Cannes 70 : le lexique du festivalier

Posté par cannes70, le 20 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-28. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

Comme tout microcosme qui se respecte, Cannes a ses codes, ses rituels et bien sûr son vocabulaire. Petit recueil des termes incontournables pour avoir l'air d'un vrai festivalier en toutes circonstances.

Accréd'

Cannes est la société la plus hiérarchisée au monde. Y être accrédité n'est pas tout, encore faut-il avoir la bonne accréditation, celle qui permet d'entrer partout, voire d'être prioritaire. À ce petit jeu-là, nombreux sont ceux qui rêvent de l'accréd' juste au-dessus de la leur (donnant accès à une meilleure place ou une file d'attente plus rapide) et tremblent d'être rétrogradés, au point d'en faire des cauchemars.

Chaque festivalier cannois est en effet étiqueté en fonction de ce qu'il a le droit (ou non) de faire, les séances auxquelles il peut assister, les lieux qui lui sont autorisés, et même les files d'attente qu'il doit emprunter. Pour rendre immédiatement identifiable la "caste" de chacun, il existe une signalétique stricte, basée sur un système de couleurs, de pastilles, de lettres et de codes-barre très complexe et joyeusement bigarré. Pendant quinze jours, on voit donc se presser partout, de la plage aux toilettes publiques, une foule éclectique portant autour du cou des badges plastifiés criards comme s'il s'agissait de parures élégantes.

C'est qu'ici, l'accréditation est le bien le plus précieux (une carte blanche se monnaie bien plus qu'un collier Chopard, qu'on se le dise). Car une fois ce sésame perdu, il n'est plus possible d'aller nulle part : ni dans les salles des différentes sélections, ni dans le Palais, ni sur les Plages. C'est à peine si l'on pourra rentrer chez soi... Pour éviter tout risque, certains dorment avec. D'autres vérifient 25 fois par jour qu'elle est toujours là, et se font autant de frayeurs.

On prend d'ailleurs vite l'habitude d'être une "couleur de badge" et de se plier aux règles qui en découlent. Si vite que le retour à la vie normale nécessite parfois une petite réacclimatation, sous peine de présenter fièrement une accréd' périmée au contrôleur du train ou au vigile du centre commercial.

Coupe

Il faut avouer que l'image traditionnelle de festivaliers parlant de films une coupe de champagne à la main n'est pas totalement infondée. "On demande toujours une coupe, à Cannes", confirme un éminent journaliste qui arpente la Croisette pour la 18e année consécutive.

Et de fait, la plupart des événements (remises de prix, conférences, inaugurations, soirées, etc.)  s'accompagnent de bulles. Une légende veut même qu'il soit possible de ne boire que ça pendant toute la quinzaine (à condition de le faire avec modération, bien sûr). Certains ont tenté l'expérience les années précédentes lorsque les bouteilles d'eau et autres boissons étaient systématiquement confisquées à l'entrée des salles. Quand on a soif, on boirait n'importe quoi, et a fortiori du champagne bien frais (si cette excuse ne vous convient pas, on en trouvera une autre). Mais pour la coupe devant le film, en revanche, il faudra encore attendre.

Faire la manche

Vous avez déjà vu des individus en smoking et robes de soirées faire la manche ? Le spectacle vaut le détour, et a lieu chaque jour devant les fameuses marches du Grand Théâtre Lumière. Au Festival de Cannes, en effet, des dizaines de Cendrillon des deux sexes revêtent leurs plus beaux atours pour fouler le tapis rouge avec les stars. Seul obstacle pour réaliser leur rêve : trouver l'un des fameux cartons d'invitation qui permettent d'accéder aux séances.

Pour cela, deux solutions : passer par la voie officielle (extrêmement compliqué en fonction des badges) ou trouver quelqu'un de plus fortuné qui aurait une invitation supplémentaire. D'où ces myriades de "mendiants" en quête d'un ou plusieurs de ces précieux sésames. Certains brandissent une affichette plus ou moins humoristique, d'autres accostent le plus de festivaliers possibles en répétant inlassablement (et avec le sourire) : "vous n'auriez pas une invitation en plus ?" Et le pire (ou au contraire, l'aspect sympa des choses), c'est que ça marche.

A de rares occasions, il arrive que des festivaliers ne jouent pas le jeu. Par exemple, lors d'une soirée d'ouverture, un homme à qui on avait refusé la montée des marches (il ne portait pas le smoking réglementaire) a déchiré deux tickets sous l’œil outré de jeunes gens qui, eux, étaient habillés correctement. Une autre fois, quelqu'un a voulu monnayer sa place (rappelons qu'elles sont délivrées gratuitement par le festival). Mais la plupart du temps, ceux qui ont des places supplémentaires sont heureux de faire plaisir, et passent même une meilleure soirée que s'ils n'en avaient pas eu l'occasion.

File d'attente

De l'extérieur, on imagine Cannes comme un monde de rêve, où le champagne coule à flot dans une atmosphère de paillettes et de glamour. Du point de vue de Nicole Kidman, peut-être. Mais pour le festivalier lambda, noyé dans la masse, et privé de gardes du corps, Cannes est surtout une longue succession d'attentes. Pour entrer dans le Palais, sortir du Palais, boire un café au stand nespresso, accéder à la salle de presse... et on ne parle pas des toilettes pour femmes.

Là où l'on attend logiquement le plus , c'est pour assister aux projections. Selon les badges et les séances, cela peut aller de 20 minutes à 2h. Plus si l'hystérie s'en mêle, comme en 2011 pour le 4e Indiana Jones, ou si la salle est trop petite. Ou si le film fait le buzz, s'il met en scène une star, ou montre un caniche nain. En gros, dans la plupart des cas. Le festivalier cannois est en effet le seul à se battre pour voir des films que, quelques mois plus tard, les spectateurs découvriront dans des salles aux 3/4 vides.

Mais on finit par se faire à ces longs temps d'attente, voire à leur trouver une fonction : chance unique de se restaurer au bout du 3e film de la journée, moment de méditation, voire micro-sieste pour les plus efficaces, temps de travail supplémentaire (combien d'articles écrits à deux doigts sur son téléphone portable sous un soleil de plomb ?), pause jeu sur son téléphone portable ou sa tablette (avec des records battus à 2048 en perspective), ou encore occasion rêvée de téléphoner à la terre entière pour se vanter d'être à Cannes (festival de mythomanes en perspective, sur l'air de "je te laisse, y'a Ryan Gosling qui m'apporte une coupe").

Parfois, deux festivaliers présents dans la même file en viennent aux mains, pour de sombres raisons de resquillage ou de bousculade. Ce n'est jamais méchant, ça fait un peu d'animation pour les voisins... et au pire, si les deux s’entre-tuent, c'est toujours deux places de gagnées.

Films

Principale raison d'être de Cannes : les films. En dehors d'eux, rien ne compte. Entre une fête et un film, un dîner et un film, deux heures de sommeil supplémentaires et un film, le festivalier pur et dur choisira toujours le film.

De même, dans les files d'attente, les soirées et même au petit déjeuner, les films sont au cœur de toutes les conversations. Ceux qu'on a aimés, ceux qu'on déteste, ceux qu'on a ratés, ceux qui auraient dû être en compétition (ou pas)...

Avec ses amis ou de parfaits inconnus, dans les soirées ou en attendant dans les salles, les films sont le sujet de conversation par excellence. L'un des sports favoris du festivalier est de refaire la sélection à son goût. Par exemple : "Kore-Eda et Julia Ducournau auraient dû être en compétition à la place de Sean Penn et Nicole Garcia."

