Lumière 2020: Michel Audiard et Yves Robert, les mal-aimés populaires

Posté par vincy, le 16 octobre 2020

Ils n'ont sans doute pas eu la reconnaissance nécessaires. Alors que le cinéma populaire et de patrimoine semble retrouver les faveurs de la critique, et forger un vivre ensemble devenu crucial, le festival Lumière braque ses projecteurs sur deux monstres d'un cinéma culte dont les rediffusions télé facilitent la transmission d'une génération à l'autre.

Michel Audiard, dont on fête le centenaire de la naissance, a le droit à sa première rétrospective, 35 ans après sa mort. Lumière accompagne l'événement avec un beau-livre, Audiard-Simenon, en bonus.
Yves Robert est au cœur d'un documentaire, qui révèle une œuvre cohérente, singulière et généreuses.

Les deux ont en commun d'avoir réalisé des succès au box office, mais pas seulement. A contre-courant de leurs contemporains, toujours un pas de côté par rapport au cinéma français, ces producteurs-réalisateurs-scénaristes ont aussi filmé leur société, l'esprit français (et ses contradictions), une certaine bourgeoisie (moyenne le plus souvent), et donné des partitions fabuleuses à des acteurs (plus souvent qu'à des actrices), sublimant souvent le film de copains.

Alors, oui, ça a pris un coup de vieux le plus souvent. Mais il y a aussi quelques exceptions qui les ont conduits à être en vogue et, mieux encore, à être atemporels. Avec Audiard, le plus souvent grâce à ses dialogues et son génie pour adapter les plus grands écrivains (eux-mêmes pas toujours reconnus comme tels à leur époque). Avec Robert, c'était surtout une affaire de découpage et de sensibilité, de mélange de genres, qui donnaient de la profondeur à la légèreté, ou de la légèreté aux malheurs.

Le festival Lumière a célébré le centenaire d'Audiard avec un livre monumental (Actes Sud/Institut Lumière): trois scénarios adaptés de George Simenon, remis en perspective, sous la direction de Benoît Denis, et une rétrospective partielle, dont Les Tontons flingueurs en ouverture. Il a la réplique qui fuse, mais son talent était aussi de trouver l'incarnation pour son verbe. Jean Gabin en était a parfaite illustration (il suffit de revoir Le Président), tout comme Delon et Belmondo ont su s'approprier sa langue. Si les films du réalisateur Audiard sont avant tout d'honnêtes nanards, ses scénarios font le lien avec le cinéma "classique" français d'avant et la comédie à punchlines d'après, en pleine Nouvelle Vague. Il est l'héritier d'un Prévert, où bourgeois et prolétaires, petites frappes et candides honnêtes se confrontaient avec leurs codes. Pas étonnant qu'Audiard s'entoure de fidèles dans les films qu'il écrit: outre Gabin, on croise ainsi souvent Blier, Darc, Ventura, Lefebvre, Girardot... "J'ai divisé la société en deux catégories : mes amis ou mes cons à moi et les cons des autres que je ne supporte pas" a -t-il écrit.

Il y a aussi de cela chez Yves Robert, cette coexistence des classes sociales. Le bourgeois roule en rolls royce et l'agriculteur décide de paresser. Le documentaire de Jérôme Wybon, Yves Robert, le cinéma entre copains, retrace la carrière du saltimbanque devenir réalisateur et producteur de films à gros succès. Ici, tout est famille. Son associée est son épouse, Danièle Delorme. Son égérie est son double, Jean Rochefort. Son "partner-in-crime" est le même que celui de son meilleur ami Claude Sautet, Jean Labadie. On passe ainsi de ses origines modestes à son premier triomphe (La guerre des boutons, Prix jean Vigo, 10 millions de spectateurs et pas un seul prix majeur ). On devine le sacré caractère du monsieur, son perfectionnisme aussi. Si on retient ses cartons au box office - Alexandre le bienheureux, Le grand blond avec une chaussure noire, le diptyque de Pagnol (La gloire de mon père, Le château de ma mère -, ses audaces - producteur de Doillon, distributeur des Monty Python -  le film se concentre surtout sur Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, tout en passant à côté de plusieurs de ses films, y compris comme producteur (Le peuple migrateur).

L'Atelier d'images

Mais ce n'est pas le propos. 17 films au dessus du million d'entrées (dont 3 qui dépassent les 4 millions) et pas un seul prix majeur à son palmarès. Lui qui a si bien croqué son époque, humé l'air du temps, fait rire des petits drames de chacun, préféré l'élégance à la vulgarité, la comédie sociale ou ironique au pur burlesque, le film familial en lui donnant ses lettres de noblesse, a souvent été méprisé par la critique, qui préférait son copain Sautet.

Comme pour De Funès ou Pierre Richard, les cinéphiles semblent redécouvrir que le cinéma de patrimoine n'est pas composé que de grands drames ou de chefs d'œuvres. Les films d'Audiard et de Robert sont non seulement fédérateurs, mais ils traversent les générations, grâce aux rediffusions à succès à la télévision. On rit toujours d'un quatuor de losers buvant cul sec un petit verre de gnôle dans une cuisine ou d'une partie de tennis à quatre mâles déclinant gâchée par le bruit des avions à réaction. Audiard flirtait parfois avec la poésie (Un singe en hiver) et Robert savait être délicat quand il le fallait (le personnage homosexuel de Claude Brasseur dans l'Éléphant et sa suite).

