Vesoul 2018: Bagage de Zig Dulay, une histoire de bébés abandonnés

Posté par kristofy, le 2 février 2018

zig dulay ©ecrannoirLe Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul c'est la découverte de films en provenance d' Iran, Afghanistan, Malaisie, Chine, Corée du Sud, Philippines, ou du Japon. Recevoir un prix à Vesoul est d'ailleurs un coup de projecteur pour favoriser ensuite une sortie en salles en France, comme par exemple Les lauriers roses-rouges (Under construction) le 7 juin 2017, Tharlo, le berger tibétain ce 3 janvier dernier ou Hotel Salvation le 21 mars prochain.

Aujourd'hui on s'envole vers les Philippines dont on connait surtout les films de Brillante Mendoza. On se demande pourquoi les distributeurs n'ont pas fait sortir par exemple les films de Lawrence Fajardo (Invisible) ou de Edouardo Roy Jr, passé à Vesoul mais aussi par Berlin (Baby factory, le quotidien d’une maternité à travers différentes mamans, infirmières, bébés ou Quick change, histoire de transsexuels avec un trafic illégal de produits de chirurgie esthétique).

Un nouveau nom est à suivre : le réalisateur Zig Dulay (qui est aussi scénariste, monteur, producteur), venu à Vesoul présenter Bagage avec comme héroïne l'actrice Angeli Bayani (que l'on connaît depuis Ilo Ilo qui avait eu le prix Caméra d'or à Cannes en 2013).

Le pitch: Alors que toute la famille célèbre le retour au pays de Mercy Agbunag, des agents du Bureau National des Investigations viennent la chercher Mercy pour enquêter sur la découverte d’un nouveau-né qui a été jeté dans la poubelle d'un avion. Mercy était à bord de cet avion, elle va devoir passer entre les mains de divers organismes : police, hôpital, refuge des services sociaux, médias avides de sensationnalisme...

Le style du film et son esthétique visant au réalisme nous sont déjà familiers: la caméra est presque toujours tournée vers le personnage principal dont on suit autant la trajectoire géographique dans différents lieux que son parcours émotionnel. Ici c'est une femme, déjà mère de famille, qui est accusée d'avoir donner naissance à un bébé et de l'avoir abandonné dans un avion. L'enquête va d'abord viser son corps avec divers examens médicaux puis sa conscience avec une demande d'aveux qu'elle ne fait pas : est-elle vraiment coupable, que s'est-il passé ?

Inspiré de faits divers

Zig Dulay a donné cet éclairage : « Le film est inspirés de différents faits-divers de femmes ayant dû accoucher dans les toilettes d'aéroport et qui y ont abandonné le bébé. Il y a aussi eu un cas d'un bébé oublié dans les toilettes d'un avion. C'était à chaque fois des avions qui venaient de pays du Moyen-Orient. Il y avait d'ailleurs une histoire où le bébé trouvé avait été appelé Rosario. J'ai gardé ce prénom. Tout ça m'a inspiré l'écriture de ce film Bagage. Ce titre a une double signification, à la fois la charge trop lourde que représente ce bébé pour sa mère, et aussi le fait que ce type d'histoire représente un poids social pour le pays car ce qui est raconté se produit encore et toujours. Aux Philippines on traite ce genre d'affaire presque comme quelque chose de quotidien, il y a des réactions quand ça arrive mais on ne fait pas grand chose pour éviter ce type de problème. La justice est limitée à sa juridiction sans pouvoir enquêter en direction de criminels d'un autre pays étranger et essaie de savoir qui est la mère qui a abandonné le bébé. Avec Bagage j'ai voulu montrer ce cercle vicieux où des femmes sont d'abord coupables avant d'être éventuellement ensuite comprise comme étant victimes.»

Vesoul 2018 : Wang Xiaoshuai, Mohamad Malas et la Mongolie à l’honneur

Posté par kristofy, le 30 janvier 2018

C’est LE festival asiatique majeur et pour sa 24e édition, les regards vont de nouveau se tourner vers l’est en région Bourgogne-Franche-Comté : le Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul va rendre hommage au chinois Wang Xiaoshuai (avec 11 films dont certains inédits) et au syrien Mohamad Malas (avec l'intégrale de ses films), et faire découvrir un large panorama du cinéma de Mongolie !

« Si l’une des missions du FICA de Vesoul est de mettre à l’honneur les films totalement inédits de futurs talents de demain dans les sections compétitives, elle est aussi de faire connaître et reconnaître des cinématographies peu ou mal connues. Proposer une rétrospective implique pendant plusieurs années l’étude de l’histoire du cinéma et de l’histoire du pays souvent intimement mêlées, le visionnement de centaines de films, des déplacements et des contacts sur place, l’aide à la restauration de certaines copies, la traduction et la création de sous-titres en français… » C’est cela le Festival de Vesoul, aller dénicher des films inédits en France ou en Europe, voire des films devenus invisibles (l’année dernière, c’était le Skri Lanka et la Georgie qui étaient à l'honneur). On y verra donc plus d’une quinzaine de films en provenance de Mongolie, dont des trésors qui datent de 1936, 1938, 1954 et d’autres plus récents.

Avec une sélection thématique "Paroles de femmes" (rattrapée par l’actualité), ses différents films en avant-première, et ses films en compétition pour un Cyclo d’or, le FICA de Vesoul va proposer de découvrir presque une centaine d’œuvres asiatiques du proche à l’extrême orient. Le jury international pour les fictions en compétition sera présidé par Wang Xiaoshuai (qui a déjà été récompensé à Cannes comme à Berlin), avec à ses côtés Mohamad Malas, Mai Masri et l’actrice philippine Liza Dino.

Au fil des multiples séances toute la journée, ce sont environ 30 000 spectateurs qui vont être accueillis sur une semaine, beaucoup de projections sont suivies d’ailleurs par un débat : cette année sont invités par exemple Byambasuren Davana, Zig Dulay, Lee Dong-eun, Lee Kwang-kuk, Ebrahim Mokhtari, Morigaki Yukihiro, Pengfei, Roya Sadat, Tan Seng Kiat, et aussi Wang Chao.

