Un tiers des internautes français télécharge un film ou une série illégalement

Posté par cynthia, le 8 juillet 2014

Entre les prix des places de cinéma que supportent mal des portefeuilles en crise et les spoilers sur les séries que veulent éviter les fans, le visionnage pirate de films et de séries a bondi en 2013. C'est ce que révèle une étude publiée mercredi 2 juillet par l'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA).

Près d'un tiers des internautes (28,7%) a consulté au moins une fois par mois un site de piratage de séries ou de films en 2013 et leur nombre a atteint un niveau record depuis 2009.

Au total, en 2013, 13,2 millions d'internautes ont consulté chaque mois au moins un site dédié à la contrefaçon audiovisuelle, soit 15,8% de plus qu'en 2009, selon cette étude qui exclut YouTube et DailyMotion.

Leur nombre, qui avait un peu régressé en 2011-2012 à environ 12,4 millions d'internautes, a nettement augmenté en 2013.

Les pirates assouvissent leur soif de visionnage de plusieurs façons.
Ils utilisent :
- soit le téléchargement en P2P (entre internautes), pour 29% des pages vues,
- soit le téléchargement par DDL (depuis un serveur), pour 33%,
- soit le streaming (38%). qui nécessite un flux internet haut débit. Il ne cesse de gagner du terrain depuis 2009 où il ne représentait que 16% des pages vues.

Le téléchargement en P2P pour les cinéphiles

Pour les films, les internautes préfèrent utiliser le téléchargement, pour avoir une meilleure qualité d'image. Il est clair que voir le dernier Hunger Games en flouté, ça enlève le glamour (car toutes les études le montrent : on pirate surtout les plus gros hits). Reste que, pour l'instant, le piratage de films n'a pas beaucoup d'influence sur le box office en France ni sur la vidéo à la demande. La fréquentation en salles se porte plutôt bien. Les 8 films les plus piratés dans le monde en 2013  (Le Hobbit : un voyage inattendu, Django Unchained, Fast & Furious 6, Iron Man 3, Happiness Therapy, Star Trek Into Darkness, Gangster Squad, Insaisissables) n'ont pas été vraiment desservis pour encaisser d'énormes recettes mondiales.

Par rapport aux internautes moyens, ceux qui ont recours au téléchargement de fichiers sont en majorité des hommes (58%) et un peu plus jeunes que la moyenne des internautes.

Le streaming pour les "sériephages"

En revanche, pour les séries, ils favorisent le streaming, dont les audiences fluctuent au gré des sorties. C'est sans doute l'une des raisons pour laquelle le nombre de vidéos vues en streaming a atteint entre 10 et 35 millions par mois en 2013. Double avantage : on n'attend plus des mois avant de voir la nouvelle saison d'une série et surtout on ne subit plus les mélanges anachroniques des épisodes.

Certes, les chaînes de TV font des efforts et accélèrent le temps de délai entre la diffusion dans le pays original et la France. C'est notamment le cas avec J-One, spécialisée dans les mangas, et qui diffusent les séries nippones avec seulement 24h d'écart. Idem pour Game of Thrones, dont le premier épisode de la saison 4 a été diffusée sur HBO le 6 avril et sur OCS en France le 7 avril. Mais OCS n'est ni TF1, ni M6...

Le streaming attire des pirates très différents: il s'agit majoritairement de femmes (55%), la part des jeunes est nettement plus importantes (près d'un tiers des utilisateurs ont entre 15 et 24 ans) et la part des étudiants (17%) y est deux fois plus importante que chez l'ensemble des internautes.

En 2013, 2 à 3 millions de personnes par mois ont regardé une série en streaming, et 1,4 à 1,8 million par mois ont vu un film en streaming.

L'arrêt de l'Hadopi n'a pas modifié les comportements

Toutes méthodes de "piratage" confondues, les plus de 50 ans sont des sous-utilisateurs, ne constituant que 15 à 21% des sites pirates alors qu'ils représentent 34% des internautes (et qu'ils passent plus de temps sur la Toile que les jeunes). Ce qui explique pourquoi ce public reste aussi le plus assidu en salles et le plus fidèles aux séries diffusées sur les chaînes TV.

L'étude relève que lorsque l'Hadopi avait lancé des actions de "riposte graduée" en 2011, avec des courriels d'avertissement aux internautes qui partageaient illégalement des fichiers, le nombre de mises à disposition des 10 films les plus populaires sur les réseaux P2P en 2011 avait été divisé par trois. Depuis, leur nombre reste stable, entre 1,2 et 2 millions de fichiers mis à disposition par mois en P2P. Comme quoi, la suppression de l'Hadopi n'a pas d'impact, et la lutte contre les sites P2P (aux Etats-Unis comme en Europe) semble assez vaine face à la contrefaçon .

