Rachid Bouchareb ne manque ni de projets ni de stars pour les faire

Posté par vincy, le 8 février 2011

Hors-la-Loi a été snobé par les César, par le public aussi, d'une certaine manière (430 000 entrées), mais il a donné à Rachid Bouchareb une troisième nomination aux Oscars (après Poussières de vue et Indigènes). Fait assez rare pour être souligné. Le cinéaste franco-algérien ne se décourage pas : il réalisera sans aucun doute le dernier épisode de sa trilogie sur les relations franco-algériennes.

Mais, d'ici là, son agenda est chargé. Au printemps, il tournera Just like a Woman, avec Sienna Miller, road-movie qui s'étire du Michigan au Nouveau-Mexique. Il s'agit d'un voyage où une américaine coexiste avec une jeune maghrébine.

Début 2012, il retrouvera Jamel Debbouze, face à Queen Latifah, dans Belleville Cop, une comédie bilingue de type "buddy movie". Duo (d)étonnant pour ce scénario coécrit avec Larry Gross, habitué au genre (48 heures mais aussi Prozac Nation et le remake de Master Class).

Enfin, il travaille sur French Connection, qui contrairement à ce qu'indique son titre, est un film en français, qui se déroulera dans les années 70, et traitera des relations complexes entre le Vietnam et la France, en remontant à la Guerre d'Indochine et l'histoire de l'opium. Le scénario devrait être achevé d'ici la fin de l'année.

Bilan 2010 – 214 films au dessus de 100 000 entrées et 472 en dessous

Posté par vincy, le 5 février 2011

686 sorties répertoriées. Et 68,8% d'entre elles qui n'atteignent pas 100 000 spectateurs. Près de 40% qui ne dépassent même pas les 30 000 entrées. Cela pose question  quand, en moyenne, 13 films sortent chaque semaine.

Pour 2010, 214 films ont quand même franchi la barre fatidique des 100 000 entrées et 50 sont devenus millionnaires (soit presque un par semaine). Walt Disney en place 6 au dessus du million, Warner Bros fait mieux avec 8. Les distributeurs français sont à la peine avec 18 hits.

Par zone géographique, l'écart peut être cruel et le festival de Cannes s'avère porteur:

Amérique du nord : Harry Potter 7, 5,5 millions de spectateurs

France : Les petits mouchoirs, 5,3 millions de spectateurs

Europe de l'Ouest : Le voyage extraordinaire de Samy, 1,3 million de spectateurs

Amérique du sud : Dans ses yeux, 450 000 spectateurs

Afrique du nord : Hors-la-Loi, 430 000 spectateurs

Amérique centrale : Biutiful, 354 000 spectateurs

Asie de l'Est : Poetry, 205 000 spectateurs

Proche et Moyen Orient : Ajami, 140 000 spectateurs

Europe de l'Est : Le criquet, 62 000 spectateurs

Asie centrale et Russie : Le dernier voyage de Tanya, 55 000 entrées

Asie du sud-est et subcontinent indien : My Name is Khan, 42 000 spectateurs

Océanie : Disgrace, 36 000 spectateurs

Afrique : Le secret de Chanda, 11 000 spectateurs

Le cinéma algérien : une centralisation inquiétante en échange de nouveaux moyens

Posté par vincy, le 20 janvier 2011

Hors-la-Loi de Rachid Bouchareb, représentant l'Algérie aux Oscars pour la catégorie meilleur film étranger, fait partie des neuf finalistes dans la course (il n'en restera que cinq au final). Une bonne nouvelle, mais paradoxale. En effet, le film se déroule quasiment intégralement en France, alors que le film français qui prend pour cadre l'Algérie, Des Hommes et des Dieux, a été éliminé de la compétition.

Dans le même temps, le Sénat algérien se félicitait d'avoir voté (facilement) une nouvelle Loi qui, pourtant, mécontente certains professionnels et a provoqué de nombreux débats. Pour les plus critiques, la Loi officialise une censure et une volonté d'étouffer la production cinématographique.

