Pedro Costa triomphe à Locarno

Posté par vincy, le 17 août 2019

Avec 246 films présentés, des honneurs allant d'Hilary Swank à SONG Kang-ho en passant par John Waters et Kiyoshi Kurosawa qui présente To the Ends of the Earth en clôture, le festival de Locarno, pour la première fois dirigé par Lili Hinstin, a persévéré dans son mélange des genres, de l'expérimental au grand public (avec 9500 personnes se précipitant pour voir le dernier Tarantino).

Le jury présidé par Catherine Breillat a couronné Vitalina Varela de Pedro Costa (initialement prévu à Un certain regard à Cannes avant d'être retiré de la liste à la demande du cinéaste portugais) en lui attribuant le Léopard d'or et le prix d'interprétation féminine. Ce drame autour d'une cap-verdienne de 55 ans qui arrive au Portugal trois jours après les funérailles de son mari... Cela fait alors 42 ans que son mari, Joachim, est parti de leur île pour travailler à Lisbonne. Pendant tout ce temps, elle a vécu seule, cultivant la terre de la ferme du couple, qui finalement ne se réunira jamais.Elle découvre alors les bidonvilles de Lisbonne, ces ouvriers capverdiens et leurs histoires.

Costa avait déjà été récompensé à Locarno du prix de la mise en scène en 2014 avec Cavalo Dinheiro.

A noter que le premier film sénégalais Baamum Nafi (Nafi’s Father) de Mamadou Dia repart avec deux prix dont le Léopard d'or de sa section, Cinéastes du présent. Le film raconte l'histoire de deux frères qui se disputent à propos du mariage de leurs enfants.

Palmarès Concorso internazionale

Léopard d’or, Grand Prix du Festival de la Ville de Locarno
Vitalena Varela de Pedro Costa, Portugal

Prix Spécial du jury des Villes d’Ascona et de Losone
Pa-go (Height of the Wave) de Park Jung-bum, Corée du Sud

Prix de la mise en scène de la Ville et de la Région de Locarno
Damien Manivel pour Les enfants d'Isadora, France/Corée du Sud

Léopard pour la meilleure interprétation féminine
Vitalina Varela pour Vitalena Varela de Pedro Costa, Portugal

Léopard pour la meilleure interprétation masculine
Regis Myrupu pour A Febre de Maya Da-Rin, Brésil/France/Allemagne

Mentions Spéciales
Hiruk-Pikuk Si Al-Kisah (The Science of Fictions) de Yosep Anggi Noen, Indonésie/Malaisie/France
Maternal de Maura Delpero, Italie/Argentine

Palmarès Concorso Cineasti del presente

Léopard d'or Cinéastes du présent
Baamum Nafi (Nafi’s Father) de Mamadou Dia, Sénégal

Prix du réalisateur émergent de la Ville et de la Région de Locarno
143 Rue du Désert de Hassen Ferhani, Algérie/France/Qatar

Prix Spécial du jury
Ivana the Terrible de Ivana Mladenovi?, Roumanie/Serbie

Mention spéciale
Here For Life de Andrea Luka Zimmerman et Adrian Jackson, Grande-Bretagne

Palmarès Premiers films

Prix pour la meilleure première oeuvre
Baamum Nafi (Nafi’s Father) de Mamadou Dia, Sénégal

Swatch Art Peace Hotel Award
La Paloma y el Lobo (The Dove and the Wolf) de Carlos Lenin, Mexique

Mentions spéciales
Instinct de Halina Reijn, Pays-Bas
Fi Al-Thawra (During Revolution) de Maya Khoury, Syrie/Suède

La cinéaste portugaise Teresa Villaverde à l’honneur au Centre Pompidou

Posté par vincy, le 13 juin 2019

Du Portugal on connaît le regretté et vénéré Manoel de Oliveira, le transgressif Joao Pedro Rodrigues, le poétique Joao César Monteiro, le réaliste Pedro Costa et l'audacieux Miguel Gomes. Entre les vétérans et la jeune garde montant, une femme s'est imposée, devenant par ailleurs l'une des réalisatrices les plus respectées en Europe: Teresa Villaverde.