L'autre passe-temps préféré est de faire ses pronostics sur le palmarès. On décerne la palme d'or à son chouchou, on mesure les chances des outsiders, on réfléchit à la personnalité des jurés pour deviner ce qui a pu leur plaire... C'est bien simple, à partir du 2e jour de Festival, le palmarès est sur toutes les lèvres (sans compter ceux qui ont déjà une idée sur le lauréat avant même d'avoir vu le premier film...). Le jour de la proclamation, c'est l'hystérie. Chacun y va de son tuyau : George Miller a cligné de l'œil après la projection de tel film, Kirsten Dunst s'est mouchée pendant tel autre, Arnaud Desplechin déteste tel réalisateur...

L'annonce elle-même est suivie d'un étonnant déferlement d'émotions. C'est presque comme si chaque festivalier repartait chez lui avec un petit morceau de palme d'or chaque fois que son favori est récompensé. À contrario, ceux qui sont déçus commentent le palmarès toute la nuit, et poursuivent parfois la conversation au petit déjeuner. Certains en parlent même encore six mois plus tard. La seule solution pour les faire lâcher prise est alors de lancer le 4e sujet de conversation préféré du festivalier : celui des films susceptibles d'être sélectionnés en compétition l'an prochain.

Frustration

Un festival sans frustration n'est pas un vrai festival. Parce qu'il n'est pas logistiquement possible de voir plus de 6 ou 7 films dans une journée, un Festivalier vraiment endurant (et bien accrédité pour ne pas perdre de temps dans les files d'attente, et surtout n'ayant jamais besoin de travailler ni de manger ni de boire) en verra au grand maximum 70 sur toute la durée, ce qui ne représente même pas l'intégralité des films présentés en sélection officielle et dans les deux sections parallèles. Soit la certitude, quoi qu'il arrive, de ne pas voir tous les films et de forcément passer à côté de l'un de ceux dont tout le monde parle. Autant le savoir tout de suite, à Cannes comme ailleurs, voir tous les films (en entier) n'est pas humainement possible.

Une fois ce principe essentiel digéré, il vaut mieux passer tout de suite à l'étape suivante et accepter aussi qu'il y aura de cruels dilemmes. Parfois, les deux films que vous attendiez le plus passent à la même heure. À moins d'être capable de se dédoubler, il faudra donc sacrifier l'un d'entre eux. Sachant qu'une règle tacite veut que le buzz encense toujours celui que vous avez sacrifié.  De manière générale, on vous vantera de toute façon toujours les mérites d'un film que vous avez raté. Rassurez-vous, vous ferez de même de votre côté.

Ça y est, vous êtes prêt à être frustré ? Merveilleux, vous n'êtes pas loin du zen ultime : c'est en acceptant la frustration que l'on s'en affranchit. Ça, ou en quittant Cannes. Car dès que le festival s'achève, les films tant convoités perdent presque tout leur éclat. Le festivalier est inconstant et versatile : ce petit film polonais que l'on était au désespoir de ne pas avoir vu ? Non seulement on l'oublie instantanément, mais en plus, le jour où il sort enfin en salles, on ne se donne même pas le mal d'y aller.

Le 8:30

Les critiques vont rarement voir "un film", mais des réalisateurs. Faites le test et dites à l'un d'entre eux que vous avez été séduit par Ma'Rosa, il vous regardera probablement avec un air absent, jusqu'à ce que vous précisiez "le Brillante Mendoza". Coquetterie ou mémoire courte, le journaliste spécialisé retient rarement le nom des films. Après tout, à quoi bon apprendre des titres qui changent tout le temps quand les cinéastes, eux, s'appellent toujours pareil. Surtout à Cannes.

Il n'est d'ailleurs pas rare que même le critique le plus éminent n'ait pas retenu le nom du cinéaste en question, surtout s'il s'agit d'un nouveau venu, ou s'il y a beaucoup de consonnes dans son patronyme. Il utilisera alors une autre périphrase presque toujours basée sur la nationalité du film et sa sélection : on va voir l'Argentin en compétition, on a aimé l'Israélien à la Semaine de la Critique, on déconseille le Syrien en séance spéciale, etc.

Mais il arrive toujours un moment où même le plus aguerri ne sait plus du tout ce qu'il va voir. Au bout de cinq ou six jours de festival intensif, les noms et les pays se mélangent, et on ne parle même pas des titres. On dit alors avec un grand sens pratique qu'on va voir le film de 8:30, ou celui de 14.00. Cela ne renseigne pas forcément notre interlocuteur, mais à défaut, il est toujours très impressionné de savoir qu'on est capable de s'assoir dans une salle de cinéma à 8h du matin après avoir passé une partie de la nuit dans une soirée avec lui.

Marché

Sous les paillettes du célèbre tapis rouge du Festival existe une réalité parallèle prosaïquement nommée "marché". Même dans le microcosme cannois déjà franchement décalé, c'est un monde à part. Un peu mystérieux. Interdit à ceux qui n'ont rien à y faire. Enorme, surtout, puisqu'il accueillait en 2013 plus de 11 700 participants (12000 attendus cette année), dont près de 2000 acheteurs. En gros, plus de 1000 sociétés présentes pour 5364 films représentés.

Vous avez du mal à concevoir qu'on puisse regarder 4 ou 5 films dans une journée ? Imaginez que les festivaliers qui hantent les couloirs du Marché du Film, eux, courent de salle en salle pendant dix jours pour découvrir le plus d’œuvres possibles : scénarios, work in progress, extraits, films non terminés... Les titres (et les affiches) fleurent bon le marketing : Kamasutra 3D, Ask me anything, Goodbye world, The man in the orange jacket... Il y en a clairement pour tous les goûts et surtout pour tous les marchés.

Les acheteurs regardent tout ce qu'ils peuvent (mais rarement en entier) et en redemandent. Ce sont notamment eux qui décident quels films mériteront d'être distribués dans les salles du monde entier. Ils voient ainsi avant tout le monde les grands chefs d’œuvres et succès des mois à venir. Et pas mal de mauvais films, aussi. De grands pouvoirs impliquent une grande responsabilité, et dans leur cas elle est écrasante.

Une mauvaise nouvelle reçue par mail ? Ils passent à côté du plus beau film de tous les temps. Un déjeuner un peu trop arrosé ? Ils inondent leur pays avec 500 copies d'un navet à l'eau de rose. De la même manière qu'un papillon faisant un écart provoque des tempêtes terribles à l'autre bout de la terre, un acheteur qui a la gueule de bois est susceptible de vous faire passer les 2h les plus pénibles de votre vie devant un remake de Camping en version comédie musicale gore.

Les Marches

"Tu as monté les marches ?", me demandaient extatiques mes amis et connaissances les premières années où je suis allée à Cannes (question la plus fréquente avec "tu as vu Brad Pitt ?" et "comment est Gilles Jacob en vrai ?", à moins que cela ne soit l'inverse). "Oui, bien sûr", leur répondais-je, à la fois blasée et embêtée de casser le mythe. Car il y a "Monter Les Marches" (sous entendu en robe de soirée devant les caméras de Canal +) et "monter les marches", en tong et en jean sous le regard indifférent des badauds.

La première formule est réservée aux projections officielles (le soir et parfois l'après-midi), et l'on côtoie des stars sur le tapis rouge. L'autre se fait au pas de course, sans musique entraînante et photographes, et personne n'annonce votre nom au micro. Montée anonyme et banale dont le seul but est d'atteindre la salle du Grand théâtre Lumière, quand l'autre consiste surtout à être vu (combien redescendent ensuite sans assister à la projection ?)

Ce sont les mêmes marches, le même tapis rouge, et la même destination. Mais les marches du soir conduisent dans l'enclave mythique du rêve et du glamour tandis que celles du matin mènent juste à une salle de cinéma. Une promesse de rêve peut-être moins ostentatoire, mais plus tangible.

Tapis rouge

Brisons le mythe tout de suite : le tapis rouge est de la moquette au mètre. Quand on arrive à Cannes en avance, elle n'est même pas encore posée. Après une journée d'allers et venues, elle est sale. Parfois gorgée d'eau de pluie. Pas très glorieuse. Reste que ce tapis est le symbole du Festival, vu et revu sur les télés du monde entier, omniprésent sur les photos, et indissociable de la fameuse "montée des marches" déjà évoquée.

