Ce qu’il faut retenir des César 2015: audience, cérémonie, sagesse africaine, jeunesse triomphante et l’omniprésence de Cannes…

Posté par vincy, le 21 février 2015

sissako timbuktu cesar 2015

La 40e cérémonie des César (voir Le palmarès intégral), orchestrée laborieusement par Edouard Baer et présidée par Dany Boon, a attiré 2,4 millions de téléspectateurs (+ 100000 par rapport à 2013) avec une bonne part d'audience de 13,6% (+2,4 points par rapport à l'an dernier). C'est un score médiocre qui confirme année après année que les César ont besoin d'un coup de fouet dans leur manière de faire la fête. On est loin des audiences de 2005 et 2012, quand l'émission dépassait les 3 millions de téléspectateurs, même si le score d'hier est dans la moyenne de ces dix dernières années.

sean penn cesar 2015Si le reboot de la cérémonie nous paraît de plus en plus urgent - du Tapis rouge aux sketches en passant par des discours interminables -, les César ont quand même, entre quelques grands moments de malaise (à la limite du bide et même du mauvais goût, réussi, parfois, à nous toucher: les discours humbles, posés, généreux d'Abderrahmane Sissakko, les larmes de Sabine Azéma lors de l'hommage à Alain Resnais, la sincérité d'Adèle Haenel, César de la meilleure actrice pour Les combattants, qui n'oublie pas de remercier André Téchiné, Reda Kateb qui n'oublie pas ceux qui lui ont rempli son frigo durant ses années de dèche, le discours humaniste et très pro-culture de Sean Penn, la belle liberté de parole de Joann Sfar, la chanson de Timbuktu sur scène...

"Il n'y a pas de choc de civilisations, il y a une rencontre de civilisations." - Abderrahmane Sissako

Mais ce que nous retiendrons de cette 40e cérémonie, outre la robe "volant de badminton" conçue par Dior de Marion Cotillard et le dialogue méchamment drôle entre Zabou Breitman et Pierre Deladonchamps (avec le summum: "En attendant, moi je me fais pas bronzer la bite dans un film de pédé" ose Zabou en évoquant L'Inconnu du lac dans lequel jouait Pierre), c'est le palmarès.

Timbuktu, oublié injustement par le jury cannois, est reparti avec 7 trophées dont celui du meilleur film, du meilleur réalisateur, et du meilleur scénario. Les sept récompenses ont sacré Abderrahmane Sissako, ses techniciens, de France ou de Tunisie, mais surtout un film poétique, drôle par l'absurde, engagé, qui dénonce l'horreur de l'intégrisme et l'impasse de l'obscurantisme. Quelques semaines après l'attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, Timbuktu résonne comme la plus belle des réponses. Et ces sept César comme l'affirmation d'une résistance artistique à cette violence (qui nous fait oublier le désastre de l'an dernier avec Les garçons et Guillaume à table!). Comme l'a dit Abderrahmane Sissako, admirable de sagesse, en recevant le César du meilleur réalisateur: "Il n'y a pas de choc de civilisations, il y a une rencontre de civilisations."

adele haenel kristen stewart pierre niney cesar 2015La jeunesse prend le pouvoir

Premier César du meilleur réalisateur pour un cinéaste africain, mais aussi premier César du meilleur film étranger pour un film canadien (Mommy de Xavier Dolan) et premier César d'interprétation pour une actrice américaine (Kristen Stewart, meilleure actrice dans un second-rôle), les 40e César ont opté pour la nouveauté et surtout le renouvellement. 5 des 6 prix d'interprétation ont consacré des comédiens nés entre 1989 et 1996. Reda Kateb (meilleur acteur dans un second-rôle), né en 1977, ce qui n'est pas très vieux en soi, est l'exception. Ainsi Pierre Niney à 25 ans est le plus jeune César du meilleur acteur (pour Yves Saint Laurent). Si on ajoute Xavier Dolan (né en 1989 aussi, devenant le seul réalisateur en dessous de 30 ans à recevoir un César du meilleur film étranger), la jeunesse était au pouvoir dans les catégories artistiques.