En 7 longs métrages et trois documentaires depuis 2011, elle a brillé dans les festivals, dès le début de sa carrière: A Idade Maior, son premier film, sélectionné à la Berlinale, Três Irmaos, son deuxième long, qui a valu un prix d'interprétation féminine à Maria de Medeiros à Venise, le suivant, Os Mutantes, sélectionné à Un certain regard à Cannes, Transe présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes... Venise, c'est un peu son festival d'ailleurs, puisqu'elle y a présenté Eau et sel et Cisne, en plus de lui consacrer un documentaire. Son dernier film, Contre ton cœur, qui sortira le 19 juin en France, était en compétition à Berlin en 2017 et a été présenté à l'Acid à Cannes.

Du 14 au 30 juin, le Centre Pompidou va présenter l'ensemble de son œuvre. A 53 ans, la cinéaste continue d'explorer la difficulté du vivre ensemble et la précarité des peuples. "Autodidacte de formation, ses premières œuvres content des personnages, des lieux et des thèmes sociaux présentant des affinités avec le travail développés au même moment par d’autres cinéastes de sa génération comme Pedro Costa ou João Canijo – la mélancolie et la révolte, le sentiment d’être orphelin, l’interrogation sur la jeunesse inadaptée, l’hostilité de l’espace urbain" explique Pompidou, qui rappelle que son cinéma est "rageur, engagé et irrémédiablement féminin."

Teresa Villaverde aime filmer des survivants à un monde naturellement hostile. La notion de solidarité traverse son œuvre, énergique et combattive. "En Europe on ressent de plus en plus l’imposition d’un cinéma narratif. L’auteur écrit un scénario qu’il envoie aux bureaucrates de la télévision. Avant de naître il est déjà chez le médecin ! Mais le cinéma est bien plus qu’un fil narratif. C’est le temps, le silence, l’image, le son, le cinéma est plus proche de la poésie, du moins il devrait" explique-t-elle. Sa masterclass aura lieu le 22 juin à 17h.

La rétrospective, qui comprend 8 longs et 5 formats courts, montrera aussi Le Thermomètre de Galilée, son documentaire inédit réalisé l'an dernier, où pendant tout un été, la réalisatrice est restée avec le cinéaste  culte italien Tonino De Bernardi.

Cannes 2018: 12 films à l’ACID

Posté par vincy, le 17 avril 2018

Pour sa 26ème édition, les cinéastes de l'ACID propose un programme de 9 longs métrages, enrichi d'une séance spéciale « ACID Patr imoine » et d'un focus sur le cinéma portugais, l'ACID TRIP #2. Au total 12 films, dont 10 premiers longs, seront présentés dans la sélection "off" du festival de Cannes.

Sélection

L'AMOUR DEBOUT de Michaël Dacheux (France)
avec Paul Delbreil, Adèle Csech, Samuel Fasse, Jean-Christophe Marti, Thibaut Destouches, Shirley Mirande, Pascal Cervo, Françoise Lebrun

BAD BAD WINTER de Olga Korotko (Kazakhstan)
avec Tolganay Talgat, Marat Abishev, Zhalgas Zhangazin, Nurgul Alpysbayeva, Tair Magzumov

CASSANDRO THE EXOTICO ! de Marie Losier (France)
avec Cassandro - Documentaire

DANS LA TERRIBLE JUNGLE de Caroline Capelle & Ombline Ley (France)
avec Ophélie Lefebvre, Léa Lenoir, Médéric Sergott, Ophélie Dufromentel, Alexis Dardenne, Émeline Colard, Valentin Dufour

IL SE PASSE QUELQUE CHOSE de Anne Alix (France)
avec Lola Dueñas et Bojena Horackova

SEULE A MON MARIAGE de Marta Bergman (Belgique)
avec Alina ?erban, Tom Vermeir, Rebeca Anghel, Marie Denarnaud, Marian ?amu, Viorica Tudor, Johan Leysen, Karin Tanghe, Jonas Bloquet

THUNDER ROAD de Jim Cummings (Etats-Unis)
avec Jim Cummings, Kendal Farr, Nican Robinson, Chelsea Edmundson, Macon Blair, Bill Wise

UN VIOLENT DÉSIR DE BONHEUR de Clément Schneider (France)
avec Quentin Dolmaire, Grace Seri, Francis Leplay, Franc Bruneau, Vincent Cardona

