Les Magritte 2014 : Ernest et Célestine, meilleur film belge de l’année

Posté par kristofy, le 3 février 2014

ernest et célestineC’est le film d’animation Ernest et Célestine (découvert à Cannes) qui durant la cérémonie des Magritte belges été sacré dans les deux catégories reines : meilleur film et meilleur réalisateur, avec, en bonus, un prix pour meilleur son. Ce film est également nominé aux Oscars dans la catégorie meilleur film d'animation, catégorie où il avait déjà gagné un César l'année dernière. La religieuse (Berlin 2013), Le passé et La vie d'Adèle (Cannes 2013) sont aussi cités au palmarès. Poelvoorde est couronné par le prix du meilleur acteur.

Un Magritte d’Honneur a été décerné également au réalisateur Emir Kusturica.

Voici le palmarès pour les principales catégories :

meilleur film : Ernest et Célestine de Stéphane Aubier, Vincent Patar et Benjamin Renner.
meilleur réalisateur : Stéphane Aubier, Vincent Patar et Benjamin Renner,  pour Ernest et Célestine
meilleur acteur : Benoit Poelvoorde dans Une place sur la terre
meilleure actrice : Pauline Etienne dans La religieuse (elle avait déjà été meilleur espoir féminin en 2011 pour Élève libre)
meilleur acteur dans un second rôle : Laurent Capelluto dans Le temps de l’aventure
meilleure actrice dans un second rôle : Catherine Salée dans La vie d’Adèle
meilleur espoir féminin : Pauline Burlet dans Le passé
meilleur espoir masculin : Achille Ridolfi dans Au nom du fils
meilleur scenario original ou adaptation : Philippe Blasband et Anne Paulicevich pour Tango Libre
meilleur premier film : Une Chanson pour ma mère de Joel Franka
meilleur film étranger en coproduction : La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche
meilleur film flamand en coproduction : Kid de Fien Troch
meilleur court-métrage : Welkom de Pablo Munoz Gomez. A noter que ce court-métrage, avec l’acteur Jean-Jacques Rausin, est visible (gratuitement) pendant quelques jours sur internet ici.

Voici donc le court-métrage La veille du premier jour de tournage qui a été diffusé durant cette 4ème cérémonie des Magritte, avec Laurent Capelluto (d’ailleurs récompensé meilleur acteur dans un second rôle dans Le temps de l’aventure) qui joue ici avec humour (belge) une quinzaine de rôles qui sont différents professionnels qui préparent un film :

Les Magritte 2014 : Tango Libre et Au Nom du fils en tête

Posté par kristofy, le 12 janvier 2014

tango libreBruxelles organise sa 4ème cérémonie des Magritte du cinéma qui aura lieu le 1er février prochain, la récompense belge équivalente aux Césars français. La soirée se déroulera sous la présidence de Emilie Dequenne qui avait eu l’année dernière le Magritte de la meilleure actrice.

La liste des nominations est maintenant dévoilée, on y retrouve bien entendu majoritairement des films belges francophones mais aussi des coproductions aussi plusieurs films français (La religieuse de Guillaume Nicloux, La vie d'Adèle de Abdellatif Kechiche, L’écume des jours de Michel Gondry…) et d’autres coproductions avec les voisins flamands.

Deux films déjà primés au Festival de Venise 2012 (et sortis en salles en 2013) sont remarqués : Tango Libre avait reçu le Prix Spécial du jury Orizzonti et La Cinquième Saison. Tango Libre est le grand favori avec 10 nominations (meilleur film, réalisateur, scénario, acteurs…). Ce film de Frédéric Fonteyne est déjà sorti en France en novembre 2012. La cinquième saison est sorti l'été dernier dans les salles françaises

L’autre grand favori est Au Nom du Fils, ce qui est une belle surprise puisque le film est sorti dans peu de salles (c’est une féroce comédie anti-cléricale), a été aussi récompensé du Méliès d’or au festival fantastique de Sitgès. Son réalisateur Vincent Lannoo est l’un des cinéastes belges injustement méconnu en France faute de distributeur dans l'Hexagone :ses films Ordinary Man et Little Glory ne sont jamais sorti et son dernier film en date, Les âmes de papier (avec Julie Gayet, Stéphane Guillon et Pierre Richard), plus conventionnel, est en salles depuis le 25 décembre. Au Nom du Fils va finalement sortir en France avec un an de retard le 7 mai 2014, la comédienne Astrid Whettnall est favorite dans la catégorie de la meilleure actrice.

A noter également 3 nominations pour le film d’animation Ernest et Célestine (dont une nomination dans la catégorie du meilleur film) et pour Une Place sur la Terre avec Benoit Poelvoorde, 2 nominations pour Landes. La présence du film de Sam Garbarski Vijay & I réalisé en anglais avec Patricia Arquette, Moritz Bleibtreu et Danny Pudi semble plus curieuse.