C’est Hotel salvation qui fait l’ouverture du festival (avant sa sortie en salles le 21 mars), et pour la clôture c’est Centaure (qui sera sur les écrans à partir de ce 31 janvier).


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24e Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul
Du 30 janvier au 6 février 2018
Informations pratiques sur le site de la manifestation

Vesoul 2017 : Des femmes et des bébés au palmarès

Posté par kristofy, le 15 février 2017

Le 23ème Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul s'est terminée avec sa chaleureuse convivialité habituelle et beaucoup de promesses pour le rendez-vous de l'année prochaine. La manifestation prend de plus en plus d'ampleur localement (avec des lycéens, d'autres salles dans d'autres villes proches, incluant même un débat en duplex, et une programmation post-festival à Paris et ailleurs) et à l'international (au festival de Busan en Corée, on parle autant de Vesoul que de Berlin, pour beaucoup d'invités la ville vosgienne restera leur première étape de découverte de la France...), tant et si bien que de nombreuses séances ont affiché 'complet'. Sur une semaine il y a eu tout de même environ 150 séances et il a fallu en rajouter pour satisfaire la demande.

Nos films préférés

C'est au FICA de Vesoul que l'on voit en avant-première des films comme Tunnel de Kim Seong-hun (sortie le 3 mai), Après la tempête de Kore-eda Hirokazu (découvert à Cannes, sortie le 26 avril), The Bacchus Lady de Lee Je-yong (en ce moment au festival de Berlin), et surtout la riche sélection des films en compétition dont la plupart n'ont pas encore de distributeurs.

Parmi nos préférés il y avait Hotel Salvation de Shubhashish Bhutiani (Inde), Reseba-The Dark Wind de Hussein Hassan (Irak), Baby Beside Me de Son Tae-gyum (Corée du Sud), et 500m 800m de Yao Tian (Chine), ce dernier étant d'ailleurs étrangement complémentaire avec un des films les plus fort d'une autre sélection Blind Mountain de Li Yang...

Le prix du public pour Reseba-The Dark Wind

Comme on le pressentait déjà Reseba-The Dark Wind a fait forte impression sur les festivaliers et repart avec deux prix : prix du public et prix des lycéens.

Mais c'est 500m 800m de Yao Tian qui a gagné le Cyclo d'or du jury international (la cinéaste iranienne Rakhshan Bani-Etemad comme présidente, la réalisatrice géorgienne Rusudan Chkonia, le réalisateur sri lankais Vimukthi Jayasundara et la réalisatrice mongole Byambasuren Davaa) : ce film chinois risque d'ailleurs de ne pas être vu dans son propre pays tant il critique la politique de l'enfant unique en Chine (qui a été assouplie depuis 2016).

Yao Tian, fils unique, Cyclo d'or

Le réalisateur Yao Tian qui était présent à Vesoul avait expliqué que «Je suis né dans les années 80 et je n'ai pas eu de petit frère ou petite sœur à cause de cette injonction de l'enfant unique. Ce n'était pas possible car sinon il y avait une très grosse amende impossible à payer, de plus pour qui avait un travail de fonctionnaire c'était le renvoi de cet emploi. Si jamais une seconde grossesse arrivait tout de même c'était comme dans le film 500m 800m, pas possible de donner naissance à un deuxième enfant, il n'y avait pas vraiment de limite au nombre de mois de grossesse pour un avortement (ndlr : comme une séquence marquante du film). Cette politique de l'enfant unique a durer longtemps et au bout d'un moment il y a eu un vieillissement de la population, c'est pourquoi ça a été changé début 2016 avec l'autorisation d'un deuxième enfant. »

Le titre du film 500m 800m évoque deux endroits voisins où s'est construit le barrage des Trois Gorges : dans le village rural à plus de 800 mètres d'altitudes un second enfant était permis sous certaines conditions (si le premier enfant était une fille, il fallait attendre 3 ans après sa naissance...) mais ses habitants apprennent qu'on leur ordonne de déménager pour être reloger ailleurs, dans des logements plus modernes, plus bas, sous 500 mètres d'altitude... La décision de tout quitter pour les plus âgés est dure, les autres sont séduits par l'avantage d'avoir enfin une école. Une femme du village au dessus des 800 mètres déjà maman d'une petite fille se retrouve enfin enceinte d'un second enfant (ce qui est permis) et la famille bon gré-mal gré déménage donc, mais là où ils arrivent c'est l'application stricte de la politique de l'enfant unique : il lui est interdit de garder son bébé à naître...

reseba the dark windGrossesses, viols, avortements, traditions, maternité: la femme dans tous ses états

A noter que la grossesse était un sujet de société et un sujet de débat dans de nombreux films du FICA de Vesoul cette année, dont certains se retrouvent dans le palmarès. En Chine dans 500m 800m il y a des avortements forcés dans le cadre de la politique de l'enfant unique, dans Blind Mountain il y a des jeunes femmes qui sont vendues et retenues prisonnières et violées pour enfanter dans certains villages avec une majorité d'hommes qui désirent eux une descendance... Le viol est d'ailleurs un drame collatéral en période de guerre comme dans This is my moon de Asoka Handagama ou dans Reseba-The Dark Wind de Hussein Hassan. Dans La belle-mère de Samanishvili de Edgar Shengelaia le remariage d'un patriarche implique un futur bébé possible et donc la menace que son héritage soit divisé: on lui cherche une femme stérile. À l'inverse dans The Hunt de Vasantha Obeysekere un bébé né d'une liaison incite une femme à retrouver l'homme géniteur pour l'obliger à sa promesse de se marier avec elle. Quand une femme d'un certain âge se retrouve de nouveau enceinte cela provoque beaucoup de questionnements chez ses proches dans Emma (Mother) de Riri Riza et même des scandales dans Walls Within de Prasanna Vithanage. C'est donc compliqué de décider d'avoir ou pas un enfant, d'ailleurs le débat sur l'avortement est le thème central du film iranien Being Born de Mohsen Abdolvahab , Grand prix du jury, avec en balance des dépenses supplémentaires, le poids de la religion, un épanouissement contrarié... Certaines femmes n'arrivent pas à assumer leur bébé, confié à l'adoption dans The Bacchus Lady de Lee Je-yong parce que sa mère prostituée coréenne a accouché d'un bébé métis suite une relation avec un soldat américain..., dans Baby Beside Me de Son Tae-gyum, Prix Emile Guimet, une mère disparaît du foyer en abandonnant son bébé à son compagnon qui ayant un doute sur sa réelle paternité envisage de le faire adopter.

