SXSW Festival : The Dish and The spoon ou la réussite du mumblecore

Posté par Sarah, le 19 mars 2011, dans Festivals, Films.

dish and spoonIl est pratique courante ces dernières années, d'associer une certaine catégorie de films indépendants au mouvement "mumblecore". Il s'agit de film réalisés avec une équipe et un budget réduit, un peu à la DIY (Do It Yourself), et où les dialogues, parfois marmonnés (to mumble veut dire marmonner en anglais),  jouent un rôle important. En France, on connaît déjà Cyrus de Jay et Mark Duplass ou encore Humpday de Lynn Shelton, malgré une méconnaissance générale du concept en lui-même.

Le festival SXSW de l'an dernier avait présenté la révélation mumblecore 2010, Tiny Furniture de Lena Dunham et l''édition 2011 a été encore plus riche. On a notamment pu voir le dernier Jay Duplass, Kevin, Silver Bullets de Joe Swanberg, et surtout le dernier film d'Alison Bagnall (Piggie, Buffalo 66), The Dish and The Spoon (photo de gauche).

Dans ce dernier, on voit Greta Gerwig jouer Rose, une femme qui vient d'apprendre que son mari l'a trompée, et qui vagabonde sur les côtes du Delaware pour tenter d'apaiser sa douleur. Elle rencontre un jeune homme anglais, joué par Olly Alexander (révélation britannique), qui vient de se faire plaquer par sa petite amie et qui va l'accompagner dans ce voyage. Une relation silencieuse, aride et parfois agressive va se nouer entre eux. Rencontre avec la réalisatrice Alison Bagnall et l'acteur Olly Alexander.

Comment vous est venu l'envie de réaliser des films?

Alison Bagnall : J'ai grandi dans une ferme dans le Connecticut et je faisais des petits films avec des animaux, des moutons principalement. J'ai d'abord voulu être une actrice, je regardais beaucoup la télévision à l'époque, puis, vers 20 ans, j'ai eu envie de faire des films lorsque je suis allée à l'université. J'ai réalisé 5 courts-métrages lors d'un cours d'été à NYU (New York University) et je les ai montrés à mes amis et ma famille, qui les ont beaucoup aimés. Et donc, j'ai continué à en faire.

D'où vient l'idée d'une histoire portant sur la trahison amoureuse ?

AB : De mon expérience personnelle. J'ai trompé, j'ai été trompé, et je l'ai vraiment mal vécu. Olly [Alexander] aussi a été trompé Il sourit et acquiesce. J'avais ce petit ami et une femme l'a draguée, et il est resté avec elle. Il m'a avoué toute l'histoire, ce qui m'a complètement détruite sur le coup. Surtout, je trouve que c'est un sujet intéressant, de voir à quel point une personne plutôt stable peut devenir obsessionnelle et folle à cause de cela. Et cela prouve à quel point les gens sont possessifs, que le partenaire est vu comme un territoire, en particulier les parties génitales de l'autre. Je voulais donc explorer ce thème-là.

Le film aborde surtout le thème de "l'après" ou le cheminement vers la catharsis. Pourquoi avoir choisi ce moment en particulier?

AB : l y a tellement de films qui abordent le thème de la tromperie au sein du couple, mais plutôt ce qui se passe pendant que la personne est trompée, la séduction, les mensonges et la découverte du pot-aux-roses. Mais peu de films abordent l'état dans lequel cela laisse une personne. Il y a plusieurs étapes dans la douleur, comme une petite mort ou un divorce. Rose entre dans une catharsis grâce au personnage d'Olly [Alexander]. Enfin, je voulais aborder le thème de la faute et de la culpabilité. Bien souvent dans les films, il y a une sorte de moralisation, en particulier sur celui qui trompe, alors que ce n'est pas aussi simple, les gens sont profondément imparfaits.

D'où vous est venu l'idée de faire une scène dans laquelle Rose habillerait le jeune homme en fille, et où elle se travestirait en homme?

AB : C'était mon idée depuis le début, mais je ne savais pas pourquoi elle devait se faire. Cela permet au personnage de Rose d'avoir le contrôle sur la situation, car quand on est trompé on se sent vraiment démuni et coupable de ne pas avoir pu empêcher cette chose affreuse d'arriver. Cela lui permet de reverser sa douleur sur un autre, en le maltraitant à son tour. Mais je n'imaginais pas que les paroles de Rose seraient aussi crues et violentes envers Olly. Avec l'improvisation des deux acteurs, la scène apparaît presque comme un viol, alors que je la voyais beaucoup plus comme une scène de séduction, très sexy.

Olly Alexander : Je trouve aussi cette scène très intéressante, même si c'était difficile de me voir en femme, et Greta Gerwig en homme. C'est aussi une scène classique de drague dans un bar et le message porté sur les rôles homme-femme dans ce genre de situation est très véridique, et je n'avais jamais vu cette idée dans un film avant. En plus, cela permet à nos personnages d'être proches physiquement pour la première fois dans le film.

Olly, votre personnage est assez difficile à jouer. Ce jeune homme pourrait apparaître comme le jeune anglais pénible et snob, mais en fait vous l'incarnez de façon très subtile et naturelle. Vous étiez-vous rendu compte de cela avant de jouer?

OA : J'ai tout de suite été intrigué par ce personnage. Au départ, je voulais en faire un menteur, mais j'ai surtout fait confiance à Alison. Tout ce qu'elle me demandait de faire, je le faisais et en même temps j'avais l'impression d'une grande liberté. Je n'avais jamais vraiment tourné avec une petite équipe et peu de moyens, ce qui m'a aussi donné l'impression d'une grande liberté, malgré les contraintes.

Comment s'est passé le montage du film?

AB : J'avais très peur pendant le tournage, car je voyais les scène s'enchaîner les unes après les autres sans pouvoir y mettre de l'ordre. Surtout, le scripte était très libre et je me suis rendue compte à quel point il est compliqué de faire un film avec seulement cinq personnes. Donc j'ai fais appel à Darrin Navarro, qui avait monté la bande-annonce du film, et je suis vraiment contente du résultat. Il a tout de suite senti l'émotion du film et il n'a pas hésité à couper des scènes pour faire un tout. J'ai aussi été épaulé et conseillé par de nombreux réalisateurs, comme les frères Duplass, et au final il me disait toujours la même chose: « fais ce qui te paraît le plus amusant ». Et c'est vraiment ce qui s'est passé, j'ai fais comme je voulais et on s'est beaucoup amusé ensemble.

Alison Bagnall souhaite présenter son film au festival de Cannes cette année, et on espère vraiment qu'elle y arrivera !

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