L'autre fait marquant c'est évidemment le poids du Festival de Cannes. Toutes sélections confondues, 7 films cannois ont glané 15 César (sur 22). Pas étonnant alors que Sissako comme Dolan ont tenu à remercier le Festival pour avoir "mis dans la lumière" Timbuktu ou "donner confiance" au réalisateur québécois. Depuis 2010, tous les César du meilleur film ont été décerné à un film présenté à Cannes.

Vesoul 2015 : Cyclo d’or pour Bwaya de Francis Xavier Pasion

Posté par MpM, le 18 février 2015

FICA 2015

La tonalité exigeante du palmarès du 21e festival des cinémas d'Asie de Vesoul traduit le choix du jury mené par Wang Chao (et composé de Laurice Guillen, Mohammad Rasoulof et Prasanna Vithanage) de récompenser des œuvres singulières et denses portant chacune en elle sa propre proposition de cinéma.

Francis Xavier PasionAinsi le Cyclo d'or, Bwaya de Francis Xavier Pasion (photo de gauche), mêle-t-il la sensorialité d'une nature presque idyllique à un constat social douloureux qui ouvre la porte à une mise en abime inattendue. Le film ne se contente pas de narrer des faits (en partie réels), il propose par petites touches une réflexion sur la retranscription cinématographique de ces faits et sur le rapport complexe au réel qui s'en dégage.

Une démarche déconcertante qui rend le film parfois malaisé, mais surtout toujours surprenant. On est quelque part entre le cinéma sensoriel et énigmatique d'un Apichatpong Weeresetakul, le constat social dépouillé d'un Brillante Mendoza et le récit mythique universel sur les origines du monde. Dans ce cadre qui évoque les premiers temps de l'humanité, le contraste saisissant entre la beauté foudroyante de la nature et les difficultés matérielles des habitants emporte tout.

Le grand prix, Exit de Chenn Hsiang, est une oeuvre plus urbaine, mais tout aussi dépouillée. Dans des scènes courtes très peu dialoguées, le jeune réalisateur dresse le portrait sensible et sans fard d'une femme plongée dans une solitude infinie. L'héroïne, une Taïwanaise de 45 ans pour laquelle tout semble s'arrêter (sa vie professionnelle, sa vie de mère et même sa vie de femme), est perpétuellement enfermée dans des cadres travaillés et des perspectives bouchées. C'est comme si, pour elle, toutes les portes se fermaient, au sens propre comme au sens figuré. Une oeuvre en apparence austère qui s'attache aux plus petits détails pour transmettre toutes les émotions qui ne passent ni par le récit, ni par le scénario.

Le jury a par ailleurs distingué One summer de Yang Yishu et Melbourne de Nima Javidi, deux longs métrages qui abordent un contexte social et politique par le prisme de la cellule familiale. Dans le premier, construit comme un thriller anémique, une femme passe tout un été à essayer de comprendre pourquoi son mari a été arrêté. A grands renforts de plans fixes, de scènes ultra-quotidiennes, d'ellipses et de non-dits, le film raconte à la fois la vacuité de l'attente, l'ignorance anxiogène, l'arbitraire tout puissant et l'implosion d'existences bien rangées. Malgré ses faiblesses (narration si déliée qu'elle peut en sembler factice, scènes parfois absconses), One summer a quelque chose de saisissant qui captive.

Melbourne (photo de droite) est Melbourne au contraire un quasi huis-clos étouffant dans lequel la parole joue le rôle principal. Pris dans un dilemme moral inextricable, un jeune couple s'embourbe dans les mensonges, les conjectures et les revirements, saisis par une culpabilité qui les étouffe. Même s'il ne va pas aussi loin dans son étude cruelle des rapports de classe, impossible de ne pas penser au cinéma d'Asghar Farhadi, période Une séparation. Probablement l'oeuvre la plus aboutie, voire la plus maîtrisée de la compétition.

Parmi les lauréats des autres prix, on note la présence du premier film birman en compétition à Vesoul, The monk de The Maw Naing, une oeuvre assez classique sur le conflit de génération entre un apprenti moine boudhiste et son maître malade, mais aussi le très poétique Kurai Kurai de Marjoleine Boonstra, fresque délicate inspirée de légendes kirghizes ou encore A matter of interpretation de Lee Kwang-kuk, savoureux exercice de style qui mêle rêves et réalité à la manière de Hong Sang-Soo.

