Cannes 70: la Palme d’or maudite

Posté par vincy, le 2 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-46. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

Il y a plusieurs malédictions pour un cinéaste cannois. La plus sensationnelle fut sans doute celle de l'annulation du palmarès en 1968 pour cause de grève générale en France. Imaginez: 25 cinéastes en compétition dont Milos Forman, Alain Resnais, Carlos Saura, Miklos Jancso, Alexandre Zarkhi ou encore Jiri Menzel. Et aucun ne peut recevoir la Palme d'or.

De grands films snobés

L'autre malédiction, c'est évidemment celle de présenter un grand film, si ce n'est son meilleur film, et de repartir bredouille. D'être un immense réalisateur, reconnu, respecté, et de ne pas être consacré à Cannes. Ce n'est pas si rare. On pense à Jean Eustache avec La maman et la putain, Claude Sautet avec Les choses de la vie, Alfred Hitchcock avec L'homme qui en savait trop ou La loi du silence, Joseph L. Mankiewicz avec All about Eve, Vincente Minnelli avec Un Américain à Paris, Eric Rohmer avec Ma nuit chez Maud, François Truffaut avec Les 400 coups, Jacques Tati avec Les vacances de monsieur Hulot ou encore David Lean et son Docteur Jivago.

docteur jivago david lean

Et puis surtout, il y a ce sortilège qui s'abat sur certains: de multiples fois sélectionnés, ces habitués, vénérés par les cinéphiles, souvent récompensés au gré des palmarès, et qui ont récolté de beaux prix à Cannes, mais jamais la suprême Palme.

Des habitués refoulés

Et là, avouons-le, la liste est longue. Si longue qu'on ne sait pas comment l'énoncer. Alors on va procéder par une forme de hiérarchie: le nombre de sélection en compétition sans Palme au final. La liste n'est pas exhaustive, mais elle reste significative. En plus d'être sélectionnés plusieurs fois, nombreux sont ceux, dans cette liste, qui ont d'ailleurs reçu un (ou plusieurs) Grand prix du jury ou prix de la mise en scène mais aussi des Ours d'or ou des Lion d'or, des César ou/et Oscars (ou des nominations).

Trois réalisateurs ont ainsi échoué 8 fois. Trois autres 7 fois (mais deux d'entre eux peuvent encore "espérer"). Et quand on regarde ce "panthéon" des maudits, c'est assez digne qu'ils entrent tous dans notre propre cinémathèque. Parfois, certains ont frôlé la Palme, favori des critiques, de certains jurys parallèles. D'autres n'ont pas forcément présenté leur plus grand film. D'autres encore ont tout simplement trouvé plus fort qu'eux dans des années très riches en films de qualité.

Cela a conduit le Festival à distribuer des Palmes d'or d'honneur afin de réparer ces oublis, manques, fautes de goût des jurés. Quelques uns ont même été président du jury de la compétition.

8 films
Marco Ferreri (Grand Prix Spécial du Jury pour Rêve de singe) ; Carlos Saura (Grand Prix Spécial du Jury pour Cria Cuervos ; Prix de la meilleure contribution artistique pour Carmen) ; Ettore Scola (Prix de la mise en scène pour Affreux, sales et méchants ; Prix du scénario pour La Terrasse)

7 films

Michael Cacoyannis (Prix de la meilleure transposition cinématographique pour Electre) ; Hou Hsiao-hsien (Prix du Jury pour Le Maître de marionnettes, Prix de la mise en scène pour The Assassin) ; Jim Jarmusch (Caméra d'or pour Stranger than paradise ; Prix de la meilleure contribution artistique pour Mystery Train ; Grand Prix pour Broken Flowers)

6 films

Ingmar Bergman (Prix de l'humour poétique pour Sourires d'une nuit d'été ; Prix spécial du Jury pour Le Septième sceau ; Prix de la mise en scène pour Au seuil de la vie) ; Atom Egoyan (Grand Prix pour De beaux lendemains) ; Jean-Luc Godard (Prix du Jury pour Adieu au langage) ; James Ivory (Prix du 45e anniversaire pour Retour à Howards End) ; Paolo Sorrentino (Prix du jury pour Il Divo) ; André Téchiné (Prix de la mise en scène pour Rendez-Vous)

5 films

Pedro Almodovar (sélectionné pour la première fois avec son 13e film, il a obtenu le Prix de la mise en scène pour Tout sur ma mère et le Prix du scénario pour Volver) ; Olivier Assayas (Prix de la mise en scène pour Personal Shopper) ; Mauro Bolognini ; Youssef Chahine (Prix du cinquantième anniversaire pour Le Destin) ; David Cronenberg (Prix du jury pour Crash) ; Arnaud Desplechin ; Clint Eastwood (Prix spécial du 61e Festival pour L'Échange) ; Naomi Kawase (Caméra d'or pour Suzaku ; Grand Prix pour La Forêt de Mogari) ; Mario Monicelli ; Manoel de Oliveira (Prix du jury pour La Lettre) ; Alan Parker (Grand Prix pour Birdy) ; Alain Resnais (Grand Prix pour Mon oncle d'Amérique et Prix exceptionnel pour l'ensemble de sa carrière et sa contribution à l'histoire du cinéma pour Les herbes folles); Alexandre Sokourov ; Andrei Tarkovski (Grand Prix pour Solaris et Le Sacrifice et Grand Prix du cinéma de création pour Nostalghia) ; Bo Widerberg (Grand prix pour Les Troubles d'Adalen et Prix du jury pour Joe Hill)