Les plus grandes stars y défilent dans des robes rivalisant d'élégance ou d’excentricité, les photographes hurlent en boucle "Nicole", "Marion" ou "Ryan", et les Cendrillon du jour multiplient les selfies dans leurs robes longues, le tout sous le regard des chasseurs d'autographes, installés au pied des marches, derrière des barrières, depuis plusieurs jours, pour ne rien rater du spectacle.

Pourtant, ce tapis rouge fantasmé n'a pas grand chose à voir avec la réalité du Festival, et n'en est pas vraiment le centre névralgique. Les journalistes, notamment, n'en voient rien : à cette heure-là, ils ont une projection presse dans une autre salle. Au mieux, depuis la file d'attente, ils entendent la musique (trop forte) et les commentaires qui accompagnent le rituel. Les acheteurs sont au marché, en train de regarder leur 17e début de film du jour. Les noctambules se lèvent à peine, prêts à investir les soirées qui ne commenceront pas avant 22h. Les producteurs marchandent. Les organisateurs de festival enchaînent les rendez-vous. Pourtant, le monde entier ne retiendra que cette image, ce tapis gravé au fer rouge dans l'esprit des millions de personnes qui fantasment devant leurs écrans sur cette grand' messe d'un cinéma qu'ils boudent pourtant dans les salles.

Là réside l'un des plus grands paradoxes de Cannes, mais peut-être aussi sa force. Car au fond il fallait un vrai tour de passe-passe pour amener le monde entier à s'intéresser à une activité éminemment aussi peu spectaculaire que le fait d'être assis devant un écran pour regarder un film.

Tenue de soirée

Les invitations aux projections officielles le précisent : tenue de soirée exigée. Autrement dit, les hommes en smoking (nœud papillon obligatoire, à moins de porter une chemise col Mao) et les femmes en robe longue (la tolérance est plus grande sur ce point-là, et sont acceptées d'autres tenues, à partir du moment où elles sont jugées assez élégantes par les appariteurs. Plus subjectif, tu meurs.).

Cannes est connu pour ça, et croiser des nuées d'hommes en smoking et de femmes en robes vaporeuses le long de la croisette à partir de 17h fait partie du folklore. Plus savoureux, les recroiser à 8h en se rendant à la séance du matin, quand eux rentrent se coucher.

Au bout de quelques jours, cela donne l'impression de vivre au milieu d'un bal des débutantes permanent, ou à la cour de Monaco telle qu'elle apparaissait dans le film d'ouverture. Un vrai conte de fées, en parfait contraste avec les sujets souvent tragiques des films.

Mais à Cannes, tout est à l'avenant : on boit du champagne en parlant de films sur la faim dans le monde, on admire les starlettes à paillettes venues contempler des histoires de pédophilie, et à la moindre anicroche, on s'indigne de la mauvaise organisation du Festival qui nous empêche d'assister à la projection de films sur des gens qui, eux, ont de vrais problèmes.

Marie-Pauline Mollaret pour Ecran Noir

Edito: Cessez-le-feu ou allumez le feu?

Posté par redaction, le 20 avril 2017

On n'en peut plus de cette série de télé-réalité dont la fin de saison approche enfin. La France vote. Quatre demi-finalistes se disputent les deux dernières places. On aimerait qu'on se dispute pour des places de cinéma. Bien sûr, les films américains cartonnent. On prend son siège pour vrombir avec Fast & Furious 8. On s'amuse avec Boss Baby et Les Schtroumpfs, vacances oblige. On se laisse encore emporter par La Belle et la bête. Pour les autres, c'est un peu comme le parcours du candidat socialiste: rase campagne.

Les comédies françaises, trop nombreuses, trop similaires du pitch au marketing, pas assez abouties, ne font pas rire et ne fédèrent pas les masses. Les films d'ailleurs et d'auteurs peinent à trouver leur public. Tout le monde semble en vacances ou la tête dans le remue-méninges politique. Face à l'indécision, le risque, le spectateur choisit le ticket utile. Celui qui assure la promesse d'un divertissement formaté mais rassurant.

Une réforme art et essai utile mais incomplète

Alors que le CNC vient de rendre public une réforme de l'art et essai, afin de soutenir la diffusion de films labellisés comme tels, on s'inquiète. Les exploitants, notamment les plus petits, peuvent y gagner, certainement, stimulés par des avantages financiers. Mais les distributeurs survivront-ils? Il faudra quand même se pose la question de la chronologie des médias pour ces films fragiles, dont la salle de cinéma ne résoudra pas tout de l'équation financière impossible: un public de moins en moins nombreux et une profusion d'œuvres (moins de 500 nouveautés en 2002, plus de 700 aujourd'hui. La diversité est menacée par cette abondance de "contenus" elle-même en concurrence avec les autres écrans.

Et puisque la politique occupe les esprits, parlons d'éducation à l'image et d'accès à la culture. Il est urgent d'initier les jeunes à d'autres cinémas que les films patrimoniaux ou les productions historiques servant de prétexte à appuyer le programme scolaire en Français ou en Histoire. Montrer qu'un "petit" film n'est pas ennuyeux forcément sous prétexte qu'il vient d'un pays qu'on ne situe pas sur la carte. Abattre les préjugés sur le cinéma d'auteur, caricaturé durant plusieurs années par les Guignols quand ils étaient sur la Croisette (un comble quand on connaît le poids de Canal + dans le financement du festival de Cannes et de films sélectionnés).

Des candidats à l'Elysée aux choix nostalgiques

Pas sûr que les candidats à l'Elysée en aient vraiment conscience. Un portail web les a interrogés sur leurs goûts cinéphiliques. Les choix sont parfois surprenants au milieu de résultats plus convenus (La grande vadrouille, Les tontons flingueurs, quelques Francis F. Coppola et Stanley Kubrick) ou étranges (La vie dissolue de Gérard Floque). Wim Wenders (Nicolas Dupont-Aignan), Martin Brest (Marine Le Pen), Federico Fellini (Emmanuel Macron), Arthur Penn (Benoit Hamon), le docu Amy (Nathalie Arthaud), Charlie Chaplin (Philippe Poutou), Akira Kurosawa (Jacques Cheminade), Sergio Leone (Jean Lassalle), Orson Welles (François Fillon) sont cités parmi les films cultes des candidats (hormis Mélenchon qui n'a pas voulu se prêter au jeu). Peu finalement ont défendu un cinéma contemporain, ou même français, ou même européen. Pendant ce temps là Justin Trudeau au Canada fait la promotion du cinéma canadien sur les réseaux sociaux... Cherchez l'erreur.

Mais surtout, la plupart de ces films et de ces cinéastes connaîtraient peut-être aujourd'hui des difficultés à attirer le grand public dans les salles. Certains de ces films récents cités ont d'ailleurs souffert au box office. Où est le devoir de transmission? Comment pensent-ils que les futures générations pourront voir/découvrir/apprécier ces grands films? Le cinéma est une ouverture sur le monde. Mais ce n'est pas qu'une fenêtre parmi d'autres d'où l'on s'évade. C'est aussi un miroir, qui permet de comprendre notre temps et d'interroger nos sentiments et émotions. Comme tout art il est contemplatif, prospectif, introspectif, significatif, subjectif et éducatif.

Le cinéma, art de résistance?