Cette étude, réalisée par Médiamétrie en partenariat avec le Centre national du Cinéma te de l'Image animée et l'institut TMG, a mesuré l'utilisation de 281 sites dédiées au piratage audiovisuel, hors téléphones mobiles et tablettes. Cela promet si on ajoute les autres plateformes pour le calcul de l'année 2014.

Première et Pariscope mis en vente par Lagardère

Posté par vincy, le 17 octobre 2013

Le groupe Lagardère va mettre en vente dix titres de presse magazine dont l'ancestral Première et l'autrefois très utile Pariscope. Les versions internet de ces deux titres ne sont pas concernées. Seuls les magazines "imprimés sur papier" sont cédés.

Ces cessions (qui incluent aussi le dynamique Psychologies) ont pour objectif de réorganiser l'activité presse de sa filiale Lagardère Active autour de ses marques phare (Elle), selon source proche du dossier.

Au cours d'un comité d'entreprise réuni jeudi matin, la direction a annoncé son intention de céder ces titres.

La presse cinéma va décidément mal. Après la cession par le groupe Le Monde des Cahiers du cinéma et les turbulences traversées par Studio Ciné Live au sein du groupe Roularta, Première et Pariscope rejoignent la liste des titres en difficulté. C'est peu étonnant pour Pariscope, qui subit de plein fouet la concurrence d'Internet (notamment sur les smartphone). Pour Première, qui a changé plusieurs fois de ligne éditoriale (jusqu'à faire de l'actu people sur son site web), c'est plus inquiétant.

Première a été créé en 1976 par Jean-Pierre Frimbois et Marc Esposito (qui plus tard créera Studio Magazine). Le mensuel est tiré à 194 000 exemplaires (contre 258 000 en 2007) tandis que le site web décline également (8 millions de visites en septembre 2013 contre 13,6 millions en octobre 2012).

Quant à Pariscope, il fut fondé en 1965. Tiré à plus de 106 000 exemplaires en 2007, l'hebdomadaire n'est désormais imprimé qu'à 66 000 exemplaires.

Venise 2012 : Kad Merad, la célébrité, les réseaux sociaux et les messages sur le répondeur

Posté par kristofy, le 31 août 2012

A Venise, Xavier Giannoli s’est montré le plus beau parleur en conférence de presse, n’hésitant pas face aux journalistes à évoquer les forces aliénantes que provoque le carnage culturel des médias…  «On nous impose le spectaculaire, l'effet d'annonce. Pendant que je travaillais sur ce film Superstar il y a eu l'affaire DSK où on voyait à la télévision des journalistes en direct lire les rumeurs sur Twitter, est-ce que le journalisme c'est devenu ça ? On ne fait jamais autant partie du spectacle que quand on critique le spectacle.» Son film Superstar, en compétition au 69e Festival international du film de Venise, est à l’affiche depuis ce mercredi en France.

Kad Merad avoue qu'il est « fasciné par les réseaux sociaux. » « Je me suis créé une page Facebook, mais je ne communique pas avec, je ne fais que regarder, je suis un voyeur. Tweeter, c'est encore pire » révèle l'acteur.  Mais il se souvient : « J'ai encore le souvenir de l'époque où on rentrait chez soi le soir et on avait 15 messages sur son répondeur, c'est pas si vieux, vous savez! »

La star, pas anonyme, c'était bien Kad Merad à Venise : «J'ai connu Xavier Giannoli il y a 17 ans environ, il m'avait proposé de tourner dans un court-métrage (Dialogue au sommet), j'étais vraiment un débutant et je me suis senti acteur un peu grâce à lui, j'avais seulement quatre ou cinq phrases à dire mais déjà il y avait de sa part une recherche de vérité. Etre maintenant dirigé par lui, c'est un grand plaisir, j'ai encore plus d'admiration pour lui.» « Ce personnage est très différent de ce que je suis. Je suis dans la vie réelle. Evidemment, je fais un métier extraordinaire, mais pour moi la célébrité est intégrée », explique-t-il. Bien sûr, elle fait tourner la tête cette célébrité. Merad qui avoue être fan de James Stewart affirme qu'il n'est pas fasciné par la notriété. Il préfère être Monsieur Tout le Monde.

