Berlin 2015: des Teddy Awards très latino-américains

Posté par vincy, le 14 février 2015

nasty baby

Après un film brésilien l'an dernier, les historiques Teddy Awards ont récompensé un cinéaste chilien habitué des festivals. Sebastian Silva revient de la Berlinale avec le plus convoité des prix cinématographique labellisé LGBT. Nasty Baby, qui réunit la vedette américaine Kristen Wiig (Mes meilleures amies, La vie rêvée de Walter Mitty), le réalisateur lui-même et Tunde Adebimpe, est l'histoire d'un artiste homosexuel qui désire obsessionnellement un bébé. Avec son partenaire, il parviennent à convaincre leur meilleure amie d'être la mère porteuse. Mais c'est, évidemment, plus compliqué que ça en a l'air. Le film, présenté dans la sélection Panorama, avait fait son avant-première mondiale à Sundance il y a trois semaines.

Dans la catégorie documentaire, c'est l'uruguayen Aldo Garay qui repart avec le trophée pour son film El Hombre Nuevo (Le nouvel homme). Le film est centré sur Stephania, transsexuelle, né "garçon" au Niracagua, adopté en Uruguay où elle est devenue une femme.

Le Teddy du court-métrage a été décerné à San Cristobal du chilien Omar Zúñiga Hidalgo.

Hormis ces trois Teddy tous latino-américains, le jury a distingué d'un prix spécial Stories of our Lives du kenyan Jim Chuchu, qui a aussi reçu la 2e place du jury Panorama parmi les innombrables prix de la Berlinale.

udo kierEnfin, un Teddy Award d'honneur a été remis à Udo Kier, acteur légendaire du cinéma allemand (et réalisateur d'un seul film). A 70 ans, le comédien  ouvertement homosexuel et aimant se travestir, s'est fait connaître très tôt en mannequin. Proche de Jean Marais (on les a d'ailleurs vus ensemble dans la série Joseph Balsamo), protégé de Rainer Werner Fassbinder, ami fidèle de Lars von Trier, acteur culte de Gus Van Sant, il a cinquante ans de carrière à son actif et une quantité infinie de navets aux titres risibles. Mais on l'a surtout remarqué dans Andy Warhol's Frankenstein (de Paul Morrissey, produit par Vittorio de Sica et Roman Polanski), Histoire d'O, La femme du chef de gare, La troisième génération, Lili Marleen, Lola, Europa, My Own Private Idaho, Ace Ventura, détective pour chiens et chats, Blade, Johnny Mnemonic, Breaking the Waves, The End of Violence (de Wim Wenders), Dancer in the Dark, End of Days (avec Schwarzzy), Dogville, Grindhouse, Soul Kitchen (de Fatih Akin), Melancholia, Nymphomaniac... Enfin, Madonna l'a aussi fait travaillé dans ses clips sulfureux Erotica et Deeper and Deeper en 1992.

Berlin 2015: Panahi, Hartley, Guzman, Muylaert, Schipper parmi les premiers récompensés

Posté par vincy, le 14 février 2015

Que Horas Ela Volta?

La Berlinale 2015 a déjà dévoilé la plupart de ses prix, hormis ceux du jury de la compétition (lire les pronostics) et celui du meilleur premier film. Dans la section Panorama, la brésilienne Anna Muylaert a remporté le grand prix, en plus du prix Cicae. L'Allemand Sébastien Schipper avec Victoria, l'un des favoris de la compétition, a aussi fait coup double avec un prix du public et un prix des cinémas d'art et essais allemand. On notera parmi les cinéastes en compétition que le chilien Patricio Guzman et l'iranien Jafar Panahi ont été distingués respectivement par le jury écuménique et la critique internationale.