Un palmarès qui reflète au fond la grande homogénéité de cette compétition 2015, moins axée sur les grands sujets de société que sur des propositions cinématographiques assez personnelles et parfois relativement arides qui ne cèdent ni à la complaisance, ni à la facilité. Un très bel aperçu de la vitalité des cinémas asiatiques qui ne cessent de se renouveler et de se réinventer pour obtenir l'alchimie idéale entre recherche formelle et démarche sociale ou politique.

Vesoul 2015

Le palmarès complet

Cyclo d'or
Bwaya de Francis Xavier Pasion (Philippines)

Grand prix du jury
Exit de Chenn Hsiang (Taïwan)

Prix du jury ex-aequo
One summer de Yang Yishu (Chine) et Melbourne de Nima Javidi (Iran)

Prix NETPAC
The Monk de The Maw Naing (Birmanie)

Prix Emile Guimet
Kurai Kurai : tales of the wind de Marjoleine Boonstra (Kirghizstan)

Coup de coeur de Guimet
Bwaya de Francis Xavier Pasion (Philippines)

Prix INALCO
Melbourne de Nima Javidi (Iran)

Coup de cœur INALCO
A matter of interpretation de Lee Kwang-kuk

Prix du public long métrage de fiction
Margarita with a straw de Shonali Bose et Nilesh Maniyar

Prix de la critique
Exit de Chenn Hsiang (Taïwan)

Prix du Jury Lycéens
Margarita with a straw de Shonali Bose et Nilesh Maniyar (Inde)

Prix du public du film documentaire
Nu Guo, au nom de la mère de Francesca Rosati Freeman et Pio d'Emilia (Chine, Italie, Japon)

Prix Jury Jeunes
Iranian Ninja de Marjan Riahi (Iran)

Photos : Michel Mollaret

Vesoul 2015 : Trois questions à Wang Chao

Posté par MpM, le 18 février 2015

wang chaoEn parallèle de la vaste rétrospective de 50 ans de cinéma chinois proposé au FICA cette année, les organisateurs du Festival de Vesoul se sont tout naturellement tournés vers un cinéaste chinois de première envergure pour succéder à Brillante Mendoza dans le rôle difficile de président du jury international.

Wang Chao, dont le premier long métrage, L'orphelin d'Anyang, fut sélectionné à Cannes en 2001, était donc l'invité d'honneur de cette 21e édition, durant laquelle il a reçu un Cyclo d'or spécial. Deux de ses films récents (le polar intime Memory of love et le drame familial Fantasia) étaient également présentés.

L'occasion pour Ecran Noir de rencontrer ce cinéaste rare qui porte sur son pays un regard à la fois critique et chaleureux, soucieux d'en montrer fidèlement tous les contrastes.

Ecran Noir : votre cinéma est souvent le reflet de la société chinoise actuelle. Est-ce pour vous ce que représente le cinéma, un moyen de transmettre la réalité ?

Wang Chao : Je pense en effet que mes films représentent la vie en Chine. La chine évolue maintenant très vite. D'un côté, on a beaucoup de succès en tant que puissance économique. Notre vie s'améliore de plus en plus. On peut voir ça facilement dans les journaux ou à la télévision. Mais en tant que réalisateur, et en tant qu'artiste, je voudrais aussi montrer des gens qui sont ignorés par les médias. Montrer un autre côté de la Chine.

EN : Cela influe-t-il sur la manière dont vous regardez un film, notamment lorsque vous occupez comme ici le rôle de président du jury ?

WC : Non, pas vraiment. Je regarde les films sous un prisme plus artistique. Je m'attache aux films qui me touchent, et aussi quand même aux films qui sont proches de la réalité. Mais c'est le niveau artistique qui prime.

EN : Comment est né le projet du film A la recherche de Rohmer que vous avez tourné en France ?

WC : Ce film est adapté de mon roman qui s'appelle Tibet sans retour. Il raconte l'histoire de deux hommes dont un qui est mort au Tibet et l'autre qui veut aller le chercher. Pour ce qui est de Rohmer, déjà, c'est un scénariste que j'aime beaucoup. Je voulais lui rendre hommage. En plus, son film Le rayon vert raconte aussi une histoire de recherche, d'où le parallèle, même si le traitement est bien sûr complètement différent.