On en oublierait presque que l'actrice Cécile de France, qui a tourné avec les Dardenne, Klapisch et Eastwood, fait partie du casting. Elle rend hommage à Giannoli qui l'a engagée pour la deuxième fois, six ans après Quand j'étais chanteur : «On est très heureux sur son plateau, la technique est au service du jeu, il aime inventer et chercher avec les acteurs, il y a une exigence mais c'est une forme de respect, c'est un grand cinéphile et on apprend beaucoup de choses

Cannes 2012 : la fausse liste de films fait du buzz puis un gros flop

Posté par redaction, le 3 avril 2012

Le Blog du festival de Cannes (une extension du Blogreporter.com tenu par Hugo Mayer), qui n'a rien à voir avec le Festival de Cannes, aurait pu faire croire à un poisson d'avril, mais la bévue a été mise en ligne le 2 avril.  En annonçant une liste de 20 films qui composaient la compétition du prochain Festival de Cannes, ce blog s'octroyait un soi-disant scoop. De cette liste, on retiendra qu'il n'y avait pas de surprises par rapport aux listes de prétendants qui ont été diffusées ici et là (sur Ecran Noir et ailleurs).

Mais le blog était persuadé tenir LA liste, celle des confirmés (avec cependant quelques gros manques, pour le coup surprenants). "Belle liste que nous avons réellement reçue. Hélas, ce n'était qu'une blague. On s'est fait avoir aussi. Désolé pour le stress...", a indiqué le Blog après avoir reconnu sa maladresse. Sans citer la source. On pouvait cependant lire en introduction : "une indiscrétion a brièvement filtré sur le site officiel du Festival de Cannes avant d'être retirée en hâte".

Donc l'ont-ils reçue ou l'ont-ils vue? Ont-ils voulu faire un coup? du buzz? améliorer leur référencement sur Google? Ou ont-ils été victimes d'un canular? Toujours est-il que l'intégrité journalistique en prend un coup.

Car, le problème est que personne d'autre n'a vu cette indiscrétion, même sur le site du Festival de Cannes. a sélection officielle doit être dévoilée lors d'une conférence de presse à Paris le 19 avril.

Dans la tête de Thierry Frémaux

Mais cela n'a pas empêché de très nombreux médias (français et étrangers) de la reprendre (avec quelques précautions). Ah la dictature de l'instant. On dit souvent que le silence est d'or, mais la patience aussi.

Selon l'AFP, "ne souhaitant pas donner plus de publicité à ce faux scoop", la direction du Festival de Cannes a écrit en milieu de journée un tweet officiel : "la sélection en cours n'est pas sur un site mais dans la tête de Thierry Frémaux". Frémaux, délégué général du Festival de Cannes et responsable de la sélection, a été beaucoup plus disert sur le compte Facebook du Festival : "Rien n’a fuité, ceux qui veulent créer le buzz en ne respectant ni les cinéastes, ni les traditions cannoises… n’en seront plus. La sélection en cours n'est pas sur un site mais dans la tête de Thierry Frémaux ! Elle sera dévoilée, comme annoncé, le jeudi 19 avril 2012."

Car, oui, il y a des traditions. Le jeu des rumeurs et des informations sous le manteau concernant la sélection cannoise commence fin janvier, entre journalistes, professionnels, attachés de presse. Cela fait monter le buzz, et quand il y a des certitudes elles proviennent plutôt des distributeurs (changement de date soudain pour une sortie de films, publication de matériel de presse, ...).

Ecran Noir, avec 15 ans d'expérience sur la Croisette, ne s'est pas laissée prendre au piège. Nous avons publié un court texte de mise en garde sur notre page Facebook de Cannes-fest dès lundi : "Un bug? Peu importe. La liste des films en compétition qui circule actuellement sur Internet n'a pas été officialisée par le Festival de Cannes : elle peut être incomplète ou susceptible d'être modifiée d'ici la conférence de presse du 19 avril. Ne nous excitons pas."

On sera assez excité comme ça entre le 19 avril et le 16 mai.

Deneuve se fait allumer par le CSA pour une cigarette (et on recherche des partenaires pour son prochain film)

Posté par vincy, le 7 décembre 2011

Catherine Deneuve, qui tourne actuellement sous la direction de Yannis Smaragdis God loves caviar, avait joué les marraines de l'émission Le petit journal sur Canal +, présenté par Yann Barthès. C'était le 29 août.

On y parlait chaussures, un peu du film Les bien-aimés, qui servait de prétexte à l'entretien, et surtout cigarettes. L'actrice est de plus en plus remarquée avec une cigarette électronique dans les conférences de presse. Mais Barthès devait vendre sa nouvelle émission, impertinente. Il lui propose donc de fumer une véritable cigarette : les volutes apparaissent clairement. C'est évidemment prohibé par la Loi Evin. Cette séquence est assimilée à une publicité vantant le tabac. C'est même une apologie quand il s'agit d'une star. Fait aggravant : Barthès s'en grillait une aussi. Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel a donc sanctionné la chaîne pour cette propagande.

La provocation a ses limites...