4 films
John Boorman (deux Prix de mise en scène pour Leo the last et The general, Prix de la meilleure contribution artistique pour Excalibur) ; Robert Bresson (au palmarès pour chacun de ses films) ; Jules Dassin (Prix de la mise en scène pour Du rififi chez les hommes) ; James Gray ; Werner Herzog (Grand Prix pour L'Énigme de Kaspar Hauser et Prix du jury pour Fitzcarraldo) ; Aki Kaurismäki (Grand Prix pour L'Homme sans passé) ; Elia Kazan (Prix du film dramatique pour A l'est d'Eden) ; Hirokazu Kore-eda (Prix du jury pour Tel père, tel fils) ; Sidney Lumet (Prix du scénario pour La Colline des hommes perdus) ; Nagisa Ôshima (Prix de la mise en scène pour L'Empire de la raison) ; Satyajit Ray (Prix du document humain pour  La complainte du sentier) ; Istvan Szabo (Prix du scénario pour Méphisto et Prix du jury pour Colonel Redl) ; Wong Kar-wai (Prix de la mise en scène pour Happy together) ; Jia Zhangke (Prix du scénario pour A touch of sin)

3 films
Andrea Arnold (à chaque fois récompensée par un prix du jury) ; Bruce Beresford ; Alain Cavalier (Un prix du jury pour Thérèse) ; Patrice Chéreau (Prix du jury pour La Reine Margot) ; Bruno Dumont (deux fois Grand prix du jury) ; Han Hsiang-li ; Krzysztof Kieslowski (Prix du Jury pour Tu ne tueras point) ; Pier Paolo Pasolini (prix du scénario pour Les jeunes maris de Mauro Bolognini et Grand prix pour Les Mille et une nuits) ; Otto Preminger ; Zhang Yimou (Grand Prix pour Vivre !)

Moonlight sacré aux GLAAD Media Awards 2017

Posté par wyzman, le 2 avril 2017

C'est hier soir qu'avait lieu la première partie de la 28ème cérémonie des GLAAD Media Awards. Organisée et présentée par l'alliance gay et lesbienne contre les diffamations, les Media Awards récompensent chaque année les programmes qui valorisent la représentation des personnes LGBT. Ainsi, c'est sans surprise que Moonlight est reparti de la cérémonie avec le Graal, le Media Award du meilleur film (sorti sur tout le territoire nord-américain). Déjà sacré aux Oscars (après la gaffe du siècle), Moonlight est l'oeuvre de Barry Jenkins. Avant de revenir à la série pour Amazon et Netflix, il s'est intéressé aux tourments d'un jeune homme noir issu des quartiers pauvres de Miami. Film le plus récompensé de l'année,  Moonlight n'avait de concurrent que Star Trek Beyond hier soir.

Dans le reste de cette première partie de cérémonie, on retiendra bien évidemment les sacres de Other People (en sortie limitée), Transparent (meilleure série comique) et Shadowhunters (meilleure série dramatique). Face à The Fosters, The OA et How to Get Away with Murder, la série diffusée sur Freeform a créé la surprise. En montrant sur deux saisons les difficultés qu'Alec rencontre avec son homosexualité et l'homophobie latente de ses parents, Shadowhunters a conquis le cœur des votants. Ou serait-ce dû au charme incomparable de son interprète, Matthew Daddario ? Pour rappel, la deuxième partie des GLAAD Media Awards 2017 aura lieu ce jeudi 6 avril à New York.

Outstanding Film – Wide ReleaseMoonlight (A24)

Stephen F. Kolzak Award: Troye Sivan

Outstanding Comedy SeriesTransparent (Amazon)

Outstanding Drama Series: Shadowhunters (Freeform)

Vanguard Award: Patricia Arquette

Outstanding Film – Limited ReleaseOther People (Vertical Entertainment)

Outstanding TV Movie or Limited SeriesEyewitness (USA Network)

Outstanding Individual Episode: “San Junipero” Black Mirror (Netflix)

Outstanding Daily DramaThe Bold and The Beautiful (CBS)

Outstanding Comic BookThe Woods, écrit par James Tynion IV (BOOM! Studios)

Cannes 70 : c’est bon de rire parfois…

Posté par cannes70, le 1 avril 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-47. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


La sélection officielle en 2016 fut quasiment une exception : il y eut beaucoup d'occasions de sourire voire de rire franchement, grâce aux facéties du père dans Toni Erdmann pour redonner le sourire à sa fille, cadre dynamique trop froide ; à une euthanasie administrée via des voies naturelles inattendues dans Rester vertical d'Alain Guiraudie ; aux failles morales et vestimentaires des sinistres bourgeois de Ma Loute de Bruno Dumont ; à la liberté de ton d'Isabelle Huppert alias Elle pour Paul Verhoeven ou grâce au désormais fameux carton d'introduction de The Last Face de Sean Penn. Cette liste valide cette idée que la franche comédie - ce qu'aucun de ces films n'est – reste bien rare en compétition. Et au passage, rappelons que tous ces films sont repartis bredouilles…

La Palme d'or... et comment l'avoir pour une comédie


En 1965, contre toute attente, alors que la sélection comprenait des futurs classiques bien sombres (La 317e Section de Pierre Schoendoerffer, L'Obsédé de William Wyler, La Colline des hommes perdus de Sidney Lumet...), le jury présidé par Olivia de Havilland ose l'inattendu : remettre une Palme d'or à une comédie, une vraie : The Knack... et comment l’avoir de Richard Lester. Un film délirant, à la croisée du slapstick de l'âge d'or du muet et de la folie furieuse de Helzappoppin (sommet de burlesque sans queue ni tête des années 40), mais dans le style plus réaliste et humain du Free Cinema qui bouleversa les codes du cinéma anglais dans les années 60.