L'an dernier, Cannes présentait des films comme Moi Daniel Blake, Toni Erdmann, Aquarius, Rester vertical, Sierranevada, Baccalauréat qui évoquaient le chômage, la fracture sociale et l'exploitation des individus, le logement, la famille et la ruralité, l'ouverture sur le monde et le repli sur soi, ou encore la corruption. Autant de sujets politiques traités de manière romanesque. Le cinéma en dit bien plus sur notre époque et sur nos problèmes que n'importe quel candidat à l'Elysée. On n'ose croire que la culture et l'art, avec leur vertu démocratique, leur regard critique, soient considérés comme un danger pour ces candidats. Qu'ils aient intérêts à ce que les masses soient abruties par des divertissements écervelés et distraites par des sensations primales. Il est loin le temps des Lumières où l'on voulait éclairer le peuple. Le cinéma est peut-être la dernière lucarne, dont la flamme semble vacillante ces temps-ci.

Cannes 2017: la sélection de la Quinzaine des réalisateurs

Posté par vincy, le 20 avril 2017

Abel Ferrara, Bruno Dumont, Claire Denis (avec Juliette Binoche et Gérard Depardieu pour l'ouverture), Sharunas Batas, Philippe Garrel (again), Amos Gitai sont parmi les véétérans choisis pour faire briller la Quinzaine des réalisateurs, qui fait aussi la part belle aux premiers films ou aux cinéastes prometteurs comme Jonas Carpignano, Sean Baker (Tangerine) ou Carine Tardieu (Du vent dans mes mollets).

D'Indonésie à l'Europe méditerranéenne en passant par la Chine et quelques films venus de Sundance, Edouard Wainthrop a misé sur l'éclectisme. Au toal 19 longs métrages ont été retenus (un de plus que l'an dernier) pour cette 49e Quinzaine sur la Croisette.

Longs métrages

Film d'ouverture
Un beau soleil intérieur de Claire Denis

Film de clôture
Patti cake$ de Geremy Jasper - 1er film

Sélection
A Ciambra de Jonas Carpignano
Alive in France d'Abel Ferrara
Bushwick de Cary Murnion et Jonathan Milott
Cuori puri de Roberto De Paolis - 1er film
Frost de Sharunas Bartas
I Am Not a Witch de Nyoni Rungano - 1er film
Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc de Bruno Dumont
L’amant d’un jour de Philippe Garrel
L’intrusa de Leonardo Di Costanzo
La defensa del dragón de Natalia Santa - 1er film
Nothingwood de Sonia Kronlund - 1er film
Marlina the Murderer in Four Acts de Surya Mouly
Mobile Homes de Vladimir de Fontenay
Ôtez-moi d’un doute de Carine Tardieu
The Florida Project de Sean Baker
The Rider de Chloé Zhao
West of the Jordan River (Field Diary Revisited) d'Amos Gitai

Courts métrages
Água mole de Laura Goncalves et Alexandra Ramires
Copa-loca de Christos Massalas
Crème de menthe de Philippe David Gagné & Jean-Marc E. Roy
Farpões, baldios de Marta Mateus
La bouche de Camilo Restrepo
Min börda de Niki Lindroth Von Bahr
Nada de Gabriel Martins
Retour à Genoa city de Benoît Grimalt
Tangente de Julie Jouve et Rida Belghiat
Tijuana tales de Jean-Charles Hue
Trešnje de Turi?  Dubravka

Cannes 70 : Kill Bille !

Posté par cannes70, le 19 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-29. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


À la fin, c'est Bille August qui gagne...

Le Festival de Cannes se résume à une simple équation : une vingtaine de films s'affrontent dans une compétition et, à la fin, c'est Bille August qui gagne. C'est en tous les cas le scénario, si improbable soit-il, qui s'est déroulé à deux reprises, dans deux éditions restées dans les annales : 1988 et 1992. Le cinéaste danois peut en effet se targuer d'avoir la carte au très chic cercle des "double palmés", en compagnie de Francis Ford Coppola, d'Emir Kusturica, de Ken Loach, de Michael Haneke, de Shohei Imamura, des frères Dardenne et de Jane Campion si l'on compte le doublé Palme du long et du court. Autant dire des cadors - ah, on oubliait le Suédois Alf Sjöberg -, avec un univers propre, une patte personnelle - et ce, qu'on soit sensible ou pas à leurs œuvres respectives.

Mais tout club qui se respecte doit, pour sa légende, avoir un membre un peu embarrassant, dont on se demande ce qu'il fait là - à part peut-être faire le ménage et ramasser les ordures. Et, là, naturellement, il convient de se tourner vers Bille August. En quoi celui-ci a-t-il marqué l'histoire du septième art ? Quelle est sa marque de fabrique ? Comment reconnaît-on un plan ou une scène ? Près de trente ans après les faits, rien à faire, cette double récompense semble relever du phénomène paranormal - surtout au vu du reste de la filmo du compatriote de Lars Von Trier...

À vrai dire, des Palmes attribuées à des cinéastes très mineurs, il y en a eu depuis les années 70 - citons entre autres La Méprise d'Alan Bridges, Chronique des années de braise de Mohammed Lakhdar-Hamina, Yol de Yilmaz Güney ou Mission du tâcheron Roland Joffé (face au Sacrifice de Tarkovski, After hours de Scorsese, Down by law de Jarmusch et Thérèse d'Alain Cavalier !) -  qui doit sûrement son trophée à la musique-culte d'Ennio Morricone. Au-delà de la valeur des films primés, leurs metteurs en scène, sans leur faire offense, n'ont pas été retenus par l'Histoire comme des créateurs de premier plan dont les générations qui ont suivi se sont naturellement inspirées. Après tout, les jurys sont humains, l'air du temps compte dans les délibérations aussi sûrement que l'émotion immédiate, les goûts des uns et des autres ou le désir que tout le monde reparte content. Et voilà comment on en arrive à Bille en roi du monde…

Bille le Conquérant

Notre ami danois n’était certes pas un novice cannois, avant de recevoir sa première distinction sur la Croisette. Il s’était (vaguement) fait remarquer avec une jolie chronique d’adolescence, Zappa, sélectionnée en 1983 à Un Certain regard. L’année suivante, il avait connu un autre petit succès d’estime grâce à la suite, Twist and shout - qui, pour le coup, n’avait pas eu les honneurs de la Riviera. Le C.V. n’a certes rien de déshonorant, mais il n’y avait pas de grand enthousiasme en voyant le nom de Bille August en sélection pour Pelle le conquérant.

Au vu du seul titre, certains imaginaient probablement une fresque d’heroïc fantasy à la Conan le barbare. Raté. Il s’agissait là de porter à l’écran une œuvre littéraire de Martin Andersen Nexo (1869-1954), très populaire dans les pays scandinaves, dont les quatre tomes sont même devenus au fil des ans des classiques scolaires. Dans la présente adaptation, August - qui s’est entouré pour le scénario des romanciers Bjarn Reteur et Per Olov Enqvist - s’est concentré sur la jeunesse, au XIXe siècle, de Pelle, garçonnet émigrant avec son père, très âgé, de Suède (où la famine sévissait) vers le Danemark.  Tous deux se retrouvent dans la ferme des Kongstrup, qui semble frappée d’une malédiction condamnant au malheur tous ceux qui s’y fourvoient, pour une raison ou une autre. Largement produit par les chaînes de TV scandinaves - comme certains Bergman -, Pelle le conquérant n’enthousiasme alors pas vraiment les cinéphiles pointus, mais son souffle, si académique soit-il, séduit les festivaliers moins « pointus ».

Le jury, présidé par Ettore Scola (dans lequel on trouvait aussi George Miller, spécialiste des palmarès disons « controversés»…), choisit ainsi de lui donner sa récompense suprême, ainsi qu’une mention toute particulière « officieuse » à Max von Sydow, certes génial dans le rôle de ce père aimant. Parmi les primés de ce cru, on notera deux prix pour le film anti-Apartheid du chef op’ Chris Menges (qui n’a pas confirmé comme cinéaste…), Un Monde à part et des accessits à Bird de Clint Eastwood et à Tu ne tueras point de Krzysztof Kieslowski. Si, aujourd’hui, la hiérarchie peut sembler disons très contestable, Pelle le conquérant connut toutefois une ascension assez inouïe puisque, sur sa lancée, le cinéaste reçut bien d’autres récompenses, parmi lesquelles l’Oscar et le Golden Globe du meilleur film étranger. Tant mieux pour lui.