Le Palmarès du Fica de Vesoul 2017 :

- Cyclo d'Or : 500M 800M de Yao Tian (Chine)
- Grand prix du Jury International : BEING BORN de Mohsen Abdolvahab (Iran)
- Prix du Jury International : GOING THE DISTANCE de Harumoto Yujiro (Japon)
- Mention spéciale du Jury International : Hiromi Hakogi dans HER MOTHER de Sato Yoshinori (Japon)

- Prix du Jury NETPAC : GOING THE DISTANCE de Harumoto Yujiro (Japon)
- Prix de la critique : HOTEL SALVATION de Shubhashish Bhutiani (Inde)
- Prix Emile Guimet : BABY BESIDE ME de Son Tae-gyum (Corée du Sud)
- Coup de cœur du Jury Guimet : GOING THE DISTANCE de Harumoto Yujiro (Japon)
- Prix INALCO : EMMA (Mother) de Riri Riza (Indonésie)
- Coup de coeur INALCO : 500m  800m de Yao Tian (Chine)

- Prix du public du film de fiction : THE DARK WIND de Hussein Hassan (Iraq)
- Prix du Jury Lycéen : THE DARK WIND de Hussein Hassan (Iraq)
- Prix du Public du film documentaire : UN INTOUCHABLE PARMI LES MORTS de Asil Rais (Inde)
- Prix du Jury Jeune : LE CRI INTERDIT de Marjolaine Grappe & Christophe Barreyre (France / Chine)

Vesoul 2017 : coup de projecteur sur le cinéma du Sri Lanka

Posté par kristofy, le 13 février 2017

© michel mollaret - ficaLe Festival des Cinémas d’Asie de Vesoul est l'un des rares évènements qui propose des rétrospectives d'envergure sur des cinématographies rares et méconnues, comme le Laos par exemple. Pour cette édition 2017, ce sont les films du Sri Lanka qui ont été retrouvés et qui nous sont révélés, soit 13 films rares (certains jamais montrés en Europe) qui s'étalent sur la période de 1956 à nos jours.

Le Sri Lanka, comme d’autres pays d’ailleurs, n’a pas une organisation systématique d’archivage et de conservation de ses films de patrimoine (comme la Cinémathèque et le CNC en France…), surtout pour ceux d’avant l’an 2000. Après leur courte exploitation commerciale les bobines ou copies de films sont simplement laissées de côté et abimées ou détruites. Le Sri Lanka ayant, de plus, connu environ 25 années de guerre civile (entre les communautés Cinghalaise et Tamoule), quantité de films ont disparu...

Outre ces films, cette rétrospective inédite « Les Maîtres du cinéma sri-lankais » est complétée par bon nombre de films rares retrouvés là-bas qui n'avaient pas été projetés depuis longtemps, pas même dans la capitale du pays, Colombo. C’est la première fois qu’un tel panorama cinématographique est offert. Cette sélection couvre donc plusieurs décennies de cinéma mais aussi plusieurs régions et plusieurs communautés: les images de certains films sont même la seule archive visuelle d’un mode de vie de certains endroits avant la guerre.

C’est le FICA qui s’est déplacé sur place pour un travail de recherche en allant à la rencontre de passionnés de cinéma, et de cinéastes, dont certains sont à Vesoul. Il y a eu notamment des échanges avec Lester James Peries, considéré comme le ‘père’ du cinéma Skrilankais (97 ans) et sa compagne, également réalisatrice, Sumitra Peries (82 ans).
Prasanna Vithanage est plutôt revenu à Vesoul pour y présenter un film inédit. Il est le réalisateur actuel en vogue avec deux de ses films qui ont déjà été en compétition au FICA : Flowers of the sky en 2009 (mention spéciale d’un jury) et With you, without you en 2013 (Cyclo d’or).

Swarna  Mallawarachchi est elle aussi venue à Vesoul pour plusieurs de ses films : c'est l'actrice la plus récompensée du cinéma Skrilankais avec 26 prix d’interprétation durant sa carrière longue de cinq décennies, dont un Cyclo d’or d’honneur qui lui a été décerné lors de la cérémonie d'ouverture cette année. Quatre films dont elle est l'héroïne sont à découvrir grâce au FICA de Vesoul :