Dans cette chronique romantique chorale se croisent quelques jeunes hommes et femmes vivant avec plus ou moins de sérieux et de bonheur leur quête d'amour ou d'affections éphémères. Dans un entretien accordé aux Cahiers du Cinéma à Cannes cette année là, le réalisateur précisait ses intentions : «The Knack est un film sur la non-communication des jeunes entre eux : ils sont dans une pièce, et chacun parle pour soi, chacun parle de choses différentes, sans écouter les autres, ce qui est très réaliste. Cela me fait penser à un vieux sketch radiophonique : il y a quatre boutons, correspondant à quatre programmes, un agricole, un religieux, un musical, un d'information. Si l'on appuie sur les quatre à la fois, on obtient un torrent d'absurdités. Voilà ce qu'est The Knack».

De ces oppositions et enchevêtrements de situations souvent embarrassantes naît le rire franc, net, massif mais aussi une forme de tristesse, liée à la complexité des relations amoureuses. The Knack, sans être parfait, est une heureuse combinaison d'un portrait réaliste de la jeunesse contemporaine du temps de son tournage et d'un décalage cartoonesque (voir le montage à la Tex Avery dans la scène des portes ci-dessous). Lester avait auparavant dirigé les Beatles dans Quatre garçons dans le vent (A Hard Day's Night) et c'est accompagné de John Lennon qu'il récupéra son trophée, ce dont peu de réalisateurs peuvent se vanter. Petite ironie de l'histoire, il réalisa une dizaine d'années plus tard La Rose et la flèche, avec Audrey Hepburn dans le rôle de Marianne, l'éternelle fiancée de Robin des Bois immortalisée à la fin des années 30 par Olivia de Havilland ! L'autre grand film comique anglais, et plus franchement drôle encore, récompensé à un niveau élevé est le film à sketchs des Monty Python, le Sens de la vie (voir notre texte sur John Cleese).

Etaix bien sérieux, tout cela ?

La même année que The Knack, une comédie plus poétique était également en lice : Yoyo de Pierre Étaix, jolie rencontre quasiment muette entre un milliardaire désabusé, ancien clown (heureux) devenu très très riche (et très très malheureux) et un charmant petit garçon qui va lui redonner le goût de la liberté. Le scénario écrit avec Jean-Claude Carrière est un hommage à un certain génie du cinéma américain des débuts du 7e Art, Chaplin étant clairement l'inspiration première, dans sa capacité à émouvoir et amuser. Petite digression charmante : lors d'une présentation à la Cinémathèque, un enfant rêveur demanda à Etaix pourquoi l'écharpe du personnage était orange. L'acteur-réalisateur-clown fut désarmé par cette question délicieusement absurde, le film étant en noir et blanc !

Pierre Etaix a également contribué à Mon Oncle de Jacques Tati (prix spécial du jury en 1958) en imaginant quelques gags et en interprétant plusieurs petits rôles. Les Vacances de Monsieur Hulot du même Tati fit partie de la compétition en 1953, Etaix signera d'ailleurs une affiche pour l'une de ses multiples rééditions. Ces deux grands noms de la comédie française, aux univers visuels et comiques bien particuliers, n'ont ainsi pas été oubliés par des sélectionneurs attentifs, lorsque qu'ils trouvent des candidats de qualité suffisante, à inviter des comédies soignées et au fort potentiel populaire. Parmi les regrets évoqués par Gilles Jacob sur les grands absents de ses sélections, deux comédies qui résistent fort bien à l'épreuve du temps : Femmes au bord de la crise de nerfs de Pedro Almodovar et Quatre mariages et un enterrement de Mike Newell. Nobody's perfect comme dirait Osgood Fielding !

Souris, puisque c'est grave


L'une des Palmes d'or les plus drôles de l'histoire est un film situé dans un contexte tragique. Avec les mésaventures de chirurgiens potaches dans un hôpital militaire de campagne durant la guerre de Corée, Robert Altman est distingué en 1970 pour ce qui était clairement dans son intention un brûlot anti-Vietnam, comme il l'expliquait au journaliste David Thompson dans son livre d'entretiens Altman on Altman : « J'avais réussi à cacher le fait que l'histoire se déroulait en Corée mais le studio m'a imposé un carton d'introduction. Je voulais que M.A.S.H. soit vu comme une œuvre contemporaine et toutes les considérations politiques dans le film évoquent Nixon et le Vietnam ». Nul n'est dupe en réalité, et la charge est féroce. La causticité du propos repose sur l'attitude faussement désinvolte de Hawkeye (Donald Sutherland) et Trapper (Elliott Gould) alors que la guerre fait rage quelques kilomètres plus loin. Observateurs relativement protégés des combats, ils cultivent le mauvais esprit contre leurs supérieurs trop sérieux et multiplient les blagues d'ados attardés, visant surtout l'infirmière major guindée, surnommée par leurs soins Lèvres de feu et dénudée bien malgré elle en public. Lire le reste de cet article »