Ils étaient en phase non pas avec leur époque (leur cinéma n'avait rien d'un cinéma à la mode) mais avec leur culture, ni élitiste ni intellectuelle. S'entourant de leur bande, optant même pour un esprit de troupe, bûcheurs infatigables, ces deux tempéraments pas très consensuels, un peu anar de droite pour l'un, un peu gauchiste caviar pour l'autre, ont su raconter des histoires et créer des personnages au profil sociologique toujours d'actualité. Ils filmaient les hommes mais surtout ils s'en moquaient, avec un sens de la phrase choc assez inné.

Si on devait résumer: Chez Audiard, directeur des mots, il fallait souvent gérer les emmerdes mais prendre du bon temps. Chez Robert, directeur d'acteurs, il fallait gérer le bon temps pour supporter les emmerdes. Dans tous les cas, personne ne travaille vraiment, ou tout le monde fait semblant. "Il faut prendre le temps de prendre son temps" disait le bienheureux Alexandre. Avec le temps, la gloire est enfin arrivée. Posthume.

Dernier tour de piste pour Guy Bedos (1934-2020)

Posté par vincy, le 28 mai 2020

Nicolas Bedos a annoncé le décès de son père Guy Bedos, à l'âge de 85 ans, et ce quelques jours après le départ de son complice Jean-Loup Labadie.

Star du One-Man Show (et Molière pour un de ses Zénith), humoriste de gauche mordant un camp comme l'autre, polémiste moqueur et provocateur, admirable dans l'exercice de la revue de presse, Guy Bedos a été durant plus de trente ans l'un des comédiens les plus en vue sur scène, sur le petit écran, et même sur le grand.

Il a débuté au cinéma avec des petits rôles (Les tricheurs de Marcel Carné, Ce soir ou jamais de Michel Deville, Le caporal épinglé de Jean Renoir). Le succès sur scène l'empêche de s'épanouir au cinéma, contrairement à Coluche à la même époque. Mais, à l'inverse de Thierry Le Luron et Pierre Desproges, Bedos va quand même briller au cinéma. En 1970, il incarne Claude Langmann, dans le film autobiographique de Claude Berri, Le pistonné, chronique anti-militaire. Et puis grâce à Yves Robert, qui l'avait enrôlé un première fois dans Les copains en 1965, et avec Jean Labadie au scénario, il devient l'éternel Simon dans la bande de copains du diptyque Un éléphant ça trompe énormément / Nous irons tous au Paradis (1976 et 1977). Robert l'engagera de nouveau dans Le Bal des casse-pieds, toujours scénarisé par Labadie.

Trop occupé à faire rire la France dans des salles de spectacles de plus en plus grande, on ne le voit qu'en second-rôle ou de passage dans des comédies d'époque comme Il est génial Papy et La jungle. Cependant, il a aussi fait une incursion dans les drames comme Sauve-toi Lola, le film collectif Contre l'oubli, Survivre avec les loups... Sa dernière apparition, aux côtés de Pierre Richard, Jane Fonda, Geraldine Champlin et Claude Rich, date de 2012 avec Et si on vivait tous ensemble?, jolie comédie douce amère sur le vieillissement.

A la TV, on le croise dans la série Chère Marianne, Une famille pas comme les autres, sur l'homoparentalité, et Kaamelott dans le personnage d'Anton.

Monstre de la scène

On se souviendra surtout de Guy Bedos sur les planches. Pour sa gueule d'abord. Précoce metteur en scène, l'élève de la rue Blanche débite en interprètan un premier sketch, signé Jacques Chazot, qui confronte l'auteur en homo de droite et Bedos en hétéro de gauche.  Vedette du music-hall, il partage Bobino avec Barbara, puis ses sketches, écrits par Labadie pour les meilleurs, avec Sophie Daumier ("La drague"), avant de se lancer en solo. Dès les années 1980 avec l'arrivée de la gauche au pouvoir, Bedos devient un symbole de la gauche caviar, sans jamais perdre son esprit critique, combattant inlassablement contre le racisme, pour les sans-papiers, pour les mal-logés, contre l'intolérance et contre l'homophobie. En 1992, il s'offre un Bedos/Robin  d'anthologie, avec Muriel Robin. En 2003, son fils Nicolas Bedos et Gérard Miller, sur une mise en scène de Jean-Michel Ribes, lui offrent un retour au sommet. Nicolas Bedos lui écrit aussi Sortie de Scène et Le voyage de Victor. Labadie reprend sa plume pour Hier, aujourd'hui, demain. Guy Bedos signe lui-même En piste! et Rideau! en 2009, pour ses adieux.

Il a travaillé avec Jean-Paul Belmondo à leurs débuts (il était de la bande avec Marielle, Rochefort & co), Jérôme Savary (dans La résistible ascension d'Arturo Ui de Bertolt Brecht, sans doute son plus grand rôle) et Samuel Benchetrit pour ses adieux définitifs à la scène, avec Moins 2.

"Je préfère arrêter avant de me retrouver un jour dans l’obligation d’arrêter"

De nombreux recueils de gags en digressions rédigées, il a aussi publié plusieurs livres, y compris des livres autobiographiques comme Mémoires d'outre-mère et Je me souviendrai de tout. De drôleries assumées en méchancetés insignifiantes, cette bête de scène qui maniait si bien l'autodérision, effaré par les époques qu'il a traversées, doucement mélancolique, sérieusement nostalgique, forcément coupable de ses erreurs, droit dans ses bons mots, et rigolard aux tribunaux, était une figure paternelle familière pour les uns insupportable, pour les autres salutaire.