  • Yonger sister (Ponmani), (1978) de Dharmasena Pathiraja (avec Swarna Mallawarachchi) : c’est un réalisateur Cinghalais qui raconte un histoire sur les Tamouls, une démarche qui était rare en 1978, avant la guerre. On découvre qu’une jeune fille cadette de sa famille ne peut pas espérer un mariage tant que sa sœur ainée ne soit elle mariée. La jeune femme doit donner de l’argent pour le mariage (à l’inverse du principe de la dote ailleurs). Complication supplémentaire : la cadette est amoureuse d'un pêcheur, donc de classe sociale inférieure... Un dialogue du film est particulièrement osé et revendicatif pour l'époque : "les gens devraient avoir le droit d'aimer qui ils veulent".
  • A letter written on the sand, (1988) de Sumitra Peries (avec Swarna Mallawarachchi) : film d’une femme réalisatrice (quasiment la seule...) : Sumitra Peries. Avec ce film l'actrice Swarna Mallawarachchi a gagné 4 prix d’interprétation. Une femme élève seule son petit garçon depuis que son mari est décédé, mais elle ne peut plus faire face. Son appel à l'aide et à la solidarité sera dramatiquement ignoré, sauf par un homme du voisinage dont l'épouse est très jalouse...
  • Seven seas, (1967) de Siri Gunasinghe (avec Swarna Mallawarachchi) : le premier film majeur de cette actrice alors qu'elle n'avait même pas vingt ans. Contrairement aux conventions de l’époque (influencées par les films indiens) où il y avait plusieurs moment chantés joyeux, on y remarque l’utilisation d’une chanson triste. Un pêcheur au quotidien rude va vivre un dilemme insoluble : quitter sa maison et sa mère, là où il est depuis toujours, pour suivre sa femme originaire d'une autre communauté et malheureuse ici, ou rester au risque que sa femme s'en aille...
  • The hunt, (1983) de Vasantha Obeysekere (avec Swarna Mallawarachchi ) : l'histoire inspirée d’un fait divers qui avait fait la une des journaux à cause de son issue tragique. Une femme étant tombée enceinte est à la recherche de l’homme avec qui elle avait eu une liaison : celui-ci lui a menti sur son identité et n’est guère disposé à se marier avec elle malgré sa promesse. Elle va le presser d’envisager tout de même un mariage tandis que lui cherche à y échapper...

Trois autres films

Walls within, (1997) de Prasanna Vithanage : Un individu contre un système, ici la religion catholique. Alors qu’elle se prépare à ce que ses deux grandes filles soient mariées et deviennent à leur tout mère de famille, une femme retrouve un amour de jeunesse perdu de vue depuis plus de vingt ans et s’attache à lui : ce qui est très mal vu par ses proches et en particulier du côté du futur fiancé de sa fille cadette.  Est-il concevable pour une mère de famille de se retrouver encore enceinte alors que sa fille espère bientôt se marier ? Aux yeux de tous c'est un pêché inqualifiable...

Line of destiny, (1956) de Lester James Peries : c'est le film emblématique d'une balise de la naissance du cinéma skri-lankais, le premier film de Lester James Peries (qui en fera 19) et qui fût d’ailleurs sélectionné au Festival de Cannes en 1957 ! Il vient d’être restauré et présenté en première dans la capitale à Colombo quelques jours avant d’arriver dans les salles du FICA de Vesoul. Ce film est symbolique car il se détache de plusieurs conventions de l’époque : il n'y a pas vraiment de séquences musicales (l'ingrédient qui attirait le public), et la (lourde) caméra était portée à l’extérieur d’un studio (simultanément à la Nouvelle Vague en France). Un petit garçon, fils d’un pickpocket, se retrouve dans une situation où on pourrait croire qu’avec sa main il a permis à une petite fille aveugle de recouvrer la vue : un ‘miracle’ qui va être bientôt monnayé à un riche notable avec une conséquence dramatique. Comme une fable, avec un humour à la fois réaliste et ironique que n’aurait pas renié Bunuel, ce petit garçon (exploité par son père) va être célébré puis maudit…

This is my moon, (2000) de Asoka Handagama : il aborde la guerre civile du point de vue d’un village reculé en campagne : s’engager comme militaire semble être la chose à faire pour séduire une fille et pour faire gagner à sa famille un belle prime en cas de décès. L’histoire débute sur un champs de bataille où les tirs sont entendus hors-champs depuis un remblais et d'où un soldat Cinghalaise voit surgir une jeune femme Tamoule : après deux nuits elle va le suivre... Celui-ci revient dans dans son village avec elle (représentant le camp ennemi). Elle se découvrira enceinte depuis son viol et déterminée à rester avec lui : ce qui perturbe sa famille et sa future promise…

Vesoul 2017 : le Sri-Lanka, la Géorgie et le Japon à l’honneur

Posté par kristofy, le 6 février 2017

Le cinéma asiatique s’est une nouvelle fois révélé particulièrement attractif en 2016 où les nouveautés se sont placées au sommet, vers des records de spectateurs au box-office. Par exemple le nouveau record en Chine est The Mermaid de Stephen Chow. Pourtant, malgré cette réussite commerciale, le film n’a même pas eu de sortie en France.

Alors que les spectateurs durant l'année dernière se sont déplacés en centaines de milliers pour aller voir Les délices de Tokyo de Naomi Kawase, Dernier train pour Busan de Yeon Sang-ho, The strangers de Na Hong-jin, Mademoiselle de Park Chan-wook,  Diamond Island de Davy Chou, Ma' Rosa de Brillante Mendoza, le film d'animation Your name de Makoto Shinkai...

On imagine alors que pour ce qui est des films d’auteur bien plus modestes, à l'image de Lost Daughter de Chen Yu-jie, un premier long-métrage de Taïwan, les chances sont encore plus minces d'être montrées. Heureusement, l'opportunité de le voir sur grand écran (parmi bien d'autres perles venues d'Asie) est offerte par le Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul !

Le FICA de Vesoul propose du 7 au 14 février sa 23e édition, toujours placée sous le signe de la découverte et de l'éclectisme avec plus de 90 films pour la plupart invisibles ailleurs. Cette année, 3 pays seront plus particulièrement mis en lumière : le Skri Lanka, le Japon et la Géorgie. Il y aura une rétrospective inédite « Les Maîtres du cinéma sri lankais » en présence du réalisateur Prasanna Vithanage et de l’actrice légendaire Swarna Mallavarachchi, qui recevra un Cyclo d’or d’honneur pour ses 5 décennies de carrière, un « Regard sur le cinéma géorgien » avec notamment la présence de la réalisatrice Rusudan Chkonia, et une thématique « Le Japon se met à table ».