Cannes 70 : petite histoire (visuelle) du Festival à travers ses affiches

Posté par cannes70, le 31 mars 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-48. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


On connaît depuis mercredi l'affiche qui accompagnera l'édition anniversaire du Festival. Claudia Cardinale y danse, comme en suspension, au-dessus du célèbre tapis rouge cannois. Une image qui respire la vitalité, la joie et la spontanéité. Presque aussitôt, la première polémique du 70e anniversaire a éclaté : la silhouette de l'actrice a été retouchée (elle a perdu un tour de taille dans l'opération). Procédé malheureux et désespérant qui donne l'impression que l'originale n'était pas assez "bien" pour le Festival.

Peut-être faudrait-il retirer Photoshop à certains créatifs un peu trop conformistes dont on veut croire qu'ils ont plus agi par habitude que par sexisme. Mais ne les accablons pas, ils doivent déjà se sentir assez bêtes (et inélégants) comme ça d'avoir retouché ce pur symbole de la beauté et de la grâce. Si ça vous intéresse, allez voir l'image originale, elle ne gagne vraiment rien à l'opération, on mise donc plus sur le réflexe conditionné que sur la volonté d'amincir l'actrice. On n'a pas dit que c'était moins triste, par contre ça en dit long sur l'époque.

70 ans de Festival en textes et images

Mais la tradition de l'affiche du Festival existait bien avant l'invention de Photoshop (et lui survivra, on le souhaite). Les réunir toutes ensemble ici a d'ailleurs quelque chose d'émouvant car ce sont 70 ans de cinéma qui défilent devant nos yeux.

Les premières années, l'affiche est dessinée et fait la part belle au texte qui occupe parfois la moitié de l'image (par exemple en 1953), voire devient le sujet lui-même (centré dans une sorte de cadre de pellicule en 1956, puis occupant tout l'espace les 3 années suivantes).

Au-delà des immuables informations traditionnelles, on retrouve dans ce texte quelques variantes : en 1955, la mention "60e anniversaire du cinéma" est ajoutée ; à partir de 1957, on nous précise que Cannes est "le grand rendez-vous du cinéma mondial" ; en 1960, le Festival est couplé aux "Floralies", un rassemblement des plus belles fleurs du monde (ce qui explique le foisonnement de fleurs sur l'affiche) ; en 1966, c'est le 20e anniversaire qui est mis en avant (il s'agit du 19e festival) alors que l'année suivante, la 20e édition justifie un gigantesque XX qui mange les deux tiers de l'image.

Entre psychédélisme et hommages

En 1994, l'affiche est dédiée "A Federico Fellini" qui est décédé quelques mois plus tôt, et porte un dessin original du Maestro. C'est la deuxième fois qu'il a cet honneur après l'affiche de 1982. En 2003 (période où le Festival se cherche dans le domaine), il sera à nouveau mentionné à travers la mention "Viva il Cinema !" et la phrase "Mention à Fellini".

Alors que les affiches 1972 et 1973 mettent l'accent sur la mer qui baigne cannes, 1974 signe une nouvelle période... plus psychédélique. On y voit un spectateur sans tête, surmonté d'un œil géant et ailé. Les années suivantes sont à l'avenant, et il faut reconnaître que ce n'est pas toujours très heureux. Lorsqu'on regarde l'affiche de 1976, on se demande même un peu s'il s'agit d'un festival de cinéma ou d'un congrès de Raël...

Les années 80 reviennent heureusement à des allusions plus cinématographiques à travers l'hommage à Fellini, puis à Kurosawa (1983), Eadweard Muybridge (1985) et le décor d’Alexandre Trauner (1984). Il faut aussi mentionner l'affiche de 1980, reprise presque telle quelle en 1981, et qui évoque une Marilyn Monroe nimbée de lumière. L'actrice est elle aussi est revenue à plusieurs reprises sur le visuel cannois : sous forme d'une silhouette en 2004, et à travers une photo inédite en 2012, pour célébrer les 65 ans du Festival.

L'ère des stars

D'autres stars ont les honneurs de l'affiche à partir des années 90, entre un hommage aux mouettes (si, si, en 1987, notamment) et un travail autour de la Palme (balbutiant en 1963, plus élaboré en 90, 91 et 97). Marlene Dietrich est ainsi devenue l'objet d'une anecdote célèbre : sublimée sur l'affiche du 45e Festival en 1992, elle n'aura pas l'occasion de la voir au fronton du Palais et meurt la veille de l'ouverture.

L'année suivante, c'est au tour de Cary Grant et Ingrid Bergman (dans Les Enchaînés d'Alfred Hitchcock), puis Maggie Cheung en 2006 (en ombre chinoise, d'après une scène d'In the mood for love de Wong Kar Wai) ; sans oublier l'affiche collective de 2007 qui réinvente l'oeuvre culte du photographe américain Philippe Halsman, en créant la "new jumpology" avec Pedro Almodovar, Juliette Binoche, Jane Campion, Souleymane Cissé, Penélope Cruz, Gérard Depardieu, Samuel L. Jackson, Bruce Willis et Wong Kar Wai.