NOUS, LES COYOTES / WE THE COYOTES de Hanna Ladoul & Marco La Via (France/Etats-Unis)
avec Morgan Saylor, McCaul Lombardi, Betsy Brandt, Khleo Thomas, Lorelei Linklater, Cameron Crovetti, Nicholas Crovetti, Vivian Bang, Ravil Isyanov

Acid Trip #2 Portugal

VERÃO DANADO de Pedro Cabeleira
avec Pedro Marujo, Lia Carvalho, Ana Valentim, Daniel Viana, Sérgio Coragem

TERRA FRANCA de Leonor Teles
Documentaire

COLO de Teresa Villaverde
avec Joao Pedro Vaz, Alice Alergaria, Beatriz Batarda, Clara Jost, Tomas Gomes

Séance spéciale - Mai 68

REPRISE de Hervé Le Roux
Avec : Georges Abbachi, Edmond Adler, Jean-Louis Blanc et Pierre Bonneau - Documentaire

Le cinéma lusophone à l’honneur de Visions Sociales 2018

Posté par vincy, le 14 avril 2018

Ce n'est pas forcément la sélection la plus connue du festival, mais elle existe depuis déjà 16 ans. Visions Sociales aura lieu du 12 au 19 mai à Mandelieu - La Napoule.

Cette année, le parrain est Nicolas Philibert (Être et avoir), qui présentera deux de ses films : La Maison de la Radio et Retour en Normandie.

Visions sociales a décidé de mettre en lumière le cinéma lusophone (de langue portugaise).

  • Menina de Cristina Pinheiro
  • Saint Georges de Marco Martins
  • L’Usine de Rien de Pedro Pinho
  • Arábia de João Dumans
  • Comboio del sal e azuçar de Licínio Azevedo
  • Pela janela de Caroline Leone
  • Lettres de la guerre d'Ivo M. Ferreira
  • Tous les rêves du monde de Laurence Ferreira-Barbosa

Les partenaires de Visions Sociales, l’Acid, la Semaine de la Critique, la Quinzaine des Réalisateurs et Un Certain Regard complètent la programmation en présentant un film inédit de leur sélection. Le festival proposera également de découvrir des films soutenus par les Activités sociales comme Ausência de Chico Teixeira, Ultimo dias en La habana de Fernando Perez, Il filglio de Dario Albertini, Wajib d’Annemarie Jacir ou encore Winter Brothers d’Hlynur Pálmason.

A cela s'ajoutent des rencontres et des débats, notamment celle avec Tangui Perron, auteur de L'écran rouge, syndicalisme et cinéma de Gabin à Belmondo, que L(Atelier publiera le 17 mai, et une autre consacrée à "Mai et Juin 1968: une rébellion ouvrière".

Le programme

Cannes 2017: les critiques internationaux ont le coup de cœur pour un film français

Posté par vincy, le 27 mai 2017

Le jury FIPRESCI (Critique internationale) a attribué ses prix ce samedi 26 mai.

Pour la compétition, 120 battements par minutes de Robin Campillo, l'un des favoris pour la Palme d'or avec Faute d'amour et You Were Never Really Here, a été consacré.

Une vie à l’étroit (Tesnota), du russe Kantemir Balagov, dont c'est le premier film, a reçu le prix pour la section Un certain regard.

L’usine de rien (A Fabrica de Nada)
du portugais Pedro Pinho (Quinzaine des réalisateurs) a remporté le prix pour l'ensemble des sections parallèles.

Berlin 2017 : la situation économique portugaise s’invite en compétition avec Colo de Teresa Villaverde

Posté par MpM, le 15 février 2017

Il aura fallu attendre le 6e jour du 67e Festival de Berlin pour que la crise économique européenne fasse son apparition dans la compétition. La réalisatrice portugaise Teresa Villaverde, qui est de retour à Berlin après avoir été sélectionnée en 1991 au Forum pour le film Alex, a en effet posé sa caméra au sein d'une famille dont le père est au chômage depuis un long moment tandis que la mère cumule plusieurs emplois en même temps pour subvenir aux besoins de la famille. Lorsque le film commence, la situation est déjà bien installée. On sent à de petites choses (notamment l'anxiété du père lorsque sa femme tarde à rentrer) que le lent processus de détérioration de la cellule familiale est bien entamé. Même si les relations entre les personnages sont en apparence normales, on sent entre eux un malaise, une fragilité fébrile qui trahit l'éloignement et surtout l'isolement de chacun. Le père est à fleur de peau, sa femme dissimule son immense fatigue derrière une gaieté de façade, et la fille adolescente fait ce qu'elle peut pour s'extirper de ce tourbillon délétère et continuer à vivre normalement sa vie.

