Sami Bouajila (Un fils): « Dès la première lecture, j’ai vu que c’était une perle »

Posté par vincy, le 24 juin 2020

Sami Bouajila, primé à Cannes en 2006 et césarisé en 2008, est à l'affiche de La terre et le sang (sur Netflix) et d'Un fils de Mehdi Barsoui, pour lequel il a reçu le prix du meilleur acteur à Venise dans la section Orrizonti. Un fils ressort en salles cette semaine, après un début de carrière prometteur interrompu par le confinement et la fermeture des cinémas. Film bouleversant, subtil et sensible, Un fils est l'histoire d'une famille tunisienne moderne et privilégiée. Mais lors d'un week-end dans le sud du pays, Farès, Meriem et Aziz sont pris pour cible par un groupe terroriste et le jeune garçon est grièvement blessé... Il doit subir une greffe en urgence pour être sauvé.

Avec un scénario solide qui vire vers le thriller politique, avec une dose de pardon et de filiation pour lui donner une tonalité plus universelle, ce drame jamais sirupeux mais très maîtrisé, est un premier film plus que prometteur, confirmant la nouvelle vague du cinéma tunisien.

Nous avions rencontré l'acteur lors du festival de Dinard, où il était membre du jury.

Ecran Noir: Comment est arrivé Un fils?

Sami Bouajila : Le cinéaste a écrit en pensant à moi, il m’a envoyé le scénario. Dès la première lecture, j’ai vu que c’était une perle. Et après la rencontre n’a fait que confirmer mon sentiment. J’ai eu à affaire à un cinéaste comme j’aime, surtout pour un premier film : inspiré, une grande acuité, une belle direction, une écriture très épurée. Nos deux personnages sont aussi en perdition dans des espaces de westerns, déserts. C »était super. Le rôle était magnifique, assez emblématique, parce que partagé, traversé par plein de choses. Ce personnage fonctionnait en duo avec ma partenaire (Najla Ben Abdallah, ndlr). C’était passionnant.

Cela change-t-il quelque chose qu'il soit tunisien?

Sa nationalité n’a rien à voir. Il me fait penser à Bentoumi, Kechiche ou Desplechin. Il faut voir l'artiste comme un artiste. Il faut sortir des cloisons. Le cinéma comme la musique sont universels. J’aime les rôles qui me sont proposés. Je voudrais juste faire la même chose avec plus d'ampleur. J'aime rencontrer des cinéastes étrangers, des auteurs français. J'aime les personnages qui ont des choses à dire, des choses à défendre, qui ont un point de vue et un regard qui surprend.

Qu'entendez-vous par "plus d'ampleur"?

Donner de l’ampleur, c’est comme pour un tableau. On commence quelque chose et puis, le tableau   la dimension qu'on veut bien lui donner. Il n’y a pas de fin dans ce métier-là Je me suis inscris sur la longueur. Ça ne peut-être qu’empirique.

Avec une carrière qui a près de trente ans, est-ce que les propositions évoluent?

Ce sont les projets qui me choisissent. Avec le temps, comme vous le dites si bien, il y a une évidence qui se fait. Et du coup j’acquiers une certaine sérénité, et les choses sont encore plus évidentes. J'ai le sentiment de ne faire que commencer, à maîtriser mon instrument. Ce que vous dîtes, je l’ai initié assez tôt. Faire attention de ne pas me retrouver, cantonné, prisonnier dans un seul registre. Après, je n’ai fait que cultiver cette chose-là. Ce que j'essaie de dire, c'est que j'ai l'impression d'atteindre un âge de maturité en tant que personne. Je pense que dans mon travail, je le ressens ainsi.

Mais depuis Indigènes en 2006, et votre prix d'interprétation collectif à Cannes (partagé avec Jamel Debbouze, Samy Naceri, Roschdy Zem et Bernard Blancan), on a quand même le sentiment que l'ouverture aux acteurs issus de minorités visibles commence seulement?

Vous venez de le dire… je finis vos phrase : qui commence seulement. Ça rejoint ce que je vous disais sur la sérénité.  L’inconscient collectif, notre inconscient collectif à tous, était mûr pour recevoir ce qui se disait dans ce film-là. Ça a déclenché quelque chose dans ce sens là. J’adore mon parcours maintenant et je pense que Roschdy (Zem) pense la même chose. Je n’envie plus les autres. J'aime mon artisanat. J'aime ma place, mes projets. Je crois qu’on écrit une belle histoire du cinéma français.