Sélection Panorama

Prix du public du meilleur film: Que Horas Ela Volta? (The Second Mother), Anna Muylaert, Brésil
2e place pour Stories of Our Lives, Jim Chuchu, Kenya
3e place pour Härte (Tough Love), Rosa von Praunheim, Allemagne

Prix du public du meilleur documentaire: Tell Spring Not To Come This Year, Saeed Taji Farouky et Michael McEvoy, Royaume Uni
2e place pour The Yes Men Are Revolting, Laura Nix, Andy Bichlbaum et Mike Bonanno, Etats-Unis
3e place pour Iraqi Odyssey, Samir, Suisse

Prix Fipresci

Compétition: Taxi, Jafar Panahi, Iran
Panorama: Paridan az Ertefa Kam (A Minor Leap Down), Hamed Rajabi, Iran
Forum: Il gesto delle mani (Hand Gestures), Francesco Clerici, Italie

Jury écuménique

Compétition: El botón de nácar (Le bouton de nacre), Patricio Guzmán, Chili
Panorama: Ned Rifle, Hal Hartley, Etats-Unis
Forum: Histoire de Judas, Rabah Ameur-Zaïmeche, France

Prix des cinémas d'art et d'essai CICAE

Panorama: Que Horas Ela Volta?, Anna Muylaert, Brésil
Forum: Zurich, Sacha Polak, Allemagne

Label Europa Cinemas

Mot Naturen, Ole Giæver et Marte Vold, Norvège

Prix des lecteurs du Berliner Morgenpost

Victoria, Sebastian Schipper, Allemagne

Prix des lecteurs du Tagesspiegel

Flotel Europa, Vladimir Tomic, Danemark

Prix des lecteurs de LSE - The Siegessäule

Zui Sheng Meng Si, Chang Tso-Chi, Taïwan

Prix de la Guilde des cinémas d'art et d'essai allemands

Victoria, Sebastian Schipper, Allemagne

Prix de la Paix

The Look of Silence, Joshua Oppenheimer, Etats-Unis

Sélection Generation 14plus

Grand Prix: The Diary of a Teenage Girl, Marielle Heller, Etats-Unis
Mention spéciale: Nena, Saskia Diesing, Pays-Bas
Prix spécial du jury: Politische Bildung (Federal Agency for Civic Education): Coach, Ben Adler, France
Mention spéciale: Tuolla puolen (Reunion), Iddo Soskolne et Janne Reinikainen, Finlande

Papa ou maman: une suite et peut-être des remakes

Posté par vincy, le 14 février 2015

marina fois laurent lafitte papa ou maman

Le Film Français a annoncé hier que Papa ou Maman aurait une suite. A peine sorti sur les écrans français, ce premier film de Martin Bourboulon, a déjà attiré un million de spectateurs dans les salles et s'annonce comme le gros succès français de l'hiver.

Selon l'hebdomadaire professionnel, les scénaristes Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte (Le Prénom) travaillent sur une suite, en cours d'écriture. Ce deuxième opus réunirait de nouveau Marina Foïs et Laurent Lafitte.

Par ailleurs un remake anglais et d'autres remakes dans d'autres langues sont en discussions. Le Prénom vient d'être adapté en version italienne: Il nome del figlio de Francesca Archibugi rencontre un joli succès en Italie (il est toujours dans le Top 10 du box office, après 3 semaines d'exploitation).

Berlin 2015 : Panahi, Haigh, Guzman, Larrain, Schipper attendus au palmarès

Posté par MpM, le 14 février 2015

taxi

À moins de 24h de la proclamation du palmarès de la Berlinale 2015, les pronostics et classements des meilleurs moments de cette 65e édition vont bon train.

Pour l'AFP, l'événement le plus marquant de la quinzaine aura été la projection de Taxi de Jafar Panahi, nouveau film clandestin du cinéaste iranien toujours sous le joug d'une interdiction de travailler. Il y sillonne Téhéran à bord d'un taxi dans lequel il fait diverses rencontres. Un candidat solide à un grand prix, ne serait-ce que pour le symbole.

L'agence de presse relève également la prouesse technique de l'Allemand Sebastian Schipper, qui a tourné son film Victoria en un seul et unique plan, soit un plan- séquence de plus de deux heures, et souligne le bon accueil réservé à deux premiers films, Ixcanul du Guatémaltèque Jayro Bustamante, et Sworn Virgin de l'Italienne Laura Bispuri. Le premier raconte l'histoire d'une jeune femme dont les projets de départ sont remis en question quand elle tombe enceinte tandis que le second s'attache au destin d'une jeune Albanaise ayant, selon la coutume, décider de vivre comme un homme pour échapper à un destin d'épouse soumise. Peut-être un prix d'interprétation féminine en perspective ?