Photo Wang Chao : Michel Mollaret

Vesoul 2015 : rencontre avec Nilesh Maniyar, co-réalisateur de Margarita with a straw

Posté par kristofy, le 17 février 2015

nilesh« Qui voudrait sortir avec moi ? » C'est l'une des répliques émouvantes de l'un des 9 films en compétition cette année au Festival de Vesoul : Margarita with a straw co-réalisé par Shonali Bose et Nilesh Maniyar.  Le sujet a réussi à prendre par la main les spectateurs pour les toucher au coeur, avec une jeune fille qui souffre d'un handicap et qui va découvrir le désir et l'amour pour une autre femme...

Ce film est écrit et réalisé par un duo (une femme et un homme) originaire de l'Inde, pays où l'homosexualité  est toujours un délit. A noter que l’héroïne est interprétée par l'actrice Kalki Koechlin, qui avait été révélée dans les premiers films de Anurag Kashyap (avant que les suivants ne soient à Cannes) Dev.D et That Girl in Yellow Boots.

L'histoire avec ses rebondissements et ses bons sentiments nous fait partager le parcours émotionnel d'une jeune fille qui va sortir de sa solitude. C'est Nilesh Maniyar qui était présent à Vesoul pour accompagner Margarita with a straw :

Ecran Noir : L’histoire de Margarita with a straw est une idée originale de Shonali Bose inspirée de sa famille mais le scénario tout comme la réalisation ont été faits à deux. Pouvez-vous nous dire quelle est la part de vérité ou de fiction ?
Nilesh Maniyar : L’histoire a en effet été inspirée en partie par la vie de la sœur de Shonali Bose, mais tout le scénario est en fait vraiment de la fiction. Sa sœur Manili est atteinte d'une forme de paralysie cérébrale, elles ont grandi ensemble. Le film est aussi dédié à la mère de Shonali décédée quand elles étaient jeunes et aussi au jeune fils de Shonali qu’elle a perdu, la vie et la mort ont fait comme un cercle autour d’elle. Des caractéristiques du personnage principal et de sa mère sont en lien avec sa famille, mais l'histoire est une fiction.

EN : On découvre dans le film deux jeunes filles avec deux sortes de handicap, l’une est en fauteuil roulant et l’autre est aveugle, qui vivent différentes expériences dans deux pays, en Inde et aux Etats-Unis. Est-ce que tout cela a multiplié les difficultés pour réaliser le film ?
NM :
Le film n’a pas été facile à mettre en route parce que notre histoire ne s’appuie pas sur des problèmes liés à des handicaps mais beaucoup plus sur les émotions des personnages. La chose importante était de ne pas traiter des deux filles comme des personnes handicapées mais de regarder ces deux personnages de filles comme égales aux autres. Avec ce film on a voulu donner comme des lunettes aux spectateurs pour regarder le monde ainsi. Pour créer ce monde cela n’a pas été facile, et il fallait deux actrices très talentueuses comme Kalki Koechlin et Sayani Gupta pour que l’on finisse par oublier leur condition physique et qu’on s’attache à leur cheminement intime et personnel.

EN : Deux filles avec un handicap de deux cultures différentes et des relations homosexuelles qui sont sujet tabou en Inde, craignez-vous certaines réactions du public ?
NM :
Non seulement je n’ai pas peur de ces réactions mais je les attends. Si quelqu’un me tirait une balle dans le dos à cause de ce film je pourrais en être fier… Plus sérieusement, il temps de ne plus avoir peur de parler de certains sujets de société comme l’homosexualité ou d’autres, il est temps d’en faire des sujets de conversation. Cela concerne la personne qui est handicapée et qui ressent ces sentiments et personne ne devrait avoir à y redire, il n’y a rien de mal à ça. Il y a beaucoup de spectateurs à travers le monde qui ont aimé ce film, et des voix ont pu dire "oh enfin une histoire qui raconte nos sentiments"...