La tendance se confirme au cours de la dernière décennie avec Juliette Binoche en 2010 (encore !), Faye Dunaway en 2011, Joanne Woodward et Paul Newman (sur le tournage de La Fille à la casquette de Melville Shavelson) en 2013, Marcello Mastroianni en 2014, Ingrid Bergman en 2015 et donc Claudia Cardinale cette année.

Les inoubliables

Si l'on devait subjectivement choisir parmi les affiches plus jolies, on retiendrait celle du Festival 49, avec sa danseuse vêtue de drapeaux et jouant avec une pellicule, celle de 1965 qui reprend un peu la même idée, avec cette fois une danseuse en pellicule, celle de 1990 avec la Palme qui prolonge une main et celles déjà mentionnées de 1992, 1993, 2006 et 2012.

Mais également celle de  2009 autour de L'avventura d'Antonioni et bien sûr celle de 2016 qui évoque Le Mépris de Godard, avec cet escalier interminable qui vient prolonger les marches du Palais des Festivals.

Si on part du principe que l'affiche donne d'une certaine manière le ton de la manifestation, on se prépare donc, après l'édition solaire de 2016, à vivre une édition passionnée et joyeuse.

Que demander de plus ?

Marie-Pauline Mollaret pour Ecran Noir

De retour sur les plateaux, Alain Chabat tourne Santa & Cie (et un teaser en bonus)

Posté par vincy, le 31 mars 2017

Depuis deux mois, Alain Chabat a entamé discrètement le tournage de son cinquième long métrage, cinq ans après Sur la piste du Marsupilami. Malgré sa grande popularité Chabat n'a d'ailleurs rien tourné, même en tant qu'acteur, depuis trois ans. 2017 est donc l'année de son come-back.

Santa & Cie se tournera jusqu'à la fin mai, avec Golshifteh Farahani, Pio Marmaï, la participation d'Audrey Tautou et aussi de trois humoristes : Bruno Sanches (la Liliane de Catherine et Liliane), Grégoire Ludig et David Marsais (tous deux à l'affiche de La folle histoire de Max et Léon).

Gaumont a prévu de sortir le film, budgété à hauteur de 26 millions d'euros, le 6 décembre prochain.

L'histoire se passe durant la période de Noël:  92 000 lutins chargés de fabriquer les cadeaux des enfants tombent tous malades en même temps. Un coup dur pour le Père Noël aka Santa Claus qui va devoir trouver une solution sur Terre et empêcher que la magie de Noël ne disparaisse. Il tombe sur famille parisienne qui va l'aider à distribuer les cadeaux.

Selon Variety, les effets spéciaux seraient assurés par Bryan Jones (Harry Potter et la coupe de feu, Terminator Genisys).

Et puis, avant cela, en juillet, on reverra Chabat à l'écran, pour une participation dans Valerian de Luc Besson.

La palme d’or, un Disney et Omar Sy forment le trio gagnant de l’année 2016 selon le sondage annuel de Médiamétrie

Posté par vincy, le 30 mars 2017

L'Etude annuelle 75000 Cinéma de Médiamétrie explore les habitudes cinéphiles des Français, entre autres. L'année 2016 est, selon l'institut, un succès.

41,5 millions de personnes, soit 1,5 million de plus que l’année précédente, ont fréquenté les salles de cinéma l'an dernier "Le pouvoir du cinéma ne se dément pas et résulte d’une combinaison de facteurs qui attirent toujours plus de spectateurs. Nous analysons dans notre étude, toutes les composantes qui font du cinéma un média toujours plus dynamique", déclare Marine Boulanger, Directrice du Pôle Cinéma de Médiamétrie.

Les spectateurs occasionnels en force: incluant notamment les familles, ces spectateurs n’ont jamais été aussi présents en représentant 68% des spectateurs (soit 28,3 millions de Français) et 30,4% des entrées de l’année.
Les habitués (32% des spectateurs par conséquent) sont essentiellement des 50 ans et +, des 15-24 ans et des étudiants.
Les deux catégories de spectateurs sont "particulièrement satisfaits de leur salle de cinéma à qui ils attribuent en moyenne une note de 7,6 sur 10". Les deux tiers fréquentent un seul complexe, par fidélité ou proximité. Ainsi les parisiens, plus cinéphiles que la moyenne française, fréquentent près de trois établissement à l'année, en moyenne.

La salle de cinéma reste le premier lieu d'information, avec les supports promotionnels et les bande annonces. Viennent ensuite Internet et la télévision. Ce résultat est à relativiser: pour le cinéma d'art et d'essai, qui est peu promu sur le petit écran, la presse écrite doit encore avoir un rôle à jouer, tout comme les radios publiques.

En 2016, les spectateurs ont accordé un score moyen de satisfaction de 76% aux films de l’année, avec, en tête Moi, Daniel Blake (95%), Zootopie (94%) et Demain tout commence (90%). Et à voir ce qui motive les spectateurs en salles, ce n'est pas étonnant: l'histoire, le genre et la bande annonce sont les facteurs déterminants. La critique n'est incitative que pour 16% des sondés.

Cannes 70 : El Sur de Víctor Erice, inachevé à jamais

Posté par cannes70, le 30 mars 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-49. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .


Un des plus beaux films de l’histoire du cinéma en général et de Cannes en particulier, El Sur (Le Sud, Víctor Erice, 1983), est un film inachevé. Il a été présenté en compétition en 1983, à côté d’autres œuvres merveilleuses, telles que L’Argent de Robert Bresson et Nostalghia d’Andreï Tarkovski qui, par ailleurs, allaient recevoir le Grand Prix du cinéma de création ex-aequo, à l’unanimité du jury.

