinéma asiatique est relativement peu présent cette année, les films venus d'Amérique latine et d'Afrique francophone sont bien représentés. La carte du monde a beaucoup de zones blanches, mais des cinémas venus du Brésil, d'Argentine (grâce à son focus à l'Acid), de Chine et d'Espagne sont bien répartis dans les sélections.

Pendant ce temps à Veracruz...

Plus notable, des cinémas rares seront mis en lumière cette année: le Costa Rica, l'Algérie, l'Islande, le Guatémala, le Pérou, la Tunisie, Taïwan, le Sénégal et la Palestine.

Du Costa Rica, petit pays, on connaît peu de films. On découvrira la cinéaste Sofía Quirós Ubeda à la semaine de la Critique, deux ans après Valentina Maurel, premier prix de la Cinéfondation. Outre Hernan Jiménez et Esteban ramirez, peu de cinéastes du pays traversent la frontière.

L'Algérie dépend toujours de la censure et du manque de financement dans la culture. Malgré une période faste dans les années 1960-1970 (dont une Palme d'or) et des coproductions françaises parfois populaires (Hors-la-Loi, en compétition à Cannes), les films parvenant dans les grands festivals sont rares, malgré quelques réalisateurs bien affirmés. Avec deux films - semaine de la Critique et Un certain regard - c'est un certain retour en force.

L'Islande a souvent vu ses cinéastes s'exiler en Europe ou aux Etats-Unis. Le cinéma islandais, ici sélectionné à la Semaine de la critique, est plus rare dans les festivals. On se souvient quand même de Béliers, prix Un certain regard il y a quatre ans, de Grimur Hakonarson ou de films signés Solveig Anspach, Baltasar Kormaruk ou Asdis Thoroddsen, sélectionné à la SIC.

Pour le Guatemala, la figure émergente est Jayro Bustamente (Ixnacul, Tremblements). Mais les films venus de ce pays d'Amérique centrale restent sporadiques, après une grande effervescence dans les années 2000. Cesar Diaz, à la Semaine de la Critique, va donc démontrer que ce pays existe sur la carte de la cinéphilie mondiale.

Plus au sud, le Pérou s'installe progressivement, entre le cinéma chilien, déjà bien honoré, et le cinéma colombien, de plus en plus courtisé. Il y a dix ans, le deuxième film de Claudia Llosa remportait l'Ours d'or à Berlin et une nomination aux Oscars. une première pour le cinéma péruvien. Avec Francisco José Lombardi dans les années 1980-2000, le Pérou a déjà connu la Croisette (Un certain regard) et les faveurs de la critique occidentale. Mais depuis dix ans, le Pérou se réveille, sans être forcément exporté en Europe.

La Tunisie est l'autre pays dont on voit le cinéma s'affirmer d'années en années. Il n'est plus présent qu'à la Quinzaine des réalisateurs (Tamless d'Ala Eddine Slim) et indirectement avec Abdellatif Kechciche en compétition (6 ans après sa Palme d'or), mais désormais on peut voir régulièrement dans les grands festivals - Berlin, Venise et Toronto - des productions tunisiennes. 2019 est d'ailleurs l'année du centenaire du cinéma tunisien. Des cinéastes comme Leyla Bouzid, Kaouther Ben Hania ou Mohamed Ben Attia (primé à la Berlinale en 2016) lui donne un nouveau souffle.

De Taïwan, on connaît Tsai Ming-liang, Hou Hsiao-hsien et Ang Lee. A force de les voir dans les festivals, on en oublie qu'une nouvelle génération émerge, dont Midi Z en est une des figures (Un certain regard cette année, après son précédent film à Venice Days à Venise). Et surtout, cela occulte les films populaires taïwanais, comme les récents Our Times de Frankie Chen, More than Blue de Gavin Lin, ou The Tenants Downstairs de Adam Tsuei. Outre ces films grand public, Taïwan produit aussi des films d'auteur, souvent ignorés en Europe comme ceux de Yang Ya-che, Umin Boya, Chang Tso-chi.