Côté presse internationale, 45 years du Britannique Andrew Haigh figure parmi les favoris des critiques recensés dans le quotidien berlinois de Screen international. Les chiliens Le bouton de nacre de Patricio Guzman et El Club de Pablo Larrain sont eux-aussi bien placés (lire notre article). Ils pourraient définitivement se hisser sur l'une des plus hautes marches du palmarès.

Enfin, la surprise pourrait venir de deux films exigeants qui ont leurs adorateurs autant que leurs destructeurs : Knight of cups de Terrence Malick et Eisenstein in Guanajuato de Peter Greenaway, qui l'un comme l'autre mériteraient amplement un prix de mise en scène, ou encore du film russe, Under electric clouds d'Alexey German Jr., vaste fresque poétique et engagée sur la Russie contemporaine.

Face à une compétition aussi ouverte, rien ne semble joué d'avance, et on pourrait fort être surpris par les choix du jury mené par Darren Aronofsky. L'excellente nouvelle, c'est qu'au vu de la qualité de la sélection 2015, il y a peu de chance que le lauréat de ce 65e Ours d'or ne soit pas un film réellement intéressant, à défaut d'être un pur chef d'oeuvre.

Vesoul 2015 : La Chine, nouvel eldorado du cinéma

Posté par kristofy, le 13 février 2015

xiaoLa Chine, immense pays multiethnique, est doté d'un vaste patrimoine cinématographique, dont on ignore la plus grande partie. L'an dernier, il y a eu différentes initiatives pour célébrer la "Saison Culturelle France-Chine 50" (pour les 50 ans d’amitié franco-chinoises).  Le 21e Festival des cinéma d’Asie de Vesoul y apporte sa contribution avec la plus importante rétrospective de films de patrimoine chinois avec 36 œuvres telles que : les inédits La boutique de la famille Lin de Shui Hua (1959) ou Le tireur de pousse-pousse de Ling Zifeng (1982) ; Le coq chante à minuit de Lei Yeou (à Cannes en 1965) ou Une nuit de glace de Que Wen (à Cannes en 1984) ; Ju dou de Zhang Yimou (1990) ou Xiao Wu artisan pickpocket de Jia Zhang-ke (1997) ; Le fossé (2010) de Wang Bing ou La môme Xiao de Peng Tao (2007)...

Toujours venu de l'Empire du milieu, le film d'ouverture de Vesoul était  Full circle en hommage à Wu Tianming disparu l'année dernière. Le jury international pour les films en compétition est présidé par un chinois, le réalisateur Wang Chao (Voiture de luxe, Memory of Love), dont le dernier film, Fantasia était au dernier festival de Cannes.

En terme de distribution de films, on parle de territoire, et la Chine représente en ce moment LE territoire à investir. Le box-office chinois est en pleine explosion depuis plusieurs années. Rien qu’en 2014 il y a eu la construction de 1015 multiplexes (en Chine il y a désormais plus de 23600 salles - contre 18000 en 2013). C’est aussi le marché le plus important pour les films en 3D (Lucy de Luc Besson a d’ailleurs été converti spécialement en 3D pour sa diffusion en Chine). Côté box office, la Chine est dorénavant le deuxième pays dans le monde en nombre de spectateurs et en recettes. En 2014, le B.O. chinois a récolté 4,82 milliards de recettes, en progression de 36% par rapport à 2013. A ce rythme, d'ici la fin de la décennie, le marché chinois sera plus important que le marché américain.

Lente ouverture aux films étrangers

Le pays limite l’accès aux films étrangers (même si le chiffre progresse chaque année) sauf s'il s’agit de coproduction avec des règles à suivre (environ un tiers du budget par une société chinoise, un acteur chinois doit avoir un rôle conséquent, une partie du tournage en Chine, l’administration du bureau des films doit approuver le scénario et le montage final…). Depuis que la Chine a conclu un accord de coproduction avec la France le 29 avril 2010 (et des accords semblables avec d’autres pays), les films coproduits ne sont ainsi plus comptés dans le petit nombre de films étrangers (surtout américains) autorisés à être importés. Il en résulte des films chinois coproduit par des français comme 11 Fleurs (2011) de Wang Xiaoshuai ou Le Promeneur d'oiseau (2014) de Philippe Muyl, ou encore le prochain film de Jean-Jacques Annaud Le dernier Loup , qui va bientôt sortir dans nos salles d’après le best-seller chinois Le Totem du loup de Jiang Rong.

