Edith Scob (1937-2019) est morte

Posté par wyzman, le 26 juin 2019

L’actrice Edith Scob s’est éteinte ce mercredi 26 juin a annoncé son agent.

Une impressionnante filmographie

A 81 ans, Edith Helena Vladimirovna Scobeltzine (le vrai nom d’Edith Scob) pouvait se vanter d’avoir croisé la crème de la crème au cours de sa carrière. Issue de l’union entre un architecte et la fille du pasteur réformé Henri Nick, Edith Scob est révélée en 1959 par Georges Franju dans La Tête contre les murs. L’occasion pour elle de croiser Jean-Pierre Mocky, Anouk Aimée, Charles Aznavour et Pierre Brasseur. Au total, ce sont pas moins de six longs métrages qu’ils tournent ensemble, entre 1959 et 1965.

Aussi douée pour camper des personnages de téléfilms populaires que des stéréotypes sur les planches de théâtre, Edith Scob aura sur marquer durablement le cinéma français des années 1960 mais également celui des années 1990 et 2000. Si son masque blanc dans Les Yeux sans visage de Georges Franju a marqué les esprits, rappelons que c'est sa réutilisation dans Holy Motors de Leos Carax (2012) aura fini d’en faire un objet culte.

Côté cinéma, on se souviendra de ses passages dans La Voie lactée de Luis Bunuel (1969), La Vocation suspendue de Raoul Ruiz (1977), Les Amants du Pont-Neuf de Leos Carax (1991), Vénus beauté de Tonie Marshall et L'Heure d'été d'Olivier Assayas (2008) qui lui vaudra sa première nomination aux César dans la catégorie meilleure actrice dans un deuxième rôle. Après des passages remarqués dans L'Avenir de Mia Hansen-Løve et Le Cancre de Paul Vecchiali en 2016, on ne pouvait pas la louper dans Mon inconnue de Hugo Gélin, sorti il y a deux mois.

Trois questions à Félix Dufour-Laperrière pour « Ville neuve », en salles aujourd’hui

Posté par MpM, le 26 juin 2019

En salles ce mercredi 26 juin, et présenté au Festival d'Annecy dans la compétition Contrechamp, Ville neuve de Félix Dufour-Laperrière s'annonce comme l'un des plus beaux films de l'année. Réalisé à l’encre et au lavis sur papier, ce qui représente environ 80 000 dessins, il raconte en parallèle la tentative de retrouvailles d'un couple séparé et la campagne référendaire pour l’indépendance du Québec, mêlant ainsi les possibles intimes à ceux de tout un peuple, et proposant une tension permanente entre les deux formes d’espoirs.

Il s'agit du premier long métrage de fiction du réalisateur, qui a déjà une belle carrière dans le domaine du court métrage, et avait signé en 2014 le documentaire Transatlantique. Il nous dévoile la genèse de ce film à la singularité éblouissante dans un long entretien à lire en intégralité ici.

Ecran Noir : Le film est inspiré d’une nouvelle de Raymond Carver, La maison de Chef. Comment s’est passée cette adaptation ?

Félix Dufour-Laperrière : La nouvelle est très courte. Elle fait 4 pages et demi. C’est une très belle nouvelle, très délicate. Carver est assez elliptique et précis. Il y a peu de détails et de descriptions, peu d’ornementations, mais la plupart de ses nouvelles jonglent avec un grand fatalisme, assez mélancolique, mais aussi avec une posture d’espoir, de résistance. C’est une écriture ultra-sensible et très simple. Tout est raconté du point de vue du personnage féminin et dès le départ, quand l’homme l’invite, elle sait que ça ne fonctionnera pas.

C’est d’ailleurs ce qui est assez beau à mon sens. Elle est très lucide, mais elle y va quand même, car elle veut vivre l’expérience, malgré tout. Je trouve que c’est très émouvant. La nouvelle finit mal, mais comme c’est elle qui raconte, quand c’est fini, ce n’est pas une surprise pour elle. Elle est prête. J’ai récupéré cette force-là, une posture de résistance, de lucidité du personnage féminin. Chez l’homme, il y a une tentation pour le fatalisme, un certain nihilisme, mais aussi une colère, une énergie destructrice, assez sombre, mais une énergie tout de même. J’ai récupéré uniquement le contexte, et une réplique.

Le scénario s’est construit en écrivant d’abord les trois longs monologues de chacun des trois personnages, qui à la fois les distinguent et les lient. C’est comme si dans l’espace de la parole, ils se retrouvaient et parlaient un peu de la même chose. Ils se répondent par paroles interposées. C’est pour ça que la parole amène une certaine abstraction. On n’est plus dans le réel, on est dans un espace où les paroles se font valoir, et où les personnages se rejoignent.