Dans Libération, il rappelait: "J’ai passé ma vie à flirter avec la mort et l’ai même souvent espérée, depuis l’enfance. N’oublions pas aussi que je milite depuis longtemps pour le droit à mourir dans la dignité, la fin est parfois d’une telle violence et cruauté, j’ai accompagné suffisamment d’amis, comme Desproges, par exemple, pour le savoir. Mais pour en revenir à ces adieux, c’est sûr que quelque chose va mourir en moi. Comme une histoire d’amour qui s’achève. Pendant un demi-siècle, ce contact physique, charnel avec le public m’a enchanté."

Car la scène était bien une histoire d'amour, dévorante et passionnante, souvent en détriment de sa vie personnelle. Il avait pour lui une liberté de paroles qui ne serait sans doute plus possible aujourd'hui. Mais n'ayant pu être ni Woody Allen, ni Charlie Chaplin, il a du se contenter de jouer ce saltimbanque qui s'amusait à piquer les rois pour mieux conquérir les coeurs de son public. Mais derrière ce barnum, l'homme, fragile et sensible, était surtout entouré de fantômes, ceux de Desproges, de Jean Yanne, de Françoise Dorléac, avec qui il avait eu une liaison, de Simone Signoret, sa "marraine". Sans doute le départ de Jean-Loup Labadie a-t-il été celui de trop pour le gamin d'Alger qui aimait la Corse et flirter avec une certaine morbidité. Le rire était sans doute la seule arme qu'il avait pour la repousser.

Fin de l’histoire pour Jean-Loup Dabadie (1938-2020)

Posté par redaction, le 24 mai 2020

Romancier, dramaturge, et surtout parolier et scénariste, Jean-Loup Dabadie est mort à l'âge de 81 ans. Côté chansons, on lui doit des tubes comme "Partir" et "Ma préférence" pour Julien Clerc, "Holidays" et "Lettre à France" pour Michel Polnareff, et des chansons pour Jean Gabin, Dalida, Claude François, Régine, Juliette Gréco, Johnny Hallyday, Marie Laforêt, Mireille Mathieu, Yves Montand, Serge Reggianni ("L'italien"), Michel Sardou ("Chanteur de jazz"),... Sans oublier que l'Académicien a signé quelques uns des meilleurs sketches de Guy Bedos pour la scène.

Côté cinéma, ce fut un brillant dialoguiste et observateur des mœurs de son époque, les années 1970 pendant lesquelles il fut un des plus prolifiques et brillants auteurs.. C'est évidemment sa collaboration avec Claude Sautet qui restera dans les mémoires de cinéphiles: Les choses de la vie, Max et les ferrailleurs, César et Rosalie, Vincent François Paul et les autres, Une histoire simple, Garçon...

Mais Labadie était aussi un prince de la comédie, à commencer par Le sauvage de Jean-Paul Rappeneau, dans un registre aventures, La gifle de Claude Pinoteau, dans un genre plus familial, ou Un éléphant ça trompe énormément et sa suite Nous irons tous au paradis d'Yves Robert, summum de la comédie amicale entre mecs. Avec Yves Robert, la collaboration a été régulière (Clérambard, Salut l'artiste, Courage fuyons, Le bal des casse-pieds), tout comme avec Pinoteau dans des genres plus variés (Le silencieux, La septième cible). Labadie a aussi écrit des films de Philippe de Broca, François Truffaut, Francis Girod, avec moins de succès. Clara et les chics types de Jacques Monnet en 1981 sonne même comme un requiem à son style.

Si son talent s'étiole à partir des années 80, en musique comme au cinéma, il reviendra sur le grand écran avec trois films consensuels de Jean Becker, La tête en friche, Bon rétablissement et Le collier rouge. Mais jamais il n'avait retrouvé ce talent qui aillait le rythme et les bons mots, le verbe cinglant et le silence vibrant qui faisaient des étincelles dans ses récits amoureux, dramatiques ou drôles, des années Pompidou-Giscard.

Jean Rochefort (1930-2017) s’en va au Paradis

Posté par vincy, le 9 octobre 2017

L'immensément populaire, le toujours élégant, le perpétuel fringant, l'éternel trublion Jean Rochefort a fait son ultime révérence à l'âge de 87 ans. Hospitalisé depuis près de deux mois, le facétieux troubadour, qui savait manier la légèreté aussi bien que les mots nous quittent et rejoint le Paradis cher à son ami Yves Robert.

Avec son allure de dandy et ses somptueuses bacchantes, il avait cette silhouette aristocrate, doublée d'une voix chaude, qui lui ont souvent valu des rôles de notables ou d'adulescents, de salauds ou de sympathiques. Jean Rochefort est, dans l'esprit de tous, attaché à de nombreuses comédies (la moitié de sa filmographie). Pourtant, c'est aussi dans les films d'aventures, les drames et les polars qu'il a su imposer son éclectisme.

Lire aussi son portrait: Jean Rochefort, patrimoine national.
Voir aussi sa filmographie: de Ridicule à L'artiste et le modèle, toutes nos critiques

Avec 17 films au dessus des 2 millions d'entrées en France, il est incontestablement de la race de ces acteurs populaires qui, même s'ils ont surtout brillé durant une période (les années 1960 et 1970), ont su séduire les générations suivantes (grâce à la télévision entre autres).

