Cannes 2018: un festival plus politique que jamais

Posté par vincy, le 9 mai 2018

Il y a l'aspect business qui inquiète tant les professionnels (Cannes passe-t-il à côté des mutations technologiques de l'époque?), la résistance au cinéma dominant (blockbusters américains et chinois d'un côté, comédies française de l'autre), et puis il y a ce que dessine la sélection du festival en creux: mettant en lumière un cinéma d'auteur qui a de moins en moins de spectateurs, de plus en plus de difficultés à être projeté (les Avengers et Taxi 5 monopolisent 1650 écrans cette semaine) et qui se bat pour avoir une visibilité correcte dans des médias qui réduisent la place de la culture et qui doivent aussi faire du clic.

Mais cette année encore Cannes joue un rôle politique: la défense des réalisateurs, ceux qui croient encore au grand écran comme ceux qui ne peuvent pas sortir de leur pays. Terry Gilliam a reçu le soutien explicite du festival dans son combat juridique et financier contre le producteur Paulo Branco. Rafiki de Wanuri Kahiu a été censuré dans son pays parce que le film montre la relation amoureuse entre deux femmes. Même sanction pour Les âmes mortes du cinéaste chinois Wang Bing, qui est interdit de diffusion en Chine.

Evidemment les deux grands cas cette année sont metteur en scène et cinéaste russe Kirill Serebrennikov et le réalisateur iranien Jafar Panahi, tous deux en compétition respectivement avec Leto et Three faces. Le premier a été assigné à résidence à Moscou depuis l'été dernier accusé d'avoir détourné de fonds publics dans une affaire très politisée puisqu'il critique ouvertement Vladimir Poutine. Son assignation a été repoussée jusqu'au 19 juillet 2018, il sera donc absent.

Pour Jafar Panahi, l'affaire est encore plus rude. Il est interdit de tournage dans son pays et de voyager. Cela ne l'empêche pas de filmer (clandestinement) et même d'être primé par un Ours d'or à Berlin (Taxi Téhéran). On se doutait bien, avec la crise diplomatique américano-iranienne que l'Iran n'allait pas faire d'exception. Rappelons qu'il avait été incarcéré à la prison d'Evin alors qu'il était invité à faire partie du jury de Cannes en 2010.

On a déjà vu des films cannois censurés a posteriori dans leur pays ou dans d'autres. On a aussi déjà connu des cinéastes en sélection qui étaient en litige avec leurs producteurs ou des réalisateurs qui ne pouvaient pas sortir leurs films. Cannes a une histoire mouvementée.

En 1956, à la demande de l'Allemagne de l'Ouest, Nuit et Brouillard est retiré de la compétition officielle tout en étant projeté. Tels des thrillers, Gilles Jcob fait passer d'Est en Ouest les bobines de L'homme de marbre d'Andrzej Wajda et de Stalker de Andreï Tarkovski, au nez et à la barbe des régimes communistes. A la projection du film-surprise de Tarkovski, la délégation d’URSS reconnait le film dont il ne souhaitait pas la diffusion à Cannes et sort de la salle.

En Chine, ce n'est pas mieux, de Zhang Yuan (East Palace, West Palace, "premier film gay" en Chine) à Lou Ye (Summer Palace, qui parle de sexe sur fond de mouvement prodémocratique de la place Tian’anmen) sont censurés dans leur pays et les cinéastes plus que surveillés.

Rappelons aussi qu'avec Chronique des années de braise, Palme d'or signée de l'algérien Mohammed Lakhdar-Hamina, le réalisateur a été lenacé de mort lors de sa venue à Cannes par des anciens membres de l'OAS. C'était en 1975. En 2010, des élus UMP, des militants FN, des harkis, des pieds-noirs et d'anciens combattants protestent contre la projection du film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb. On prend les mêmes et on recommence.

Enfin signalons que l'an dernier, Mohammad Rasoulof, Prix Un Certain regard avec Un homme intègre, à peine rentré dans son pays, se voit confisquer son passeport et convoquer à un interrogatoire par les autorités qui l’accusent d'activités contre la sécurité nationale et de propagande contre le régime. En octobre, il disait: "J’ai l’impression que les autorités iraniennes veulent étouffer le cinéma d’auteur en Iran”.

Cannes n'a peut-être pas les films oscarisables. Mais une chose est certaine, le festival tient son rang dans la liberté de création et la défense d'un cinéma opprimé qui déplaît aux régimes les plus autoritaires et à ceux qui veulent museler la liberté d'expression.