Deneuve sera à l'affiche du prochain Astérix, en Reine d'Angleterre. Elle tournera ensuite Elle s'en va, d'Emmanuelle Bercot. le tournage aura lieu au printemps 2012 dans les Pays de la Loire. Le casting est en cours. Bercot a réalisé des films comme La puce, Backstage et a coscénarisé avec Maïwen le film Polisse. La production "recherche des hommes et des femmes de tous milieux et tous âges pour interpréter des rôles aux côtés de Catherine Deneuve, rôle principal du film. Si vous êtes intéressés, vous pouvez envoyer votre photo avec vos noms et prénoms, date de naissance, adresse, mail et téléphone à l'adresse : courriel."

À la Une du New York Times : Déclin et fin de l’Empire romain

Posté par vincy, le 23 novembre 2011

N'hésitez pas une seconde et courez en salle : A la une du NY times est un documentaire exceptionnel, par sa qualité et son propos. « Déclin et fin de l'Empire romain » c'est ainsi qu'aurait pu se sous-titrer ce film. Au lieu de cela, le réalisateur Andrew Rossi choisit la devise du journal, depuis 1896 : « Toutes les informations qui se doivent d'être imprimées. » Et effectivement, le New York Times connaîtra-t-il un jour une fin ? Depuis le temps que des Cassandre prédisent sa mort....

Le documentaire se plonge pendant un an dans la rédaction du plus célèbre journal des États-Unis, et disons-le tout net, du monde. S'appuyant sur une généalogie prestigieuse, une histoire hallucinante de profondeur et d'implication sociale, le film soulève à peine un coin du rideau recouvrant cette statue monumentale, à l'heure où Internet vient bouleverser la donne. Andrew Rossi est un habitué des sujets polémiques : Al Jazeera, mariage gay, etc.. mais il s'attaque ici à un sujet aussi vaste qu'un continent : la douloureuse mutation d'un géant de l'information, à l'heure où tout va très vite, et au-delà, la notion-même de pouvoir dans l'information.

Les protagonistes du documentaire semblent des personnages, tant ils sont incroyables : David Carr, ex-junkie, plume brillante et estimée ; Tim Arango, jeune chien fou en partance pour Bagdad ; Brian Stelter, petit jeune gros et chauve, tête pensante majeure de la blogosphère, et Bruce Headlam, chargé de gérer cette crew. On se croirait presque dans le tiers des douze salopards.

Au-dessus de cette brigade, l'ombre tutélaire du journal, qui pèse lourd au moment où les ventes s'étiolent. Comment se placer face à un marché qui se délite ?  Commet réagir face à Wikileaks, qui déverse un flot continu d'informations gratuites, explosives, brûlantes ?  Comment continuer à exercer un métier primordial et fascinant quand la bataille s'est déplacée de la vérité vers la survie ? On reste scotché face à de telles interrogations, liées, on le sent, à des problématiques de premier plan. On retrouve le respect éprouvé devant les équipes d'investigation, de n'importe quel journal,, telles qu'elles sont dépeintes dans Les Hommes du président ou Zodiac. Un très grand film, passionnant sur le IVe pouvoir. Un miroir qui peut prolonger notre fantasme du journalisme. Ou nous renvoyer le reflet d'une époque qui a, plus que jamais, besoin de contre-pouvoirs.