EN : Margarita with a straw est en compétition au Festival de Vesoul avec d’autres films de plein de pays très différents…
NM :
L’organisation de ce festival de films asiatiques dans cette petite ville de France qu’est Vesoul est formidable, depuis que j’ai atterri ici j’ai l’impression que les gens sont très chaleureux et que tout le monde connaît presque tout le monde. Voir tout ces gens qui remplissent les salles même le matin pour célébrer ensemble des différences culturelles, ça c'est formidable. A une séance de mon film il y a eu plusieurs dizaines de jeunes lycéens qui étaient là. Un adolescent qui est exposé à un jeune âge à une culture asiatique à travers un film de cinéma c’est quelque chose de précieux. Pour moi Vesoul a su marquer son empreinte sur une carte où tout est globalisé, il faudrait y aller chaque année. Réussir à organiser un festival comme celui-là à notre époque où tout est uniformisé est vraiment courageux et magnifique.

EN : et après Vesoul ?
NM :
A Vesoul c’était l’avant- première française pour le film, je ne connais pas encore de date de sortie pour la France. Notre vendeur international a d’ailleurs des bureaux basés en France, la société Wide Management, et ils ont fait un boulot fantastique pour la diffusion du film. Margarita with a straw devrait être distribué au Japon, en Corée du Sud, aux Etats-Unis, au Canada, en Espagne, au Mexique...

Photo Nilesh Maniyar : Michel Mollaret

Cannes 2015: Abderrahmane Sissako, président du Jury de la Cinéfondation et des Courts métrages

Posté par vincy, le 17 février 2015

sissakoLe Festival de Cannes a annoncé aujourd'hui que le réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako présiderait le Jury de la Cinéfondation et des Courts-métrages. Le réalisateur de Timbuktu, qui est en lice pour le César du meilleur film vendredi et pour l'Oscar du meilleur film étranger dimanche, succède à Abbas Kiarostami, Jane Campion, Michel Gondry, Hou Hsiao-hsien...

Timbuktu avait été présenté en compétition l'an dernier. Sissako a également été sélectionné hors compétition avec Bamako en 2006 et à Un certain regard avec En attendant le bonheur et Octobre. Il a déjà été membre du jury des Courts-métrages en 2000, Président du jury Un certain regard en 2003 et membre du jury de la compétition en 2007.

La 68e édition du Festival se tiendra du 13 au 24 mai.

Vesoul 2015 : rencontre avec Ainur Niyazova, actrice kazakh de Adventure

Posté par kristofy, le 16 février 2015

Adventure

Le Festival de Vesoul est en terme de fréquentation la plus importante manifestation de cinéma asiatique d'Europe, et aussi le plus ancien festival de ce type en France car il s'agit cette année de sa 21e édition.

Martine Thérouanne, sa directrice, est toujours prête à expliquer ce que symbolise le nom complet symbolisé par les initiales FICA de Vesoul : "Le Festival International des Cinémas d'Asie, on insiste sur "cinémas" au pluriel car on s'attache à l'Asie géographique du proche à l'extrême-orient".

Chaque année ce sont ainsi plusieurs pays qui sont à l'honneur soit avec un regard thématique ou une rétrospective comme par exemple cette année l'Iran ou le Laos. Lors du festival 2012 avait également été organisé un Regard sur le cinéma du Kazakhstan avec une vingtaine de films rares allant de Amangeldy de Moisy Levin de 1938 au nouveau Sunny Days de Nariman Turebaiev qui était alors aussi en compétition.

Dans les 9 films en compétition, cette année on retrouve le dernier film de Nariman Turebaiev, Adventure : Marat, jeune célibataire, vit seul. Il travaille comme agent de sécurité. Il vit cette existence solitaire sans rien changer d’un quotidien ennuyeux. Or, un jour, quelque chose d’inattendu arrive. Marat voit une jeune fille debout dans la rue près de sa maison. Cette fille s’appelle Maryam et quand elle va accidentellement entrer dans la vie de Marat, les nuits de ce dernier vont être pleines d’aventures.... Adventure est une libre adaptation de la longue nouvelle Nuits blanches de Dostoïevski.