Omar Sy joue les flics chez Rachid Bouchareb

Posté par redaction, le 10 août 2017

Rachid Bouchareb a attaqué la post-production de Belleville Cop, son onzième film. L'un des cinéastes français les plus réputés (sélections à Cannes, trois fois sélectionné à Berlin, trois fois nommé aux Oscars) a enrôlé la star française la plus "bankable", Omar Sy.

Il s'agit d'une comédie policière dans le genre "buddy movie". Omar Sy est accompagné par Luis Guzman, qu'on a pu voir dans les séries Oz et Narcos, et dans des films comme Les Miller, une famille en herbe, L'attaque du métro 123, Punch-drunk love - Ivre d'amour, Magnolia, Traffic, ou encore Snake Eyes.

Le reste du casting est composé de Franck Gastambide, Julie Ferrier, Eriq Ebouaney, Justin Smith, Biyouna, Tatum Price et Mike Benitez.

Le scénario est coécrit par Bouchareb, Marion Doussot (Numéro une) et Larry Gross (48 heures, Prozac Nation).

Belleville Cop est l'histoire d'un flic, Baaba, qui ne veut pas quitter le quartier de son enfance. Un soir, son ami Roland, agent de liaison au consulat français de Miami, est tué devant lui. Baaba va devoir aller en Floride pour résoudre l'affaire et faire équipe avec Ricardo, malgré leurs différences.

Le film sera distribué en France par Metropolitan, vraisemblablement en 2018.

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La 66e Berlinale : 18 films pour un Ours d’or

Posté par vincy, le 11 février 2016

Le jury du 66e Festival de Berlin présidé par Meryl Streep, entourée de Lars Eidinger (acteur), Nick James (critique), Brigitte Lacombe (chef op), Clive Owen (acteur), Alba Rohrwacher (actrice) et Ma?gorzata Szumowska (réalisatrice), va devoir choisir entre 18 films de la compétition pour trouver le successeur de Taxi Téhéran de Jafar Panahi.

Même si la Berlinale ne se résume pas à cette sélection (la section Panorama, plus éclectique et cosmopolite, est souvent la plus intéressante), même si les 30 ans des Teddy Awards feront aussi l'événement, il y a parmi ces films un Ours d'or qui fera parler de lui.

Côté français, Mia Hansen-Love, André Téchiné et Vincent Perez seront en lice. D'Amérique du nord, on verra les nouveaux films de Denis Coté et Jeff Nichols. Et puis il y a de grands noms du cinéma mondial: Yan Chao de Chine, Lav Diaz des Philippines, Thomas Vinterberg du Danemark, Danis Tanovic de Bosnie... La compétition accueille même deux documentaires et deux premiers films.

Hors compétition, les Coen, Delépine et Kervern Lee Tamahori, Dominik Moll et Spike Lee feront sensation au Berlinale Palast. Et dans les séances spéciales on attend les films de Terence Davies, Don Cheadle, Kiyoshi Kurosawa et Michael Moore.

Notons dans la section panorama la présence des films de Olivier Ducastel et Jacques Martineau (Théo et Hugo dans le même bateau), Rachid Bouchareb (La route d'Istanbul), d'Oliver Schmitz (Shepherds and Bitchers), de Bouli Lanners (Les premiers, les derniers), de Daniel Burman (El rey del once) et de Wayne Wang (While the Women Are Sleeping)

La Berlinale n'a pas particulièrement misé sur le glamour cette année, à l'exception du tapis rouge pour Avé César! des frères Coen et son casting de folie en ouverture: Josh Brolin, George Clooney, Alden Ehrenreich, Tilda Swinton et Channing Tatum. Mais plusieurs stars sont attendues: Isabelle Huppert, Gérard Depardieu, Sandrine Kiberlain, Michael Shannon, Ewan McGregor, Colin Firth, Emma Thompson, Nicole Kidman, Jude Law, Daniel Brühl, Kirsten Dunst, Jennifer Ehle, Steve Coogan, James Franco, Julianne Moore, Greta Gerwig...

Festival Lumière – Jour 2 : le mélange des genres

Posté par Morgane, le 15 octobre 2014

Le Festival Lumière donne la possibilité de faire de véritables grands écarts cinématographiques en un seul jour. On peut entamer sa journée aux côtés de Capra pour commencer avec entrain, changer de rythme avec Sautet, (re)découvrir Kotcheff et enfin respirer une bouffée de nostalgie avec Reitman et ses héros de Ghostbusters.