Quels sont vos projets?

Je viens de finir le film de Farid Bentoumi qui s’appelle Rouge (avec Zita Hanrot et Céline Sallette, en salles le 20 octobre, en sélection à Cannes 2020, ndlr). C'est un petit clin d'œil, en toute modestie, à Ken Loach. J’ai eu affaire encore une fois à un réalisateur en place en phase avec lui-même, avec des sujets qui lui tiennent très fort à cœur, qui viennent de loin.

Et la réalisation, vous y pensez?

Plusieurs tentatives ont avorté. Mais j’ai une idée qui m’accompagne depuis longtemps et je vais enfin la réaliser. J’ai trouvé l’auteur avec qui l’écrire. Ça aurait mis du temps à s’accoucher mais ça va s’accoucher.

[On va tous au cinéma] Effacer l’historique (26 août)

Posté par redaction, le 18 juin 2020

Le pitch: Dans un lotissement en province, trois voisins sont en prise avec les nouvelles technologies et les réseaux sociaux.Il y a Marie, victime de chantage avec une sextape, Bertrand, dont la fille est harcelée au lycée, et Christine, chauffeur VTC dépitée de voir que les notes de ses clients refusent de décoller. Ensemble, ils décident de partir en guerre contre les géants d’internet. Une bataille foutue d'avance, quoique...

Le cast: Réalisé par Benoit Délépine et Gustave Kervern, avec Blanche Gardin, Denis Podalydès, Corinne Masiero, Vincent Lacoste, Benoit Poelvoorde et Bouli Lanners.

L'atout: Le film devait sortir en avril, puis en août, puis en décembre, puis finalement, sélectionné à Angoulême où Délépine et Kervern sont présidents du jury, il sortira fin août. La comédie sociale un brin décalée qui fait le style du duo a en bonus un Ours d'argent à Berlin pour assurer sa promo. Et surtout un sujet très contemporain, qui, à défaut de changer le monde, apportera sa pierre à l'édifice d'un monde d'après...

3 raisons d’aller voir « Notre Dame »

Posté par vincy, le 18 décembre 2019

Le pitch: Maud Crayon, est née dans les Vosges mais vit à Paris. Elle est architecte, mère de deux enfants, et remporte sur un énorme malentendu le grand concours lancé par la mairie de Paris pour réaménager le parvis de Notre-Dame… Entre cette nouvelle responsabilité, un amour de jeunesse qui resurgit subitement et le père de ses enfants qu’elle n’arrive pas à quitter complètement, Maud Crayon va vivre une tempête. Une tempête, qu’elle devra affronter pour s’affirmer et se libérer.

Les névroses de Donzelli. Avec son personnage, Valérie Donzelli se trouve un rôle qui n'aurait pas déplu à Valeria Bruni Tedeschi. Si son existence est une succession d'improvisations, son jeu, lui, est bien calculé. La fraîcheur et la fougue avec lequel elle le porte contribue beaucoup au plaisir du spectateur. C'est d'ailleurs un film à son image, en équilibre, entre une certaine sophistication et un naturel réjouissant. Cette fantaisie peut évidemment sembler artificielle - et le film ne manque pas d'astuces cinématographiques déjà vues - mais, comme toujours, chez Donzelli, on apprécie cette écriture singulière qui s'affranchit des narrations convenues dans le cinéma français.

Ego-trip. Notre Dame est finalement un film sur l'égocentrisme de notre société. Entre superficialité et déconnexion, le monde de Donzelli est en apparence loufoque, navigant au gré des errances de chacun et des égarement de tous. Elle quitte la fantasmagorie romantique de Marguerite & Julien pour une comédie chaotique, plus proche de La Reine des pommes et de La guerre est déclarée. Et même si le film n'est pas engagé, il vise juste en faisant écho à de nombreuses actualités, à commencer par ce parvis de Notre-Dame qui doit être refait, alors même que la cathédrale doit aujourd'hui subir une importante restauration imprévue. Ce qui frappe c'est aussi la place des hommes: tyranniques, immatures, incompétents, hypocrites. Le film a de cette adulescence qu'elle dézingue, avec un rythme vif, des répliques qui fusent et des excentriques qui dérèglent toute cohérence psychologique.