2010 – Films : un grand écart pour que vive le 7e art

Posté par vincy, le 2 janvier 2011

2010 fut assurément une année en demi-teinte. La mirobolante 3D a certes gonflé les recettes et attiré le grand public vers des productions plus industrielles que cinématographiquement intéressantes. La fréquentation n'a pas fléchi (hormis aux Etats-Unis), que ce soit en France ou en Chine. Mais on note que les spectateurs se concentrent de plus en plus sur quelques films, le succès entraînant le succès.
L'année qui vient de passer a réservé quelques jolies surprises, comme tous les ans. Pas forcément des coups de coeur, rarement des oeuvres qui bluffent, mais le plaisir et la qualité étaient au rendez-vous. Souvent, la fraîcheur des uns nous a davantage emballés que la maîtrise des autres, l'imperfection de certains nous a davantage conquis que le savoir-faire de talents en mal de renouvellement.
On peut s'inquiéter du formatage, qui touche l'ensemble des cinémas à des degrés divers. Mais, si nous étions pessimistes, 2010 aura surtout montré que la curiosité a ses limites. Combien de "petits" films n'ont pas trouvé un public à la hauteur des espérances placées en eux? Distributeurs et exploitants vont devoir faire leur révolution, d'autant plus vite que la numérisation des salles s'accélèrent. Chaque blockbuster peut squatter (contractuellement) deux écrans d'un multiplexe, ne laissant que des miettes aux autres. On s'acharne encore à faire un marketing "à l'ancienne" quand les nouvelles technologies permettraient des campagnes et des buzz plus innovants. Et que dire de ces mercredis où 15 à 20 nouveautés sont envoyées au casse-pipe avant même d'exister dans le désir des cinéphiles. La saturation entraîne des distorsions de concurrence sur laquelle il va falloir sérieusement se pencher, avant de s'épancher sur le triste sort des films art-et-essai, indépendants, venus d'ailleurs, et tous, ainsi, marginalisés.
Cependant, soyons optimistes. D'Hollywood à la Thaïlande en passant par le reste du monde, le cinéma est en bonne santé. Financièrement, certes, il est de plus en plus coûteux (ou au contraire se produit avec des moyens dérisoires). Mais, malgré le piratage, le téléchargement légal à domicile, l'invasion des chaînes de télévision, la sollicitation d'autres loisirs (les jeux vidéos en premier lieu), il est vaillant, vigoureux, varié.
Cette diversité, si vitale, se retrouve dans deux des films les plus marquants de l'année.
Toy Story 3. Soit un énorme groupe (Walt Disney), une équipe riche en dollars (Pixar), une suite (de plus). Et pourtant, le divertissement de l'année le plus aboutit. Du scénario bien écrit à la réalisation toujours juste, des émotions qu'il procure à cette volonté de nous séduire, qu'on soit européens, américains ou asiatiques, il est le symbole le plus joyeux, et l'un des plus poétiques, de ce cinéma de masse. La preuve qu'il est possible de réussir, encore en 2010, un film où l'humour et l'aventure se conjuguent dans toutes les cultures.
À l'opposé, Oncle Boonmee qui se souvient de ses vies antérieures. Oeuvre "ovni" et insolite d'un artiste intègre et cohérent, qui a su, cette foic-ci, élever son cinéma vers une proposition plus réceptive, plus généreuse. Cela ne ressemble en rien à un autre film d'un autre auteur. Oncle Boonmee, mélange de cinéma contemplatif, mystique, spirituel, et d'expérience visuelle, sensorielle et onirique, restera sans doute une création marginale pour beaucoup. Mais Tim Burton, en lui décernant la Palme d'or, ne s'y est pas trompé. Là où le cinéaste d'Alice au pays des merveilles déçoit avec des films de moins en moins inspirés, a compris que son homologue thaïlandais, Apitchapong Weerasethakul, savait filmer l'invisible et le merveilleux.

Le 7e art, plus que jamais, a besoin de films fédérateurs, où la profondeur, voire la subversion ou l'inventivité, sont indispensables pour qu'il reste cet art des masses. Il serait périlleux que seuls les grands opéras pyrotechniques attirent les foules, comme il serait suicidaire que le cinéma soit réduit à des films élitistes, qui l'enferment dans un ghettos de "happy few". Ces films dits d'auteur ont juste besoin de place pour exister, et pas seulement dans des Festivals, qui deviennent, année après année, des circuits de distribution et des aides à la production parallèles. On peut s'éclater devant des jouets en 3D comme on peut être émus avec une histoire de fantômes au milieu de la jungle siamoise.
Plus que jamais, la critique a son importance pour inciter le spectateur à oser franchir le seuil d'une salle où sera diffusé un film qui le déroutera ou le marquera. Plus que jamais, les sélections dans les grands festivals doivent continuer à mettre à égalité des cinéastes méconnus et des réalisateurs reconnus. Plus que jamais, il faut produire et aider de nouveaux talents à émerger, en faisant confiance à leur imagination et en ne leur imposant pas des schémas pré-établis. Plus que jamais il va falloir tout réinventer pour que le spectateur puisse redevenir curieux, désireux d'autres formes de cinéma, plutôt que de le voir se précipiter sur des divertissements assez vite oubliés.

Cinq idées pour demain
Face à l'invasion de marques (Disney, Harry Potter, Twilight), il faut résister.
- Changer les règles en contraignant une limitation du nombre de copies par film, en obligeant une certaine durée d'exploitation pour les plus fragiles.
- Faciliter les émergences de nouveaux talents mais surtout mieux les accompagner, de l'écriture à la production, afin de ne pas laisser le cinéma d'auteur se caricaturer, de ne pas abandonner leur oeuvre à l'état d'ébauche acceptable.
- Il faut investir dans la pédagogie, avec une éducation audiovisuelle dès les petites classes. Proposer la connaissance des "classiques" du 7e art comme on impose ceux en littérature. Cela passe aussi par le renouvellement de générations chez les journalistes de "référence", par la transmission du savoir entre critiques issus de la vague des années 60-70 et les plus jeunes. Parler de Godard c'est bien, c'est utile, mais Godard, on peut s'en désoler, n'est plus représentatif de la création actuelle.
- Aider les médias de cinéphilie plutôt que de dépendre d'émissions TV promotionnelles (et assez vides d'intérêt).
- Proposer des avantages ou des tarifs réduits pour ceux qui acceptent d'aller voir des films "difficiles", ne bénéficiant pas de 70 cinémas pour les diffuser. Après tout, on fait bien payer plus cher pour des films en 3D et on dépense quelques millions d'euros pour des mesures antipiratage sans effets (et toujours mal justifiées)!