La Chine développe aussi de plus en plus des partenariats avec les Etats-Unis. Un des plus gros budgets chinois Flowers of war de Zhang Yimou a été conçu pour séduire le marché international avec, en vedette, Christian Bale. Côté USA il y a eu l’étape du blockbuster Transformers 4 l'âge de l'extinction (leader du box office l'an dernier) de Michael Bay tourné en Chine avec Mark Wahlberg (et les acteurs chinois Li Bingbing et Han Geng) qui a réalisé un meilleur démarrage en Chine qu'aux Etats-Unis. Iron man 3 également tourné en partie en Chine a d’ailleurs une version différente pour le marché chinois avec des scènes en plus (avec Wang Xuegi et Fan Bingbing). Et du côté du film d’animation DreamWorks Animation a une filiale chinoise Oriental DreamWorks. Les suites Avatar 2 (novembre 2017) et Avatar 3 (novembre 2018) de James Cameron qui visent des records de spectateurs seront aussi des coproductions avec la Chine.

En attendant, impossible de voir les 600 films produits chaque année en Chine.
Alors, Vesoul, eldorado du cinéphile amateur de films asiatiques, programme 90 films de tout le continent, en une semaine (à condition, certes, de ne rien faire d'autre).

Berlin 2015 : Peter Greenaway ressuscite brillamment S.M. Eisenstein

Posté par MpM, le 12 février 2015

eisenstein in guanajuato

Décidément, la compétition officielle de cette 65e Berlinale fait le pari du rire et de la légèreté. Malgré des sujets souvent graves ou douloureux, les films semblent en effet avoir cherché à rivaliser d'humour, parfois franchement noir, comme dans Aferim de Radu Jude (sur les préjugés racistes) ou plus ironique, comme dans Body de Malgorzata Szumowska (sur une spiritiste persuadée d'être en contact avec les morts).

Peter Greeneway s'est lui carrément tourné vers la farce flamboyante pour rendre hommage à l'un des plus importants cinéastes du début du 20e siècle, le surdoué et fantasque Serguei Eisenstein. Eisenstein in Guanajuato se déroule au Mexique du début des années 30, alors que le réalisateur russe n'a encore que deux films à son actif. Décidé à tourner en Amérique latine, il s'installe dans la petite ville de Guanajuato où il fait la connaissance de Palomino, un fringant Mexicain qui lui sert tout à la fois de guide, d'ange gardien et d'initiateur.

Dans une cinématographie exubérante (plans courts frénétiques et hallucinés, split screens, travellings acrobatiques...), le film aborde tour à tour les mystères de la création artistique, le rapport à la mort et à la sexualité et la révolution intérieure aussi bien physique qu'intellectuelle subie par le cinéaste au cours de son séjour. Greenaway ne recule devant rien (sa scène de dépucelage atteint des sommets d'outrance) pour rendre palpable la personnalité complexe de son personnage, "clown tragique" déjanté et génial.

Il fallait bien toute la folie cinématographique de Greenaway (qui se sert avec maestria de tout ce que la grammaire cinématographique compte d'effets, parfois jusqu'au vertige) pour saisir la folie complexe et structurée d'Eisenstein. Sa logorrhée rapide, sa nonchalance face à l'autorité, ses talents de conteur, son caractère indomptable et provocateur... le portrait est joyeux et décomplexé, savoureuse tranche de vie au dénouement attendu plutôt que biopic tenté par la psychologie de comptoir. On est à la fois bluffé par le rythme trépidant du film et enchanté par l'inventivité du réalisateur qui parvient à mettre en adéquation son style et son sujet.

A Berlin est traditionnellement remis le prix Alfred Bauer qui "ouvre de nouvelles perspectives dans l'art cinématographique ou offre une vision esthétique novatrice et singulière". Pour 2015, Eisenstein in Guanajuato semble tout indiqué. Mais au fond, on serait un peu déçu qu'il ne reparte qu'avec ce prix "singulier" tant il est manifestement l'aboutissement d'une réflexion captivante sur ce qu'est, peut et devrait être le cinéma.