Les meilleures intentions de Bille

On pensait alors en avoir fini avec lui. Raté. Rebelote, donc, en 1992. Blockbuster de la télé scandinave - dans un autre montage -, Les Meilleures intentions (le titre, déjà…) trouve naturellement place dans la compétition cannoise. Non seulement en raison du come-back du palmé, mais aussi au vu du sujet : les jeunes années des parents d’Ingmar Bergman. Un cinéaste qui n’a vu aucune de ses œuvres saluées par les lauriers attribués au camarade Bille (N.B. : le Festival se rattrapera en 1997 en offrant au maestro de Fanny et Alexandre une Palme des palmes…). Serait-ce pour cette raison que Gérard Depardieu et ses comparses ont choisi de distinguer Les Meilleures intentions (avec, en plus, un prix d’interprétation pour Pernilla August - l’épouse du winner) ?

Les observateurs se sont alors montrés plus circonspects : deux Palmes en cinq ans pour August, ça fait, beaucoup, beaucoup trop pour un artiste considéré un honnête artisan (par ailleurs très honorable directeur photo), mais sans grande personnalité et qui n’apporte pas grand chose à la grammaire du septième art… Le petit jeu des longs-métrages moins appréciés par le jury fait d’ailleurs particulièrement mal, pour la cuvée 1992 : Basic instinct de Paul Verhoeven (bredouille), Twin Peaks - Fire walk with me de David Lynch (idem), The Long Day Closes de Terence Davies (pareil), The Player de Robert Altman (Prix de la mise en scène et d’interprétation masculine), Le Songe de la lumière de Victor Erice (un modeste Prix du jury), Retour à Howards End de James Ivory (Prix du 45ème anniversaire - cinéaste moins académique qu’on ne le dit souvent…). Ah, sinon, qui se souvient de la « Palme d’argent » (comprenez « Grand prix du jury ») attribué, de manière tout aussi contestable, au Voleur d’enfants du tâcheron Gianni Amelio ?

L’Histoire a eu sa vengeance ou, tout du moins, remis les choses en place car, depuis ce doublé, la carrière de Bille August n’a pas connu l’envol qu’on aurait pu imaginer. En 1993, sa platounette adaptation hollywoodienne de La Maison aux esprits d’Isabelle Allende, avec son casting all-stars (Meryl Streep, Jeremy Irons, Glenn Close, Winona Ryder, Antonio Banderas, Vanessa Redgrave) n’emballe pas grand monde. Cinq ans plus tard, sa version barbante des Misérables ne convainc pas non plus, en particulier le public français - Liam Neeson en Jean Valjean, aïe…

On aurait pu encore parler du mauvais thriller Smilla, du kouglof Jerusalem ou du très politiquement correct Goodbye Bafana. On aurait également pu évoquer ses épisodes tournés pour la série Young Indiana Jones (tiens, Bille a un point commun avec notre nanardeur national René Manzor…) ou d’autres longs-métrages jamais sortis en France. Peut-être intéressants, si ça se trouve. Toujours est-il que le cas Bille August nous rappelle que, s’il vaut mieux ne pas être à la mode pour devenir classique, l’inverse n’a toutefois rien d’automatique… Et les larmes post-projections cannoises n’y changeront rien !

Baptiste Liger de Lire

Le Canada a 150 ans: beaucoup de cinéma, un peu d’Europe et Justin Trudeau

Posté par vincy, le 19 avril 2017

Le 19 avril, à l'occasion des 150 ans du Canada, 1700 événements sont organisés dans le pays, mais aussi en France, au Royaume Uni, aux USA, en Scandinavie. 150 films canadiens, en français, en anglais ou en inuktitut, formeront ainsi le plus grand festival du monde, dans les cinémas, bibliothèques, à la télévision, dans les avions, et sur le web, le tout à l'initiative de REEL Canada.

Il s'agit "d’une collection de films qui reflètent l’étendue de nos histoires, et ce, dans tous les genres possibles" et "d’une liste rassemblant des œuvres cinématographiques venues de toutes les provinces du Canada. Nos films ne sont pas uniquement réalisés à Vancouver, Toronto ou Montréal" comme l'indique le dossier de presse. De Angry Inuk (2016) à Why Shoot the Teacher? (1977) en passant par Crash, Dead Ringers et Videodrome, De beaux lendemains, Starbuck, La grande séduction la version québécoise et son remake anglophone), Le violon rouge, Room, Mommy et Laurence Anyways, Jésus de Montréal, Le déclin de l'empire américain, et Les invasions barbares, Le démantèlement, CRAZY, etc.

Pour vanter cette journée, Justin Trudeau, premier ministre du pays, a joué les promoteurs sur les réseaux. "Célébrer le cinéma, c'est célébrer le Canada et notre identité" rappelle-t-il.

Depuis un mois, le cinéma canadien peut aussi s'enorgueillir d'être le premier pays à l’extérieur de l’Europe à se joindre à Eurimages, le fonds de soutien au cinéma européen. Ce qui signifie que les films coproduits par les Canadiens et leurs partenaires européens pourront s'appuyer sur les aides d'Eurimages, augmentant mécaniquement le nombre de coproductions audiovisuelles entre le Canada et les pays européens.

En 2015, selon Telefilm Canada, 55 coproductions ont été produites dont 20 avec la France (le Canada et la France sont déjà liés par un mini traité) et 15 avec le Royaume Uni.

Romain Duris se mue en icône virile dans « Cessez-le-feu »

Posté par wyzman, le 19 avril 2017

Au fil des années, Romain Duris est devenu une "icône". Mais de quoi au juste ? Nous pourrions dire de la masculinité mais ce serait sans doute trop subjectif. Évoluant habilement entre comédies populaires et films d'auteur, il fait aujourd'hui partie de ces rares acteurs français à ne pas s'être brûlé les ailes à un moment donné et que l'on retrouve à chaque fois avec un plaisir loin d'être coupable. Depuis le début de cette décennie, Romain Duris est ainsi de tous les bons films, grands ou petits.

Wannabe caméléon

Si la plupart d'entre nous pense à Cédric Klapisch dès lors qu'il est question de Romain Duris, n'oublions pas que si l'on enlève son doublage pour Raiponce c'est L'Arnacœur de Pascal Chaumeil qui lui a offert son plus gros carton au box-office français : 3,7 millions d'entrées. Un score qui fait rêver d'autant plus en 2017. Sensuel et versatile, il semble aujourd'hui tout à fait normal de dire que Romain Duris peut tout jouer (et même danser).

Bourreau des cœurs donc dans L'Arnacoeur puis avocat frustré - "homo occidentalus" - dans L'Homme qui voulait vivre sa vie, il se mue en assureur obsédé par la compétition dans Populaire avant de finir en amant maudit dans l'adaptation de L’Écume des jours. Un chapitre final avec le fameux Cédric Klapisch (Casse-tête chinois) et Romain fait sensation chez François Ozon. Dans Une nouvelle amie, l'acteur de 42 ans incarne en effet David, jeune père veuf qui tombe en dépression avant de retrouver une forme de liberté dans le travestissement. Transgression de la masculinité, qui se confond ainsi avec la maternité. Avec Anaïs Demoustier, Raphaël Personnaz et François Ozon himself au casting, Une nouvelle amie ne manque pas de faire du bruit à sa sortie et permet à Romain Duris de décrocher une nomination aux César, la cinquième.

Que ce soit dans le téléfilm Démons, la comédie Un petit boulot - en prolo qui franchit la ligne rouge avec un certain humour noir pour survivre - ou le drame La Confession, dans les pas de Bébel, il continue de faire ce qu'il fait le mieux : retenir l'attention du spectateur avec un personnage central, fort, singulier. Une présence, un sourire, un regard. Il en faut parfois peu pour que son jeu élève le projet en question. Même lorsque ce dernier s'avère un peu bancal, comme le thriller Iris de Jalil Lespert.