Depuis près de 40 ans, le cinéma venu du Sénégal n'est pas en grande forme. Il y a eu Ousman Sembène qui a marqué les esprits, et Djibril Diop Mambéty. La présence d'un film tourné sur place par une cinéaste franco-sénégalaise en compétition, est d'autant plus exceptionnelle. Récemment, Alain Gomis a sans aucun doute été le cinéaste le plus récompensé de par le monde avec Félicité. Et n'oublions pas à Un certain regard en 2012, la sélection de La Pirogue de Moussa Toure.

A l'ombre du grand cinéma israélien, il existe heureusement un cinéma de Palestine. Son ambassadeur le plus célèbre est Elia Suleiman, pour la troisième fois en compétition cette année. mais le réalisateur reste rare. Et le cinéma palestinien ne peut compter que sur quelques films d'Emad Burnat, Ali Nassar, Leila Sansour ou Rasgid Masharawi. La censure ne facilite pas les choses. Si après le prix FIPRESCI à Cannes pour Noce en Galilée de Michel Khleifi (1987) semblai un peu perdu dans le désert cinématographique, la décennie des années 2000 a été productive, notamment avec Paradise Now d'Hany Abu-Assad, lauréat d'un Golden Globe et nommé aux Oscars, présenté à Berlin, et Le sel de la mer d'Annemarie Jacir, retenu à Un certain regard en 2008.

Cannes 2018: La révolution algérienne avec « Chronique des années de braise » de Mohammed Lakhdar-Hamina

Posté par vincy, le 11 mai 2018

Puisqu'on célèbre cette année les 50 ans de mai 68, et l'anniversaire de ce festival qui n'eut pas lieu, c'est l'occasion d'explorer les rapports de Cannes avec la Révolution. Sur la croisette, où les spectateurs défilent en smoking et robes de soirées, où un simple selfie est jugé "irrespectueux", et où toute la société festivalière est organisée en castes strictes, les mouvements de révolte et de contestation eurent souvent les honneurs d'une sélection. C'est là tout le paradoxe d'une manifestation très attachée à ses traditions, et qui n'a pourtant cessé de montrer, défendre et encourager ces moments de l'Histoire où des hommes et des femmes ont pris leur destin en mains.

Palme d'or en 1975, Chronique des années de braise du vétéran Mohammed Lakhdar-Hamina évoque la révolution algérienne à travers les yeux d'un paysan. Découpé en six volets - des années de Cendre au 1er novembre 1954 - le film montre les mutations de l'Algérie, encore colonisée par les Français, et notamment l'exode rural, la misère, et bien entendu la montée du nationalisme.

Avec ce film, Mohammed Lakhdar-Hamina signe une tragédie où la révolution est indissociable du sacrifice, une libération par le sang, que l'on transmet à la génération suivante.

De 1939 au 11 novembre 1954, c'est en fait la construction d'une révolution jusqu'à son "explosion" qui nous est racontée. Ce long processus, où la souffrance individuelle se mêle à la colère collective, est évidemment le résultat d'une colonisation qui a échoué et qui n'est plus acceptable. On comprend mieux que le cinéaste ait été menacé de mort lors de sa venue à Cannes par des anciens membres de l'OAS.

Cette fresque historique, importante historiquement comme cinématographiquement, est portée par un style simple et lyrique.

Premier film africain et premier film en langue arabe à obtenir la Palme d'or, il reste encore aujourd'hui l'un des films du monde arabe les plus emblématiques du XXe siècle.

Pourtant, ça n'a pas été si facile. Le film, malgré sa Palme, ne sort que dans quelques salles à Paris, en version originale, alors que la version française existe. Paradoxalement, le budget pour la promotion est faible alors qu'il s'agit d'une production extrêmement coûteuse (ce qui lui vaut des critiques dans un pays qui se bat contre la pauvreté). "Avec un budget de publicité aussi faible, la promotion de mon film n'est pas assurée correctement. C'est grave ; non seulement pour des raisons économiques, mais parce qu'il est politiquement important qu'un grand nombre de Français voient la Chronique, aient une autre idée de l'Algérie, des Algériens" expliquait-il à l'époque.