EN : Comment avez-vous travaillé l’esthétique du film : le choix du noir et blanc, l’aspect minimaliste, le recours à l’abstraction…

FDL : Le noir et blanc est venu assez vite car j’avais envie de dessiner sur papier. Dans l’économie qui était la nôtre, je me voyais mal établir une mise en couleurs très complexe sur papier. Je savais aussi que je voulais faire beaucoup de surimpressions, de transparences, et le noir et blanc réagit assez bien. Je suis donc parti sur l’idée d’encre et de lavis. J’ai fait beaucoup de tests, j’ai envisagé plusieurs techniques, même de la rotoscopie !

En fait, j’ai une tension avec l’animation. J’adore l’animation, mais c’est aussi un peu pénible : on est toujours en train de retenir son geste, de contrôler, de restreindre. On ne dessine jamais librement. Ca m’ennuie, ça ! J’essaye toujours de trouver des façons de libérer un peu le geste. Par exemple, je n’ai pas fait de feuille de personnages pour Ville neuve, mais j’ai pris un an et demi pour faire tous les dessins du film. Cela représente entre un et dix dessins par plan. Comme ça, le film était posé. C’était un outil de production, mais aussi, de cette manière, toute l’iconographie du film était faite. Ensuite on est rentré en production. On a intégré les membres de l’équipe un par un, tous les quinze jours. Pendant la production, j’ai fait les décors, et on a navigué comme ça. Une certaine épure dans le graphisme vient du fait que j’aime bien quand on me rappelle l’artifice de l’animation. Que c’est un dessin sur une page. Quand on vide le cadre, à la fois on donne de l’importance à la figure qui est isolée, mais aussi on l'établit un peu comme symbole. Ca rejoue l’artifice de l’animation. C’est un dessin qu’on voit, on n’est pas dans l’illusion de la réalité.

Je trouvais que ça servait bien le type d’animation un peu frémissante que donne le travail sur papier. Et puis avec ce type de dessins, quand on commence à trop mettre d’informations, de perspectives, de détails, on vient surcharger le cadre, et parfois ça manque d’élégance. Les personnages sont assez frémissants, il y a une forme d’instabilité due au pinceau et au lavis, ça vibre, donc quand c’est trop plaqué sur des décors fixes, ça aplatit l’image, ça donne une artificialité.

EN : Aviez-vous conscience de la manière dont le film allait être reçu, comme une oeuvre qui ose enfin formellement ce qui semble habituellement interdit, ou impossible, dans le long métrage d'animation ?

FDL : J’ai fait le film sans arrière-pensée. Je n’ai pas de plan de carrière, évidemment. Je fais des films, c’est ma façon de vivre ma vie. Je prends un grand plaisir à faire des longs métrages. Ville neuve est mon premier, mais j’ai adoré ça, j’en fais un deuxième en ce moment… J’adore travailler en équipe. Je travaille avec des gens que j’apprécie, on est comme une bande. Il y a beaucoup de jeunes qui m’apprennent des trucs, c’est très stimulant. Je le fais aussi pour ça. Donc non je n’avais pas de plans... Mais ce que je savais dès le départ, c’est que je n’allais pas faire de concession. La vie est trop courte pour ça.

Lire l'intégralité de l'entretien

Champs-Elysées Film Festival 2019 : Vif-Argent de Stéphane Batut et Pahokee de Ivete Lucas et Patrick Bresnan raflent la mise

Posté par wyzman, le 26 juin 2019

Après une semaine de festivités, la 8e édition du Champs-Elysées Film Festival s'est achevée hier en grande pompe.

Le cinéma indépendant à l'honneur

Du 18 au 25 juin s'est déroulée la nouvelle édition du Champs-Elysées Film Festival. Créé par la productrice, distributrice et exploitante Sophie Dulac, le festival met depuis ses débuts le cinéma indépendant américain et français en avant. Par le passé, Fort Bliss de Claudia Myers, Scheherazade de Mehrnoush Aliaghaei, Weiner de Josh Kriegman et Elyse Steinberg, ou encore 68, mon père et les clous de Samuel Bigiaoui ont reçu les honneurs du jury.

Malgré des invités d'honneur de marque (Christopher Walken, Debra Granik, Jeff Goldblum et Kyle MacLachlan), différentes avant-premières et rétrospectives, c'est bien les différentes compétitions qui ont captivé les festivaliers. Entre films français ou américains, longs ou court métrages, il y avait du choix. Pour rappel, le Jury longs métrages était cette année présidé par Stéphane Brizé, lui-même accompagné de l’actrice Clotilde Hesme, de l’acteur et scénariste Grégoire Ludig, de la compositrice et interprète Jeanne Added, du chorégraphe Yoann Bourgeois, de la réalisatrice Danielle Arbid et du metteur en scène et humoriste Océan. Côté récompenses, les distributeurs des films français et américain salués par le Jury reçoivent une dotation de 11 000€ par la Banque Transatlantique.