Fantaisie légère. De la danse et du chant, de l'onirisme et de l'allégorie, de l'animation: la cinéaste refuse les convenances et cherche les chemins de traverse pour se créer son style et se distinguer de la masse. En se moquant des religions, politiques, puritains et autres conservateurs, elle s'amuse indéniablement à donner une autre vision de la vie, comme elle veut donner un autre regard sur la ville. Car finalement, l'autre héroïne, c'est Paris. Notre Dame c'est la cathédrale, la capitale et notre Maud.  Derrière le côté anxiogène de son sujet, la réalsatrice-scénariste-actrice a suffisamment d'essence et de bon sens pour fournir une comédie allègre et sensible, aussi stressée et instable qu'un parisien en temps de grève, aussi lumineuse et passionnée qu'une cinéphile du Quartier Latin.

Samuel Theis en solo s’offre le duo Reinartz – Higelin

Posté par vincy, le 18 septembre 2019

Après Claire Burger avec C'est ça l'amour, sorti au printemps dernier, c'est Samuel Theis qui se lance dans la réalisation en solitaire. L'un des trois réalisateurs de Party Girl, Caméra d'or à Cannes en 2014, tourne actuellement à Forbach Petite nature, son premier long métrage, produit par Avenue B Productions.

Le Film Français indique le drame met en scène Aliocha Reinert, Antoine Reinartz, actuellement à l'affiche de Roubaix, une lumière, Izia Higelin et Mélissa Olexa.

L'histoire est celle de Johnny, dix ans. Il ne s’intéresse qu’aux histoires des adultes. Dans sa cité HLM en Lorraine, il observe avec curiosité la vie sentimentale agitée de sa jeune mère. Comme elle, il se met en quête de l’amour. Cette année, il se retrouve dans la classe de Monsieur Adamski, un nouveau titulaire. Il va aussi  faire la découverte de l’amour... Et avec lui, les brusques réveils de l’esprit.

Le film sera distribué par Ad Vitam.

Benoît Poelvoorde retrouve Jean-Pierre Améris

Posté par vincy, le 10 juillet 2019

Ce sera le troisième film ensemble. Jean-Pierre Améris retrouve Benoît Poelvoorde pour Profession du père, adaptation du roman éponyme de Sorj Chalandon.

L'acteur avait été dirigé par le réalisateur dans Les émotifs anonymes et Une famille à louer. Le tournage à Lyon s'achève la semaine prochaine, après 7 semaines de prises de vues.

Audrey Dana et Jules Lefebvre complètent le casting. La production est assurée par Curiosa Films et la distribution sera assurée par Ad Vitam.

Profession du père, publié en 2015 chez Grasset (Prix du Style), a été déjà adapté en bande dessinée en 2018 chez Futuropolis par Sébastien Gnaedig. C'est la première fois qu'un roman de Sorj Chalandon, journaliste au Canard Enchaîné, est transposé au cinéma.

L'histoire de déroule dans les années 1960. Le jeune Emile subit le comportement lunatique de son père, qui s'imagine parachutiste, pasteur, agent secret américain ou conseille de De Gaulle. La mère reste indifférente. Le fils voit en son père un héros malgré les mauvais traitements qu'il lui infligent et la folie dans laquelle il l'entraîne. Un jour, son père se réveille en étant persuadé qu'il doit tuer le général de Gaulle. Il enrôle son fils dans son organisation secrète.

Benoît Poelvoorde a été vu récemment dans Deux fils, où il avait également des rapports compliqués en tant que père avec ses progénitures, Blanche comme Neige , Raoul Taburin, Venise n'est pas en Italie. On l'attend aussi dans Adoration de Fabrice du Welz.

Jean-Pierre Améris n'a rien tourné depuis 2017 avec Je vais mieux. Profession du père est son douzième long métrage depuis 1993.

Lucas Belvaux réunit Depardieu, Frot et Darroussin

Posté par vincy, le 7 avril 2019

Lucas Belvaux tourne depuis le 4 avril son nouveau film, Des hommes, adaptation du roman éponyme de Laurent Mauvignier, prix des Libraires en 2010 et vendu à plus de 140000 exemplaires. Au générique, le réalisateur a enrôlé Gérard Depardieu, Catherine Frot et Jean-Pierre Darroussin.