De la bande de Noiret, Marielle, Cremer, Girardot et bien sûr Belmondo, Jean Rochefort avait aussi gagné le respect d'une profession, couronné par trois César (meilleur second-rôle, meilleur acteur et César d'honneur). Comme toute la bande, il a commencé en figurant, avec des petits rôles, dans l'ombre de Jean Marais et de Bébel; notamment dans des films de Cape et d'épée (Cartouche, Le Capitaine Fracasse, Le masque de fer, Angélique marquise des Anges et ses suites). En majordome dans Les Tribulations d'un Chinois en Chine, il parvient à tirer un peu la couverture à lui, en reprenant les codes rigides du domestique Nestor dans Tintin. Philippe de Broca le reprend dans Le Diable par la queue, où il incarne malicieusement un fils à maman et doux fainéant.

"J'étais obligé de beaucoup tourner pour vivre, parfois des films qui m'intéressaient peu: je les nommais mes films «avoine-foin», parce que j'étais déjà éleveur de chevaux, et il fallait que je les nourrisse, ainsi que moi-même. Angélique, cette rigolade, c'était pour les chevaux! C'est au début des années 70 que j'ai commencé à avoir de grands rôles au cinéma" a-t-il confié en 2013.

Il faut attendre sa rencontre avec Yves Robert pour le voir dans un rôle populaire plus noir. En Colonel Toulouse, il s'avère un redoutable manipulateur, froid comme un serpent, et sans affect dans Le Grand blond avec une chaussure noire. Robert en fait l'un de ses acteurs fétiches: Salut l'artiste, Le retour du grand blond, Un éléphant ça trompe énormément, Nous irons tous au Paradis, Courage, fuyons, Le château de ma mère (l'un de ses plus gros succès). Dragueur maladroit ou père de famille libertin, il montrait qu'il pouvait tout jouer, à commencer par "le bourgeois type que je représentais aux yeux des Français" comme il le disait.

Dans les années 1970, Rochefort mue et devient l'un des grands acteurs de sa générations. S'affranchissant des étiquettes, il passe ainsi de Michel Audiard à L'horloger de Saint-Paul de Bertrand Tavernier, de Patrice Leconte (années navets) au Fantôme de la liberté de Luis Bunuel. Claude Chabrol se laisse séduire par son ambivalence et le faut tourner deux fois (Les Innocents aux mains sales, Les magiciens). Bertrand Blier aime sa gueule impassible (Calmos). Mais, particularité, il est aussi l'un des rares acteurs français à tourner avec des cinéastes étrangers : Luigi Comencini (Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ?, tournage qu'il a tant détesté qu'il a refusé de faire un autre film avec le réalisateur italien), Henning Carlsen (Un divorce heureux), Ted Kotcheff (La grande cuisine), Joachim Kurz (Grandison), Giorgio Capitani (Je hais les blondes), Laszlo Szabo (Davis, Thomas et les autres), Robert Altman (Prêt-à-porter), ou encore Alejandro Agresti (Le Vent en emporte autant)... On pourrait aussi citer L'enfer de Danis Tanovic ou Les vacances de Mr. Bean de Steve Bendelack, qui résument à eux seuls les grands écarts contorsionnistes de sa filmographie. Le grand acte manqué restera sa collaboration avec Terry Gilliam. Le tournage (maudit) de The Man Who Killed Don Quixote restera inachevé à jamais. Eleveur et cavalier accompli (il sera même embauché à la télévision pour commenter les épreuves olympiques d'équitation), sa chute de cheval sonne comme une allégorie à ce film adapté de l'œuvre de Cervantes.

En 1975, Tavernier en fait un libertin cynique dans Que la fête commence. Premier César. Deux ans plus tard, Pierre Schoendoerffer le met face à Jacques Perrin, Claude Rich et Jacques Dufilho dans Le Crabe-Tambour. Deuxième César, mais cette fois-ci du meilleur acteur. Il y est "le vieux", alors qu'il n'a que 47 ans. Un commandant atteint d'un cancer chargé d'une dernière mission et rongé par une promesse qu'il n'a pas pu tenir.

Dans les années 1980, il tourne moins. Il est d'une autre époque, se glisse dans des farces ou des drames un peu datés. Patrice Leconte change de registre et tourne Tandem, où Rochefort incarne un magnifique animateur radio qui s'use à résister à l'air du temps. Une nouvelle génération de cinéastes voit en lui un grand monsieur. Ils ne se trompent pas, contrairement aux éléphants, et vont lui offrir des personnages splendides, qui vont presque anoblir sa carrière, faisant oublier ses débuts de comique-troupier. Leconte en fait d'ailleurs sa "muse", trouvant en lui un comédien qui a le même sens de la dérision, de la vanne et du tragique. Dans Le mari de la coiffeuse, Rochefort y est superbement mélo-romantique. On le revoit dans Tango, Les grands ducs (dont il ne reste que Marielle), Ridicule (exquis marquis), L'homme du train (face à Johnny). "Leconte m'a offert mes plus grands rôles" avouait-il.
De Régis Wargnier (Je suis le seigneur du château) à Philippe Lioret (Tombés du ciel) en passant par Pierre Salvadfori (Cible émouvante), il trouve des cinéastes qui font oublier ses parenthèses caustiques chez Antoine de Caunes, Etienne Chatiliez, Laurent Tirard (dans un Astérix), Edouard Baer (son fils spirituel), Alain Chabat (RRRrrrr!!!!) ou Laurent Baffie.

Cela ne l'empêche pas de tourner pour Francis Veber (Le Placard) ou Guillaume Nicloux (La clef), Samuel Benchetrit (J'ai toujours rêvé d'être un gangster) ou Philippe Le Guay (Floride). Toujours cette volonté équilibriste de ne pas s'enfermer dans une image ou un personnage. De rester digne même dans la vieillesse. De s'amuser comme un enfant même avec les cheveux grisonnants. De montrer sa face sombre pour mieux revenir dans la lumière (la série Les Boloss des belles lettres, sa dernière apparition l'an dernier, est à ce titre un monument "rochefortien", entre transmission du "classique" et adaptation au "moderne").