C'est aussi un peu ça la magie du Festival Lumière. Tous les genres se côtoyant, le Cinéma avec un grand C est à l'honneur et chaque séance (ou presque) est présentée par un talent du 7ème Art qui n'est là que pour une seule et même raison: faire partager sa passion.

Ghostbuster "ressemble à un film d'Alain Resnais"

C'est Rachid Bouchareb qui présente La Vie est belle de Frank Capra devant une salle comble! "J'ai vu ce film sept ou huit fois et je pleure à chaque fois à la fin." Il définit Frank Capra comme un réalisateur engagé, politique, qui souhaite nous faire réfléchir à travers des films empreints de tendresse, de partage et de solidarité. Il est le cinéaste de la bouteille à moitié pleine et La vie est belle est un exemple qui illustre très bien cela.

Capra fait preuve ici d'un optimisme à toute épreuve montrant sa foi en l'humanité malgré certains déboires successifs que subit George Bailey. C'est aussi un film rempli d'humour, dans les dialogues comme dans les situations (le trio Dieu, Joseph et Clarence qui espère gagner ses ailes d'ange en venant en aide à George). C'est, comme le dit Rachid Bouchareb, "un merveilleux conte" qui n'a pas eu le succès escompté à sa sortie en 1946 mais qui a connu par la suite un véritable succès télévisé où il est rediffusé depuis chaque année à Noël.

jean hugues angladePour Nelly et Monsieur Arnaud, c'est Jean-Hugues Anglade qui vient en discuter. "Les films de Claude Sautet ont été pour moi une véritable révélation dans les années 70. Et j'ai eu la chance de faire partie de l'aventure pour son dernier film" dans lequel il incarne Vincent Granec, l'éditeur auquel s'adresse Monsieur Arnaud pour publier son livre et qui succombera aux charmes de la ravissante Nelly. Jean-Hugues Anglade nous parle de l'incroyable intransigeance de Sautet, de son goût du détail, de son envie de perfection jusque dans l'harmonie entre la couleur de la cravate et le papier peint dans une scène.

Avec ce film, Claude Sautet suit tout en douceur ce couple particulier que forment Michel Serrault et Emmanuelle Béart en qui il retrouve son idéal féminin qu'il avait perdu à la mort de Romy Schneider.

Changement de décor direction le Canada avec Ted Kotcheff toujours présent pour dire quelques mots aujourd'hui sur L'apprentissage de Duddy Kravitz (Ours d'or à Berlin en 1974). Et tout comme la veille pour Wake in fright, ce dernier ne manque pas d'anecdotes. La genèse de ce film remonte donc à 1957 lorsqu'il vient vivre dans le sud de la France où il rencontre Mordecai Richler qui deviendra par la suite un grand romancier canadien. Selon eux, à la façon d'Hemingway, ils se devaient de venir en Europe en laissant l'Amérique derrière eux afin de pouvoir vivre leur art.

En 1959, Mordecai Richler rédige L'apprentissage de Duddy Kravitz et "je lui ai dit que j'en ferai un grand film". Ted Krocheff cherche alors des financements durant plusieurs années mais en vain. Un producteur est enfin intéressé mais veut de Duddy Kravitz soit grec et non juif. Hors de question! Un autre était également sur les rangs mais l'histoire devait se dérouler à Pittsburgh et non à Montréal. No way! Il aura donc fallu attendre 14 ans avant que Ted Kotcheff puisse réaliser ce film sans dénaturer le livre de son ami grâce à la création d'un fonds de développement du film canadien.

On est ici assez loin de Wake in fright mais on a toujours ce rythme, cette vitesse tant chez le personnage que dans la réalisation. Cela donne au film un rythme incroyable, une urgence palpable chez Duddy Kravitz (qui la ressent physiquement), cette impatience, ce besoin d'avancer vite, très vite dans le monde, de devenir adulte avant l'heure quitte à griller quelques étapes et à s'en mordre les doigts…

On fait ensuite un bon de 10 ans en avant pour finir la journée sur un air de nostalgie avec Ghostbusters (1984). 30 ans tout juste et le film fait toujours son petit effet! Certes les effets spéciaux paraissent bien démodés, mais ils nous rappellent tout de même que pour l'époque, ils étaient plutôt bien réussis…

C'est Rebecca Zlotowski qui nous le présente avec cette réelle envie de choisir un film populaire, un film de série B mêlant comédie romantique (Bill Murray superbe en incorrigible dragueur) et science-fiction. Parabole d'un capitalisme qui est en train de disparaître, elle trouve très intéressant de le revoir aujourd'hui avec un autre regard et surtout dans le contexte actuel. Elle trouve même qu'étrangement il "ressemble à un film d'Alain Resnais".