Icône virile

Cette semaine, Romain Duris récidive dans le très bon Cessez-le-feu d'Emmanuel Courcol, un drame historique centré sur Georges, un soldat rongé par ses mauvais souvenirs de la Première Guerre mondiale qui se réfugie en Afrique. Si le film dispose d'un casting plus qu'impressionnant (Grégory Gadebois, Céline Sallette, Maryvonne Schiltz, Julie-Marie Parmentier), c'est encore une fois Romain Duris qui fascine. Très attiré par la masculinité de son personnage, Romain Duris reconnaît avoir effectué un travail similaire à celui d'Une nouvelle amie pour entrer dans la peau du personnage. Avec la même coach, il a ainsi tenté de "trouver la manière d'être imposant et d'exprimer le vécu de Georges sans mots." Ça tombe bien, c'est amplement réussi.

A l'image de son personnage dans Cessez-le-feu, Romain Duris semble constamment en mouvement, toujours prêt à apprendre de ses erreurs. Et si le film d'Emmanuel Courcol n'en connaît pas, c'est un pur hasard car Georges l'anti-héros est loin d'être un personnage facile dans ce scénario casse-gueule. Mais Cessez-le-feu traite avec brio des traumatismes de soldats revenus du front. Le film passionne et trouble. Georges finira-t-il sa vie là où il peut fuir ses problèmes ? Combien de temps dureront encore ses cauchemars ? Ses souvenirs cesseront-ils un jour de le hanter ? Le cinéma a souvent traité de la Première Guerre mondiale, de l'horreur du conflit, du désastre humain qu'elle a causé, mais rarement de ces traumatismes qui ont balafré physiquement une génération (La chambre des officiers) ou psychologiquement (comme ici, à la fois remuant et tendre).

Au Burkina Faso, au Sénégal et à Nantes, la caméra d'Emmanuel Courcol capture parfaitement l'aura d'un Romain Duris complètement habité par son personnage. Il impose une certaine puissance, une détermination qui fait de ce soldat paumé, de ce "revenant", un homme entre deux mondes, absent des présents et à cause d'une guerre encore trop présente. Démarche alourdie, voix plus grave, plus profonde et gestes précis pour celui qui a débuté dans Le Péril jeune et qui se transforme cette semaine en véritable icône virile de 2017. Outre le fait d'incarner un homme, un "vrai", Romain Duris prouve à ceux qui en doutaient encore qu'il peut être tous les hommes de notre vie et de notre imaginaire.

On l'attend en survivant pour Dans la brume, le prochain film fantastique d'Erick Zonca, Fleuve noir, et face à Isabelle Huppert dans Madame Hyde.

Sacré quatuor hollywoodien pour le prochain film de Jacques Audiard

Posté par vincy, le 19 avril 2017

Pour The Sisters Brothers, le premier film en langue anglaise de Jacques Audiard, c'est un carré d'as que s'offre le cinéaste français. Joaquin Phoenix, que l'on verra à Cannes dans le film de Lynne Ramsey, Jake Gyllenhaal, à l'affiche aujourd'hui avec Life, John C. Reilly, par ailleurs producteur du film, et Riz Ahmed (la série "The Night Of", "The OA", Rogue One, Jason Bourne) seront les héros de cette coproduction franco-américaine (Why Not, Page 114).

Le scénario est adapté du roman de Patrick deWitt, dont Reilly avait acquis les droits. Annoncé il y a deux ans, avec Reilly comme seul acteur à l'époque et après qu'Audiard ait reçu sa Palme d'or pour Dheepan, le projet s'est étoffé ces dernières semaines en vue d'un tournage dans les prochains mois en vue d'une sortie calée pour 2018. On imagine le beau tapis rouge à Cannes avec les quatre comédiens.

Le récit se déroule principalement en Oregon, en 1851. Eli et Charlie Sisters, redoutable tandem de tueurs professionnels aux tempéraments radicalement opposés mais d’égale (et sinistre) réputation, chevauchent vers Sacramento, en Californie, dans le but de mettre fin, sur ordre du “Commodore”, leur employeur, aux jours d’un chercheur d’or du nom de Hermann Kermit Warm. Tandis que Charlie galope sans états d’âme – mais non sans eau-de-vie – vers le crime, Eli ne cesse de s’interroger sur les inconvénients de la fraternité et sur la pertinence de la funeste activité à laquelle lui et Charlie s’adonnent au fil de rencontres aussi insolites que belliqueuses avec toutes sortes d’individus patibulaires et de visionnaires qui hantent l’Amérique de la Ruée vers l’or. Deux frères moins liés par le sang et la violence que par l’indéfectible amour qu’en silence ils se portent.

Cannes 70: Légendes sur tapis rouge

Posté par cannes70, le 18 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-30. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

Bien avant que les lofteurs (up and down, lofteurs move around oh oh oh lofteurs number one... ça y est vous l'avez dans la tête !), les Nabilla et autres stars poubelles montent les marches (mais pourquoi ?!), le festival de Cannes a reçu des légendes comme on n'en fait plus.

Pour le plaisir des yeux et afin que vos poils se lèvent sous l'excitation, petit retour sur les quelques légendes qui ont émerveillé jusqu'aux célèbres marches du grand palais.

1946 : La première édition du festival de Cannes ouvre cette dynastie du septième art avec Jean Cocteau et Michèle Morgan. L'actrice a d'ailleurs reçu cette année-là le prix de la meilleure actrice pour La Symphonie pastorale de Jean Delannoy. La belle aux yeux revolver reviendra notamment en 1971 en tant que présidente du jury pour la 24e édition, puis en 2001 aux côtés de Gérard Oury.

1952 : Gene Kelly gravit les marches pour Un Américain à Paris de Vincente Minnelli et fait vibrer le cœur de ces dames... là, nous regrettons de ne pas être de la génération de nos parents pour avoir vécu ça. Vincente Minnelli, lui, avait déjà eu les honneurs de la compétition en 1947 (Ziegfeld follies) et sera surtout membre du jury en 1967.

1953 : Le cinéaste Abel Gance, l'un des pionniers du langage cinématographique, honore le festival de sa présence. Il est membre du jury présidé par Jean Cocteau. Avec eux, c'est tout un pan de l'Histoire du cinéma qui foule le tapis rouge.

1955 : La huitième édition du festival de Cannes accueille la somptueuse et talentueuse Grace Kelly. L'actrice est venue présenter Une fille de province de George Seaton en compétition et aurait même fait la connaissance du prince Rainier cette année-là. Comme quoi l'amour peut se cacher derrière une marche de la croisette ! Elle reviendra en 1972 (en tant qu'actrice toujours mais surtout princesse locale) pour présenter Frenzy (hors compétition), avant-dernier film de son mentor Alfred Hitchcock. Mais aussi en 1980 pour un hommage suite au décès du cinéaste le 29 avril.

1957 : La 10e édition du festival s'ouvre sur le film Le tour du monde en 80 jours de Michael Anderson. En cette occasion, Elizabeth Taylor, coiffée d'un diadème, a honoré la croisette de sa merveilleuse présence. Les journalistes de l'époque en gardent un sacré souvenir.

1964 : Les cinéastes en compétition cette année-là ont dû se sentir particulièrement intimidés lorsqu'ils ont appris que le jury chargé de juger leurs œuvres serait présidé par... Fritz Lang. Oui, l'homme dont l'un des films (en l’occurrence le chef d'oeuvre Metropolis) a été classé en 2001 au Registre international Mémoire du monde de l'UNESCO. Heureusement, à l'époque, les concurrents ne le savaient pas encore, et pensaient simplement avoir à faire à l'un des plus grands cinéastes vivants.