Si Rochefort a été si important dans notre accompagnement cinéphile, c'est bien parce qu'il pouvait être sur le petit écran familial du dimanche soir et sur le grand écran de salles art et essai, sans qu'on lui en veuille de jouer indifféremment les clowns ou les ordures. Guillaume Canet, avec Ne le dis à personne, partage avec lui son amour des chevaux. Dans l'un des derniers grands rôles de l'acteur, il y a onze ans, il en fait un homme politique véreux et meurtrier. Et ça lui va bien. Pourtant, on retiendra plutôt son incroyable incarnation d'un sculpteur qui retrouve l'inspiration au contact d'une jeune femme, durant la seconde guerre mondiale, dans L'artiste et son modèle de Fernando Trueba. Il est nommé aux Goyas comme meilleur acteur. Mais surtout il renoue avec ces personnages un peu mélancoliques, un peu intérieurs, portés par le désir et l'amour, qui lui vont si bien.

Rochefort n'a jamais pris le melon. Il préférait l'absurde. Il aimait écouter. Il savait d'où il venait. Entre le quai d'Orsay et Rambouillet, ville et campagne, diplomatie professionnelle et tranquillité personnelle, l'acteur a tracé sa vie comme il l'entendait.

Jean Rochefort s'en va au Paradis. Qui doit ressembler à la côte bretonne, avec des chevaux. "«On ne quitte pas le monde, c’est le monde qui vous quitte». Je sens la mort qui se rapproche, je le dis sans drame: l’avenir m’inquiète, pas le mien, mais celui de l’humanité. Alors je repense à ce qui m’a beaucoup plu par ici. Une promenade à cheval, le vent sur la joue. Ou encore la marée qui monte. Je suis Breton, j’aime aussi la marée qui descend."

Victor Lanoux se carapate (1936-2017)

Posté par redaction, le 4 mai 2017

Populaire et attachant, l'acteur Victor Lanoux est mort dans la nuit du 3 au 4 mai à l'âge de 80 ans. Si les téléspectateurs le connaissent avant tout pour son rôle récurrent dans la série "Louis la Borcante", il fut également l'un des comédiens les plus en vogue dans le cinéma français des années 1970 aussi bien dans des polars que dans des comédies, parfois cultes. A partir de 1972 avec L'Affaire Dominici, Victor Lanoux devient une tête d'affiche, passant d'Yves Boisset (Folle à tuer, Dupont Lajoie) à Pierre Granier-Deferre (Adieu Poulet, Une femme à sa fenêtre). Mais c'est Jean-Charles Tacchella qui lui offre son plus beau rôle dans le sensible Cousin, Cousine, trois fois nommé aux Oscars et quatre fois aux César (dont une nomination pour l'acteur).

Cependant, c'est bien dans la comédie de mœurs qu'il va exceller grâce à Yves Robert et son diptyque culte Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, portraits d'hommes faillibles dans une époque résolument féministe, où il incarne un séducteur dont l'assurance s'effrite et la confiance mâle est déstabilisée ("On fait l’amour libre, chacun fait ce qu’il veut. Enfin surtout moi, parce que dans la femme il y a quand même la mère de famille avant tout").

Lanoux jouera pas mal de ce statut d'homme moyen et dragueur. Il essaie pourtant de ne jamais s'enfermer dans un rôle, tournant aussi bien avec Claude Berri (Un moment d'égarement, qui a donné lieu à un récent remake), Gérard Oury (La carapate, joli duo burlesque avec Pierre Richard, son partenaire de cabaret), Jean-Marie Poiré (le vaudevillesque Retour en force), Alain Jessua (l'étrange film Les chiens, avec Depardieu), Peter Kassovitz (le touchant Au bout du bout du banc) n'ont hélas pas forcément été à la hauteur de son talent. Il pouvait jouer les cocus, les papas, des flics (plutôt gradés), les salauds. Lanoux avait la gueule d'un sympathique ou d'une ordure.

Les années 80 ont été plus cruelles avec lui même s'il s'est amusé dans Y a-t-il un Français dans la salle ? de Jean-Pierre Mocky. Il enchaîne les modestes films policiers (Une sale affaire de Alain Bonnot, Un dimanche de flic de Michel Vianey, Canicule d'Yves Boisset, Les Voleurs de la nuit de Samuel Fuller, etc...), souvent partenaire des plus grandes actrices du moment, d'Annie Girardot à Nicole Garcia. Il est plus convaincant quand les auteurs l'emmènent dans des territoires plus troublants à l'instar de Yannick Bellon qui en fait un flic troublé amoureusement par un jeune musicien (La triche), Jean-Loup Hubert qui l'enrôle pour être un ancien virtuose de l'accordéon au chômage (La smala), André Téchine qui lui offre un personnage d'époux (séparé) de Deneuve et père (en conflit avec son fils) dans un drame passionnel (Le Lieu du crime).

Ses derniers films - Le Bal des casse-pieds d'Yves Robert, Les Démons de Jésus de Bernie Bonvoisin et Reines d'un jour de Marion Vernoux - montrent qu'il était ouvert à tous les styles, sans distinction, ce qui aidait sans doute des cinéastes aussi différents à projeter toutes sortes de personnages sur lui, costaud et vulnérable, bourru et charmeur, dur et émouvant.