Une journée faite de tours et de détours cinématographiques nous rappellent que le 7ème Art, c'est avant tout de nombreux regards et tout autant de manières de les mettre en histoires et en images.

Bouchareb produit le premier film de Bouajila et tourne un remake de José Giovanni

Posté par vincy, le 9 avril 2013

Rachid Bouchareb a un agenda chargé. Il va produire le premier long métrage réalisé par son acteur fétiche, le comédien césarisé (pour Les témoins) Sami Bouajila. Bouajila a joué devant la caméra de Bouchareb dans Indigènes, London River et Hors-la-Loi.

L'acteur a décidé de franchir le pas avec l'adaptation de Meurtre entre soeurs, d'après le livre de Willa Marsh.

Le roman, paru en 2009 en France, raconte l'histoire de deux demi-soeurs Olivia et Emily, dans l'Angleterre des années 50. Leur vie est bouleversée par la naissance de Rosie, la fille préférée de leurs parents. Gâtée et sournoise, celle-ci gâche les espoirs de mariage de ses soeurs. Plus tard, elle convoite la maison familiale où vivent encore Olivia, Emily et leurs parents. Elle doit aussi gérer son mariage avec Rup et les aléas d'Alice, sa fille, junkie sans scrupule.

Le scénario a été coécrit par Bouajila et Zoé Galeron (qui avait écrit London River). Ce modeste budget de 3,8 millions d'euros sera distribué par Le Pacte. Le tournage débutera en septembre, avec Dominique Blanc, Claude Perron, Julie Ferrier, Edith Scob et Francine Berge.

De son côté, Bouchareb prépare son prochain film, son premier depuis Hors-la-Loi il y a trois ans. Brenda Blethyn, deux fois nommée aux Oscars et prix d'interprétation à Cannes pour Secrets et mensonges, déjà de l'aventure de London River, sera la vedette de Enemy's Way, remake librement inspiré de Deux hommes dans la ville, film de José Giovanni, avec Gabin et Delon. Blethyn reprendra le rôle de Gabin, face à Forest Whitaker, qui incarnera le personnage de Delon. L'action a été transposée dans la une petite ville de l'Arizona, de nos jours.

Le tournage débute ce mois-ci.

Les Freaks, c’est cinématographique au musée du quai Branly

Posté par vincy, le 25 janvier 2012

Le musée du quai Branly propose jusqu'au 3 juin "Exhibitions, L'invention du sauvage", exposition (utile et ludique, conseillée même aux enfants) sur la manière dont les ethnies des nouveaux mondes, les "barbares", les "freaks" ont été exhibés, transformés en "animaux de foire" à travers les siècles (jusqu'à l'après guerre pour être exact), que ce soit dans des expositions universelles, dans les Cours royales, ou dans les cirques. Cette exposition, composée d'affiches, de peintures, de sculptures, de photographies, reflète d'un point de vue historique le racisme et le complexe de supériorité qui s'est glissé dans l'inconscient occidental au fil des siècles. Le commissaire général Lilian Thuram (oui, l'ancien footballeur), président de la Fondation “Education contre le racisme”, et les commissaires scientifiques, Pascal Blanchard et Nanette Jacomijn Snoep, permettent ainsi un voyage pas si lointain dans le passé où "l'autre" était considéré comme un objet de curiosité. Ou comment nous avons inventé le "Sauvage"?

Cela fait longtemps que le cinéma s'est intéressé à cette réflexion.  Le musée du quai Branly propose à partir du 26 janvier et jusqu'au 6 avril, un cycle de projection, sur entrée libre.

Au programme, des films cultes ou très connus comme Freaks de Tod Browning, Lola Montès de Max Ophuls, Elephant Man de David Lynch, Man to Man de Régis Wargnier, Le sifflement de Kotan de Mikio Naruse, Vénus Noire d'Abdellatif Kechiche, L'énigme de Kaspar Hauser de Werner Herzog. Mais aussi des documentaires plus rares : une sélection de courts métrages des frères Lumière (qui ont filmé les expositions ethnographiques de Paris entre 1896 et 1897), un segment signé Rachid Bouchareb, Exhibitions, Joséphine Baker en couleurs, On l'appelait la vénus Hottentote, Des Zoos et des hommes...