Le prix à payer, documentaire implacable qui dénonce les sales affaires de type #Swissleaks

Posté par vincy, le 12 février 2015

le prix à payerChristian Slater, Gad Elmaleh, Helmut Newton, Lisa Azuelos, Joan Collins, John Malkovich... les célébrités ont été sous les feux des projecteurs ces derniers jours mais pas pour leur talent de comédien, de réalisateur ou de photographe de stars. Ils font tous partis des fichiers révélés par Le Monde dans l'affaire d'évasion fiscale organisée par la filiale suisse de la banque HSBC, affaire communément appelée SwissLeaks.

Certains ont régularisé leur situation. Les sommes n'étaient pas non plus énormes. Mais le symbole fait mal et atteint leur image.

Simultanément sur les écrans français on peut découvrir L'Enquête, thriller journalistique et juridique autour de l'affaire Clearstream (qui soupçonnait un blanchiment d'argent aux plus hauts niveaux du pouvoir). Clearstream c'est une affaire politico-juridico-financière des années 2000 Mais c'est toujours d'actualité. La finance, et notamment la crise de 2007/2008, inspire de plus en plus le cinéma (il suffit de revoir Margin Call) et de nombreux projets sont dans les tuyaux.

Mais les documentaristes ne sont pas en reste. Toujours à l'affiche, sorti il y a une semaine, avec succès, Le Prix à payer, réalisé par le canadien Harold Crooks, décrypte le système mondial de la fraude et de l'optimisation fiscale. Un ciel orageux et menaçant sert de fil conducteur à un récit aussi effarant qu'Inside Job l'était sur la crise financière. L'orage est évidemment une métaphore: c'est le risque de voir les démocraties et les modèles socio-démocrates foudroyés par des mécanismes créés par les banques et les entreprises pour éviter de payer l'impôt, s'enrichir et au passage appauvrir les nations et leurs peuples.

Les témoignages se suivent et l'on constate que cette nouvelle aristocratie qui se croit au dessus des Lois et se permet de s'affranchir de ses droits et devoirs n'a pas de morale.

La pédagogie prime (et c'est en cela où il est passionnant) sur le sensationnalisme. C'est rigoureux et implacable. Un peu trop convenu sans doute, un peu trop sérieux peut-être. Pas de caméra cachée, pas de révélation, pas de secrets dévoilés. Juste une démonstration "technique" qui permet de comprendre comment il est facile de frauder en toute impunité. Il permet aussi de saisir à quel point les parlements et les gouvernements sont impuissants face aux géants bancaires ou aux mastodontes pesant des milliards d'euros en bourse comme Apple, Amazon ou Google. Les auditions des cadres de ces groupes devant des parlementaires sont filmées comme des gardes à vue, des interrogatoires où les rares repentis sont devenus des ardents défenseurs de taxe Robin et de justice fiscale.

Tout est affaire de morale: du pasteur au trader en passant par le mouvement Occupy et des conomistes réputés. En guest-star, l'économiste Thomas Piketty. Face à eux, lobbyistes et fatalistes. Le documentaire plaide pour une riposte politique coordonnée, par une taxation des transactions financières et une harmonisation fiscale des Etats.

Harold Crooks tire le signal d'alarme avec animations et images d'archives. Mais le feu s'est déjà propagé.

Berlin 2015 : retour mitigé pour Wim Wenders

Posté par MpM, le 11 février 2015

L'un des événements de cette 65e édition du Festival de Berlin est l'hommage rendu à l'enfant du pays, le cinéaste Wim Wenders, qui s'apprête à recevoir samedi, au moment de la proclamation du palmarès, un Ours d'or récompensant l'ensemble de sa carrière débutée il y a 45 ans.  Par ailleurs, le réalisateur palmé en 1984 pour Paris, Texas revient à la fiction pour la première fois depuis 2008 avec son nouveau long métrage Every thing will be fine.

Le film, présenté hors compétition, a été tourné en 3D et réunit James Franco, Charlotte Gainsbourg, Rachel McAdams et Marie-Josée Croze dans une histoire assez classique de culpabilité, de travail de deuil et de rédemption.