Métissé de naissance - un père juif tunisien et une mère catholique normande - Victor Robert Nataf a vécu dans la Creuse dès le début de la Seconde Guerre sous le nom de Victor Lanoux. Ancien ouvrier, puis parachutiste et machiniste, il devient comédien en regardant jouer Anthony Quinn sur le plateau de Notre-Dame de Paris. Il suit alors les cours par correspondance proposés par Cinémas du monde et le Conservatoire indépendant du cinéma français.

En 1961, il commence sa carrière sur les planches des cabarets avec Pierre Richard, avec succès, et devient un acteur régulier du Théâtre national populaire (TNP). Il a été aussi metteur en scène de théâtre et a joué jusqu'à la fin du XXe siècle sur scène. En 2007, après un malaise et une opération qui a mal tourné, il devient paraplégique mais s'obstine à vouloir récupérer ses moyens. Il tourne pour la télévision jusqu'en 2015, date officielle de sa retraite.

Cet "artiste du peuple" tel qu'il se définissait était fragile. Il avait récemment tenté de mettre fin à ses jour, fati­gué de souf­frir après deux lourdes opéra­tions de l’aorte. "Quand je repense à Pierre Richard, Barbara et d'autres, c'est une émotion. Parler de ces gens veut dire que je les ai aimés" expliquait-il nostalgique. Il était un peu las mais savait encore se battre pour défendre ses rôles ... S'il n'a jamais chômé, il a quand même sans aucun doute été frustré de ne pas être considéré comme un grand acteur de sa génération, injustement. Lucide, dans son livre, Laissez flotter les rubans, il écrivait "L'attente, disait Giraudoux, c'est un bonheur pour vierges. c'est un bonheur solitaire."

15 films avec Pierre Richard à voir à la Cinémathèque

Posté par vincy, le 9 avril 2016

En avril, découvre des films. Pierre Richard appartient à notre mémoire cinéphilique collective. On le voit gamin, au premier degré, en maladroit burlesque, plus Harold Lloyd que Chaplin. Et puis, en revoyant ses films, cet anti-héros lunaire apparaît comme étrangement subversif, rebelle même dans des comédies qui dénonçaient les individualismes, le consumérisme, ou même le repli sur soi. La poésie se mêle au rire, l'absurde compromet les tenants de l'ordre. Il est un grain de sable, à la Chaplin, dans les Temps modernes.

Heureuse initiative, donc, de voir la Cinémathèque française lui rendre hommage, depuis mercredi et jusqu'au 27 avril.

15. La Course à l'échalote de Claude Zidi (1975), avec Jane Birkin, Michel Aumont.
Les banques coupables de malversations? Le film est une aimable comédie où le patronat est pourri jusqu'à la moelle.

14. Un nuage entre les dents de Marco Pico (1973), avec Claude Piéplu, Philippe Noiret.
Film très méconnu autour de deux journalistes de faits-divers qui démontre, notamment, la manipulation des médias, avides de scoops.

13. Le Retour du grand blond d'Yves Robert (1974), avec Mireille Darc, Jean Rochefort.
La suite du Grand Blond est moins percutante mais pas moins drôle. La séquence finale empruntée à L'homme qui en savait trop d'Alfred Hitchcock vaut à elle seule le détour.

12. Essaye-moi de Pierre-François Martin-Laval (2005), avec Pierre-François Martin-Laval, Julie Depardieu.
L'ex Robin des Bois rend hommage à Richard avec son personnage de rêveur romantique. La comédie se laisse regarder pour ceux qui doutent encore qu'il faut garder son âme d'enfant.

11. On aura tout vu de George Lautner (1976), avec Miou-Miou, Jean-Pierre Marielle.
Satire sur le monde du cinéma, avec en toile de fond, l'avènement et la puissance du film porno. On reconnaît là le goût de Pierre Richard pour les sujets de société, où l'idéal et le rêve se fracassent à une réalité cynique.

10. En attendant le déluge de Damien Odoul (2003), avec Anna Mouglalis, Damien Odoul.
Peut-être l'un des plus beaux personnages incarné par le comédien. Dans ce délire entre hurluberlus, où la mort se confronte à la vie, il y a une envie jouissive, à la Tati, de profiter du présent. Pierre Richard y est impérial.

9. Le Coup du parapluie de Gérard Oury (1980), avec Gert Froebe, Valérie Mairesse.
Entre potacherie et jamesbonderie, cette comédie policière sous le soleil de Saint-Tropez est un enchaînement de gags à la Blake Edwards, avec, en moment culte, une publicité pour de la nourriture pour chiens.

8. Juliette et Juliette de Remo Forlani (1973), avec Annie Girardot, Marlène Jobert.
Richard est entouré de deux des plus grandes actrices de l'époque. Entre portrait d'une société où la précarité est déjà là et féminisme affirmé, ce film oublié, qui passe parfois à côté de ses sujets, révèle déjà la vulnérabilité des mâles.

7. Je suis timide mais je me soigne de Pierre Richard (1978), avec Aldo Maccione, Mimi Coutelier.
Impossible de vivre quand on est timide à l'extrême. De ce constat, Pierre Richard va créer des situations rocambolesques et parfois de grands moments de cinéma comique (notamment la scène du resto et celle des pompiers).

6. Le Jouet de Francis Veber (1976), avec Michel Bouquet, Fabrice Greco.
Sans doute l'un de ses films les plus noirs, sous ses apparences très colorées. Véritable cri de révolte contre un monde trop cadré et critique du pouvoir sans âme, le film "s'amuse" avec perversité d'une relation masochiste entre un patron et un chômeur.