C'est justement ça qui est intéressant avec cette Palme : le point de vue des Algériens sur une période que le cinéma français ne parvient pas à restituer autrement que sous l'œil culpabilisé du colonisateur ou d'un récit "national" déformé. Les grands auteurs ont tous essayé de parler de l'Algérie - Le Petit Soldat (1960) de Jean-Luc Godard, Muriel (1963) d'Alain Resnais, Avoir vingt ans dans les Aurès (1972) de René Vautier, Liberté la nuit (1983) de Philippe Garrel, La Guerre sans nom (1991) de Bertrand Tavernier et Patrick Rotman, ... mais c'est bien le film de Mohammed Lakhdar-Hamina qui raconte le mieux cette révolution.

Cannes 2013 : Né quelque part, avec Jamel Debbouze, s’ajoute en séance spéciale

Posté par vincy, le 14 mai 2013

Jamel debbouze dans né quelque partLe Festival de Cannes a ajouté un film en séance spéciale, en dernière minute. Né quelque part, le premier film de Mohamed Hamidi, sera projeté dans le cadre de la séance réservée aux lycéens de la Région PACA le 21 mai dans la salle du Soixantième, succédant ainsi au Magasin des suicides de Patrice Leconte l'an dernier. Mais cette année, la presse aura le droit à sa projection "privée" pour découvrir le film qui met en vedette Jamel Debbouze, aux côtés de Tewfik Jallab, Malik Bentalha et Fatsah Bouyahmed. Jamel accompagnera le réalisateur à l'occasion de la projection.

Né quelque part raconte l'histoire de Farid, jeune Français de 26 ans, qui doit aller en Algérie pour sauver la maison de son père. Découvrant ce pays où il n’a jamais mis les pieds, il tombe sous le charme d’une galerie de personnages étonnants dont l’humour et la simplicité vont profondément le toucher. Parmi eux, son cousin, un jeune homme vif et débrouillard qui nourrit le rêve de pouvoir rejoindre la France...

Le film sort le 19 juin en France.

Le Jour le plus Court de la Gare Montparnasse au Lincoln Center à New York en passant par l’Algérie

Posté par vincy, le 20 décembre 2012

le jour le plus courtLe Jour le plus court, la fête du court métrage, démarre ce soir au Palais de Tokyo et se déroulera toute la journée de demain en France mais aussi dans 50 pays. Un record de 1 900 organisateurs inscrits a été enregistré pour contribuer à l'événement initié par le CNC l'an dernier. Ecran Noir participera en diffusant un court métrage chaque heure sur son blog. L'ouverture se fera avec Chris Marker, en hommage au cinéaste disparu cette année.

A Paris, par exemple, la Gare de Montparnasse diffusera sur de grands écrans  une sélection de courts métrages avec une programmation spécialement conçue pour les enfants ; un piano sera mis à disposition des artistes amateurs pour accompagner les films ; et sur le parvis de la Gare, le camion de l’INA proposera à partir de midi des programmes jeunesse ou les Paris remix réalisés à partir d’images d’archive.

Le camion, paradoxalement immobile, sert aussi de salle de cinéma à Nantes. Les Films du Camion projetteront 9 courts place Bouffay de 18h à 19h15, en plein air.

Au Musée du Louvre, la carte blanche à Abbas Kiarostami touche à sa fin : demain sera l'occasion de voir ses courts métrages. Quelques stations de métro plus loin, dans la salle privée de l'Elysée Biarritz, ce seront les femmes qui seront à l'honneur avec la projection du programme "Héroïnes", à 19h : des courts métrages réalisés, co-réalisés ou écrits par des femmes, en présence des équipes des films pendant la soirée. Au menu, des films de Keren Marciano, Anaïs Volpe, Katia Olivier, Chloé Bourges, Maud Ferrari, Audrey Clinet, Fleur Chabaud, Sara Verhagen et notre amie Julie Lipinski (un peu de copinage ne fait pas de mal).

Au Musée du Quai Branly s'est installé un "Ciné Club africain". Et à Lyon, des films seront diffusés toute la journée à l'Institut Lumière.

21 décembre 2012 oblige, il faut bien que la fin du monde, supercherie véhiculée par des occidentaux ignares, inspire... à l4espace Histoire-Image de Pessac en Gironde, une fresque grandeur nature autour du court métrage a été créée et des films autour du thème « Fin du monde : et si c’était du cinéma ? » seront proposés.