La réalisatrice observe ses personnages de loin, dans des plans souvent d'une grande beauté plastique et composés comme des tableaux. Elle les fige dans des encadrements de porte ou de fenêtre, individus coincés dans leur propre vie, les filme de haut, petits êtres malhabiles et perdus, les place derrière des vitres qui empêchent de les entendre parler, eux pour qui la communication est chaque jour plus ardue et moins spontanée. Chaque choix de mise en scène reflète ainsi l'empêchement des personnages, leurs aspirations ratées et leurs regrets pesants. Mais là où Teresa Villaverde est la meilleure, c'est dans sa représentation de l'errance, physique comme psychique. Ce n'est pas un hasard si chaque personnage est tenté par l'option de la disparition ou de la fuite pure et simple.

Plus allégorique que documentaire

La réalisatrice prend son temps pour montrer ces tentatives d'évasion, ces espoirs ténus d'échapper à l'étau de la misère et des larmes. Quitte à sembler aride (et trop long), le film accompagne les uns et les autres dans leurs déambulations désespérées, laissant respirer chaque scène et filant d'un bout à l'autre la métaphore de l'eau qui tantôt les conforte, tantôt les entraîne à la dérive. On est très clairement plus au niveau de la sensation et du non dit que dans l'explication ou l'hystérie. Les indices sont même plutôt épars : la mort de l'oiseau, la coupure d'électricité , le renoncement de la mère à maintenir l'image d'une famille unie... On a ainsi l'impression de faire face à une sensation d'étouffement larvé, comme un piège qui se referme lentement mais inexorablement sur ses victimes.

Cette manière de laisser la réalité économique du Portugal contaminer le récit sans jamais être mentionnée permet à Teresa Villaverde de réaliser un film plus allégorique que documentaire, où la recherche formelle va toujours de pair avec le propos, et dans lequel la famille en décomposition devient la métaphore du pays lui-même. Malgré les réserves que l'on peut émettre sur le film, qui n'est pas totalement abouti dans sa démonstration, et souffre de quelques longueurs, il faut reconnaître qu'on avait grandement besoin, dans cette édition en demi-teinte d'une Berlinale où se succèdent les films anecdotiques, d'une œuvre qui allie aussi fortement l'esthétisme d'un cinéma sensoriel à la démarche résolument politique d'une cinéaste soucieuse de parler de son époque.

-------
Lire aussi Le cinéma portugais menacé par un décret-loi du gouvernement

Le cinéma portugais menacé par un décret-loi du gouvernement

Posté par vincy, le 13 février 2017

joao pedro rodrigues

Dans la boîte aux lettres ce matin, il y avait une lettre de protestation et appel à solidarité venant du Portugal: réalisateurs, producteurs, acteurs, techniciens, distributeurs, syndicats et festivals de cinéma ont signé cette lettre au gouvernement portugais et demande le soutien de la communauté internationale du cinéma, dont plusieurs artistes et professionnels (Almodovar, Costa-Gavras, Audiard, Carax, Assayas, Solondz, Ade, Jaoui, Rohrwacher, Salles, Bonello, Tavernier, Desplechin, Dumont, Klapisch, Sciamma...) se joignent aux signatures nationales, de Joao Pedro Rodrigues à Miguel Gomes (la liste complète ici).

"La production portugaise passe rarement le seuil d’une douzaine de longs métrages par an. Malgré cela, un pourcentage très élevé de ses films est présent dans les festivals internationaux. Cette visibilité mondiale est due à une politique culturelle aujourd’hui en danger.