"Pour moi, le sujet principal de ce film est la guérison, la façon dont on pardonne aux autres et dont on se pardonne à soi-même" a expliqué le réalisateur lors de la conférence de presse. "Il n'y a pas assez de films qui parlent de la guérison (...) La plupart parlent de la blessure."

Il est vrai qu'on peut reconnaître au film une certaine sobriété dans l'exposition des situations les plus mélodramatiques. Cette retenue dans la mise en scène est hélas contrebalancée par  la musique, lyrique et omniprésente, qui semble souligner la moindre petite émotion. Le rythme, lui, peine à s'installer, entre une première partie plus dense et plus profonde et des "sauts dans le temps" qui donnent l'impression d'une dilution de l'intrigue.

Les questions posées (Qu'est-ce que la responsabilité ? Combien de temps dure la culpabilité ? Comment faire son travail de deuil ? etc.) trouvent des réponses évasives et relativement convenues, là où on attendait de l'introspection et de la subtilité. Les atermoiements des personnages peinent alors à nous toucher, voire à nous intéresser, malgré la (trop) forte charge émotionnelle qu'ils véhiculent.

Même l’utilisation de la 3D laisse perplexe. Wenders est un des réalisateurs qui semblait avoir donné ses lettres de noblesse au genre avec son très beau Pina, où le corps des danseurs, perçu en trois dimensions, occupait tout l'écran. Ici, on oublie assez rapidement le procédé, qui n'apporte pas grand chose au récit, si ce n'est quelques effets de changement de focale, et une très belle scène d'ouverture où la caméra parvient à capter les minuscules particules de poussière qui flottent dans l'air.

Après le magnifique Sel de la terre, documentaire sur Sebastião Salgado, les attentes étaient élevées, et la déception est forcément proportionnelle. Il est tout de même curieux que Wenders, qui réalisa une oeuvre de fiction aussi dense que captivante, peine désormais à s'y confronter, alors même qu'il confine au génie dans le documentaire.  Bien sûr, l'expérimentation est à présent au cœur de son travail, ce qui peut être une piste pour expliquer le soin extrême apporté à la réalisation, au détriment du scénario et du récit, mais il n'en demeure pas moins frustrant de voir littéralement gaspillées des propositions de cinéma qui, utilisées à bon escient, seraient plus ambitieuses et excitantes que la majorité de la production contemporaine.

Roger Hanin (1925-2015): le grand départ

Posté par vincy, le 11 février 2015

roger hanin

Né le 20 octobre 1925 à Alger, Roger Hanin est mort ce 11 février 2015 à Paris, à l'âge de 89 ans. Comédie, réalisateur mais aussi écrivain (onze romans) et auteur d'une pièce de théâtre, il avait incarné durant 20 ans le commissaire Navarro pour TF1. Sa proximité avec l'ancien Président de la république François Mitterrand (il était l'époux de sa belle-soeur) lui a longtemps collé à la peau. Grand coeur, grande gueule, chaleureux, curieux de tout, d'origine juive et convertit au catholicisme pour se marier, a fait le bonheur des spectateurs et téléspectateurs.

Doué pour le sport, il commence des études de pharmacie avant de faire de la figuration dans un petit film. Emballé, il s'inscrit au cours d'art dramatique avec René Simon et Michel Vitold.

De 1950 à 2009, Roger Hanin n'a pas chômé devant les caméras (une centaine de films, une vingtaine de téléfilms) et sur les planches (une quarantaine de pièces), mais il n'a jamais été une star. Pourtant il a tourné avec quelques uns des plus grands cinéastes dès ses débuts: Jules Dassin dans Celui qui doit mourir (1957), Michel Deville dans Une balle dans canon (1958), Marc Allégret dans Un drôle de dimanche (1958), Pierre Schoendoerffer dans Ramuntcho (1959), Jean-Luc Godard dans À bout de souffle (1959), Luchino Visconti dans Rocco et ses frères (1960), Henri Verneuil dans L'Affaire d'une nuit (1960), Claude Autant-Lara dans Vive Henri IV, vive l'amour (1961), Dino Riso dans La marche sur Rome (1962).