Le musée organisera pour l'occasion des discussion et des rencontres avec les réalisateurs. Notamment, Régis Wargnier sera présent le 23 mars, à l'issue de la projection de son film.

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Tout savoir sur l'exposition

Programmation détaillée :

Jeu 26/01 19h00 Freaks 64min

Ven 27/01 18h00 Sélection films des frères Lumière 17min
19h00 Lola Montès 115min

Sam 28/01 14h00 The Couple in the cage 30min
15h00 Joséphine Baker en couleurs 54min
18h00 Elephant Man 125min

Dim 29/01 14h00  A World on display 40min
15h00 Exhibitions + Zoos humains 61min
17h00 L’Enigme de Kaspar Hauser 110min

Sam 04/02 14h00 On l’appelait la vénus Hottentote 52min
16h00 The return of Sarah Baartman 52min
18h00 Le Sifflement de Kotan 126min

Dim 05/02 14h00 Ota Benga 16min
15h00 Boma Tervuren 54min
17h00 Des Zoos et des hommes 70min

Ven 23/03 18h00 Man to Man 122min

Ven 06/04 18h00 Vénus noire 160min

Rachid Bouchareb ne manque ni de projets ni de stars pour les faire

Posté par vincy, le 8 février 2011

Hors-la-Loi a été snobé par les César, par le public aussi, d'une certaine manière (430 000 entrées), mais il a donné à Rachid Bouchareb une troisième nomination aux Oscars (après Poussières de vue et Indigènes). Fait assez rare pour être souligné. Le cinéaste franco-algérien ne se décourage pas : il réalisera sans aucun doute le dernier épisode de sa trilogie sur les relations franco-algériennes.

Mais, d'ici là, son agenda est chargé. Au printemps, il tournera Just like a Woman, avec Sienna Miller, road-movie qui s'étire du Michigan au Nouveau-Mexique. Il s'agit d'un voyage où une américaine coexiste avec une jeune maghrébine.

Début 2012, il retrouvera Jamel Debbouze, face à Queen Latifah, dans Belleville Cop, une comédie bilingue de type "buddy movie". Duo (d)étonnant pour ce scénario coécrit avec Larry Gross, habitué au genre (48 heures mais aussi Prozac Nation et le remake de Master Class).

Enfin, il travaille sur French Connection, qui contrairement à ce qu'indique son titre, est un film en français, qui se déroulera dans les années 70, et traitera des relations complexes entre le Vietnam et la France, en remontant à la Guerre d'Indochine et l'histoire de l'opium. Le scénario devrait être achevé d'ici la fin de l'année.

Le cinéma algérien : une centralisation inquiétante en échange de nouveaux moyens

Posté par vincy, le 20 janvier 2011

Hors-la-Loi de Rachid Bouchareb, représentant l'Algérie aux Oscars pour la catégorie meilleur film étranger, fait partie des neuf finalistes dans la course (il n'en restera que cinq au final). Une bonne nouvelle, mais paradoxale. En effet, le film se déroule quasiment intégralement en France, alors que le film français qui prend pour cadre l'Algérie, Des Hommes et des Dieux, a été éliminé de la compétition.

Dans le même temps, le Sénat algérien se félicitait d'avoir voté (facilement) une nouvelle Loi qui, pourtant, mécontente certains professionnels et a provoqué de nombreux débats. Pour les plus critiques, la Loi officialise une censure et une volonté d'étouffer la production cinématographique.

La ministre de la Culture, Khalida Toumi, affirme pourtant que cette loi « n'entrave en rien les libertés individuelles et collectives et ne porte nullement atteinte à la liberté d'expression ». « Les dispositions prévues par ce projet  définissent le cadre juridique devant régir les activités cinématographiques et les développer sur le plan économique ».

Pour le gouvernement, la loi est une amélioration de celle de 1967 (quand fut créé l'Office national pour le commerce et l'industrie cinématographiques), en vue de restaurer le prestige du cinéma algérien et d'encourager sa professionnalisation. La loi prévoit notamment un allègement des mesures procédurales liées à la production de films dans le cadre des conventions cinématographiques  gouvernementales.