Deux compétitions, des avant-premières et 90 films sélectionnés

Une vingtaine de nouveaux films inédits en provenance d’Indonésie, Corée du Sud, Chine, Inde, Géorgie, Cambordge, Irak, Japon, Philippines, Iran, Vietnam… seront par ailleurs en compétition devant sept jurys, dont le jury international présidée par la cinéaste iranienne Rakhshan Bani-Etemad qui elle aussi recevra un Cyclo d’or d’honneur, avec autour d’elle la réalisatrice mongole Byambasuren Davaa, la réalisatrice géorgienne Rusudan Chkonia et le réalisateur sri lankais Vimukthi Jayasundara.

Le film d’ouverture est Après la tempête de Kore-eda Hirokazu qui sera proposé en avant-première avant sa sortie en salles le 26 avril prochain. Le réalisateur japonais était d’ailleurs venu au FICA en 2012 pour accompagner une rétrospective de l’ensemble de ses films (documentaires et fictions réunis pour la première fois, dont la moitié étaient jusque-là inédits en France) et aussi un recevoir un Cyclo d’or d’honneur. Durant cette semaine de projections le FICA de Vesoul proposera d’ailleurs d’autres premières prestigieuses comme The Bacchus Lady de Lee Je-yong (qui sera présenté en même temps au festival de Berlin) ou Tunnel de Kim Seong-hun (sortie le 3 mai).

A noter aussi que certaines personnalités venues lors d’éditions précédentes seront de nouveau présentes à Vesoul comme l’actrice indienne Shanana Goswami ou le réalisateur indonésien Riri Riza : comme chaque année le FICA de Vesoul sera rythmé par des débats après les projections, des tables rondes, des soirées festives, et des séances spéciales pour inviter les festivaliers à une semaine de découvertes 100% cinéma asiatique. Et comme chaque année depuis 2008, on vous y donne rendez-vous !
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23e Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul
Du 7 au 14 février 2016
Informations pratiques sur le site de la manifestation

Cannes 2016 : des collégiens sur le tapis rouge avec Cannes Ecrans Juniors

Posté par kristofy, le 20 mai 2016

Le Festival de Cannes attire tout les regards entre la montée des marches des films en Sélection officielle et à Un Certain Regard, les films de La Quinzaine des Réalisateurs, de La Semaine de la Critique et de l’ACID. D’autres programmations parallèles font aussi le plein de spectateurs avides de découvertes, comme par exemple Visions Sociales qui «vise à promouvoir un cinéma d’auteur et de qualité face à la grande distribution et à l’uniformisation des programmes» et dont cette année le parrain est Tony Gatlif revenu présenter ses films Geronimo et Swing.

Mais il y a aussi le cas particulier de la section Cannes Écrans Juniors : «neuf longs métrages internationaux qui présentent un intérêt particulier pour des jeunes de treize à quinze ans. Des films qui évoquent des civilisations, des modes de vie et des pays peu familiers aux jeunes Français, pour leur proposer sur “grand écran” des images qu’ils ne voient guère sur le “petit”», avec des débats après certaines séances et un jury de collégiens (du collège Gérard Philipe de Cannes) parrainé par l’acteur Jean-Luc Couchard.

Parmi les différents groupes de jeunes invités à découvrir pour la première fois ce 69e Festival de Cannes, il y avait 69 lycéens originaires du lycée Edouard Belin de Vesoul (dont certains sont déjà familiers de cinématographies "différentes" grâce au Festival international des Cinémas d'Asie de Vesoul), dont certains ont accepté de nous livrer leurs impressions juste avant une montée des marches.

Idilia : Moi j'ai vraiment bien aimé Jamais contente de Emilie Deleuze. On est les premiers à le voir puisque ça va sortir en octobre. C'était facile de s'identifier au personnage de Aurore qui a à peu près le même âge que nous dans l'histoire. Le film est très bien réalisé et une partie de l'équipe du film était là pour répondre à nos questions. On aimerait bien aussi voir quelques stars qu'on connaît...

Lois : Je trouve exceptionnel d'avoir la chance d'aller à Cannes ! Nous, on voit 2 films chaque jour, et parfois plus avec un film supplémentaire en début de soirée si on a une invitation pour monter les marches. Il faut s'habiller bien, en costume, ça fait bizarre, je n'ai pas l'habitude. Les marches, c'est quand-même impressionnant : j'ai pu monter pour voir le film La Fille Inconnue des frères Dardenne. Dans notre sélection jeunesse, j'aime beaucoup Land of mine réalisé par Martin Zandvliet (sortie en novembre). C'est un film vraiment très psychologique et à aucun moment on est lâché. Il y a du stress et on s’attend à chaque moment à ce qu’il se passe quelque chose : c'est avec une équipe de déminage durant la fin de la seconde guerre mondiale.

Joris : La ville de Cannes, ça me semble très luxueux et aussi très axé sur l'achat, surtout le long de la croisette avec les hôtels et les voitures. Mais voir des films dans le Festival de Cannes, c'est un expérience unique à faire au moins une fois dans notre vie. J'ai vu en séance spéciale Hissein Habré, une tragédie tchadienne de Mahamat-Saleh Haroun, c'est un documentaire sur l'histoire politique du Tchad. On ne connaissait rien du génocide qui s'est passé là-bas, avec la place du bourreau et des victimes. Il y a des soldats qui disent avoir suivi des ordres, ça aide à prendre conscience de l'enfer sur Terre...

Sarah : On a été vraiment très bien accueillis, et c'est la première fois que je voyais la mer ! J'ai beaucoup aimé Chouf réalisé par Karim Dridi. C'est l'histoire d'un jeune homme qui perd son frère à cause d'une embrouille de trafic de drogue. Il va découvrir ce milieu pour le venger et celui qui va l’aider cache quelque chose. Ca se passe à Marseille. On aime bien le cinéma, regarder des films et les analyser après. D'ailleurs pour le film roumain en compétition Baccalauréat de Cristian Mungiu, on sera beaucoup à l'avoir vu, on en parlera ensemble après.