El Sur est un film basé sur le récit homonyme d’Adelaida García Morales, qui raconte la relation entre un père et sa fille, Estrella, dans un petit village au nord de l’Espagne, quelques années après la fin de la guerre civile espagnole. Estrella, adolescente, se réveille un matin en apprenant que son père, Agustín, vient de se suicider.

Mais pourquoi dit-on que c’est un film inachevé ? Víctor Erice répondait à cette question dans un reportage de Televisión Española : « El Sur a eu beaucoup de succès auprès du public et de la critique mais, pour moi, il restera à jamais un film inachevé. On ne s’en rappelle pas toujours quand on en parle mais c’est tellement évident, on ne peut pas le nier ». Le tournage de El Sur commença le 6 décembre 1982 à Ezcaray (La Rioja, Espagne). Le tournage fut soudainement interrompu au bout du 48e jour, alors que la société de production, dirigée par Elías Querejeta, avait prévu 81 jours de tournage.

Que s’est-il vraiment passé ? La société de production avait avancé comme raison majeure le défaut de gestion du budget de la part du réalisateur. Elle prétendait que celui-ci avait trop tourné et qu’elle ne pouvait plus assumer les coûts de production. José Luis Alcaine, chef opérateur de El Sur, contesta ces propos avec une extrême vigueur, lors d’une interview accordée au journal El Mundo en 2012 : « C’est complètement faux. Il s’agissait d’un problème personnel. Erice et Querejeta ne s’entendaient pas bien, et ce dès le début. Erice en a payé le prix fort car la version officielle disait qu’il avait dépensé beaucoup trop d’argent. Ces déclarations lui ont fait du mal ».

Víctor Erice raconte que lors de la deuxième semaine de tournage, Querejeta se présenta sur le tournage pour annoncer que le financement du film, provenant essentiellement de Televisión Española, venait de se compliquer car le nouveau directeur général de la chaîne ne voulait pas assumer les engagements de son prédécesseur, qu’il venait de remplacer. Lors du 48e jour de tournage, Querejeta envoya une lettre à Erice : « On peut faire un film très intéressant avec ce que nous avons déjà tourné. Il nous manque juste la partie plus faible du scénario à tourner, ce n’est donc pas grave si nous ne le terminons pas ». Erice accepta de commencer le montage définitif du film et Querejeta s’engagea à faire aboutir le projet tel qu’il était écrit à l'origine, dès que possible.

Le piège de la sélection cannoise


Le réalisateur, ne voulant soumettre son film à aucun festival de cinéma avant qu’il ne soit complètement terminé, fut surpris de recevoir une invitation de Gilles Jacob pour aller présenter son film au Festival de Cannes 1983. Gilles Jacob serait sorti très ému lors d’une projection du film à Madrid et tenait absolument à que le film soit présent en compétition. Complètement dévasté par cette nouvelle, Erice rédigea une lettre pour annoncer à Jacob qu’il n’assisterait pas au Festival car il considérait que son film était inachevé et ne voulait pas défendre un film qu’il jugeait incomplet.

Cependant, le matin du jour de la projection du film, Pilar Miró, la cinéaste espagnole, alors à la tête de la Direction générale du cinéma, appela Víctor Erice afin de le convaincre de se déplacer. « C’est trop tard », répondit-il. Miró insista : « Va tout de suite à l’aéroport et viens ! ». Lors de la conférence de presse, il ne dit rien sur son désaccord avec son producteur : « Il n’était pas présent et comme il n’était pas présent, je n’avais rien à dire ».

Le bon accueil du public et la critique acheva complètement le rêve d’Erice de finir son projet. Elías Querejeta a toujours utilisé cette bonne réception du film pour défendre sa position et affirmer que le film était très bien comme il était et que « cette histoire d’inachèvement n'intéressait que les intellectuels ». Lire le reste de cet article »

Edito: Une exception française

Posté par redaction, le 30 mars 2017

Juliette Binoche tente une opération grande séduction auprès d'un public populaire et jeune. L'une des rares actrices françaises oscarisées, et la comédienne française de sa génération la plus récompensée dans le monde (Un César pour 9 nominations, deux European Film Awards, et le grand chelem des festivals avec Venise en 1993, Berlin en 1997 et Cannes en 2010) réalise un virage étonnant ce printemps.

Binoche, on a pu admirer ou adorer récemment en Mademoiselle Julie ou en Antigone au théâtre. Au cinéma, elle a brillé chez Godard, Téchiné, Carax, Malle, Kieslowski, Haneke, Boorman, Cronenberg, Dumont, Hsiao-hsien, Gitai, Kiarostami ou Assayas. Une comédienne libre, instinctive, respectée. Juliette fut aussi l'égérie du 63e festival de Cannes. Bref, Binoche, dans l'esprit du public, est une actrice pointue, exigeante mais certainement pas populaire.

Sur le plan des chiffres, sa carrière comporte six-sept succès importants, dominés par deux fresques historiques et romanesques. Une seule comédie se classe dans son box office.