Les films historiques examinés avant financement

Mais quid de l'article 05 qui prévoit qu'une œuvre cinématographique sur la révolution doit au préalable recevoir l'aval du Conseil des ministres avant de bénéficier des aides, puisées dans les recettes publicitaires, que l'Etat leur a promis? «Il est inadmissible de produire des films glorifiant le colonialisme  et le rôle des harkis », s’est insurgée la ministre ajoutant que « l'histoire, notamment  celle de la guerre de Libération est chose sacrée en Algérie.» « On ne verrouille pas. Il y a le principe du droit. Tout est permis sauf ce qui est interdit par la loi », a ajouté Noureddine Othmani, conseiller au ministère de la culture. Il a relevé que le ministère des Moudjahidine est l’autorité habilitée à donner son accord sur des projets de films liés à l’histoire et que ceux-ci devront respecter la vérité historique. En septembre, Rachid Bouchareb tenait un discours plus subtil et équivoque, appelant au contraire à explorer l'Histoire sous tous ses angles : "Les choses vont se régler et les relations (entre la France et l'Algérie) vont aller plus loin quand le passé colonial sera évoqué, complètement évoqué, et que tout sera dit."

Ce contrôle sur la création est-il acceptable en échange de nouvelles ressources financières? Après un âge d'or dans les années 70 (dont une Palme d'or à Cannes en 1975 à Mohamed Lakhdar Hamina pour Chroniques des années de braise), quand une quarantaine de films voyaient le jour chaque année, le cinéma algérien a disparu dans les années 90. Seules quelques coproductions, souvent françaises, ont permis de lui faire traverse deux décennies de disette. Et même s'il émerge de nouveau  depuis quelques années, il n'est pas vu : les chaînes de télévision n'ont aucune contrainte de quotas. Le Ministère souhaiterait aussi voir naître des émissions sur le cinéma.

60 projets cinématographiques pour Tlemcen 2011

La Loi est plus déterminée sur sa volonté de changer la diffusion des films en salles. « Nous allons travailler, pour la première fois, avec un cahier des charges pour les salles de cinéma. Il faut respecter les normes internationales. Ce cahier va définir les conditions de classification des salles, les conditions de projection, l’accès aux mineurs, la sécurité et la programmation » affirme le Ministre. Il ne reste plus que 26 salles privées (contre 424 en 1962) et 227 salles municipales, une cinémathèque et un festival réputé (Oran). À Alger, il ne reste que 7 salles! Plusieurs salles de cinéma ont été détournées de leur vocation. Le Ministère voudrait récupérer celles-ci, ainsi que toutes celles qui ont été fermées. Il en a déjà repris une quarantaine et veut en rénover 300. Un multiplexe français Megarama (déjà installé au Maroc, voir actualité du 14 janvier 2011) va ouvrir à Alger cette année. Quelques unes ont été refaites à neuf. Mais, comme ailleurs en Afrique, la trop longue disparition du 7e art a conduit les cinéphiles à se rabattre sur les DVD et les Home-Cinema.

Pour Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011, 60 projets cinématographiques sont déjà annoncés. De louables intentions entachées par ce soupçon : le ministère de la culture centralise tout et conduit à un cinéma d'État. Au cours des cinq prochaines années, des studios de cinéma seront construits sur le budget de l’Etat et les négatifs de films algériens, entreposés à l’étranger, seront rapatriés. Le ministère de la Culture voudrait aussi reprendre les laboratoires cinématographiques appartenant à l’ENTV (chaîne de TV nationale).

Tout cela ne résout pas clairement le principal problème des artistes : le manque de moyens, financiers et techniques.

Cannes 2010 : Hors-la-Loi pris en étau entre le cinéma et le tabou de la guerre d’Algérie

Posté par vincy, le 21 mai 2010

1 200 manifestants selon la police ont participé à  la commémoration rendant hommage aux "victimes françaises" de la Guerre d'Algérie et des massacres de Sétif, en marge de la première projection du film de Rachid Bouchareb, Hors-la-Loi. Parmi eux, on remarquait le député-maire de la ville de Cannes, Bernard Brochand, qui a initié cette commémoration. Des anciens combattants, des représentants d'associations de Harkis et de Pieds-noirs et le Front National ont rejoint de nombreux élus de l'UMP.

Lionnel Luca, député UMP des Alpes-Maritimes, accuse le film, qu'il a enfin vu après avoir lancé une polémique sur la simple lecture du scénario (voir l'article sur les débuts de la polémique): c'est "un film partisan, militant, pro-FLN (...) il est encore pire que ce qui était annoncé".  "Je suis désolé que des chaînes françaises aient financé ce film, où l'armée française est comparée aux SS et où la police française est assimilée à la Gestapo".