5. Les Malheurs d'Alfred de Pierre Richard (1971), Anny Duperey, Pierre Mondy.
Tout commence avec un suicide et tout finira avec un carnage. Se moquant de l'élite parisienne, de la télévision, de ses jeux débiles et de ceux qui se prennent trop au sérieux, cette comédie des petits contre les forts reste étrangement actuelle.

4. Le Distrait de Pierre Richard (1970), avec Marie-Christine Barrault, Bernard Blier.
Ode à l'imagination et à la rêverie. La distraction comme hymne à la vie: c'est le moteur d'une succession de scènes d'anthologie où là encore le système trop cadré (ici du milieu de la publicité) se voit dynamité à coups de gaffes.

3. Les Fugitifs de Francis Veber (1986), avec Gérard Depardieu, Jean Carmet.
Dernier film de la trilogie inégalée du trio Veber-Depardieu-Richard, cet immense succès des années 1980 compose avec un scénario bien ficelé et des situations cocasses, en finissant en famille recomposée se jouant des genres sexués.

2. Le Grand blond avec une chaussure noire d'Yves Robert (1972), avec Bernard Blier, Jean Rochefort, Mireille Darc, Jean Carmet.
L'une des plus grandes comédies du cinéma français: casting, dialogues, scénario. Tout y est. Les acteurs, au jeu volontairement désaccordé, sont en totale harmonie. Mais à y réfléchir de plus près, Le grand blond est aussi un film d'anticipation sur la société de surveillance et le peu de considération de l'autorité pour la liberté et l'individu.

1. La Chèvre de Francis Veber (1981), avec Gérard Depardieu, Corynne Charbit.
Summum de l'art comique de Pierre Richard, l'alchimie avec Depardieu (il faut voir la tête du monstre face au distrait-timide-maladroit) fonctionne à merveille, entre aventures improbables, répliques cultes, humour décalé, usant aussi bien des gags du cinéma muet que de situations atemporelles. Assurément le chef d'oeuvre de la filmographie de Richard (et de Veber), parvenant à montrer que la folie douce est un moyen de trouver le bonheur et l'amour dans un monde violent.

Danièle Delorme (1926-2015) rejoint Yves Robert au Paradis

Posté par vincy, le 19 octobre 2015

Danièle Delorme est morte samedi 16 octobre à Paris à l'âge de 89 ans, a annoncé lundi la directrice de la galerie d'art "An Girard" que la comédienne avait créée. pour présenter les oeuvres de son père André Girard. Malade depuis plusieurs années, l'actrice, née le 9 octobre 1926, n'avait plus tourné depuis près de 15 ans.

Elle avait débuté sa carrière en 1942 en tournant La Belle aventure de Marc Allégret et Félicie Nanteuil du même réalisateur (le film est sorti en 1945). Après cela on l'a vue chez Robert Vernay (Le Capitan), Jean Delannoy (Les jeux sont faits), Maurice Tourneur (Impasse des Deux-Anges), Henri-Georges Clouzot (Miquette et sa mère). Mais en 1949 c'est en incarnant Gigi, pour Jacqueline Audry qu'elle devint populaire.

Très éclectique, on l'a vue devant la caméra de Daniel Gélin, son premier mari, (Les dents longues), Yves Allégret (La jeune folle), Sacha Guitry (Si Versailles m'était conté...), André Cayatte (Le dossier noir), Julien Duvivier (Voici le temps des assassins), Agnès Varda (Cléo de 5 à 7 et en voix narrative du court métrage Ô Saisons, ô châteaux), en Fantine pour Les Misérables de Jean-Paul Le Channois...

A partir des années 60, malgré l'ombre de Moreau, Darrieux, Girardot, Deneuve et Bardot, elle trouve sa place aussi bien chez son second époux Yves Robert (Un éléphant ça trompe énormément, Nous irons tous au paradis) que chez Georges Lautner (Le septième juré), Claude Lelouch (Le voyou), Elie Chouraqui (Qu'est-ce-qui fait courir David?)... Mais il lui aura manqué toujours le grand rôle qu'elle méritait, aussi bien dans la comédie où elle excellait que dans la drame où sa beauté atemporelle se confondait avec une émotion fragile et palpable. Mais une chose est certaine, elle est l'une des rares à avoir navigué entre le cinéma populaire et la Nouvelle vague, le cinéma d'auteur et les réalisateurs classiques de l'après guerre. Elle avait quelque chose d'indémodable.

Présidente du jury de la Caméra d'or à Cannes en 1988, Danièle Delorme a compensé ses manques de rôles avec la casquette de productrice aux côtés de Yves Robert. La Guéville a produit La guerre des boutons, Alexandre le bienheureux mais aussi des films d'Alain cavalier, Jacques Doillon, Elisabeth Rappeneau... Avec sa propore maison, Zazi Films, elle a connu deux jolis succès récemment: La cage dorée et Comme des frères, tous deux nommés au César du meilleur premier film.

Elle fut aussi une vedette du petit écran, tournant pour Jacques Demy (La naissance d'un jour), Bernard Stora (La grande dune) et surtout la série Madame le Proviseur dans les années 90. Sur les planches, durant quarante ans elle jouera Henrik Ibsen, Jean Anouilh, Luigi Pirandello, Paul Claudel, Paul Valéry, George Bernard Shaw, Albert Camus, Eugène Ionesco, Jean Cocteau...

Elle avait également publié ses Mémoires dans Demain tout commence!, paru en 2008.