Juliette Binoche opère donc un virage à 180° cette semaine en étant à l'affiche d'un blockbuster américain et d'une comédie française grand public, en plus d'être une des guests de la série TV "Dix pour Cent" (qui sera diffusée à partir du 19 avril sur France 2). Après avoir refusé Jurassic Park et n'être passé que quelques minutes dans Godzilla, Binoche tient enfin un second-rôle étoffé dans une grosse production hollywoodienne. Là encore, elle avait failli passer son tour mais l'univers l'a séduit et le cinéaste Rupert Sanders l'a convaincue, arguant qu'il voulait "une femme authentique, une femme d’émotion". Binoche, malgré son pédigrée, a vu pas mal de films et projets lui passer sous le nez (pour diverses raisons).

En acceptant de faire le grand écart entre une chercheuse expérimentant la cybernétique et une adulescente enceinte tardivement, entre un rôle de "mère" dramatique et celui d'une maman comique (girly et blonde!), elle montre et démontre qu'elle est tout terrain et qu'elle veut plaire. En France, seule Cotillard s'est risquée jusque là à de tels contorsions cinéphiliques, passant de Mal de Pierres à Assassin's Creed à Rock n' Roll, pour prendre ses trois derniers films.

Ce come-back dans le cinéma populaire et ce surgissement sur le petit écran à heure de grande écoute s'accompagne d'une promotion logiquement ciblée sur des émissions comme "Quotidien" (qui a déjà reçu Deneuve, Huppert, ...) ou l'émission de radio de Nagui (et pas celle de Trapenard). Sur les tapis rouges, elle mise sur le glam sexy (décolleté plongeant) plus que sur le chic élégant qu'on imaginerait pour une star quinquagénaire.

On espère que ce triplé printanier permettra aux producteurs et aux réalisateurs de redécouvrir l'une de nos meilleures actrices. Mais une chose est certaine: on est ravi de voir qu'une comédienne de 53 ans (depuis le 9 mars) peut encore être en haut de génériques de films aussi différents, avec des personnages aussi contrastés, alors qu'Outre-Atlantique, toutes ses consœurs se plaignent d'un jeunisme meurtrier, et qu'en France, on range les interprètes dans des cases trop étanches. Binoche, avec Deneuve, Cotillard, Baye, Seydoux et autres, prouve qu'il y a bien une (belle) exception française.

Cannes 70 : quand les documentaires valent de l’or

Posté par cannes70, le 29 mars 2017

70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Critique-Film, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années.

Aujourd'hui, J-50. Et pour retrouver la totalité de la série, c'est par .

On ne peut pas vraiment dire qu'entre Cannes et le documentaire, ce soit une grande histoire d'amour. Le cinéma documentaire est ainsi toujours minoritaire, en sélections officielle ou parallèles, par rapport au cinéma de fiction. Jugez plutôt : en 69 éditions, deux films documentaires seulement ont reçu la Palme d'or. Aujourd'hui, dans le cadre de notre compte à rebours jusqu'au 17 mai, nous allons nous attarder sur ces deux Palmes, sorties à plus de quarante ans d'intervalle.

Le monde du silence : l'avis aquatique

Les images du Monde du silence semblent importantes dans l'imaginaire cinématographique collectif. De par ses images sous-marines par exemple : cela m'a frappé en découvrant il y a peu Opération Tonnerre, sorti 10 ans après le documentaire, mais aux images sous-marines semblables... la présence de James Bond en plus. De par la figure de Cousteau ensuite : le vaillant explorateur des fonds-marins a irrigué La vie aquatique de Wes Anderson, un hommage explicite, et le commandant a même eu droit à son propre biopic, sous les traits de Lambert Wilson, il y a quelques mois (L’Odyssée de Jérôme Salle). Il semble facile de comprendre ce qui a plu au jury à l'époque, tant les images sous-marines capturées par Cousteau et Louis Malle sont encore fascinantes aujourd'hui. Pourtant, de nos jours le film n'aurait sans doute pas reçu le même accueil. Le romancier et cinéaste Gérard Mordillat est d'ailleurs revenu sur le film l'année dernière, le qualifiant de "film naïvement dégueulasse".

En effet, à une époque où nous sommes de plus en plus nombreux à être sensibilisés à la protection environnementale et animalière, difficile de regarder avec autant d'émerveillement qu'en 1956 le film palmé. La flore sous-marine est dynamitée, les requins capturés, les tortues chevauchées. Ce qui est sûr, c'est qu'ici le cinéma, et en particulier le documentaire, dresse un portrait de son temps... Qui sait, peut être qu'un documentaire présenté à Cannes en 2017 soulèvera de vives polémiques en 2077 ! L'autre documentaire palmé, lui, en soulève dès qu'il est récompensé. Mais si avec Le monde du silence on ne critiquait pas la forme mais le propos du film, ce sera le contraire avec Fahrenheit 9/11.

Farenheit 9/11 : Bush Metal Jacket ?

En s'attardant sur la liste des films en compétition, on peut dire que la sélection du Festival de Cannes 2004 avait quelque chose de spécial. En plus de ce Farenheit 9/11, un autre documentaire était à l'affiche, Mondovino, qui jouait apparemment lui aussi sur la provocation, mais on retrouvait aussi deux films d'animations (sur lesquels on reviendra dans quinze jours), Shrek 2 et Ghost in the shell : innocence. Surtout, une ribambelle d'habitués de Cannes, dont certains n'auraient pas démérité une Palme, étaient présents.