Si le Secrétariat d'Etat aux anciens combattants n'est pas associé à l'initiative, la cérémonie de mémoire a reçu le soutien du sous-préfet, Claude Serra. "Ce sera la meilleure manière de valoriser la mémoire des victimes".

"Il a été fait pour ouvrir un débat dans la sérénité"

Bouchareb a profité de sa conférence de presse pour remettre le curseur au niveau cinématographique. "Hors la loi, c'est d'abord une grande saga". "Quand tout le monde ramène le film à Sétif, ce n'est pas la réalité. Ce film, si on peut lui donner une direction, c'est Il était une fois l'Amérique, c'est Il était une fois dans l'Ouest, c'est par moments Lawrence d'Arabie, Docteur Jivago. C'est le cinéma. Il y a une trame historique mais c'est d'abord une grande saga".  "La volonté était d'abord de faire un film, de faire un voyage dans l'Histoire et dans le passé. Tout ce qui arrive autour du sujet et du film aujourd'hui signifie qu'il y a encore aujourd'hui une question qui se pose sur le passé colonial. Et nous, on le découvre aujourd'hui avec vous".

"Le film n'est pas un champ de bataille, il n'est pas fait pour provoquer des affrontements, il a été fait pour ouvrir un débat dans la sérénité". "Chacun a sa petite histoire, ses blessures dans la grande Histoire. Alors effectivement, on filme dans Hors la loi du côté de personnages algériens. C'est mon choix, mais c'est universel. On a tous une mère, on a tous une famille, on a tous vécu l'injustice, elle n'est pas qu'algérienne, elle n'est pas que française, elle est valable pour tout le monde", a déclaré le cinéaste.

"Je n'ai pas à prendre en charge toute l'histoire, je fais du cinéma (...). Mais les politiques ont un énorme travail à faire: qu'ils le fassent maintenant, mais qu'on tourne une page définitivement et dans la sérénité".

Or, la zen attitude n'est pas de mise depuis un mois. La SACD a sympathiquement décerné le prix de la bêtise au député  Lionnel Luca, qui a répliqué avec une mauvaise foi flagrante (et un sous entendu digne des propagandes les plus nauséabondes) : "Faut-il avoir vu un film, que camoufle son auteur, pour en parler, lorsqu'on a lu le scénario avec une analyse historique et surtout les déclarations virulentes du réalisateur?".  "Que des gens qui se piquent d'appartenir au petit cercle inconnu "d'auteurs" puissent se commettre dans une pantalonnade de vaudeville en décernant un prix insultant à un élu du peuple sous prétexte que celui-ci dérange, en dit long sur le niveau et la qualité de ceux-ci...".

Symptôme du retour en force de la bonne conscience coloniale

Mais au delà de la SACD, c'est tout le corps culturel qui s'est uni contre Luca. Un texte publié sur Lemonde.fr et signé par Yasmina Adi Didier Daeninckx, François Gèze, Guy Seligmann et par les historiens Pascal Blanchard, Mohammed Harbi, Gilles Manceron, Gilbert Meynier, Gérard Noiriel, Jean-Pierre Peyroulou, Benjamin Stora et Sylvie Thénault, dénonce une campagne qui est le "symptôme du retour en force de la bonne conscience coloniale dans certains secteurs de la société française, avec la complicité des gouvernants".

"Ceux d'entre nous qui ont été invités comme historiens à voir le film ont aussi des réserves précises sur certaines de ses évocations du contexte historique de la période. Mais le travail d'un réalisateur n'est pas celui d'un historien et n'a pas à être jugé par l'Etat. Personne n'a demandé à Francis Ford Coppola de raconter dans Apocalypse Now la guerre du Vietnam avec précision historique".

Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a estimé mardi que "les débats sur le drame de la guerre d'Algérie sont sains". "On ne peut pas parler sans passion de la guerre d'Algérie. Ce n'est pas un film d'histoire, c'est une fiction. La liberté de créer doit rester complète."

Le vice-président de la région délégué à la culture Patrick Mennucci (PS) rejoint la position des artistes et du Ministre de la Culture : "Comme toute fiction, ce film est le reflet de l'interprétation de son auteur. Il relève avant tout de la liberté de création et d'expression".