Le cinéma ne doit pas devenir un amour imaginaire où la nostalgie d'un glorieux passé nous amène à devenir amer. Il doit demeurer cette création dynamique, en perpétuelle évolution, à condition qu'on lui donne une chance. Sinon, en effet, il deviendra abstrait, comme l'art contemporain qui se voit éclipser par les arts populaires, ou désolant, comme peut l'être la littérature dans les rayons des supermarchés et des librairies de gare. Sans prise de risques, par les producteurs comme par les exploitants, il n'y aura point de salut. Le cinéma deviendra alors une industrie, comme la télévision, et oubliera sa vocation artistique.

Défendre tous les cinémas ce n'est pas seulement une devise, c'est une exclamation pour protéger la diversité créative. C'est une manière de prouver que l'on existe grâce à nos différences. Il y a des pays, comme l'Iran ou la Chine où cette menace conduit des cinéastes en prison. Il y en a d'autres, en Occident, où le système, par perversité ou protectionnisme, tend à évincer les plus vulnérables.

Loin des éclats d'antan où le cinéma était au coeur d'une affirmation idéologique, politique, d'une revendication artistique et esthétique, on peut finir entre nous, autour d'un verre, à débattre indéfiniment de l'influence de Kubrick sur Michael Mann ou de l'importance psychanalytique dans les rôles de Deneuve. Cela sert à quoi si nous sommes en petit comité, de plus en plus réduit, sur Twitter ou entre blogueurs, si nous assistons à la fin de notre monde en celluloïd sans rien faire. Faire le constat ne suffit pas. Cela fait 15 ans, que le 7e art glisse lentement vers une exclusion de ce qui n'est pas "rentable", "chiffré", "buzzé". Il n'y a pas moins de cinéphiles. Et les outils sont là pour les rassembler. Hélas, il y a moins de prosélytisme et trop de propagande. On est ainsi passer de Michel Polac à Michel Denisot. De Jacques Chancel à Laurent Ruquier. On attend plus qu'un gros "kaboom" où cinéphiles kamikazes que nous sommes, nous nous précipiterons pour traverser l'autre côté de l'écran.

Mais comme nous sommes des rêveurs, nous croyons qu'il y a l'éternité derrière. Il y a juste 2011, qu'on espère pleine de vitalité et riche en plaisirs, remplie de promesses réjouissantes et d'étonnements mirifiques. De ceux qui nous font passer deux heures dans le noir, happer par cet écran magique, ce miroir qui nous révèle notre inconscient ou tout simplement, le monde dans lequel nous vivons. Une caverne "platonique" où tous les fantasmes sont possibles. Même les plus fous.

Fin de concession, docu juste sur les médias, victime de sa faible exposition médiatique

Posté par geoffroy, le 31 octobre 2010

Voilà peu ou prou ce que le dernier film documentaire de Pierre Carles, agitateur de talent, poil à gratter des puissants, pourfendeur de la pensée unique et des connivences en tout genre – avec une préférence pour celle entre les journalistes et le monde politique –, m’inspire.

Néanmoins, ce billet n’envisage nullement d’établir un deuxième avis sur son film que l’on trouvera, de toute façon, parfaitement analysé ici.

En l’espèce, il ne s’agit pas de « descendre » un homme, journaliste de profession, dont la démarche jusqu’au-boutiste vise, depuis des années, à dénoncer les dérives d’un système politico-médiatique. A ce titre, je dois saluer la persévérance du bonhomme qui, en 1998 avec son Pas vu Pas pris, s’en prenait déjà aux grands médias nationaux et ses têtes de gondoles cathodiques. Visiblement rien n’aurait changé, à commencer par Carles lui-même. Il demeure toujours ce personnage haut en couleur plutôt sympathique continuant, vaille que vaille, son travail de sape contre le système médiatique. Peu importe que TF1, par l’intermédiaire de Patrick LeLay (ancien président directeur général de la chaine), ai reconnu phrase à l’appui sa fonction première : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau disponible ».