A posteriori, la liste semble une réunion d'habitués, ce qui était moins vrai à l'époque. On retrouve deux films français de premier plan (Clean, d'Olivier Assayas et Comme une image d'Agnès Jaoui), un Paolo Sorrentino (les conséquences de l'amour), le Japonais Kore Eda avec Nobody Knows, Wong Kar-Wai avec 2046, un Apichatpong Weerasetakul (Tropical Malady) et un Emir Kusturica (La vie est un miracle). Tant qu'à faire, deux cinéastes coréens devenus phares y étaient (Park Chan-Wook pour Old Boy et Hong Song-Soo pour La femme est l'avenir de l'homme), même les frères Coen - pour leur plus mauvais film, le remake de Ladykillers -, et jusqu'à l'incontournable film-engagé-avec-Gael-Garcia-Bernal (Carnets de voyage). Bref, il y en avait des potentiels films "palmables". Pour autant, cette année-là le jury présidé par Quentin Tarantino a fait le choix du documentaire de Moore. Un choix qui selon le président était avant tout artistique.

Pourtant, difficile de ne pas voir le geste politique accompagnant cette remise de prix. Car le documentaire de Moore est un réquisitoire assumé, et nécessaire dans l'Amérique post-9/11 de Bush. Dans sa forme, le film n'est pas infaillible : on peut ne pas être sensible à la manière qu'a Moore de critiquer la politique de Bush, le ridiculiser était-il le meilleur moyen de le dénoncer ? Idem pour certains raccourcis que le réalisateur n'hésite pas à prendre : il donne par exemple une vision paradisiaque de l'Irak avant l'invasion américaine. Une vision linéaire qu'il a conservée : dans son dernier documentaire, Where to invade next, il dresse les louanges de la politique de pays européens en prenant des exemples loin d'êtres répandus (je n'ai jamais vu de cantines scolaires aussi appétissantes, et encore moins une table entière d'enfants ne connaissant pas le Coca-cola !).

Pour autant, difficile de ne pas saluer le geste de Moore, qui derrière ses actions provocatrices dénonce l'absurdité du comportement de Bush suite aux attentats. On peut aussi se dire que le documentaire permet de toucher un large public grâce à son format. Comme l'explique Youssef Chanine dans les bonus du DVD : "le documentaire avait une valeur essentielle à un moment essentiel".  Mais récompense t-on un film avec la Palme d'Or pour une raison politique, pour son geste ? A la veille de la prochaine édition du Festival, on se rappelle encore de l'octroi de la récompense à Moi, Daniel Blake l'année dernière. Tout comme Farenheit 9/11, c'est plus la dénonciation politique que le cinéma en lui-même qui semble avoir été salué ...

Les deux documentaires à avoir obtenu la Palme d'Or ont donc soulevé des polémiques importantes. D'autres documentaires, et non des moindres, ont été présentés, voire primés, tout au long de l'existence du Festival, ne citons que les moins choquants (sauf rejet inattendu sur leurs sujets) Le Mystère Picasso d'Henri Georges Clouzot, prix spécial du Jury en 1956, la même année que le Cousteau donc, ou encore Woodstock, le documentaire hippie fleuve qui eut droit à sa sélection en 1970. Certains ont suscité, sinon des polémiques, au moins de fortes réactions, ce qui n'est pas si étonnant, un documentaire s'attachant, par essence, à refléter son époque. On ne connaît pas encore les films qui seront présents cette année sur la croisette, mais si un documentaire apparaît lors de l'annonce de la sélection officielle, il s'agira certainement d'une œuvre dont la présence se justifiera par sa capacité à déranger, heurter ou éveiller les consciences de festivaliers parfois éloignés de certaines réalités du monde. L'idée de scandale étant dans l'ADN du Festival, ou au moins de ses commentateurs, que cela passe par le documentaire a quelque chose d'assez réjouissant, non ? Même si depuis Moore, c'est devenu bien rare, le genre étant relégué aux séances hors-compétition.

Nicolas Santal de Critique-Film

Le Festival de Venise succombe à la Réalité virtuelle

Posté par vincy, le 29 mars 2017

La Mostra de Venise ne veut pas avoir l'air d'être ringarde: elle va lancer une section compétitive dédiée aux films en Réalité virtuelle, alors que la création dans le domaine reste émergente.

La section de Venice Virtual Reality comprendra un maximum de 18 films. Si les grands festivals ont accueilli diverses expérimentations ou présentations sur ce sujet, c'est la première fois que la VR se fait une telle place sous les spotlights. Trois prix seront décernés par un jury (meilleur film, grand prix du jury, prix de la créativité).

Il y a cependant une certaine logique à ce que Venise soit initiateur dans ce format. L'an dernier, le festival avait accueilli une démonstration dans une salle dédiée à la VR et avait projeté un film en Réalité virtuelle. En janvier, la Biennale de Venise a lancé sa première édition du Laboratoire de Réalité Virtuelle (aka le Biennale College Cinema – Virtual Reality), qui suit un projet de son développement à sa distribution. 9 projets avaient été sélectionnés dont deux français: Dilemma de Camille Duvelleroy et Laurent Duret et The Little Black Pawn de Quentin de Cagny et François Bouille. Deux de ces neuf projets recevront une aide à la production de 30000€ chacun et seront présentés, aux côtés des films en compétition, dans le VR Theatre, au premier étage du Palazzo del Casinò,