Vesoul 2016 : 3 beaux films et un palmarès

Posté par kristofy, le 12 février 2016

tharlo

Ce 22e Festival International des Cinémas d’Asie de Vesoul a eu le bonheur de compter avec la présence du réalisateur coréen Im Sang-soo dans le rôle de président du jury de la compétition, il était entouré de la réalisatrice et productrice Nan Triveni Achnas (Indonésie), du réalisateur Euthana Mukdasanit (Thaïlande) et de la réalisatrice Mania Akbari (Iran). Après la projection des deux premiers films, Im Sang-soo avait d’ailleurs confié en aparté avoir déjà vu deux belles surprises. 30000 spectateurs dans les salles ont pu ainsi découvrir une compétition éclectique.

Le jury a salué la diversité des neuf films en compétition. Avec les différents jurys, on donc découvert Tharlo de Pema Tseden (Chine mais le réalisateur est tibétain, sélectionné au dernier festival de Venise), le réalisateur Cho Chang-ho venu avec Another way (Corée du Sud), le réalisateur Yerlan Nurmukhambetov avec Walnut tree (Kazakhstan), l’actrice Shahana Goswami avec la réalisatrice Rubaiyat Hossain pour Under Construction (Bangladesh, mais la cinéaste a été formée aux Etats-Unis), Back to the north de Liu Hao (Chine, réalisateur déjà récompensé d’un Cyclo d’or à Vesoul en 2011 pour Addicted to love), La nuit avec l’actrice Vildan Atasever (Turquie), Being good de la réalisatrice O Mipo (Japon), le réalisateur Lawrence Fajardo venu pour Invisible (Philippines, mais tourné au Japon), et Wednesday May 9 de Vahid Jalilvand (Iran), soit une multitude de visages d’Asie.

Un film chinois doublement couronné

C’est donc Tharlo qui a remporté le Cyclo d’or (et le prix Inalco), le jury ayant été impressionné par ce “portrait d’une vie triviale solitaire, par ses qualités cinématographiques, son traitement délicat de la définition de l'identité à travers son personnage principal”. Le film est construit avec une suite de longs plans fixes en noir et blanc : un berger à la vie simple se rend en ville pour faire une carte d’identité qu’il n’a jamais eu et dont il n’a jamais eu besoin. Pour cela, il ira chez une photographe puis chez la coiffeuse qui l’emmènera pour la nuit au karaoké et vers des rêves d’ailleurs. Il va alors vendre les moutons dont il n’était pas propriétaire et, riche de liasses de billets, il s’enfuira avec la coiffeuse qui va lui changer sa tête…

Un film japonais triplement plébiscité

L’autre film qui a été très apprécié est le japonais Being Good (Kimi wa liko) qui a reçu le prix du public, le prix de la critique et le prix du jury lycéen. il s'agit d'une gentille histoire sur l’enfance avec un instituteur débutant face à un petit garçon délaissé par son père, avec une maman violente avec sa petite fille, et une vieille dame qui se prend d’affection pour un garçon attardé mental… « Les gens qui suffoquent dans leur famille peuvent être sauvés par quelqu’un qui n’est pas de la « famille ». Et quand cela arrive, ils peuvent avoir de la compassion à nouveau pour leur « famille »» explique le cinéaste.

Le Grand prix du jury international a été décerné à Wednesday May 9.

Deux films marquants

De notre côté, on pariera sur deux films qui feront parler d'eux à l’avenir : Invisible et Under Construction.

Invisible (Imbisibol) de Lawrence Fajardo a reçu le prix Netpac (network for the promotion of asian cinema) pour “sa belle structure narrative culminant dans une tragédie finale, qui imprime le message du film avec une force extraordinaire”, le film raconte en cinq actes le quotidien de différents travailleurs philippins émigrés au Japon (les overseas workers). Un homme se fait arrêté le jour de son anniversaire, un autre se prostitue en plus de son travail de nettoyage de toilettes, une femme loue des appartements à des compatriotes, un accident dramatique sur un chantier, la douleur de recevoir des nouvelles de sa famille que par courrier après être parti depuis trop longtemps… Film choral avec différentes histoires dont les personnages vont être amenés à se croiser, Invisible évoque la question des travailleurs philippins qui ont émigrés dans d’autres contrées (au Japon dans le film, en réalité la 2ème destination choisie sont les chantiers au Moyen-Orient et les emplois de domestiques aux Etats-Unis..) dans l’espoir de subvenir aux besoins de leur famille restée au pays. Ce film Invisible (par ailleurs co-produit par Brillante Mendoza) depuis son passage au festival de Toronto fait de son réalisateur Lawrence Fajardo un nouveau talent à suivre.

L’autre favori était Under Construction de la réalisatrice Rubaiyat Hossain, avec l’actrice Shahana Goswami. Il a justement reçu le prix du jury international (troisième récompense la plus importante derrière le Cyclo d’or) et le prix Emile Guimet (et mention spéciale de la critique) pour “un film téméraire qui brise des tabous, réalisé par une femme dans un pays ou les femmes ne sont pas réalisatrices, dans une ville en changements le portrait tout en sensibilité d’une femme qui lutte pour l’affirmation de son identité”. On y découvre une femme à un possible tournant de sa vie. Actrice de théâtre, elle pourrait être remplacée par une collègue plus jeune, tandis qu’elle hésite à reprendre en main la mise en scène d’une pièce : sa mère attachée aux traditions musulmanes désapprouve son métier pas 'respectable’, son riche mari auquel elle est marié depuis plusieurs années lui demande enfin un enfant, mais elle ne se sent pas prête ni pour être enceinte, ni pour arrêter le théâtre. En même temps son amie domestique tombe elle enceinte d’une liaison qui va l’obliger à se marier et à aller travailler dans une fabrique de vêtements là où des bâtiments s’écroulent… La réalisatrice avance des idées féministes par petites touches (prendre son indépendance face à la religion, au mariage…)

Invisible de Lawrence Fajardo tout comme Under Construction de Rubaiyat Hossain se rejoignent d'ailleurs avec une même ambition de faire s’attacher à des personnages émouvants tout en racontant des problématique de société d'un pays...