Cette année, c'est surtout l'internationalisation de cette journée qui est frappante.

En Algérie, l’association Cinéma & Mémoire organise une grande opération de diffusion de courts métrages dans quatre salles de la Cinémathèque Algérienne : 22 décembre à Béjaïa, 26 décembre à Tizi Ouzou, 27 décembre à Alger, 29 décembre à Oran. D’autres projections sont prévues à Timezrit le 25 décembre en partenariat avec le ciné-club Ciné+, et à Sétif le 21 décembre grâce au ciné-club Persé Ciné. Au programme, une large programmation de courts du monde arabe avec notamment une carte blanche à Assila Cherfi, les œuvres des réalisateurs Tahar Kessl et Abdelghani Raoul, ainsi qu’une sélection des Lutins du court métrage.

A New York, "The Shortest Day" prendra ses quartiers. Le Festival des Nouveaux Cinémas, organisé par Cinéfac, invite à découvrir la première séance de ce nouveau cycle. Au programme : des courts métrages innovants et audacieux venus du monde entier et un concert de Video Video, groupe de Brooklyn. De son côté, la Film society of Lincoln Center, qui organise chaque année au Lincoln Center le festival du film français à New Yor, participe avec une sélection de courts métrages français en partenariat avec Rose Kuo et Robert Koehler.

L’Asie se met également aux couleurs du Jour le plus Court avec des programmations spéciales en Chine, au Japon et particulièrement à Taïwan dans 7 universités avec le soutien de l’Alliance Française et de Kaohsiung Film.

En tout, ce sont environ "15 000 événements qui émailleront le territoire français pour fêter le court métrage", affirme le CNC.

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Le jour le plus court : demandez le programme!

Le cinéma maghrébin à l’honneur en Ile-de-France

Posté par Sarah, le 15 avril 2011

Du 4 au 8 mai prochain se tiendra la 6e édition du Panorama des Cinémas du Maghreb au cinéma de L'Ecran à Saint-Denis, mais aussi à Paris et en Seine-Saint Denis. C'est donc l'occasion de découvrir des productions venant des pays du Maghreb (Maroc, Tunisie, Algérie), dont les cinématographies sont en général peu connues du grand public. Le festival a pour habitude de passer outre les caricatures et les idées reçues sur ces pays ou sur la culture musulmane, grâce à une sélection finement élaborée.

Cette année, l'évènement se double d'une deuxième mission. Les récents évènements politiques qui ont eu lieu en Tunisie, en Égypte, en Libye et dans d'autres pays, ont montré à quel point ses habitants avaient soif de changements et de liberté, mais surtout que cela était possible. A travers ce panorama, les organisateurs ont donc souhaité, par le cinéma, leur montrer toute leur affection et leur soutien.

Lors de ce panorama des cinémas du Maghreb 2011, plus d'une trentaine de films seront projetés, dont des courts et des documentaires, le tout en présence des réalisateurs pour que des débats aient lieu à la fin des séances. La sélection est soignée et offre une vision sur le monde assez différente de celle qu'on a l'habitude de voir au cinéma. Le cinéma de L'Écran (à Saint-Denis) représente le point de ralliement de ce festival, bien que le cinéma des cinéastes (Paris 17e), l'Entrepôt (Paris 14e), Le Studio d'Aubervilliers, le Trianon de Romainville et l'Espace 1789 de Saint-Ouen propose également des projections. Pendant quatre jours le cinéma d'auteur maghrébin est donc à l'honneur, avec également des tables rondes et des concerts organisés un peu partout.

En plus d'une sélection riche et variée, le panorama rend cette année un hommage au cinéaste marocain trop peu connu Ahmed Bouanani. A cette occasion, trois courts et son seul long-métrage, intitulé Mirage (1979) seront projetés au public. Qualifié de cinéaste de l'errance, Ahmed Bouanani a créé une œuvre poétique et engagée, qui lui a valu de nombreuses censures.