A vrai dire, le problème est ailleurs et ne vise pas la logique de sa démarche, au demeurant fort légitime, mais plutôt son statut. En effet, Pierre Carles n’est pas un marginal au sens premier du terme puisqu’il se définit lui-même comme un Don Quichotte de l’investigation. En le voyant travailler, je me dis qu’il ressemble au prototype de l’électron libre, sorte de père fouettard déambulant hors des sentiers battus avec comme seul attirail sa caméra de poche et son franc-parler. Comme un  inébranlable chevalier blanc, Monsieur Carles joue de la voix – in et off –, use et abuse de la caméra cachée, savoure ses moqueries ou les pièges qu’il tend aux puissants, délivre quelques belles contradictions, se répète, fatigue, se met continuellement en scène et, pour finir, cultive l’autocritique. Du bel art, à n’en pas douter. Mais vain. Comme un uppercut qui n’atteindrait jamais sa cible ou si peu.

Mais que lui manque t-il pour faire mouche ? De l’audace ? Assurément non. De l’impertinence ? Non plus. De liberté ? Encore moins puisqu’il ne dépend d’aucune rédaction. Il semblerait, comble du comble, qu’il lui manque ce que, précisément, il s’évertue à vitupérer sans défaillance aucune depuis des années: la puissance médiatique, cette « vitrine » télévisuelle capable de toucher, de sensibiliser ou de moduler à loisir les masses dormantes que nous sommes. De fait, il tourne en rond comme un lion en cage, roule des yeux et fomente des stratagèmes invraisemblables pour réussir à obtenir des réponses à défaut de véritables scoop. Son message se retrouve brouillé du simple fait d’être ce qu’il est devenu : un paria du journalisme institutionnel. Les portes se sont jadis fermées, les illusions avec. Mais pas le sens du devoir ni le goût de l’affrontement dans ce besoin de démêler le mensonge de la vérité. Même si nous sentons poindre, à l’occasion, une pointe d’abattement entre deux interviews, deux missions coup de poings, deux documentaires, deux prises de parole. Passagère, elle souligne la difficulté de son combat, la rudesse d’un engagement plus ou moins habilement restituée à l’image et la latitude d’expression qui lui reste. A n’en pas douter celle-ci devient de plus en plus étroite. Allons bon, Pierre Carles se serait-il perdu définitivement dans sa propre virtualité journalistique ?

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Binoche réplique à Depardieu

Posté par vincy, le 3 septembre 2010

C'est au tour de Juliette Binoche de répliquer à l'attaque violente (et gratuite, avouons-le) de Gérard Depardieu dans la presse autrichienne (voir actualité du 26 août). Elle a profité de la promotion de Copie conforme en Grande Bretagne pour répondre via la presse britannique.

"On n'est pas obligé d'aimer tout le monde, on peut ne pas aimer le travail de quelqu'un. Mais je ne comprends pas la violence" de ces propos, a déclaré l'actrice à la BBC.

Sur Empire Online, elle ajoute : "je ne comprends pas pourquoi il se conduit comme ça. C'est son problème". "Je ne me suis pas sentie blessée, parce que je pense que ça n'a rien à voir avec moi", assure-t-elle.

Après son interprétation est moins solide. L'analyse de Binoche est à la hauteur de son discours confus lorsqu'elle a reçu le prix de la meilleure actrice au dernier Festival de Cannes. "Est-ce de la jalousie, parce que c'est tellement excessif ? Ou est-ce à cause du film, qui est assez provocateur ? Je sais que certains hommes ont eu du mal avec le film qui donne beaucoup d'espace aux femmes". Copie conforme qui "heurte la masculinité" de Gérard Depardieu ?! Un acteur si féminin...

A la BBC, elle confie avoir dîné il y a quelques années avec Depardieu, qui lui avait dit: "Oh, toi, tu fais toujours de beaux films". "Je n'avais rien répondu parce que je ne comprenais pas bien ce qu'il voulait dire".

Ils n'ont jamais tourné ensemble.

Dommages collatéraux : le cinéma israélien paye pour la politique de son gouvernement

Posté par anne-laure, le 13 juin 2010

« Parce qu'il est israélien, on lui a appliqué une punition collective. C'est l'erreur de ce réseau de cinéma » - le réalisateur Leon Prudovsky

a 5 heures de parisLe réseau de salles d’art et d’essai Utopia a décidé, vendredi 4 juin, de boycotter purement et simplement le film israélien A 5 heures de Paris, réalisé par Leon Prudovsky. Pour quel motif ?  La condamnation du raid israélien meurtrier sur le convoi maritime humanitaire à Gaza, le 31 mai dernier. Normalement prévu pour le 23 juin, le film devrait être zappé de deux salles – à Tournefeuille (près de Toulouse) et Avignon - sur les six que possède le réseau.