Une reprise des films primés aura lieu à l'auditorium du Musée des Arts Asiatiques Guimet de Paris le 1er avril 2016 et une autre à l'auditorium de l'INALCO en octobre 2016.

Le palmarès complet :

- Cyclo d'Or : "Tharlo" de Pema Tseden
- Grand prix du Jury International : "Wednesday, May 9" de Vahid Jalilvand
- Prix du Jury International : "Under Construction" de Rubaiyat Hossain
- Mention spéciale du Jury International : "Walnut Tree" de Yerlan Nurmukhambetov
- Prix du Jury NETPAC : "Invisible" de Lawrence Fajardo et "Wednesday, may 9" de Vahid Jalilvand
- Prix de la critique : "Being Good" d'O Mipo.
- Mentions spéciales de la critique : "Under Construction" de Rubaiyat Hossain et "Walnut Tree" de Yerlan Nurmukhambetov
- Prix Emile Guimet : "Under Construction" de Rubaiyat Hossain
- Coup de cœur du Jury Guimet : "Back to the North" de Liu Hao
- Prix INALCO : "Tharlo" de Pema Tseden
- Coup de coeur INALCO : "Being Good" O Mipo
- Prix du public du film de fiction : "Being Good" d'O Mipo
- Prix du Jury Lycéen : "Being Good" d'O Mipo
- Prix du Public du film documentaire : "De Hiroshima à Fukushima" de Marc Petitjean
- Prix du Jury Jeune : "Tashi & The Monk" d'Andrew Hinton & Johnny Burke

Vesoul 2016 : Im Sang-soo, Eran Riklis et Patrice Leconte célèbrent tous les cinémas asiatiques

Posté par MpM, le 19 janvier 2016

On ne présente plus le Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul (FICA pour les habitués) qui proposera du 3 au 10 février prochain sa 22e édition, plus que jamais placée sous le signe de la découverte et de l'éclectisme.

Cette année, c'est le réalisateur coréen Im Sang-Soo (The housemaid, L'ivresse de l'argent, Le vieux jardin...) qui est l'invité d'honneur de la manifestation. Il sera notamment présent pour recevoir un Cyclo d'or d'honneur et présider le jury international, aux côtés de la réalisatrice et actrice Mania Akbari (Iran), de la productrice et réalisatrice indonésienne Nan Achnas et du réalisateur Euthana Mukdasanit (Thaïlande). Un hommage sera également rendu au cinéaste israélien Eran Riklis à qui une rétrospective est consacrée.

Outre les deux compétitions, qui réunissent 17 longs métrages venus du Banglasdesh, de Myanmar ou encore du Kazakhstan, l'édition 2016 consacre un focus au cinéma thaïlandais de 1940 aux années 2000 ainsi qu'une rétrospective "Corée : littérature et cinéma (1949 - 2015)" dans le cadre de l'année France-Corée. La traditionnelle section thématique confrontera quant à elle les points de vue de cinéastes occidentaux et orientaux sur les rapports Orient/Occident, en présence notamment du réalisateur Patrice Leconte pour son film tourné au Cambodge, Dogora, ouvrons les yeux.

Enfin, comme tous les ans, le festival sera agrémenté de soirées festives, rencontres, débats, tables rondes et séances spéciales pour faire vivre aux festivaliers une semaine 100% cinéma asiatique.


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22e Festival des Cinémas d'Asie de Vesoul
Du 3 au 10 février 2016
Informations pratiques sur le site de la manifestation

Vesoul 2015 : Cyclo d’or pour Bwaya de Francis Xavier Pasion

Posté par MpM, le 18 février 2015

FICA 2015

La tonalité exigeante du palmarès du 21e festival des cinémas d'Asie de Vesoul traduit le choix du jury mené par Wang Chao (et composé de Laurice Guillen, Mohammad Rasoulof et Prasanna Vithanage) de récompenser des œuvres singulières et denses portant chacune en elle sa propre proposition de cinéma.

Francis Xavier PasionAinsi le Cyclo d'or, Bwaya de Francis Xavier Pasion (photo de gauche), mêle-t-il la sensorialité d'une nature presque idyllique à un constat social douloureux qui ouvre la porte à une mise en abime inattendue. Le film ne se contente pas de narrer des faits (en partie réels), il propose par petites touches une réflexion sur la retranscription cinématographique de ces faits et sur le rapport complexe au réel qui s'en dégage.

Une démarche déconcertante qui rend le film parfois malaisé, mais surtout toujours surprenant. On est quelque part entre le cinéma sensoriel et énigmatique d'un Apichatpong Weeresetakul, le constat social dépouillé d'un Brillante Mendoza et le récit mythique universel sur les origines du monde. Dans ce cadre qui évoque les premiers temps de l'humanité, le contraste saisissant entre la beauté foudroyante de la nature et les difficultés matérielles des habitants emporte tout.

Le grand prix, Exit de Chenn Hsiang, est une oeuvre plus urbaine, mais tout aussi dépouillée. Dans des scènes courtes très peu dialoguées, le jeune réalisateur dresse le portrait sensible et sans fard d'une femme plongée dans une solitude infinie. L'héroïne, une Taïwanaise de 45 ans pour laquelle tout semble s'arrêter (sa vie professionnelle, sa vie de mère et même sa vie de femme), est perpétuellement enfermée dans des cadres travaillés et des perspectives bouchées. C'est comme si, pour elle, toutes les portes se fermaient, au sens propre comme au sens figuré. Une oeuvre en apparence austère qui s'attache aux plus petits détails pour transmettre toutes les émotions qui ne passent ni par le récit, ni par le scénario.