Depuis plusieurs décennies, le Portugal est un cas à part au sein de la production cinématographique mondiale. Dans ce petit pays sans marché interne pour nourrir une industrie, rares sont les années où la production nationale passe le seuil d’une douzaine de longs métrages. Malgré cela, un pourcentage très élevé de ces films est présent dans les festivals internationaux. A partir de la décennie 80, et de manière systématique, le cinéma portugais a fait l’objet de cycles et d’hommages ; des rétrospectives des films de nombreux cinéastes portugais ont été organisées - les uns en activité (certains signataires de ce texte), les autres malheureusement déjà disparus (João César Monteiro, Paulo Rocha, Fernando Lopes, António Reis, José Álvaro Morais, António Campos ou, bien sûr, Manoel de Oliveira). Le «miracle» de cette visibilité internationale, disproportionnelle au regard d’une production si faible - et qui a perduré pendant plusieurs décennies et concerné plusieurs générations d’auteurs - est certainement dû au mérite des réalisateurs, des techniciens, des acteurs et des producteurs de cinéma portugais. Mais le mérite revient aussi à une politique culturelle qui a établi des bases pour garantir la liberté de création et qui a rendu possible la production d’un cinéma marqué par la forte singularité de ses propositions. C’est ainsi que s’est consolidée l’image du cinéma fait au Portugal.

Cette politique culturelle, qui a permis l’existence de ce cinéma et qui a ouvert les portes à la diversité, a mis en place des lois du cinéma et un Institut public (l’Institut du cinéma et de l’audiovisuel, l’ICA) pour les appliquer, organisant de manière continue des concours publics pour le soutien financier à la production de films. Ces concours se déroulent selon des règles de participation transparentes et des critères d’évaluation compatibles avec la politique mise en œuvre par le ministère de la Culture, avec des jurés choisis par l’Institut et définis par la loi comme «personnalités compétentes, au mérite culturel reconnu». Ainsi, des cinéastes et des techniciens du cinéma, mais aussi des critiques, artistes plasticiens, écrivains, architectes, musiciens, programmateurs culturels ou professeurs universitaires ont été appelés à être jurés pour évaluer les projets de films.

Depuis 2013, un décret-loi revenant sur la loi du cinéma et une nouvelle direction de l’ICA, allergique aux responsabilités et méconnaissant son rôle de régulateur dans ce processus, ont transféré la tâche de choisir des jurés à un comité où sont représentés tous les intéressés par les résultats des concours : associations professionnelles, représentants des télévisions, représentants des opérateurs de télécommunications jouant un rôle de diffuseur, entre autres. C’est à ce comité corporatif qu’est revenu le rôle d’indiquer à l’ICA les noms des jurés pour évaluer les projets de films, avec, dans de nombreux cas, une très claire connivence entre ceux qui nomment et ceux qui sont nommés.

Le résultat ne s’est pas fait attendre : les exigences inscrites dans le règlement quant aux profils des jurés, «personnalités au mérite culturel reconnu», ont manifestement cessé de faire sens au regard des jurés actuels. Dans les dernières années, on a pu compter parmi les décisionnaires des projets de films des administrateurs de banques liés au cinéma, des acteurs de telenovelas ou des directeurs de marketing d’opérateurs de télécommunications…

Le gouvernement actuel, otage de la pression exercée par les opérateurs de chaînes câblées, se prépare maintenant à homologuer un nouveau décret-loi qui perpétue et aggrave cette procédure. Un ensemble très représentatif de réalisateurs et de producteurs portugais s’est manifesté contre ce système vicié par les conflits d’intérêts, et ils ont assuré à la tutelle qu’ils se refusent fondamentalement à faire partie de ce processus de nomination : ils ne veulent pas influencer la nomination des jurés ni n’acceptent que d’autres, ayant des intérêts dans les résultats des concours, puissent participer au processus. Ils croient que la transparence ne peut être assurée que si la nomination des jurés revient à l’exclusive compétence de l’ICA. Une bonne fois pour toutes, ils veulent une direction de l’ICA capable d’assumer ses responsabilités, en toute conscience de son double rôle d’exécuteur de la politique culturelle pour le cinéma et de régulateur de cette activité.

Les signataires de ce texte veulent rappeler à l’Etat que le cinéma portugais n’est pas qu’une question nationale. C’est pourquoi, ils manifestent leur solidarité avec les réalisateurs et les producteurs portugais qui se sont opposés à ce processus et manifestent leur rejet au cas où le décret-loi serait homologué."