A 5 heures de Paris, est une comédie sentimentale classique, une histoire d’amour naissante entre un chauffeur de taxi et une professeur de piano. On ne peut pas accuser le réalisateur d’avoir fait un film politique, et quand bien même, toute forme de censure d'un film est contestable. Pourtant, Utopia estime agir pour « des raisons morales » (sic), puisque le film est en partie financé par l’Etat israélien. «Nous sommes scandalisés par l'attitude d'Israël, par sa violence et nous voulions protester contre ce qui se passe », a déclaré Anne-Marie Faucon, co-fondatrice d'Utopia. « Vu les retombées médiatiques, on se dit que nous avons eu raison de le faire. Les spectateurs expriment leur sympathie, beaucoup sont très en colère et comprennent que c'était le seul moyen de nous faire entendre. »

Une double erreur fondamentale se glisse dans cette argumentation : d'une part, le film est loin d'être produit majoritairement par les deniers publics, d'autre part l'Etat israélien a souvent investit dans des films critiquant ouvertement la guerre avec les pays voisins. « Parce qu'il est israélien, on lui a appliqué une punition collective. C'est l'erreur de ce réseau de cinéma », a déclaré  le cinéaste Leon Prudovsky (par ailleurs né à Saint-Petersbourg en Russie) sur la chaîne Public Sénat.

A quand un film japonais ou américain censuré parce que leur pays pratique la peine de mort?

Pour se donner bonne conscience sans doute, Utopia préfère d'ailleurs programmer Rachel de Simone Guitton, un documentaire sur Rachel Corrie, une pacifiste américaine écrasée par un bulldozer israélien en 2003 en tentant d'empêcher la destruction de maisons palestiniennes. La confusion ne fait qu'augmenter. Dans ce cas, pourquoi ne pas censurer les films chinois, iraniens, thaïlandais, russes ou encore japonais pour divers désaccords idéologiques (oppression, torture, peine capitale, ...) alors que ces films sont souvent financés à travers des systèmes d'aides publiques (et d'autorisations d'Etat)? Pourquoi deux poids deux mesures ? Pourquoi ne pas avoir appliqué cette sentence dès le début du blocus de Gaza à tous les films israéliens ? Pourquoi punir un cinéma qui est principalement très critique envers la politique de son gouvernement, portant généralement des messages pacifistes ou offrant des portraits d'un pays cloisonné entre ses communautés ?

Selon Bertrand Delanoë, « il est à la fois absurde, injuste et contre-productif de s'en prendre aux créateurs pour condamner l'action d'un gouvernement ». « Les artistes ne sont pas comptables du choix des dirigeants de leur paysLe cinéma est, partout dans le monde, un instrument d’affirmation de la liberté d’esprit et de la pensée critique. C'est d'autant plus vrai s'agissant du cinéma israélien, qui a toujours été une avant-garde exigeante et lucide ». « La culture demeure le meilleur vecteur de l'intelligence, du dialogue et de la paix » .

Double peine

C'est ainsi prendre les spectateurs en otage : ne pas leur proposer une vision apolitique et positive d'Israël, disposer d'une sanction à l'égard d'un gouvernement en englobant tous les citoyens, y compris un réalisateur, pire, imposer un soutien aveugle à un camp plutôt qu'à un autre. C'est le contraire de la justice, de la liberté d'expression, et de la pluralité de l'opinion.

Le boycott fait grand bruit et les réactions sont vives, de SOS Racisme à la Licra en passant par le Crif. Jeudi 10 juin, les professionnels du Septième Art ont mis la pression sur Utopia. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture a fait part de son incompréhension et de sa désapprobation. « Ma déception est d'autant plus grande que j'ai toujours eu le sentiment que le réseau Utopia était ouvert à toute la diversité du cinéma et participait, à sa façon, à ce débat démocratique » écrit-il dans une lettre adressée à Anne-Marie Faucon.

Mais le réseau de cinémas est résigné. Utopia estime d'ailleurs que son geste symbolique et limité dans le temps ne nuit pas au film puisqu'il le diffusera en juillet, à une date encore non définie. Par ailleurs, il organisera des débats avec des réalisateurs israéliens, auxquels Leon Prudovsky est invité. Pas de censure donc ? Cela reste à voir. Le symbole est quand même gênant, et créé un malaise.

Dès le 23 juin, A 5 heures de Paris sera tout de même programmé en France dans 40 à 50 salles, notamment celles des circuits UGC, Gaumont, Pathé ou MK2.

Et finalement, après une semaine de polémique et de division entre les dirigeants du réseau  des salles Utopia, ceux-ci se sont engagés à programmer le film israélien A cinq heures de Paris. Franck Salün, responsable de la distribution chez Memento Films, relativise mais ne cache pas qu'il s'agit d'« une dérive inquiétante, de considérer qu'un cinéaste doit rendre compte de la politique de son pays. »