L'histoire commence en 1960. Bernard, Février, Rabut et d'autres rentrent d'Algérie après deux ans de conflit. Ils ne disent rien de ce qu'ils ont vécu. Mais, lors d'une journée d'anniversaire, quarante ans après, à cause d'un cadeau, le passé revient dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir oublier la guerre d'Algérie.

Le film, coproduit par Synecdoche, Artémis et France 3, a obtenu l'avance sur recettes. Il sera distribué par Ad vitam. On y croisera aussi Yoann Zimmer (vu chez les Dardenne), Felix Kysyl (Chocolat, L'amant d'un jour) et Edouard Sulpice (dont c'est le premier film).

Depardieu et Frot se sont déjà croisés dans Boudu (2005) tandis que Darroussin a partagé l'affiche avec Depardieu dans Combien tu m'aimes? (2005). L'actrice retrouvera pour la cinquième fois son acolyte d'Un air de famille, Jean-Pierre Darroussin. Belvaux avait déjà dirigé Catherine Frot dans la trilogie Un couple épatant / Cavale / Après la vie (2001-2003).

C'est le premier film de Lucas Belvaux depuis Chez nous, avec Émilie Dequenne, André Dussollier et Guillaume Gouix, sorti en 2017.

Laurent Mauvignier a déjà été adapté au cinéma par Joachim Lafosse, dans le film Continuer sorti en février dernier, avec Virginie Efira.

Pierre Deladonchamps, Bouli Lanners et Virginie Ledoyen au casting de Notre dame de Valérie Donzelli

Posté par wyzman, le 30 octobre 2018

Selon les informations du Film français, le tournage de Notre dame de Valérie Donzelli aurait débuté il y a quelques jours.

Acteurs populaires

Pour son nouveau long-métrage, la réalisatrice de La guerre est déclarée a décidé de se tourner vers la comédie. Notre dame est produit par Rectangle Production et sera distribuée par Ad Vitam. Egalement au casting puisqu'elle tient le rôle principal, Valérie Donzelli s'est entourée d'une belle équipe : Pierre Deladonchamps, Thomas Scimeca, Bouli Lanners, Virginie Ledoyen, Isabelle Candelier, Samir Guesmi et Philippe Katerine.

Le tournage a débuté le 8 octobre dernier à Paris et doit durer huit semaines. Valérie Donzelli a écrit le scénario de Notre dame avec Benjamin Charbit, déjà à l'oeuvre sur En liberté ! et Ami-amiNotre dame a été financé par Les Films de Françoise, la maison de production de la réalisatrice, France 2 Cinéma et Scope Pictures (Belgique) à la coproduction, Canal+, Ciné+, France 2, la région Île-de-France et les Sofica Cinémage 13, Palatine Étoile 16, Cinécap 2, et Indéfilms 7. Le film au budget de 3,6M€ est attendu dans les salles courant 2019.

Valeria Bruni Tedeschi retourne derrière la caméra

Posté par redaction, le 20 août 2017

valeria bruni tedeschiValéria Bruni Tedeschi a entamé le tournage de son quatrième long métrage, Les estivants, clin d'œil à la pièce de Maxime Gorki, même si le film a plus à voir avec Les Trois sœurs de Tchekhov. C'est son premier film en tant que réalisatrice depuis Un château en Italie, en compétition à Cannes en 2013.

La cinéaste sera aussi devant la caméra. l'actrice a été nommée aux Césars dans la catégorie du meilleur second-rôle féminin et a été récompensée comme meilleure actrice aux David di Donatello, les Oscars italiens.

Le casting comprend aussi Pierre Arditi, son amie Noémie Lvovsky, Yolande Moreau, Laurent Stocker et Bruno Raffaelli. On retrouvera aussi la mère de Valeria Bruni Tedeschi, Marisa Borini, qui avait eu un rôle dans son précédent long métrage. Enfin, last but not least, Valeria Golino, double prix d'interprétation à Venise, est aussi au générique.