João Pedro Rodrigues en version intégrale au Centre Pompidou

Posté par vincy, le 25 novembre 2016

joao pedro rodrigues

18 films mais aussi deux courts où il n'est qu'acteur, quatre films dont il a encadré le travail issus de l'école du Fresnoy, une installation et un livre: jusqu'au 2 janvier 2017, le Centre Pompidou déroule le tapis rouge au cinéaste portugais João Pedro Rodrigues.

La rétrospective commence ce vendredi 25 novembre avec la projection des deux derniers films du réalisateur: Où en êtes-vous, João Pedro Rodrigues ?, autoportrait de 21 minutes réalisé sur une commande du Centre Pompidou, et L’Ornithologue, qui sort en salles mercredi. Léopard d’argent du meilleur réalisateur au Festival de Locarno, le film vient aussi d'être plébiscité au Festival Chéries-Chéris où il a remporté le Grand prix du jury et le Prix du public.

Cette séance d'ouverture sera suivie du vernissage de l’installation Santo António, de João Pedro Rodrigues et de son complice toujours João Rui Guerra da Mata. Après le Mimesis Art Museum en Corée du Sud et le Radcliffe Institute aux États-Unis, cette création de 2013 sera montrée pour la première fois en Europe. "Si on ne me commandait pas ces installations, je ne les aurai pas faites" avoue le cinéaste.

João Pedro Rodrigues a commencé en étant assistant-réalisateur et monteur pour Pedro Costa, Rita Azevedo Gomes et Maria de Medeiros avant de tourner son premier court métrage en 1997. Il fête ses 50 ans cette années et aborde les 20 ans de sa carrière. Deux caps. Son cinéma est sauvage et libre, sexuel et mélancolique, fantastique et poétique, et ses personnages, entre errance et solitude, obsessions et angoisses, se transforment sous nos yeux. Il revendique l'audace et la singularité, refuse tout formatage, comme il nous l'a expliqué dans un entretien à Ecran Noir.

"Ça fait du sens que ça tombe maintenant"

"J'ai déjà eu des rétrospectives, notamment aux Etats-Unis et dans quelques festivals" nous explique-t-il. "Mais je n'ai jamais fait une rétrospective comme ça, aussi complète, où j'accompagne les films" précise le cinéaste. "C'est drôle parce que ça tombe à mes 50 ans. Et quand on passe les décades, on regarde un peu en arrière. J'ai fait L'Ornithologue, et même si ce n'est pas un film autobiographique, il y a beaucoup de moi. Pompidou m'a demandé de faire un film et c'est un autoportrait. Ça fait du sens que ça tombe maintenant" selon lui.

Le cinéaste présentera les projections de ses films. En bonus, le Centre Pompidou organise une rencontre le 10 décembre à 16 h, avec un concert de la violoncelliste Séverine Ballon une séance de signature pour le livre d'entretiens Le jardin des fauves.

Filmographie de João Pedro Rodrigues
- 1988 Le Berger
- 1997 Joyeux anniversaire !
Voici ma maison
- 1999 Voyage à l’Expo
- 2000 O Fantasma
- 2005 Odete
- 2007 China, China (coréalisé avec João Rui Guerra da Mata)
- 2008 Camouflage Self-Portrait
- 2009 Mourir comme un homme
- 2011 Aube rouge (coréalisé avec João Rui Guerra da Mata)
- 2012 Matin de la Saint-Antoine
La dernière fois que j’ai vu Macao (coréalisé avec João Rui Guerra da Mata)
- 2013 Le Corps du roi
Mahjong (coréalisé avec João Rui Guerra da Mata)
Allegoria della prudenza
- 2014 Iec Long (coréalisé avec João Rui Guerra da Mata)
- 2016 L’Ornithologue
Où en êtes-vous, João Pedro Rorigues ?