A l'issue de la première projection du film, on a rencontré son actrice principale, la belle Ainur Niyazova, qui nous a raconté comment elle a rejoint l'aventure : "le réalisateur Nariman Turebayev m’a choisie à l’issue du processus de casting pour le rôle. Il y avait plusieurs actrices du Kazakhstan et on a passé des tests filmés en vidéo, et donc finalement c’est moi qui ai été choisie. Quand on a commencé le tournage Nariman m’a indiqué que je pouvais jouer selon mon ressenti. Cela était une expérience différente pour moi car je connaissais alors plutôt des réalisateurs qui me disaient "fais-en plus, plus d’intensité", et là c’était un peu le contraire. C’est plutôt moi qui demandais à Nariman : "dis-moi en plus, donne-moi plus d’indications", je voulais faire plus de prises et proposer plus de choses. J’aurais pu être plus expressive, et lui préférait que je sois la plus normale possible".

La jeune femme était présente à Vesoul pour accompagner Adventure et découvrir les autres œuvres en compétition. "C’est intéressant d’accompagner Adventure dans lequel j’ai joué dans d’autres pays. En 2014 j’étais au festival de Karlovy Vary aussi avec ce film et c’était le premier festival où il était montré en dehors de Kazakhstan. Je remercie Martine et Jean-Marc Thérouanne d’avoir sélectionné notre film en compétition, le réalisateur Nariman Turebayev devait être là mais malheureusement il n’a pas pu venir. Ici en France à Vesoul c’est le second festival où je suis invitée pour ce film, j’aime beaucoup aller dans des festivals de cinéma qui réunissent des films très différents."

Après Leçons d'harmonie, autre film kazakh passé par les festivals de Berlin et Vesoul, avant d'être à l'affiche en mars 2014, Adventure devrait également sortir en salles prochainement :

Photo Ainur Niyazova : Michel Mollaret

Vesoul 2015 : coup de projecteur sur le cinéma du Laos

Posté par MpM, le 15 février 2015

coup de feu dans la plaine des jarresL'une des grandes spécialités du Festival de Vesoul est de proposer régulièrement des rétrospectives sur des cinématographies rares et méconnues. Cette année, c'est ainsi le Laos qui est à l'honneur avec la sélection de cinq films représentatifs de la période 1975-2015.

En effet, on ignore presque tout de la production cinématographique avant la prise de pouvoir du Pathet Lao (mouvement communiste) au milieu des années 70. Il semblerait que seuls deux documentaires aient été tournés avant les années 50 et que plusieurs fictions aient été produites entre 1960 et 1975, mais seule une liste de quinze titres (dont aucun n'est aujourd'hui visible) subsiste.

En 1983, après s'être concentré sur les films documentaires, le département cinématographique du gouvernement communiste décide de produire sa première fiction. Ce sera Le son des coups de feu dans la plaine des jarres de Somchit Phonsena, une reconstitution romancée de l'évasion du peloton patriotique laotien encerclé dans la plaine des jarres. Malgré son caractère de film de propagande, il sera rapidement censuré et disparaîtra pendant 31 ans des écrans, avant de réapparaître en avant-première mondiale au FICA de Vesoul 2015.

En 1988, le département cinéma s'essaie à une autre fiction, Le lotus rouge de Som Ock Southiponh, une romance révolutionnaire en noir et blanc qui dépeint avec précision la vie au Laos dans les années 70, et qui a elle-aussi les honneurs d'une projection vézulienne.

Il faudra ensuite attendre la fin des années 90 pour que reprenne une production cinématographique laotienne, très largement dévouée au régime. En 2008, Bonjour Juang Prabang, le premier long métrage produit avec des fonds privés, voit le jour. Il s'agit d'une comédie romantique à petit budget qui rencontre un succès important auprès du public laotien.

Suivront A l'horizon d'Anisay Keola, premier polar de l'histoire du pays, et Chanthaly, premier film fantastique (c'était jusque-là interdit) par ailleurs réalisé par une femme, Mattie Do. Tous trois figurent dans la programmation du FICA 2015.

Malgré la faiblesse des infrastructures (2 cinémas, 9 écrans), la censure locale qui contrôle les œuvres à tous les stades de création ou encore le manque de moyens humains comme financiers, on perçoit ainsi une vraie reprise du cinéma laotien qui devrait désormais proposer plusieurs productions par an. Avec, qui sait, un film laotien pour la première fois en compétition dans un festival international en 2016 ? Ce ne serait pas la première fois que le FICA ouvrirait la voie.