Le film est coécrit par Valeria Bruni Tedeschi, Agnès de Sacy et Noémie Lvovsky. L'histoire est celle d'Anna, réalisatrice fraichement séparée, qui va, avec sa fille, dans une grande et belle propriété sur la Côte d'Azur, pour quelques jours de vacances. Au milieu des siens, familles, amis et employés, Anna doit gérer à la fois sa rupture et l'écriture de son nouveau film. Elle ne sera pas forcément écoutée et aidée.

Le film sera distribué par Ad Vitam et est un sérieux prétendant au prochain Festival de Cannes.

« Lumière ! L’aventure commence »: les premiers pas passionnants du cinéma

Posté par vincy, le 25 janvier 2017

Ce n'est pas seulement un documentaire que Thierry Frémaux nous propose avec Lumière ! L'aventure commence. C'est bien plus que ça. Le délégué général du Festival de Cannes nous invite à un voyage passionnant qui couvre les dix premières années du 7e art, de 1895 à 1905. A travers 108 petits films (restaurés) qui s'enchaînent, accompagnés d'un texte aux intentions pédagogiques et de la musique de Camille Saint-Saëns, l'aventure nous fait découvrir les premiers films, ceux des frères Lumière. Ce n'est même pas un dixième de leur œuvre, et ça suffit déjà à nous enthousiasmer.

Tout commence avec une sortie d'usine. On croit la connaître. Mais, facétieux, Frémaux nous montre que "le premier geste du cinéma" a eu plusieurs versions. L'invention du remake. La troisième version est mise en scène avec une foule en beaux habits. Car finalement, le premier personnage du 7e art, "c'est la foule, c'est le peuple."

La voix posée de Thierry Frémaux se lance alors une belle leçon de cinéma. Car les Lumière n'ont pas seulement inventé le moyen technique de filmer, ils ont créé la mise en scène. Tout n'est que mise en scène d'ailleurs. Leurs films, des séquences de famille aux reportages au bout du monde, sont écrits, donc scénarisés. La caméra est plantée à un endroit fixe qui offre le bon angle ou qui créé le bon mouvement. Cela donne la première comédie, L'arroseur arrosé, ou le premier film spectaculaire, le premier chef d'œuvre?, L'arrivée du train en gare de La Ciotat. Deux blockbusters noir et blanc, muets et courts. Le temps d'une pellicule de 50 secondes.

Lumière! est fascinant. Pas seulement parce qu'il exhume les premiers films, comme on admire les fresques rupestres de la Grotte Chauvet. La compilation révèle comment les deux frères ont posé les base d'un art nouveau, s'inspirant des tableaux de Cézanne, Degas ou Renoir ou innovant avec le film à l'envers. Ces "sorciers de l'image" compose ainsi le vocabulaire et la grammaire d'un nouveau langage.

Mais au-delà de cette étude quasi "anthropologique" du cinéma, Thierry Frémaux, en chapitrant son montage avec des thématiques, offre au spectateur une vision ethnologique de la France au tournant du XXe siècle. Des métiers disparus, des travailleurs, des enfants qui jouent, des bourgeois qui s'amusent... Tout cela témoigne d'une époque, comme une chronique d'un pays en mutation. Ce cinéma du réel, sans reconstitution, n'empêche pas ces plans séquences d'avoir le cadrage soigné, les perspectives sublimes, les travellings verticaux (dans l'ascenseur de la Tour Eiffel), les profondeurs de champs bluffantes, les seconds-rôles comiques, les regards caméra furtifs....

Et puis c'est aussi un voyage. A Lyon, évidemment, leur ville, mais aussi à Paris, avec le Trocadéro comme vous ne l'avez vu qu'en photo, Marseille, Biarritz, Jérusalem, New York, Londres, Chicago, ou encore en Turquie, en Suisse, en Italie, en Espagne, en Allemagne, en Russie, en Azerbaïdjan, au Mexique, au Japon et au Vietnam, avec cette petite fille qui court vers la caméra. Le monde d'alors. le monde comme on l'imaginait, comme on ne l'a pas forcément vu.