Cannes 2016: les prétendants européens

Posté par vincy, le 6 mars 2016

julieta almodovar

Troisième liste des prétendants pour le Festival de Cannes 2016. A moins de deux mois du Festival, faisons un point sur les films qui pourraient être sur la Croisette. La concurrence sera rude. Roumains, britanniques, espagnols (même si les films de Agustín Díaz Yanes et Fernando Trueba ne seront sans doute pas prêts) sont sur les starting-blocks. Pour Aki Kaurismaki et Sergei Loznitsa on attendra Cannes 2017... Il n'y aura pas de place pour tout le monde dans cette liste non exhaustive. Mais il est certain que les abonnés du Festival y trouveront leur place dans les différentes sélections (Ab Fab hors compét ou juste de passage, that is the question). L'Europe, une fois de plus en force? En tout cas, le menu est alléchant, même s'il n'y en a qu'un tiers de retenu.

- Paris pieds nus, de Dominique Abel et Fiona Gordon, avec Emmanuelle Riva et Pierre Richard
- Julieta, de Pedro Almodovar, avec Adriana Ugarte, Rossy de Palma, Michelle Jenner et Emma Suarez
- American Honey, d'Andrea Arnold, avec Sasha Lane, Shia LaBeouf et McCaul Lombardi
- Fais de beaux rêves (Fai bei sogni), de Marco Bellocchio, avec Bérénice Bejo, Valerio Mastandrea et Fabrizio Gifuni
- I Want to Be Like You, de Konstantin Bojanov, avec Thure Lindhardt, Kim Bodnia et Lubna Azabal
- Viceroy’s House, de Gurinder Chadha, avec Gillian Anderson, Michael Gambon, Hugh Bonneville et Om Puri
- Tulip Fever, de Justin Chadwick, avec Alicia Vikander, Cara Delevingne et Christoph Waltz
- La fille inconnue, de Luc et Jean-Pierre Dardenne, avec Adèle Haenel, Jérémie Renier et Olivier Gourmet
- La vita possibile, d'Ivano De Matteo, avec Margherita Buy, Valeria Golino, Andrea Pittorino
- Souvenir, de Bavo Defune, avec Isabelle Huppert, Johan Leysen, Kévin Azaïs
- Timm Thaler, d'Andreas Dersen, avec Arved Friese, Justus von Dohnányi et Axel Prahl
- Anthropoid, de Sean Ellis, avec Jamie Dornan, Cillian Murphy et Charlotte Le Bon
- Absolutely Fabulous: The Movie, de Mandy Fletcher, avec Joanna Lumley et Jennifer Saunders
- Florence Foster Jenkins, de Stephen Frears, avec Meryl Streep, Hugh Grant et Rebecca Ferguson
- The Promise, de Terry George, avec Christian Bale, Oscar Isaac et Charlotte Le Bon
- Walking to Paris, de Peter Greenaway, avec Emun Elliott, Carla Juri et Gianni Capaldi
- Glory, de Kristina Grozeva et Petar Valchano, avec Stefan Denolyubov et Margita Gosheva
- Heartstone, de Gudmundur Arnar Gudmundsson, avec Soren Malling, Nina Dögg Filippusdottir et Gunnar Jonsson
- Valley of Shadows, de Jonas Matzow Gulbrandsen, avec Kathrine Fagerland
- Salt and Fire, de Werner Herzog, avec Michael Shannon et Gael García Bernal
- Quit Staring at my Plate, d'Hana Jusic, avec Zlatko Buric
- Ray, d'Andrey Konchalovski , avec Yuliya Vysotskaya, Christian Clauss et Philippe Duquesne
- Le long de la voie lactée (On the Milky Way), d'Emir Kusturica, avec Monica Bellucci et Sergej Trifunovic
- L'économie du couple, de Joachim Lafosse, avec Bérénice Bejo, Marthe Keller, Catherine Salée et Cédric Kahn
- I, Daniel Blake, de Ken Loach, avec Hayley Squires, Natalie Ann Jamieson et Dave Johns
- Queen of Spades, de Pavel Lungin, avec Kseniya Rappoport, Ivan Yankovskiy et Igor Mirkurbanov
- Deep Water, de James Marsh, avec Rachel Weisz, Colin Firth et David Thewlis
- Dogs, de Bogdan Mirica, avec Dragos Bucur, Gheorghe Visu et Vlad Ivanov
- Rumeno, de Catalin Mitulescu, avec Alexandru Potocean, Ada Condeescu et Giada Laudicina
- Photo de famille (Fotografii de familie), de Cristian Mungiu, avec Vlad Ivanov, Maria-Victoria Dragus et Ioachim Ciobanu
- The Giant (Jätten), de Johannes Nyholm, avec Christian Eriksson, Johan Kylén et Anna Bjelkerud
- Mindörökké, de György Pálfi, avec Julia Ubrankovics, Tamás Polgár et Attila Menszátor-Héresz
- Sieranevada, de Cristi Puiu, avec Mimi Branescu et Bogdan Dumitrache
- L'ornithologue, de Joao Pedro Rodrigues, avec Paul Hamy et Chan Suan
- La Mort de Louis XIV, d'Albert Serra, avec Jean-Pierre Léaud, Patrick d'Assumçao et Marc Susini
- Luxembourg, de Myroslav Slaboshpytskiy
- Zoology, de Ivan I. Tverdovsky, avec Masha Tokareva, Aleksandr Gorchilin et Zhanetta Demikhova
- A Hologram for the King, de Tom Tykwer, avec Tom Hanks, Ben Whishaw, Tom Skerritt et Sidse Babett Knudsen
- Skokan, de Petr Vaclav, avec Karidja Touré, Klaudia Dudová et Leslie-Joy
- Elle, de Paul Verhoeven, avec Isabelle Huppert, Christian Berkel, Anne Consigny, Laurent Lafitte et Virginie Efira
- Les beaux jours d'Aranjuez, de Wim Wenders, avec Sophie Semin, Reda Kateb et Nick Cave
- Free fire, de Ben Wheatley, avec Brie Larson, Cillian Murphy et Armie Hammer
- The Neon Demon, de Nicolas Winding Refn, avec Keanu Reeves, Christina Hendricks et Jena Malone