Sa carrure massive d'ancien basketteur et sa voix caverneuse lui fait jouer les durs. Il alterne les genres, ne s'offusque pas d'avoir un second-rôle. Claude Chabrol l'engage pour trois films d'espionnage. Il y est Louis Rapière dit le tigre ou Bruno Kerrien, espion français aux airs italo-américains. Cela le conduit à un cinéma plus fantaisiste, et davantage de navets. Et le pousse à la réalisation en 1973 avec Le Protecteur, suivi du faux-cul. Sa carrière fait du sur-place. Mais en 1978, Alexandre Arcady, alors jeune cinéaste, l'engage pour Le coup de sirocco. Gros succès où il devient un Brando à la française. Suivront Le Grand pardon en 1981, son plus gros hit au cinéma, Le Grand Carnaval, Dernier été à Tanger et Le Grand Pardon 2 avec le réalisateur qui a annoncé lui-même le décès de l'acteur.

Après Le sucre de Jacques Rouffio en 1979, il s'enlise cependant dans des navets comme L'Etincelle de Michel Lang, La Galette du roi de Jean-Michel Ribes, Lévy et Goliath de Gérard Oury ou encore Le Nombril du monde d'Ariel Zeitoun. Entre temps il réalise des films médiocres comme Train d'enfer et La Rumba. Il revient à la réalisation en 1997 avec Soleil, très inspiré de sa vie, où il s'offre son dernier rôle sur grand écran, aux côtés de Philippe Noiret et Sophia Loren.

"Il y a des gens qui disent: 'je n'ai pas eu la carrière que j'aurais voulue'. Je dis, moi: 'j'ai eu une carrière plus grande que celle que j'aurais espérée, maintenant j'arrête", déclarait-il en novembre 2008. "J'ai un grand projet: je vais vivre, faire des voyages, lire, écrire".

Cinquante nuances de Grey: deux suites au conte de fesses

Posté par vincy, le 11 février 2015

Cinquante nuances de Grey, à l'affiche dès aujourd'hui en France, présenté en projection spéciale à Berlin, décevra sans doute les voyeurs: deux fessées, dont une à coup de ceinture, des petits coups de martinet, un cunnilingus furtif, deux pénétrations type film érotique sur chaîne hertzienne (dont une sans capote). Pas une fellation, ni une seule masturbation. Le summum étant un glaçon et une feuille de paon glissant sur la peau de la soumise un peu rebelle Anastasia Steele, incarnée par Dakota Johnson. Il y a bien cinquante raisons de ne pas voir l'adaptation du premier livre de la trilogie légèrement SM et jamais bandante de E.L. James (lire notre critique).

En attendant, la réalisatrice a confirmé lors de l'avant-première new yorkaise vendredi dernier que les deux autres livres, Cinquante nuances plus sombres et Cinquante nuances plus claires, seraient adaptées. Les contrats avec les acteurs ont été signés. Les producteurs ne prennent pas beaucoup de risques: les pré-ventes des billets pour le premier film ont battu tous les records. Pourtant, la Love Story, entre Twilight (le vampire est remplacé par un prince dominant) et Amour gloire et beauté, émoustille autant qu'un Disney. Ici, aucune chanson genre "Libérée, délivrée" mais des airs tristes de Chopin joués au piano pour ponctuer le film et illustrer le mal-être du Prince. Le conte de fée n'est qu'un conte de fesses, même s'il y a plus d'érotisme dans une publicité pour sous-vêtements Calvin Klein.

Avec 100 millions de livres vendus dans le monde (3,3 millions en France), il n'y a aucune raison que la marque Cinquante nuances de Grey , déclinée en multiples produits (vins, maquillage, objets érotiques...) s'achève sur ces comptes de fée. E.L. James réfléchit à un quatrième livre: la suite des amours d'Ana et Christian. L'auteure a trouvé la recette pour pimenter ses fins de mois, à défaut de nous chauffer et provoquer des émois. Pas besoin de révolutionner le Kamasutra ou de flirter avec le Marquis de Sade pour faire fortune. Triste état de la création. Il suffit de pomper sur les autres pour pomper les autres (on ne parle que du portefeuille là).