1965 : L'acteur écossais Sean Connery foule le tapis rouge pour La colline des hommes perdus en compétition lors de la 18e édition du festival. La même année, c'est la comédienne Olivia de Havilland herself qui préside le jury.

1972 : Sir Hitch et Dame Grace ne sont pas les seules légendes d'Hollywood à fouler le Tapis rouge. La légende de l'humour Groucho Marx est là lui aussi, et il est bien accompagné : Danny Kaye et Charlie Chaplin ont fait le déplacement également ! Une belle réunion, l'une des dernières de cette génération, immortalisée par l'actrice Candice Bergen.

1973 : Ingrid Bergman, la comédienne d'Hitchcock et de Rossellini, a les honneurs de la présidence du jury. Son sourire et son élégance naturelle illuminent la Croisette. Ce n'est pas sa première venue à Cannes, et ce ne sera pas la dernière. Elle est même à l'affiche du Festival en 1993 et en 2015. La définition de la classe, on vous dit.

1974 : Ce n'était pas l'année érotique mais pourtant, le couple mythique Jane Birkin et Serge Gainsbourg se sont baladés sur le tapis rouge cannois. On aime, et vous ?

1980 : La 30e édition a le plaisir d'avoir comme président du jury Kirk Douglas (âgé de 100 ans cette année) suite à une erreur de transmission d'informations. En effet, le Festival voulait Douglas Sirk, mais une erreur d'orthographe en a décidé autrement. Le glamour n'y a rien perdu.

1983 : On ne sait pas s'il y a de la vie sur Mars, mais il y en a à Cannes où David Bowie est venu pour présenter Furyo de Nagisa Oshima. Et dire qu'on aurait pu être là... à une bonne vingtaine d'années près.

1991 : La légendaire chanteuse pop, Madonna, est venue présenter son film In Bed With Madonna en sous-vêtements... que demander de plus?

1997 : Le roi de la pop Michael Jackson a monté les marches du grand palais (pas en moonwalk mais quand même) pour cette 50e édition. L'artiste y était venu présenter son court-métrage: Ghost.

2005 : Future légende mais déjà star, Scarlett Johansson fait son apparition sous le soleil cannois aux côtés de Woody Allen et de Jonathan Rhys-Meyer. Jeu, set et match pour l'actrice dont le jeu sait passer par toutes les phases, de la délicatesse à la folie, en passant par l'humour et le charme.

2010 : Émeute à la Quinzaine des Réalisateurs : Mick Jagger accompagne le documentaire Stones in exile. On a un peu oublié le film, mais pas l'attente fiévreuse, ni l'ambiance électrique quand le Rolling Stone a fait son entrée dans la salle. Le rock'n roll, étape ultime du glamour ? Pas sûr : le lendemain, Frederic Wiseman, venu présenter Boxing gym, reçoit une plus belle standing ovation encore. L'intelligence, il n'y a rien de tel.

2016 : L'année dernière, enfin, Julia Roberts foule pour la première fois les marches de Cannes. Et comme elle est parfaite, elle le fait pieds nus histoire de montrer que même les légendes du cinéma ont mal aux pieds en talons.

Petite parenthèse : Marilyn Monroe est morte en le 5 août 1962 sans jamais avoir mis un pied en France ou sur les marches de Cannes, pourtant elle fut immortalisée sur la croisette au détour d'une affiche en 2012 et d'une exposition au Martinez en 2016.

La 70e édition du festival de Cannes approche à grand pas avec sa pléiade de stars invitées. Cela suffira-t-il à faire d'elles les légendes de demain ? Réponse lors du 100e anniversaire.

Cynthia Hamani pour Ecran Noir, avec MpM

BIFFF 2017 : Corbeau d’or pour Safe Neighborhood

Posté par kristofy, le 18 avril 2017

Le 35e BIFFF, le Bruxelles International Fantastic Film Festival, a fait le plein de fidèles qui ont vidé le bar et de nouveaux convertis aux projections où on peut crier "derrière toi..., la porte..., mais pourquoi est-il si méchant? " : d'ailleurs après The girl with all the gifts de Colm McCarthy en ouverture c'était le bien nommé Le Bar de Alex de la Iglésia en clôture. Quelques pointures du genre sont venues au BIFFF cette année : hommage aux réalisateurs Park Chan-wook et Alejandro Amenabar, une masterclass de Fabrice Du Welz, le légendaire Stanley Tong, le retour de Dick Maas, l'arrivée du nouveau maître du polar coréen Hyun Na avec The Prison... et même Timo Vuorensola avec des images de la suite à venir de Iron Sky.

Génération XX

Un anniversaire où, pour la Compétition Internationale, il y avait un jury 100% féminin : présidé par Euzhan Palcy, avec Christina Lindberg, Macarena Gomez, Mar Targarona, et Axelle Carolyn. Un symbole comme pour signifier qu'il y aurait un manque de visibilité des femmes dans le fantastique: la réalisatrice Axelle Carolyn a d'ailleurs remarqué à ce sujet qu'on voit une parité hommes-femmes dans les écoles, à la réalisation de courts-métrages, mais que cela devient plus compliqué au niveau des producteurs pour financer le budget d'un long-métrage réalisé par une femme...

L'autre film de clôture était tout aussi féminin : XX, quatre histoires filmées par Karyn Kusama, Roxane Benjamin, Jovanca Vucovic et Sofia Carillo.

Espagne et Corée du sud

On constate que le fantastique à toutes les sauces est toujours vivant en particulier en Espagne "option suspens et revanche" avec The Invisible guest de Oriol Paulo, La colère d'un homme patient de Raul Arevalo, Orbiter 9 de Hatem Khraiche (dans le palmarès), Boy missing de Mar Targarona (et la participation de Macarena Gomez) ; et en Corée du Sud "option voyages dans le temps et gangsters" avec Vanishing Time : A Boy who returned de Um Tae-hwa (dans le palmarès), Luck Key de Lee Gye-Byeok (2ème film le plus drôle cette année), The Tunnel de Kim Seong-hun (aussi au palmarès), Seras-tu là ? présenté par la réalisatrice Hong Ji-young avec l'écrivain Guillaume Musso (puisqu'il s'agit d'une adaptation de l'écrivain le plus lu de France), Sori, voice from the heart de Lee Ho-Jae, The Prison de Hyun Na... soit autant de films dont on croise les doigts pour les voir arriver en salles en France (mais sans trop d'espoir pour la plupart). Par contre on est resté plutôt tiède avec les films originaires du Japon, dont Innocent Curse de Takashi Shimizu en avant-première mondiale où la suite de Death Note: light up the new world de Shinsuke Sato.... Reste l'exception Hentai Kamen:the abnormal crisis aussi improbable que jouissif (qui figurait d'ailleurs en compétition).

Toutes sélections confondues (Compétition internationale, Compétition 7e Orbit, la Compétition Thriller…) il y avait beaucoup de démons, de combats au corps à corps en Asie, de serial-killers...   ...et sur le moment nos films préférés ont été : Free Fire de Ben Wheatley, Headshot de The Mo Brothers, Cold Hell de Stefan Ruzowitzky, Luck Key de Lee Gye-Byeok, Strangled de Arpad Sopsits, Tunnel de Kim Seong-hun, The Autopsy of Jane Doe de Andre Ovredal, The Limehouse Golem de Juan Carlos Medina (un autre favori de la compétition). On place sur un podium Small Town Killers de Ole Bornedal (le film le plus drôle du BIFFF, d'ailleurs au palmarès), Call of Heroes de Benny Chan (épique), et la belle surprise Safe Neighborhood de l'Australien Chris Peckover qui a d'ailleurs reçu le Corbeau d'Or. Le film fait le tour des festivals depuis quelques mois et d'ailleurs reçu deux prix en Australie l'automne dernier.