Cannes 2015 : premières impressions sur les 1001 nuits de Miguel Gomes

Posté par MpM, le 17 mai 2015

Le nouveau film de Miguel Gomes, présenté à la Quinzaine des réalisateurs cette année au Festival de Cannes, dure environ 6h et se présente sous la forme de trois volets projetés à plusieurs jours d'intervalle. Plutôt logique pour un film "feuilletonnant" inspiré de la structure des Mille et une nuits et qui entend donc tenir le spectateur en haleine. Avec le premier volet, L'inquiet, pari plutôt réussi puisqu'on est follement impatient de découvrir la suite. Le cinéaste sera-t-il capable, telle une Schéhérazade des temps modernes, de tenir la longueur sans se répéter ? La première partie est en tout cas prometteuse.

Pendant vingt-cinq minutes, le film raconte en parallèle la fermeture du chantier naval et la lutte contre des guêpes tueuses d'abeilles dans la ville de Viana de Castello. À l'image comme dans la bande-son, les deux se mêlent. Un ouvrier licencié témoigne tandis qu'à l'écran un nid de guêpe brûle. Le récit du tueur de guêpes et les souvenirs des ouvriers au chômage alternent. En parallèle, Miguel Gomes se met lui-même en scène en réalisateur bourré d'angoisses qui fuit son équipe de tournage. Ce qui l'amène à leur raconter des histoires pour garder la vie sauve.

Passée cette première partie qui hésite entre documentaire et auto fiction barrée, le film laisse alors la place à la version moderne, sociale et portugaise des 1001 nuits. Non pas une adaptation des histoires originales, mais une succession d'histoires inspirées de la situation du Portugal en 2013.

Ce premier volet permet de découvrir trois récits et d'avoir un premier aperçu sur le ton général du film, qui s'avère caustique, engagé et cruel. Gomes se moque des dirigeants politiques, de la Banque centrale européenne, de la troïka. Il dénoncent ceux qui veulent faire taire les contestataires ou empêcher l'éveil des consciences. Il raconte crûment la lente descente aux enfers de ceux qui se retrouvent au chômage. Avec un ton satirique, fantastique et même grotesque, il tire sur les profiteurs qui saignent le Portugal aux quatre veines et brosse un portrait terrible de la crise portugaise.

Tel un Robin des bois cinématographique, le réalisateur prend donc (du temps de parole) aux puissants pour donner aux faibles. C'est réjouissant, foisonnant d'idées d'écriture et de mise en scène, baroque et totalement libre. Tout simplement brillant et malin. Car une fois le premier volet terminé, on est comme le roi du conte : suspendu aux lèvres du narrateur.