En avant-goût de ce 6e panorama, on a pu découvrir en avant-première le deuxième film d'Amor Hakkar, Quelques jours de répit, avec la formidable Marina Vlady, ainsi qu' Amor Hakar et Samir Guesmi,  qui nous a beaucoup ému. Il aborde avec justesse et une émotion rare les thèmes de l' immigration, l'homosexualité ou encore la solitude et l'amour chez les personnes âgées. Il a fait partie de la sélection officielle du festival Sundance 2011 et c'est aisément compréhensible. Pour d'autres surprises et coups de cœur, n'hésitez pas à découvrir le reste de la sélection et à vous laisser guider par vos envies...

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6e édition du Panorama des Cinémas du Maghreb
Les 28 et 29 avril à Paris, et du 4 au 8 mai en Seine Saint-Denis.
Pour voir le programme complet, rendez-vous sur le site du festival.

Le cinéma algérien : une centralisation inquiétante en échange de nouveaux moyens

Posté par vincy, le 20 janvier 2011

Hors-la-Loi de Rachid Bouchareb, représentant l'Algérie aux Oscars pour la catégorie meilleur film étranger, fait partie des neuf finalistes dans la course (il n'en restera que cinq au final). Une bonne nouvelle, mais paradoxale. En effet, le film se déroule quasiment intégralement en France, alors que le film français qui prend pour cadre l'Algérie, Des Hommes et des Dieux, a été éliminé de la compétition.

Dans le même temps, le Sénat algérien se félicitait d'avoir voté (facilement) une nouvelle Loi qui, pourtant, mécontente certains professionnels et a provoqué de nombreux débats. Pour les plus critiques, la Loi officialise une censure et une volonté d'étouffer la production cinématographique.

La ministre de la Culture, Khalida Toumi, affirme pourtant que cette loi « n'entrave en rien les libertés individuelles et collectives et ne porte nullement atteinte à la liberté d'expression ». « Les dispositions prévues par ce projet  définissent le cadre juridique devant régir les activités cinématographiques et les développer sur le plan économique ».

Pour le gouvernement, la loi est une amélioration de celle de 1967 (quand fut créé l'Office national pour le commerce et l'industrie cinématographiques), en vue de restaurer le prestige du cinéma algérien et d'encourager sa professionnalisation. La loi prévoit notamment un allègement des mesures procédurales liées à la production de films dans le cadre des conventions cinématographiques  gouvernementales.

Les films historiques examinés avant financement

Mais quid de l'article 05 qui prévoit qu'une œuvre cinématographique sur la révolution doit au préalable recevoir l'aval du Conseil des ministres avant de bénéficier des aides, puisées dans les recettes publicitaires, que l'Etat leur a promis? «Il est inadmissible de produire des films glorifiant le colonialisme  et le rôle des harkis », s’est insurgée la ministre ajoutant que « l'histoire, notamment  celle de la guerre de Libération est chose sacrée en Algérie.» « On ne verrouille pas. Il y a le principe du droit. Tout est permis sauf ce qui est interdit par la loi », a ajouté Noureddine Othmani, conseiller au ministère de la culture. Il a relevé que le ministère des Moudjahidine est l’autorité habilitée à donner son accord sur des projets de films liés à l’histoire et que ceux-ci devront respecter la vérité historique. En septembre, Rachid Bouchareb tenait un discours plus subtil et équivoque, appelant au contraire à explorer l'Histoire sous tous ses angles : "Les choses vont se régler et les relations (entre la France et l'Algérie) vont aller plus loin quand le passé colonial sera évoqué, complètement évoqué, et que tout sera dit."

Ce contrôle sur la création est-il acceptable en échange de nouvelles ressources financières? Après un âge d'or dans les années 70 (dont une Palme d'or à Cannes en 1975 à Mohamed Lakhdar Hamina pour Chroniques des années de braise), quand une quarantaine de films voyaient le jour chaque année, le cinéma algérien a disparu dans les années 90. Seules quelques coproductions, souvent françaises, ont permis de lui faire traverse deux décennies de disette. Et même s'il émerge de nouveau  depuis quelques années, il n'est pas vu : les chaînes de télévision n'ont aucune contrainte de quotas. Le Ministère souhaiterait aussi voir naître des émissions sur le cinéma.