Le palmarès de ce 35ème BIFFF 2017 :

- Corbeau d’Or : Safe Neighborhood de Chris Peckover
Corbeau d’Argent ex aequo: The Mermaid de Stephen Chow ; We Go On de Jesse Holland & Andy Mitton
- Mention spéciale : Vanishing Time : A Boy who returned de Um Tae-hwa

Le palmarès des autres sections :

Méliès d’Argent : Small Town Killers de Ole Bornedal + Mention Spéciale pour Orbiter 9 de Hatem Khraiche
Prix Thriller At The End of the Tunnel de Rodrigo Grande + Mention Spéciale pour Free Fire de Ben Wheatley
Prix du 7e Parallèle : Swiss Army Man de Dan Kwan & Daniel Scheinert + Mention spéciale pour Saving Sally de Avid Liongoren
- Prix de la Critique : Tunnel de Kim Seong-hun
- Prix du Public : The Autopsy of Jane Doe de Andre Ovredal

Cannes 70 : dix choses à savoir sur la Palme d’or du court métrage pour briller sur la Croisette

Posté par MpM, le 17 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-31. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


1. Une récompense qui se cherche

La Palme d'or du court métrage existe depuis 1955 mais le court métrage en lui-même est récompensé depuis 1953. La dénomination des prix s'est longtemps cherchée, avec tout d'abord un grand prix, puis des prix aux noms explicites (prix du film de nature, prix du film de fantaisie poétique...) et ensuite des Palmes d'Or alternant avec des Grand prix afin de suivre les dénominations du palmarès officiel. À partir de 1975, la Palme d'or s'installe définitivement.

2. Du premier au dernier

Le premier cinéaste récompensé dans le cadre de la compétition court métrage est Albert Lamorisse pour Crin-Blanc. Le dernier en date est Juanjo Gimenez pour Timecode.

3. Court, c'est... court !

En sélection officielle, on ne plaisante pas (plus ?) avec la définition du court : actuellement, c'est 15 minutes chrono maximum pour les films sélectionnés. Histoire de rappeler, en ces temps de surenchères de durées, que, oui, on peut raconter une (bonne) histoire en si peu de temps.

4. Où sont les femmes ?

Bonne nouvelle, on compte plus de femmes "palmées d'or" dans le court que dans le long métrage. Par contre, comme dans la compétition officielle, c'est Jane Campion qui a ouvert le bal en 1986 avec Peel . Elle a depuis été suivies par six réalisatrices (pour cinq films) : Laurie Mc Innes (Palisade, 1987), Tessa Sheridan (Is It the Design on the Wrapper?, 1997), Amanda Forbis et Wendy Tilby (When the day breaks, 1999), Elisa Miller ( Ver llover, 2007), et Maryna Vroda ( Cross , 2011). Pas mal, mais peut largement mieux faire... Cette année ?

5. Un court très animé


Le film d'animation cartonne dans la compétition courts métrages puisque 18 d'entre eux ont remporté la palme d'or, à toutes les époques : Blinkity Blank de Norman Mc Laren (1955), Scurta istorie de Ion popescu-Gopo (1957), La petite cuillère de Carlos Vilardebo (1961), Balablok de Bretislav Pojar (1973), L'île d'Edouard Nazarov et Vladimir Zuikov (1974), Lautrec de Geoff Dunbar (1975), Lutte de Marcell Jankovics (1977), La traversée de l'Atlantique à la rame de Jean-François Laguionie (1978), Seaside woman d'Oscar Grillo (1980), Moto perpetuo de Béla Vajda (1981), Le Cheval de fer de Pierre Levie et Gérald Frydman (1984), Jenitba de Slav Bakalov et Rumen Petkov (1985), Fioritures de Gary Bardine (1988), Le héros de Carlos Carrera (1994), Gagarin d'Alexij Kharitidi (1995), When the day breaks d'Amanda Forbis et Wendy Tilby (1999), Chienne d'histoire de Serge Avédikian (2010), Waves '98 d'Ely Dagher (2015).

6. Doublés

Le seul réalisateur ayant reçu deux Palmes d'or du court métrage est Albert Lamorisse (Crin blanc en 53 et Le ballon rouge en 56). Quant à la seule personne qui ait fait le doublé Palme d'or du court et du long métrage, c'est (encore) Jane Campion (Peel en 1986 et La leçon de Piano en 1993). Un record qui s'ajoute à celui d'être la seule femme palmée d'or, mais aussi au fait d'appartenir au club très sélect des cinéastes possédant deux Palmes.

7. Ils ont concouru pour la Palme d'or du court métrage


On connaît leur travail, et certains sont ensuite devenus d'immenses réalisateurs : petit florilège des "grands noms" passés par la compétition courts métrages de Cannes. Alain Resnais (Toute la mémoire du monde) en 1957, René Vautier avec Vacances tunisiennes en 1957 également, Agnès Varda avec O saisons O châteaux (1958), Walerian Borowczyk avec Nagrodzone Uczucia (en coréalisation avec Jan Lenica) en 1958, Nelly Kaplan en 1962 (Rodolphe Bresdin), Jan Svankmajer avec Jean-Sebastien Bach - féerie en sol mineur (1965), Leonarduv Denik (1974) et Muzne Hry (1989), Paul Vecchiali avec Maladie (1978), Nicole Garcia avec 15 août (1986), Michel Ocelot avec Les quatre vœux et Bill Plympton avec Your face en 1987, puis Push comes to shove (1991), Pascale Ferran en 1990 (Le baiser), Vincent Perez avec L'échange (1992), et Rien dire (1999), Nuri Bilge Ceylan (Koza en 1995), Lynne Ramsay avec Small deaths en 1996 (prix du jury) et Gasman en 1998 (prix du jury), Emmanuelle Bercot avec Les vacances en 1997 (prix du jury), Alexandre Aja avec Over the rainbow (1997), Juan Solanas avec L'homme sans tête (2003, prix du jury), Alice Winocour avec Kitchen en 2005, Claude Barras avec Banquise (2006, coréalisé avec Cédric Louis), Florence Miaihle avec Conte de quartier (2006, mention spéciale), Pablo Aguero avec Primera Nieve (2006, prix du jury), Mélanie Laurent avec De moins en moins (2008), Alex Brendemühl avec Mal barré (2009), Chloé Robichaud avec Chef de meute (2012)...

8. Des lauréats prestigieux

Parmi les lauréats de la Palme d'or ou de son équivalent le Grand prix, on peut aussi citer quelques noms prestigieux. La preuve : Pierre Prévert pour Paris la belle (1960), Robert Enrico pour La rivière du hibou (1962), Sam Karmann pour Omnibus (1992), Xavier Giannoli pour L'interview (1998) ou encore Catalin Mitulescu pour Trafic (2004).

9. Le cas Jim Jarmusch

Jim Jarmusch a obtenu la Palme d'or du court métrage en 1993 pour Somewhere In California, un volet du film Coffee and cigarettes, soit assez tardivement dans sa carrière. C'est en effet presque dix ans après sa Caméra d'or pour Stranger than paradise, qui était pourtant, on le rappelle, son 2e long métrage, et après deux autres participations en compétition officielle. Mais évidemment un réalisateur de sa trempe ne fait rien comme tout le monde, et c'est bien normal.

10. En parler, c'est bien. Les voir, c'est mieux !

Certains courts métrages primés à Cannes sont aujourd'hui disponibles en ligne. Petite revue de web :

- Blinkity Blank de Norman McLaren (1955)

- La Seine a rencontré Paris de Joris Ivens (1957)

- Balablok de Bretislav Pojar (1973)

- Seaside Woman d'Oscar Grillo (1980)

- Peel de Jane Campion (1986)

- Omnibus de Sam Karman (1992)

- Somewhere in California de Jim Jarmusch (1993)

- Gagarin d'Alexij Kharitidi (1995)

- Is it the design on the wrapper? de Tessa Sheridan (1997)

- Sniffer de Bobbie Peers (2006)