Taxi, Ours d’or 2015, en avril dans les salles françaises

Posté par vincy, le 15 février 2015

jafar panahi taxi

Taxi de Jafar Panahi, qui a reçu l'Ours d'or à Berlin et le Prix Fipresci, sera distribué en France, le 15 avril, par Memento films. La société d'Alexandre Mallet-Guy, qui a été distingué par Le Film Français jeudi soir par un Trophée de la personnalité de l'année, a distribué récemment Une séparation et Black Coal (autres Ours d'or), Ida et Winter Sleep (Palme d'or à Cannes).

En provenance de la Berlinale, Memento films a aussi acquis Que Horas Ela Volta? (The Second Mother) de la brésilienne Anna Muylaert (Prix du public et Prix des salles art et essai dans la section Panorama), qui sera distribué le 17 juin, et Big Father, Small Father and Other Stories du vietnamien Phan Dang Di, en salles vers septembre.

Memento est aussi chargé des ventes internationales de Body de Malgorzata Szumowska, Ours d'argent de la mise en scène.

Berlin 2015: Ours d’or pour Jafar Panahi et une grande année pour le cinéma chilien

Posté par vincy, le 14 février 2015

taxi

En remportant l'Ours d'or avec son dernier film, Taxi, le cinéaste iranien Jafar Panahi, filmant clandestinement depuis que la justice iranienne lui a interdit de filmer et de sortir du pays en 2010, démontre que la liberté d'expression est une fois de plus sans frontières. Le jury de Darren Aronofsky provoque ainsi les pays où les cinémas sont censurés, et ce, de la plus belle des manières. Panahi et Berlin c'est une grande histoire. Invité d'honneur en 2010, il n'a pas pu s'y rendre. Membre du jury à titre honorifique en 2011, il est toujours bloqué à Téhéran.

Il y a aussi reçu deux Ours d'argent pour Hors-jeu en 2006 et Pardé en 2013. Avec son Lion d'or à Venise en 2000 pour le Cercle, cet Ours d'or est son plus grand prix international.

Trois autres faits marquants sont à noter dans ce palmarès qui, en récompensant par deux fois deux ex-aequo, montre que le jury a trouvé la compétition exceptionnelle.

Le cinéma chilien, déjà bien récompensé depuis hier (Teddy Award pour Sebastian Silva, deux prix pour Patricio Guzman) a fait une belle razzia ce soir au Berlinale Palast. Un Grand prix du jury pour Pablo Larrain (No) avec son nouveau film El club et un prix du scénario pour le documentariste Patrico Guzman avec Le bouton de nacre (lire aussi nos critiques des deux films chiliens). Si l'on ajoute le prix Alfred Bauer pour Ixcanul de Jayro Bustamante qui nous vient du Guatemala, et les deux prix récoltés par la brésilienne Anna Muylaert dans la section Panorama hier, l'Amérique latine a trusté une grande partie des récompenses berlinois.

Deuxième point, l'Ours d'argent pour le meilleur réalisateur partagé entre la polonaise Malgorzata Szumowska (déjà très remarqué pour Elles et Aime et fais ce que tu veux) et le romain Radu Jude (Papa vient dimanche), en plus des deux prix pour la contribution artistique pour un danois (Sturla Brandth Grøvlen), un russe et un ukrainien travaillant tous deux main dans la main (Evgeniy Privin et Sergey Mikhalchuk), l'esthétique qui a séduit le jury venait d'Europe du nord et de l'Est, loin des images de Terrence Malick, Peter Greenaway ou Benoît Jacquot.

Enfin, saluons le double prix d'interprétation de Charlotte Rampling et Tom Courtenay pour leur incarnation d'un couple dans 45 Years d'Andrew Haigh (déjà remarqué avec Week-end). C'est difficile à croire mais c'est la première fois que Rampling remporte un prix d'interprétation dans un des grands festivals internationaux. Courtenay (deux fois nommé aux Oscars) avait déjà reçu une Coupe Volpi à la Mostra de Venise en 1964 (Pour l'exemple, de Joseph Losey).