60 projets cinématographiques pour Tlemcen 2011

La Loi est plus déterminée sur sa volonté de changer la diffusion des films en salles. « Nous allons travailler, pour la première fois, avec un cahier des charges pour les salles de cinéma. Il faut respecter les normes internationales. Ce cahier va définir les conditions de classification des salles, les conditions de projection, l’accès aux mineurs, la sécurité et la programmation » affirme le Ministre. Il ne reste plus que 26 salles privées (contre 424 en 1962) et 227 salles municipales, une cinémathèque et un festival réputé (Oran). À Alger, il ne reste que 7 salles! Plusieurs salles de cinéma ont été détournées de leur vocation. Le Ministère voudrait récupérer celles-ci, ainsi que toutes celles qui ont été fermées. Il en a déjà repris une quarantaine et veut en rénover 300. Un multiplexe français Megarama (déjà installé au Maroc, voir actualité du 14 janvier 2011) va ouvrir à Alger cette année. Quelques unes ont été refaites à neuf. Mais, comme ailleurs en Afrique, la trop longue disparition du 7e art a conduit les cinéphiles à se rabattre sur les DVD et les Home-Cinema.

Pour Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011, 60 projets cinématographiques sont déjà annoncés. De louables intentions entachées par ce soupçon : le ministère de la culture centralise tout et conduit à un cinéma d'État. Au cours des cinq prochaines années, des studios de cinéma seront construits sur le budget de l’Etat et les négatifs de films algériens, entreposés à l’étranger, seront rapatriés. Le ministère de la Culture voudrait aussi reprendre les laboratoires cinématographiques appartenant à l’ENTV (chaîne de TV nationale).

Tout cela ne résout pas clairement le principal problème des artistes : le manque de moyens, financiers et techniques.

Cannes 2010 : Hors-la-Loi pris en étau entre le cinéma et le tabou de la guerre d’Algérie

Posté par vincy, le 21 mai 2010

1 200 manifestants selon la police ont participé à  la commémoration rendant hommage aux "victimes françaises" de la Guerre d'Algérie et des massacres de Sétif, en marge de la première projection du film de Rachid Bouchareb, Hors-la-Loi. Parmi eux, on remarquait le député-maire de la ville de Cannes, Bernard Brochand, qui a initié cette commémoration. Des anciens combattants, des représentants d'associations de Harkis et de Pieds-noirs et le Front National ont rejoint de nombreux élus de l'UMP.

Lionnel Luca, député UMP des Alpes-Maritimes, accuse le film, qu'il a enfin vu après avoir lancé une polémique sur la simple lecture du scénario (voir l'article sur les débuts de la polémique): c'est "un film partisan, militant, pro-FLN (...) il est encore pire que ce qui était annoncé".  "Je suis désolé que des chaînes françaises aient financé ce film, où l'armée française est comparée aux SS et où la police française est assimilée à la Gestapo".

Si le Secrétariat d'Etat aux anciens combattants n'est pas associé à l'initiative, la cérémonie de mémoire a reçu le soutien du sous-préfet, Claude Serra. "Ce sera la meilleure manière de valoriser la mémoire des victimes".

"Il a été fait pour ouvrir un débat dans la sérénité"

Bouchareb a profité de sa conférence de presse pour remettre le curseur au niveau cinématographique. "Hors la loi, c'est d'abord une grande saga". "Quand tout le monde ramène le film à Sétif, ce n'est pas la réalité. Ce film, si on peut lui donner une direction, c'est Il était une fois l'Amérique, c'est Il était une fois dans l'Ouest, c'est par moments Lawrence d'Arabie, Docteur Jivago. C'est le cinéma. Il y a une trame historique mais c'est d'abord une grande saga".  "La volonté était d'abord de faire un film, de faire un voyage dans l'Histoire et dans le passé. Tout ce qui arrive autour du sujet et du film aujourd'hui signifie qu'il y a encore aujourd'hui une question qui se pose sur le passé colonial. Et nous, on le découvre aujourd'hui avec vous".

"Le film n'est pas un champ de bataille, il n'est pas fait pour provoquer des affrontements, il a été fait pour ouvrir un débat dans la sérénité". "Chacun a sa petite histoire, ses blessures dans la grande Histoire. Alors effectivement, on filme dans Hors la loi du côté de personnages algériens. C'est mon choix, mais c'est universel. On a tous une mère, on a tous une famille, on a tous vécu l'injustice, elle n'est pas qu'algérienne, elle n'est pas que française, elle est valable pour tout le monde", a déclaré le cinéaste.