Pour ce qui est des principales catégories les nominés sont :

Meilleur film : Au nom du fils, Ernest et Célestine, Kinshasa kids, Le monde nous appartient, Tango libre

Meilleure réalisation : Vincent Lannoo (Au nom du fils), Stéphane Aubier et Vincent Patar (Ernest et Célestine), Frédéric Fonteyne (Tango libre), Sam Garbarski (Vijay and I)

Meilleur scénario : Kid, La cinquième saison, Tango libre, Vijay and I

Meilleure actrice : Astrid Whettnall (Au nom du fils), Lubna Azabal (Goodbye Morocco), Pauline Etienne (La religieuse), Déborah François (Populaire)

Meilleur acteur ::Sam Louwyck (La cinquième saison), François Damiens (Tango libre), Jan Hammenecker (Tango libre), Benoît Poelvoorde (Une place sur la terre)

Meilleure actrice dans un second rôle : Dominique Baeyens (Au nom du fils), Nicole Shirer (BXL - USA), Catherine Salée (La vie d'Adèle), Christelle Cornil (Landes)

Meilleur acteur dans un second rôle : Bouli Lanners (11.6), Olivier Gourmet (Grand Central), David Murgia (Je suis supporter du Standard), Laurent Capelluto (Le temps de l'aventure), Renaud Rutten (Une chanson pour ma mère)

Meilleur espoir féminin : Mona Walravens (La vie d'Adèle), Pauline Burlet (Le passé), Rania Mellouli (Le sac de farine), Anne Paulicevich (Tango libre)

Meilleur espoir masculin : Achille Ridolfi (Au nom du fils), Bent Simons (Kid), Steve Driesen (Landes), Mehdi Dehbi (Le sac de farine)

Meilleur court métrage : Bowling killers de Sébastien Petit, Le conseiller de Elisabet Lladó, Partouze de Matthieu Donck, Welkom de Pablo Munoz Gomez (celui-là avec Jean-Jacques Rausin)

Festroia 2013 : femmes, violence et stéréotypes

Posté par MpM, le 20 juin 2013

festroiaParmi les thèmes abordés par les films en compétition lors de cette 29e édition de Festroia, la violence faite aux femmes semble avoir été le plus récurrent. Une violence physique, souvent associée à des sévices sexuels, et émanant dans la plupart des cas du cadre familial.

Dans 90 minutes de la Norvégienne Eva Sørhaug, trois histoires distinctes mettent en scène un personnage féminin aux prises avec une forme particulière de violence conjugale.

La première (dont on ne verra pas le visage) est empoisonnée par son mari, par ailleurs prévenant et attentionné. La deuxième est assassinée par son ex-mari qui ne supporte pas d’avoir été remplacé par un autre homme. La troisième est battue et violée par son compagnon hystérique. Dans ce volet, la réalisatrice choisit de montrer frontalement les sévices (coups, humiliation, viol) dans des scènes par ailleurs à la photographie ultra-soignée et au découpage sophistiqué.

Des séquences quasi insoutenables qui décortiquent de manière implacable le mécanisme de maltraitance, dans lequel la victime est accusée d’être responsable de ce qui lui arrive et où le bourreau trouve une justification "punitive" à ses actes. Un point commun avec Halima’s path d’Arsen Anton Ostojic (Croatie), qui se déroule dans la Yougoslavie de la fin des années 70, et dans lequel un père (musulman) bat sa fille, coupable d’avoir entretenu une relation amoureuse avec un chrétien. Au nom de la sacro-sainte tradition du patriarcat, il se sent autorisé à la punir, voire à la tuer, sans que personne n’ait son mot à dire. Pourtant, plus tard dans le film, c’est elle qui aura besoin d’être pardonnée (pour avoir épousé un homme d’une autre religion), et non lui. La jeune femme est ainsi cantonnée par le scénario à son rôle de victime "volontaire",  ayant mérité ce qui lui est arrivé, et finissant par reconnaître ses "erreurs".

Trois autres films présentés en compétition 8 ballabordent également la violence exercée sur des femmes par leurs compagnons. Circles de Srdan Golubovic (Serbie), où une jeune femme d’origine serbe, battue par son mari, tente de recommencer sa vie à zéro. 8 ball d’Aku Louhimies (Finlande) dans lequel un dealer se déchaîne contre sa petite amie qui a osé s’élever contre lui. The girl and death de Jos Stelling (Pays Bas) qui présente la figure traditionnelle du protecteur jaloux n’hésitant pas à "corriger" sa maîtresse lorsqu’elle tombe amoureuse d’un autre.