Longs métrages français

Prix du Jury : Vif-Argent de Stéphane Batut
Prix des Etudiants : The World Is Full of Secrets de Graham Swon
Prix du Public : Frères d’arme de Sylvain Labrosse

Longs métrages américains

Prix du Jury : Pahokee de Ivete Lucas et Patrick Bresnan
Prix de la Critique : Saint Frances de Alex Thompson
Prix Etudiant : Braquer Poitiers - Chapitres 1 et 2 de Claude Schmitz
Prix US In Progress : Beast Beast de Danny Madden
Prix du Public : Saint Frances de Alex Thompson

Courts métrages français

Prix du jury : Djo de Laura Henno et Ông-Ngoai (Grand-Père) de Maximilian Badier Rosenthal ex-aequo
Prix de la Critique : Daniel fait face de Marine Atlan
Prix France Télévision : La route du sel de Matthieu Vigneau
Prix du Public : Je sors acheter des cigarettes de Osman Cerfon

Courts métrages américains

Prix du jury : Liberty de Faren Hames
Prix France Télévisions : Ready For Love de Dylan Pasture et Lauren McCune
Prix du Public : Night Swim de Victoria Rivera

3 raisons d’aller voir « Bixa Travesty »

Posté par vincy, le 26 juin 2019

[Le pitch] Bixa Travesty est le portrait électrisant de Linn da Quebrada (site officiel), artiste à la présence scénique extraordinaire qui réfléchit sur le genre et ose affronter avec un rare panache le machisme brésilien. Le corps féminin trans comme moyen d’expression politique.

Un personnage de cinéma. Le documentaire de Claudia Priscilla et Kiko Goifman, récompensé aux prestigieux Teddy Awards, mais aussi à Biarritz et à Chéries Chéris, met en scène Linn da Quebrada, artiste charismatique qui s'affranchit des étiquettes et des genres et utilise son corps (féminin) trans comme arme politique dans un pays encore dominé par le machisme et subissant une forte recrudescence des actes homophobes et transphobes. Linn est magnifique, drôle, enragée, directe, provocatrice, révolutionnaire, réfléchie. Ce qui pourrait passer pour un ego trip devient une guerre pour que nous soyons tous égaux. Sa manière d'être à la fois drama queen, ultra-queer, chanteuse énervée et voix engagée (posée) la rend aussi attachante que séduisante. Elle peut ainsi être déchaînée avec un icro et décalée quand elle se fait opérer d'un cancer. A cela s'ajoute, Jup, éternelle complice. Un duo parfois hilarant, à la Laurel et Hardy, complémentaire et revendicateur. Accessoires, perruques et maquillages font le reste : autant de moyens d'affirmer sa différence pour qu'il n'y ait plus de norme dogmatique.

Un pamphlet engagé. Face à la haine, à un gouvernement appelant à la violence contre les LGBT, au repli sur soi constaté un peu partout, le documentaire fait office de tract en images contre le machisme, le racisme, le sexisme et l'homophobie. Salutaire, cette prise de parole, qui n'est pas didactique, partage l'existence et l'expérience d'une combattante, qui n'hésite pas à utiliser sa musique ou Canal Brésil, pour partager sa vision ouverte et tolérante du monde. Linn da Quebrada ne mâche pas ses mots mais sait aussi conquérir ses audiences. En interpellant l'humaniste qui est en nous, en constatant la méconnaissance globale de son monde, elle projette les spotlights sur les trans et les minorités opprimées, sur la condition des femmes et sur la difficulté d'être respecté en tant qu'être humain. Bixa veut dire pédé. Terme choc qui affronte un monde où cette expression est surtout devenue une insulte pour les intolérants ou les ignorants.

Un film punk-attitude. Du slam et du rock au look, de la liberté de ton à l'intimité des plans, Bixa Travesty est un cri qui vient de l'intérieur mais qui hurle fort. Du sexe comme propagande et des paroles comme pistolets. En fusionnant les genres sexuels - on se fout de l'inclusif, du pronom personnel. Elle est il et il est elle. Le documentaire déconstruit nos préjugés et ouvre nos yeux sur des territoires flous, illustrant ce fameux et récent concept du "genderfluid". Filmé dans la durée à la fois immersif et observateur, à l'écoute et haut-parleur, ce film n'agressera que ceux qui veulent garder leurs œillères et rester sourds à cette déclaration de liberté et de fraternité prônée par Linn (et ses gants d'argent).