Le jury a par ailleurs distingué One summer de Yang Yishu et Melbourne de Nima Javidi, deux longs métrages qui abordent un contexte social et politique par le prisme de la cellule familiale. Dans le premier, construit comme un thriller anémique, une femme passe tout un été à essayer de comprendre pourquoi son mari a été arrêté. A grands renforts de plans fixes, de scènes ultra-quotidiennes, d'ellipses et de non-dits, le film raconte à la fois la vacuité de l'attente, l'ignorance anxiogène, l'arbitraire tout puissant et l'implosion d'existences bien rangées. Malgré ses faiblesses (narration si déliée qu'elle peut en sembler factice, scènes parfois absconses), One summer a quelque chose de saisissant qui captive.

Melbourne (photo de droite) est Melbourne au contraire un quasi huis-clos étouffant dans lequel la parole joue le rôle principal. Pris dans un dilemme moral inextricable, un jeune couple s'embourbe dans les mensonges, les conjectures et les revirements, saisis par une culpabilité qui les étouffe. Même s'il ne va pas aussi loin dans son étude cruelle des rapports de classe, impossible de ne pas penser au cinéma d'Asghar Farhadi, période Une séparation. Probablement l'oeuvre la plus aboutie, voire la plus maîtrisée de la compétition.

Parmi les lauréats des autres prix, on note la présence du premier film birman en compétition à Vesoul, The monk de The Maw Naing, une oeuvre assez classique sur le conflit de génération entre un apprenti moine boudhiste et son maître malade, mais aussi le très poétique Kurai Kurai de Marjoleine Boonstra, fresque délicate inspirée de légendes kirghizes ou encore A matter of interpretation de Lee Kwang-kuk, savoureux exercice de style qui mêle rêves et réalité à la manière de Hong Sang-Soo.

Un palmarès qui reflète au fond la grande homogénéité de cette compétition 2015, moins axée sur les grands sujets de société que sur des propositions cinématographiques assez personnelles et parfois relativement arides qui ne cèdent ni à la complaisance, ni à la facilité. Un très bel aperçu de la vitalité des cinémas asiatiques qui ne cessent de se renouveler et de se réinventer pour obtenir l'alchimie idéale entre recherche formelle et démarche sociale ou politique.

Vesoul 2015

Le palmarès complet

Cyclo d'or
Bwaya de Francis Xavier Pasion (Philippines)

Grand prix du jury
Exit de Chenn Hsiang (Taïwan)

Prix du jury ex-aequo
One summer de Yang Yishu (Chine) et Melbourne de Nima Javidi (Iran)

Prix NETPAC
The Monk de The Maw Naing (Birmanie)

Prix Emile Guimet
Kurai Kurai : tales of the wind de Marjoleine Boonstra (Kirghizstan)

Coup de coeur de Guimet
Bwaya de Francis Xavier Pasion (Philippines)

Prix INALCO
Melbourne de Nima Javidi (Iran)

Coup de cœur INALCO
A matter of interpretation de Lee Kwang-kuk

Prix du public long métrage de fiction
Margarita with a straw de Shonali Bose et Nilesh Maniyar

Prix de la critique
Exit de Chenn Hsiang (Taïwan)

Prix du Jury Lycéens
Margarita with a straw de Shonali Bose et Nilesh Maniyar (Inde)

Prix du public du film documentaire
Nu Guo, au nom de la mère de Francesca Rosati Freeman et Pio d'Emilia (Chine, Italie, Japon)

Prix Jury Jeunes
Iranian Ninja de Marjan Riahi (Iran)

Photos : Michel Mollaret

Vesoul 2015 : Trois questions à Wang Chao

Posté par MpM, le 18 février 2015

wang chaoEn parallèle de la vaste rétrospective de 50 ans de cinéma chinois proposé au FICA cette année, les organisateurs du Festival de Vesoul se sont tout naturellement tournés vers un cinéaste chinois de première envergure pour succéder à Brillante Mendoza dans le rôle difficile de président du jury international.

Wang Chao, dont le premier long métrage, L'orphelin d'Anyang, fut sélectionné à Cannes en 2001, était donc l'invité d'honneur de cette 21e édition, durant laquelle il a reçu un Cyclo d'or spécial. Deux de ses films récents (le polar intime Memory of love et le drame familial Fantasia) étaient également présentés.

L'occasion pour Ecran Noir de rencontrer ce cinéaste rare qui porte sur son pays un regard à la fois critique et chaleureux, soucieux d'en montrer fidèlement tous les contrastes.

Ecran Noir : votre cinéma est souvent le reflet de la société chinoise actuelle. Est-ce pour vous ce que représente le cinéma, un moyen de transmettre la réalité ?

Wang Chao : Je pense en effet que mes films représentent la vie en Chine. La chine évolue maintenant très vite. D'un côté, on a beaucoup de succès en tant que puissance économique. Notre vie s'améliore de plus en plus. On peut voir ça facilement dans les journaux ou à la télévision. Mais en tant que réalisateur, et en tant qu'artiste, je voudrais aussi montrer des gens qui sont ignorés par les médias. Montrer un autre côté de la Chine.

EN : Cela influe-t-il sur la manière dont vous regardez un film, notamment lorsque vous occupez comme ici le rôle de président du jury ?

WC : Non, pas vraiment. Je regarde les films sous un prisme plus artistique. Je m'attache aux films qui me touchent, et aussi quand même aux films qui sont proches de la réalité. Mais c'est le niveau artistique qui prime.

EN : Comment est né le projet du film A la recherche de Rohmer que vous avez tourné en France ?

WC : Ce film est adapté de mon roman qui s'appelle Tibet sans retour. Il raconte l'histoire de deux hommes dont un qui est mort au Tibet et l'autre qui veut aller le chercher. Pour ce qui est de Rohmer, déjà, c'est un scénariste que j'aime beaucoup. Je voulais lui rendre hommage. En plus, son film Le rayon vert raconte aussi une histoire de recherche, d'où le parallèle, même si le traitement est bien sûr complètement différent.

Photo Wang Chao : Michel Mollaret