Lumière! L'aventure commence est un formidable travail de composition, où une centaine de petites histoires couvre tout le spectre de ce qui sera le cinéma, d'une catastrophe industrielle "surnaturelle" au film réaliste. "Un sujet, un traitement, un point de vue". Les Lumière ont fondé cet art qui déplace les foules du monde entier depuis plus de 120 ans. D'Eisenstein à Ford, de Kurosawa à Ozu, de Visconti à Laurel et Hardy, de W.C. Griffith à Chaplin, le sélectionneur de Cannes rappelle comment les deux français avaient déjà créé tel plan ou tel cadre, bien avant que les grands maîtres n'en fassent leur style.

Avec ce film, Frémaux prouve qu'ils ont été les premiers cinéastes. Son film est un anoblissement en images ludique et jubilatoire.

Pourquoi Mustang est un très bon choix pour les Oscars 2016…

Posté par vincy, le 22 septembre 2015

Présenté en avant-première mondiale à la Quinzaine des réalisateurs en mai, où il a obtenu le prix Label Europe Cinéma, Mustang a été choisi par la Commission chargée de la sélection du film représentant la France pour l'attribution de l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en vue de la cérémonie de 2016.

Le choix peut surprendre. Face à ce film franco-turc de Deniz Gamze Ergüven, il y avait la Palme d'or, Dheepan, (Jacques Audiard a déjà été nommé à cet Oscar), Marguerite, parfait choix consensuel porté par une actrice parfaite dans le rôle, La loi du marché, film social avec un acteur primé à Cannes ou La belle saison (lire notre actualité du 16 septembre).

Déjà une pléiade de prix

La France, qui sera indirectement représenté à travers d'autres candidats comme la Chine (Le dernier loup de Jean-Jacques Annaud) ou la Belgique (Le tout nouveau Testament de Jaco Van Doramel), a préféré un premier film d'une diplômée de la Fémis, promotion 2006, co-écrit avec une cinéaste qui monte, Alice Winocour. Ce petit budget indépendant (Charles Gillibert avec CG Cinema) produit pour 1,3 millions d'euros a convaincu la Commission. Le film dispose déjà d'un distributeur aux Etats-Unis - Cohen Media Group - où il sortira le 20 novembre. Il a également reçu le Grand prix et le prix de la mise en scène au Festival d'Odessa, le Grand prix au Festival de Sakhalin, le prix du meilleur film et un prix d'interprétation collective pour les actrices à Sarajevo.

Mustang n'était peut-être pas la meilleure chance pour la France d'être de nouveau nommé aux Oscars dans la catégorie restreinte du meilleur film en langue étrangère. A priori. Depuis Un prophète, aucun film français n'a su se placer dans les cinq finalistes, si l'on excepte Amour, officiellement autrichien. Chaque année, la Commission essaie quelque chose: Des hommes et des dieux, La guerre est déclarée, Intouchables, Renoir, Saint Laurent. Tous recalés (même si Intouchables a finit dans la short list). Souvent on lui préfère des films coproduits par la France (Timbuktu, L'image manquante, ...).

Un contexte concurrentiel qui a évolué

Mais, on peut aussi constater que les membres de l'Académie chargés de sélectionner les finalistes ont aussi des goûts qui ont changé. Des films de genre, des oeuvres au ton décalé, des sujets engagés, ou encore des exercices marquants pour leur formalisme ont souvent eu plus de chances que les comédies dramatiques ou fresques historiques. De plus en plus de pays proposent leur film également, ouvrant la porte à des cinématographies jusque là ignorées. Si certains choix sont contestables, reconnaissons que la catégorie a gagné en diversité, même, si, au final, ce sont souvent les tire-larmes qui gagnent.

En cela Mustang a ses chances: un film ouvert sur le monde, ancré dans son époque et ses problèmes, centré sur la condition de la femme et surtout poignant. Même si parfois le scénario force le trait, "on se laisse en effet envoûter par le ton éminemment libre du film ainsi que par la spontanéité, la justesse et la force de caractère des cinq interprètes" comme nous l'écrivions à Cannes. "Le premier long métrage de Deniz Gamze Ergüven se traverse en apnée, la bouche sèche et les mains tremblantes."

Et pour couronner le tout, le film dispose d'un autre atout: le succès public qu'il a rencontré en France. 13 semaines après sa sortie par Ad Vitam (qui célèbre ses 15 ans d'existence cette année), toujours en salles, Mustang a conquis 450 000 spectateurs.