Robert Lamoureux (1920-2011) : le séduisant comique populaire dépose les armes

Posté par vincy, le 29 octobre 2011

On le connaissait surtout comme chansonnier et auteur (des films et des pièces de théâtre). Mais Robert Lamoureux était aussi réalisateur et comédien (trois fois nommé au Molières), doué pour le music-hall, voix de radio.... Il vient de mourir, à l'âge de 92 ans.

Ce comique très populaire a connu son heure de gloire avec le vaudeville militaire, Mais où est donc passée la septième compagnie (deux suites et des bons scores d'audience lors de ses multiples diffusions télévisées). Le film avait attiré 3,95 millions de spectateurs dans les salles en 1973, ce qui en fit le troisième succès de l'année. La suite en 1975 fidélisa 3,74 millions de trouffions, et fut là aussi le 3e succès de l'année. Le troisième épisode fut en revanche une déception avec 1,8 million de spectateurs , ce qui mit fin à l'aventure.

Né le 4 janvier 1920, Robert Lamoureux arrête sa scolarité à la fin de l'école primaire. Dans la vingtaine, après de multiples petits boulots, il se lance dans le cabaret et triomphe sur scène dans Papa, maman, la bonne et moi - qu'il jouera deux fois au cinéma en 1954 et 1956, attirant respectivement 5,4 et 3,8 millions de spectateurs - et La chasse au canard. Il écrira de nombreuses pièces de boulevard qui seront d'immenses succès, et jouées des centaines de fois à travers les décennies. Lamoureux impose, à contre-courant des tendances, un personnage très séduisant en plus d'être drôle.

Il a réalisé huit films en 1960 et 1977, dont certaines adaptations de ses pièces de théâtre. Ravissante, son premier film, mettait en scène Philippe Noiret et récolta 1 million d'entrées. Dans La brune que voilà, autre pièce adaptée par lui-même, il donne la réplique à Françoise Fabian et Michèle Mercier. Dans ses autres films, il reprenait souvent la même troupe composée de Jean Lefèbvre, Pierre Mondy, Henri Guybet, Pierre Tornade... Dans Opération Lady Marlène, relatif flop de 1975, film se déroulant sous l'occupation, il avait choisi Michel Serrault pour le rôle principal. Il fut aussi Arsène Lupin dans le film de Jacques Becker en 1957 (3 millions d'entrées) et celui d'Yves Robert en 1959 (1,7 millions d'entrées). Il trouve son plus beau rôle dans L'apprenti salaud en 1977, comédie policière adaptée d'un roman de Frank Neville par Michel Deville, avec Claude Piéplu, Georges Wilson, Jean-Pierre Kalfon.

Si sa carrière d'acteur n'a jamais été marquante dans le cinéma français (le cinéma l'ennuyait alors que le théâtre le passionnait), cantonné dans des comédies et des nanars, il a été plus remarqué au théâtre avec des personnages comme Knock ou en jouant du Feydeau et surtout de nombreuses pièces de Sacha Guitry. "Entre les cabarets, le music-hall et le théâtre, j'ai joué à peu près tous les soirs, sauf parfois pendant mes vacances. J'ai donc dû monter sur scène environ 16.000 fois! " racontera en 1998 cet acharné du travail

Donald Westlake à son point de non retour (1933-2008)

Posté par vincy, le 2 janvier 2009

westlake donaldDonald E. Westlake était l'un des auteurs de polars les plus reconnus dans les milieux littéraures. Avec plus de 80 ouvrages publiés, et selon l'auteur lui-même plus de cent qui ont été rédigés, il faisait partie des grands noms du roman policier mais aussi des auteurs prisés par le cinéma.

En 1967, John Boorman adapte "The Hunter" en réalisant Le point de non retour (Point Blank) avec Lee Marvin. La même année, The Busy Body (avec Robert Ryan et Richard Pryor, confirme l'intérêt du cinéma pour cet auteur hors-normes, qui, alors, avait publié une vingtaine de livres sous des pseudonymes différents.

En France, Godard et Cavalier l'adaptent durant la même période avec, successivement, Made in USA, d'après "The Jugger", et Mise à sac , d'après "The Score".

On retrouve les romans de Westlake aux génériques de The Hot Rock (Les quatre malfrats), de Peter Yates, avec Robert Redford, The Outfit, avec Robert Duvall, The Stepfather, avec Terry O' Quinn, qui deviendra une franchise. Il écrit aussi des scénarii, principalement des navets ou des comédies. Yves Robert, en France, transpose "Two Much" en farce pour Pierre Richard (Le jumeau), qui deviendra Two Much avec Antonio Banderas dans les années 90.

Mais en 1990, Donald Westlake adapte un de ses confrères: Jim Thompson. Il écrit la version cinématographique d'un film noir et sublime, Les arnaqueurs (The Grifters) de Stephen Frears, avec Anjelica Huston, Annette Bening et John Cusack. Il est cité à l'Oscar du meilleur scénario / adaptation. La Writers Guild of America le liste parmi les cinq adaptations de l'année.

Westlake continuera de séduire les producteurs et les réalisateurs très divers : Michel Deville (La divine poursuite, d'après "Dancing Aztecs"), Brian Helgeland (Payback, d'après "The Hunter", avec Mel Gibson), Costa-Gavras (Le couperet, avec José Garcia).

Né le 12 juillet 1933 à New York, il est décédé d'une crise cardiaque au Mexique, le soir de réveillon du nouvel an. Entre lre oman et le scénario, il voyait une différence de taille : "quand j'écris un livre, je suis comme Dieu; quand j'écris un scénario, je ne suis qu'un serviteur mineur."