L'amour comme sentiment de propriété

Il est frappant de constater que souvent, ces personnages masculins prétendent aimer celles qu’ils maltraitent. Un "amour" qui, chez eux, va de pair avec un fort sentiment de propriété. Comme si ces femmes aimées étaient des objets qu’on possède et traite à sa guise. Même chose d’ailleurs pour les personnages certes non violents, mais tout aussi possessifs de Brasserie romantique de Joel Vanhoebrouck (Belgique) et Halima’s path d’Arsen Anton Ostojic qui reviennent après une longue absence et attendent de leur petite amie qu’elle soit toujours disponible et prête à les suivre en un instant.

La plupart des réalisateurs portent un regard pessimiste sur ces relations amoureuses conflictuelles dans lesquelles les femmes sont toujours les victimes, prises au piège inextricable du chantage affectif et de la manipulation. Pour elles, il n’y a guère de moyens d’échapper à ce qui présenté comme leur destin : soit elles se soumettent en silence, soit elles sont condamnées à la fuite et l’errance. Plusieurs films insistent en effet sur le fait que leurs bourreaux (miraculeusement tout puissants) pourront les retrouver n’importe où.

viva belarusLa vraie libération de cette emprise malsaine ne peut alors venir que du recours à la violence. Ce renversement des rôles, qui transforme les victimes en bourreaux, les condamne (en un sens) à devenir exactement comme ceux qu’elles combattent. Ultime victoire de ces individus ne connaissant que la brutalité comme langage, et surtout curieuse manière de diviser la société entre victimes et bourreaux, sans troisième voie possible. Surtout lorsque l’on compare aux personnages masculins eux aussi confrontés à des actes de violence, et qui s’en sortent généralement par l’intelligence et la ruse, comme dans Viva Belarus! de Krzysztof Lukaszewicz (un jeune Biélorusse maltraité durant son service militaire ouvre un blog engagé pour critiquer le système) ou The girls and death de Jos Stelling (le jeune médecin prend sa revanche en jouant aux cartes).

Stéréotypes à gogo

Mais curieusement, force est de constater que dans les films de cette sélection, les personnages masculins sont très rarement présentés comme des victimes. Le rôle, surtout dans le cas de violence gratuite, est spécialement dévolu aux femmes, qui n’existent presque que dans cette optique. Et lorsque ce n’est pas le cas, les personnages véhiculent tous les stéréotypes traditionnels liés aux femmes : sujet de conversation qui unit les hommes (Into the white du Norvégien Petter Naess), bigotes crédules (The passion of Michel Angelo d’Esteban Larrain, Chili), épouse à reconquérir (Road north de Mika Kaurismaki, Finlande)…

Même le personnage de "femme forte" est une forme de stéréotype décliné avec plus ou moins de succès à travers le personnage d’Halima, mère courage yougoslave et seule protectrice de sa nièce (Halima’s path) ou celui d’Alice, dans Tango libre de Frédéric Fonteyne (Belgique), qui s’épanouit joyeusement dans un trio amoureux atypique. Même la restauratrice sûre d’elle de Brasserie romantique passe son temps à se sacrifier pour les autres, qu’il s’agisse de son frère ou de sa nièce.

Au final, seuls trois personnages alabama monroe féminins de la sélection semblent échapper aux stéréotypes traditionnels. Mieux écrits, plus développés, ils donnent enfin une image subtile de personnages qui, au lieu d’être des femmes, sont tout simplement des êtres humains, avec leur propre sensibilité et personnalité, et surtout qui ne se définissent pas uniquement par leur rapport à un homme (femme de, mère de). L’héroïne de Broken circle breakdown de Felix van Groeningen (Belgique) travaille dans le monde du tatouage et chante dans un groupe de bluegrass. Elle n’est pas dépendante de son compagnon (qu’elle refuse d’épouser) et sait reprendre sa liberté quand elle le souhaite.

Même chose avec la jeune journaliste engagée de Viva Belarus!, qui est sans cesse dans l’action, prête à se battre pour ses idées, et surtout à prendre des risques. Elle ne suit pas un homme qui serait son mentor, mais au contraire tente de convaincre son petit ami de la nécessité de militer.

baby bluesEnfin, la jeune fille haute en couleur de Baby blues (Kasia Roslaniec, Pologne) prend sa propre vie en mains. Elle est certes irresponsable et égoïste, mais elle poursuit son rêve (travailler dans la mode) et ne se laisse dicter aucun choix.

Sa personnalité multiple et créative se reflète dans ses tenues vestimentaires, originales et décalées. C’est une vraie adolescente d’aujourd’hui, bourrée de contradictions et de failles, qui surprend sans cesse le spectateur.

Des personnages enfin capables de rivaliser avec leurs homologues masculins pour dresser le portrait, tantôt émouvant, tantôt édifiant, d’êtres humains aux prises avec la vie. Preuve qu’il est possible, et surtout profitable, de s’extraire des éternels clichés sur ce qu’une femme est censée être pour se concentrer sur des personnalités et des destins particuliers.