Le débat a traversé la Méditerranée. La ministre algérienne de la Culture, Khalida Toumi, a estimé  qu'il "n'est pas normal qu'un membre du gouvernement français (Hubert Falco, secrétaire d'Etat à la Défense et aux anciens combattants) se permette d'émettre un avis sur un film qu'il n'a jamais vu et demander l'avis du service historique du ministère de la Défense français. "

Cannes est là pour servir le cinéma et accueillir les débats qui vont avec

Si le Festival a l'habitude des passions et des polémiques, celle-ci obligeait quand même les organisateurs à des mesures exceptionnelles. Une réunion tard hier soir avec les Renseignements Généraux avait lieu pour prévoir d'éventuels débordements lors des cinq projections prévues d'ici à dimanche.

Thierry Frémeaux, chargé de la sélection du film en compétition du Festival,  a rappelé quelques principes. "Si la polémique reste à hauteur du débat d’idées, nul ne doit s’en plaindre, ni ceux qui ont produit le film, ni ceux qui s’en font les adversaires. Dans les deux cas, que la liberté d’expression s'exerce pleinement, c'est tant mieux. Mais pour l’instant, les jugements portés sur Hors-la-loi ne concernent que le scénario, pas l'oeuvre achevée. Et je salue la sagesse du ministre de la Culture qui, n’ayant pas vu le film, ne s’est pas exprimé sur le sujet."

"L’art ne se résume pas à échanger des mots d’amour, il contribue aussi à visiter la grande et les petites histoires. Cannes est là pour servir le cinéma et accueillir les débats qui vont avec". "Mais il est fréquent qu’on instrumentalise le festival. C’en est presque une tradition ! Sa notoriété est telle que cela peut se révéler efficace. Si c’est pour discuter, voire se disputer, pourquoi pas ? Pour s’affronter et s’invectiver, non".
"Nul ne laissera le festival être troublé outre-mesure par une controverse excessive. La première mission du festival est de montrer des films, de donner un instantané de la création, de se faire l’écho des metteurs en scène."

Ecran Noir, au delà du jugement sur la qualité cinématographique du film, est entièrement d'accord avec la primauté de la fiction et de la création sur la vérité historique, au nom de la liberté de création. C'est la différence avec un documentaire. C'est aux élus d'avoir une position digne, respectueuse et juste des faits historiques pour que les tabous du passés ne soient pas des traumas du présent. C'est à l'Education nationale et aux Historiens d'enseigner et d'expliquer la vérité.

Cannes 2010 : Rachid Bouchareb veut éteindre la polémique

Posté par Sabrina, le 14 mai 2010

Quelques mots du cinéaste en réponse à la polémique que suscite d'ores et déjà Hors la loi...

"Depuis trois semaines, une polémique précède la présentation à Cannes de mon film Hors La Loi, alors que ceux qui participent à cette polémique n'ont pas vu le film... Devant de telles passions et dans un souci d'apaisement, il m’apparaît important de rappeler deux choses :

* Hors la loi est un film de fiction, une saga qui raconte l’histoire de trois frères algériens et de leur mère sur une période de plus de trente-cinq ans, du milieu des années trente à l'indépendance de l'Algérie en 1962.

* Il faut qu’il soit possible que le cinéma aborde tous les sujets. Je le fais en cinéaste, avec ma sensibilité, sans obliger quiconque à la partager. Après les projections, il sera temps que le débat public se déroule. Attaché comme je le suis à la liberté d’expression, il me paraît normal que certains puissent être en désaccord avec mon film, mais je souhaite que ce désaccord s’exprime dans un cadre pacifique et dans la sérénité du débat d’idées.
Pour le monde entier, la France est une terre de liberté et je suis particulièrement fier d’y montrer mon film, dans le plus prestigieux des festivals. Je souhaite que cette projection se fasse dans le respect mutuel et dans un climat serein.
" - Rachid BOUCHAREB

Vous n'avait pas pu y échapper : dès Cannes 2006, Bouchareb défrayait la chronique avec son passionnant Indigènes, film récompensé d'un quintuple Prix d'interprétation masculine. Hors-la loi sera présenté en compétition le 21 mai prochain.

A juste titre, la liberté d'expression commence toujours dès lors que l'encre vient entacher l'ordre établi. En la matière, il y a fort à parier : ce n'est ici qu'un début ! Bienvenue à ce nouveau long et manifeste signé d'un "indigène" qui revendique fièrement son identité... de cinéaste !