Le palmarès intégral

Ours d'or: TAXI de Jafar Panahi
Ours d'argent Grand prix du jury: EL CLUB de Pablo Larrain.
Prix Alfred Bauer: IXCANUL de Jayro Bustamante
Ours d'argent du meilleur réalisateur ex-aequo: Malgorzata Szumowska (BODY) et Radu Jude (AFERIM!)
Ours d'argent de la meilleure actrice: Charlotte Rampling (45 YEARS d'Andrew Haigh)
Ours d'argent du meilleur acteur: Tom Courtenay (45 YEARS d'Andrew Haigh)
Ours d'argent du meilleur scénario: Patricio Guzman (LE BOUTON DE NACRE - documentaire)
Ours d'argent pour la meilleure contribution artistique (photographie) ex-aequo : Evgeniy Privin & Sergey Mikhalchuk (UNDER ELECTRIC CLOUDS) et Sturla Brandth Grøvlen (VICTORIA)

Meilleur premier film (toutes sélections confondues): 600 MILLAS (600 Miles) de Gabriel Ripstein (section Panorama)

Ours d'or du meilleur court-métrage: HOSANNA de Na Young-kil
Ours d'argent du meilleur court-métrage: BAD AT DANCING de Joanna Arnow
Prix du jury - Meilleur court-métrage: PLANET ? de Momoko Seto

Berlin 2015: des Teddy Awards très latino-américains

Posté par vincy, le 14 février 2015

nasty baby

Après un film brésilien l'an dernier, les historiques Teddy Awards ont récompensé un cinéaste chilien habitué des festivals. Sebastian Silva revient de la Berlinale avec le plus convoité des prix cinématographique labellisé LGBT. Nasty Baby, qui réunit la vedette américaine Kristen Wiig (Mes meilleures amies, La vie rêvée de Walter Mitty), le réalisateur lui-même et Tunde Adebimpe, est l'histoire d'un artiste homosexuel qui désire obsessionnellement un bébé. Avec son partenaire, il parviennent à convaincre leur meilleure amie d'être la mère porteuse. Mais c'est, évidemment, plus compliqué que ça en a l'air. Le film, présenté dans la sélection Panorama, avait fait son avant-première mondiale à Sundance il y a trois semaines.

Dans la catégorie documentaire, c'est l'uruguayen Aldo Garay qui repart avec le trophée pour son film El Hombre Nuevo (Le nouvel homme). Le film est centré sur Stephania, transsexuelle, né "garçon" au Niracagua, adopté en Uruguay où elle est devenue une femme.

Le Teddy du court-métrage a été décerné à San Cristobal du chilien Omar Zúñiga Hidalgo.

Hormis ces trois Teddy tous latino-américains, le jury a distingué d'un prix spécial Stories of our Lives du kenyan Jim Chuchu, qui a aussi reçu la 2e place du jury Panorama parmi les innombrables prix de la Berlinale.

udo kierEnfin, un Teddy Award d'honneur a été remis à Udo Kier, acteur légendaire du cinéma allemand (et réalisateur d'un seul film). A 70 ans, le comédien  ouvertement homosexuel et aimant se travestir, s'est fait connaître très tôt en mannequin. Proche de Jean Marais (on les a d'ailleurs vus ensemble dans la série Joseph Balsamo), protégé de Rainer Werner Fassbinder, ami fidèle de Lars von Trier, acteur culte de Gus Van Sant, il a cinquante ans de carrière à son actif et une quantité infinie de navets aux titres risibles. Mais on l'a surtout remarqué dans Andy Warhol's Frankenstein (de Paul Morrissey, produit par Vittorio de Sica et Roman Polanski), Histoire d'O, La femme du chef de gare, La troisième génération, Lili Marleen, Lola, Europa, My Own Private Idaho, Ace Ventura, détective pour chiens et chats, Blade, Johnny Mnemonic, Breaking the Waves, The End of Violence (de Wim Wenders), Dancer in the Dark, End of Days (avec Schwarzzy), Dogville, Grindhouse, Soul Kitchen (de Fatih Akin), Melancholia, Nymphomaniac... Enfin, Madonna l'a aussi fait travaillé dans ses clips sulfureux Erotica et Deeper and Deeper en 1992.