"Je n'ai pas à prendre en charge toute l'histoire, je fais du cinéma (...). Mais les politiques ont un énorme travail à faire: qu'ils le fassent maintenant, mais qu'on tourne une page définitivement et dans la sérénité".

Or, la zen attitude n'est pas de mise depuis un mois. La SACD a sympathiquement décerné le prix de la bêtise au député  Lionnel Luca, qui a répliqué avec une mauvaise foi flagrante (et un sous entendu digne des propagandes les plus nauséabondes) : "Faut-il avoir vu un film, que camoufle son auteur, pour en parler, lorsqu'on a lu le scénario avec une analyse historique et surtout les déclarations virulentes du réalisateur?".  "Que des gens qui se piquent d'appartenir au petit cercle inconnu "d'auteurs" puissent se commettre dans une pantalonnade de vaudeville en décernant un prix insultant à un élu du peuple sous prétexte que celui-ci dérange, en dit long sur le niveau et la qualité de ceux-ci...".

Symptôme du retour en force de la bonne conscience coloniale

Mais au delà de la SACD, c'est tout le corps culturel qui s'est uni contre Luca. Un texte publié sur Lemonde.fr et signé par Yasmina Adi Didier Daeninckx, François Gèze, Guy Seligmann et par les historiens Pascal Blanchard, Mohammed Harbi, Gilles Manceron, Gilbert Meynier, Gérard Noiriel, Jean-Pierre Peyroulou, Benjamin Stora et Sylvie Thénault, dénonce une campagne qui est le "symptôme du retour en force de la bonne conscience coloniale dans certains secteurs de la société française, avec la complicité des gouvernants".

"Ceux d'entre nous qui ont été invités comme historiens à voir le film ont aussi des réserves précises sur certaines de ses évocations du contexte historique de la période. Mais le travail d'un réalisateur n'est pas celui d'un historien et n'a pas à être jugé par l'Etat. Personne n'a demandé à Francis Ford Coppola de raconter dans Apocalypse Now la guerre du Vietnam avec précision historique".

Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a estimé mardi que "les débats sur le drame de la guerre d'Algérie sont sains". "On ne peut pas parler sans passion de la guerre d'Algérie. Ce n'est pas un film d'histoire, c'est une fiction. La liberté de créer doit rester complète."

Le vice-président de la région délégué à la culture Patrick Mennucci (PS) rejoint la position des artistes et du Ministre de la Culture : "Comme toute fiction, ce film est le reflet de l'interprétation de son auteur. Il relève avant tout de la liberté de création et d'expression".

Le débat a traversé la Méditerranée. La ministre algérienne de la Culture, Khalida Toumi, a estimé  qu'il "n'est pas normal qu'un membre du gouvernement français (Hubert Falco, secrétaire d'Etat à la Défense et aux anciens combattants) se permette d'émettre un avis sur un film qu'il n'a jamais vu et demander l'avis du service historique du ministère de la Défense français. "

Cannes est là pour servir le cinéma et accueillir les débats qui vont avec

Si le Festival a l'habitude des passions et des polémiques, celle-ci obligeait quand même les organisateurs à des mesures exceptionnelles. Une réunion tard hier soir avec les Renseignements Généraux avait lieu pour prévoir d'éventuels débordements lors des cinq projections prévues d'ici à dimanche.

Thierry Frémeaux, chargé de la sélection du film en compétition du Festival,  a rappelé quelques principes. "Si la polémique reste à hauteur du débat d’idées, nul ne doit s’en plaindre, ni ceux qui ont produit le film, ni ceux qui s’en font les adversaires. Dans les deux cas, que la liberté d’expression s'exerce pleinement, c'est tant mieux. Mais pour l’instant, les jugements portés sur Hors-la-loi ne concernent que le scénario, pas l'oeuvre achevée. Et je salue la sagesse du ministre de la Culture qui, n’ayant pas vu le film, ne s’est pas exprimé sur le sujet."

"L’art ne se résume pas à échanger des mots d’amour, il contribue aussi à visiter la grande et les petites histoires. Cannes est là pour servir le cinéma et accueillir les débats qui vont avec". "Mais il est fréquent qu’on instrumentalise le festival. C’en est presque une tradition ! Sa notoriété est telle que cela peut se révéler efficace. Si c’est pour discuter, voire se disputer, pourquoi pas ? Pour s’affronter et s’invectiver, non".
"Nul ne laissera le festival être troublé outre-mesure par une controverse excessive. La première mission du festival est de montrer des films, de donner un instantané de la création, de se faire l’écho des metteurs en scène."

Ecran Noir, au delà du jugement sur la qualité cinématographique du film, est entièrement d'accord avec la primauté de la fiction et de la création sur la vérité historique, au nom de la liberté de création. C'est la différence avec un documentaire. C'est aux élus d'avoir une position digne, respectueuse et juste des faits historiques pour que les tabous du passés ne soient pas des traumas du présent. C'est à l'Education nationale et aux Historiens d'enseigner et d'expliquer la vérité.

Cannes 2010 : Rachid Bouchareb veut éteindre la polémique

Posté par Sabrina, le 14 mai 2010

Quelques mots du cinéaste en réponse à la polémique que suscite d'ores et déjà Hors la loi...

"Depuis trois semaines, une polémique précède la présentation à Cannes de mon film Hors La Loi, alors que ceux qui participent à cette polémique n'ont pas vu le film... Devant de telles passions et dans un souci d'apaisement, il m’apparaît important de rappeler deux choses :

* Hors la loi est un film de fiction, une saga qui raconte l’histoire de trois frères algériens et de leur mère sur une période de plus de trente-cinq ans, du milieu des années trente à l'indépendance de l'Algérie en 1962.

* Il faut qu’il soit possible que le cinéma aborde tous les sujets. Je le fais en cinéaste, avec ma sensibilité, sans obliger quiconque à la partager. Après les projections, il sera temps que le débat public se déroule. Attaché comme je le suis à la liberté d’expression, il me paraît normal que certains puissent être en désaccord avec mon film, mais je souhaite que ce désaccord s’exprime dans un cadre pacifique et dans la sérénité du débat d’idées.
Pour le monde entier, la France est une terre de liberté et je suis particulièrement fier d’y montrer mon film, dans le plus prestigieux des festivals. Je souhaite que cette projection se fasse dans le respect mutuel et dans un climat serein.
" - Rachid BOUCHAREB

Vous n'avait pas pu y échapper : dès Cannes 2006, Bouchareb défrayait la chronique avec son passionnant Indigènes, film récompensé d'un quintuple Prix d'interprétation masculine. Hors-la loi sera présenté en compétition le 21 mai prochain.

A juste titre, la liberté d'expression commence toujours dès lors que l'encre vient entacher l'ordre établi. En la matière, il y a fort à parier : ce n'est ici qu'un début ! Bienvenue à ce nouveau long et manifeste signé d'un "indigène" qui revendique fièrement son identité... de cinéaste !

Rachid Bouchareb se met Hors-la-Loi

Posté par vincy, le 13 août 2009

Alors que son prochain film, London River, sort le 23 septembre prochain, doté d'un prix d'interprétation masucline au dernier festival de Berlin, Rachid Bouchareb (Indigènes) vient de s'attaquer au tournage de Hors-la-Loi. Pour ce film, il retrouve quatre de ses cinq acteurs d'Indigènes : Jamel Debbouze, Sami Bouajila, Roschdy Zem et Bernard Blancan. Les autres comédiens qui les entourent sont Ahmed Benaïssa (Mon colonel, Inland), Larbi Zekkal (Beur Blanc Rouge), Mourad Khen (Mascarades) et Chafia Boudraa (Le thé à la menthe, Beur blanc rouge).

Il s'agit du récit, de 1945 à 1962, de trois frères dont la famille a survécu aux massacres de Sétif., jusqu'à la bataille de l'indépendance de l'Algérie. Un budget confortable (près de 20 millions d'euros) accompagnera ce tournage qui se déplacera aussi en France, Tunisie, en Belgique, en Allemagne et à New York.