La ministre de la Culture, Khalida Toumi, affirme pourtant que cette loi « n'entrave en rien les libertés individuelles et collectives et ne porte nullement atteinte à la liberté d'expression ». « Les dispositions prévues par ce projet  définissent le cadre juridique devant régir les activités cinématographiques et les développer sur le plan économique ».

Pour le gouvernement, la loi est une amélioration de celle de 1967 (quand fut créé l'Office national pour le commerce et l'industrie cinématographiques), en vue de restaurer le prestige du cinéma algérien et d'encourager sa professionnalisation. La loi prévoit notamment un allègement des mesures procédurales liées à la production de films dans le cadre des conventions cinématographiques  gouvernementales.

Les films historiques examinés avant financement

Mais quid de l'article 05 qui prévoit qu'une œuvre cinématographique sur la révolution doit au préalable recevoir l'aval du Conseil des ministres avant de bénéficier des aides, puisées dans les recettes publicitaires, que l'Etat leur a promis? «Il est inadmissible de produire des films glorifiant le colonialisme  et le rôle des harkis », s’est insurgée la ministre ajoutant que « l'histoire, notamment  celle de la guerre de Libération est chose sacrée en Algérie.» « On ne verrouille pas. Il y a le principe du droit. Tout est permis sauf ce qui est interdit par la loi », a ajouté Noureddine Othmani, conseiller au ministère de la culture. Il a relevé que le ministère des Moudjahidine est l’autorité habilitée à donner son accord sur des projets de films liés à l’histoire et que ceux-ci devront respecter la vérité historique. En septembre, Rachid Bouchareb tenait un discours plus subtil et équivoque, appelant au contraire à explorer l'Histoire sous tous ses angles : "Les choses vont se régler et les relations (entre la France et l'Algérie) vont aller plus loin quand le passé colonial sera évoqué, complètement évoqué, et que tout sera dit."

Ce contrôle sur la création est-il acceptable en échange de nouvelles ressources financières? Après un âge d'or dans les années 70 (dont une Palme d'or à Cannes en 1975 à Mohamed Lakhdar Hamina pour Chroniques des années de braise), quand une quarantaine de films voyaient le jour chaque année, le cinéma algérien a disparu dans les années 90. Seules quelques coproductions, souvent françaises, ont permis de lui faire traverse deux décennies de disette. Et même s'il émerge de nouveau  depuis quelques années, il n'est pas vu : les chaînes de télévision n'ont aucune contrainte de quotas. Le Ministère souhaiterait aussi voir naître des émissions sur le cinéma.

60 projets cinématographiques pour Tlemcen 2011

La Loi est plus déterminée sur sa volonté de changer la diffusion des films en salles. « Nous allons travailler, pour la première fois, avec un cahier des charges pour les salles de cinéma. Il faut respecter les normes internationales. Ce cahier va définir les conditions de classification des salles, les conditions de projection, l’accès aux mineurs, la sécurité et la programmation » affirme le Ministre. Il ne reste plus que 26 salles privées (contre 424 en 1962) et 227 salles municipales, une cinémathèque et un festival réputé (Oran). À Alger, il ne reste que 7 salles! Plusieurs salles de cinéma ont été détournées de leur vocation. Le Ministère voudrait récupérer celles-ci, ainsi que toutes celles qui ont été fermées. Il en a déjà repris une quarantaine et veut en rénover 300. Un multiplexe français Megarama (déjà installé au Maroc, voir actualité du 14 janvier 2011) va ouvrir à Alger cette année. Quelques unes ont été refaites à neuf. Mais, comme ailleurs en Afrique, la trop longue disparition du 7e art a conduit les cinéphiles à se rabattre sur les DVD et les Home-Cinema.

Pour Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011, 60 projets cinématographiques sont déjà annoncés. De louables intentions entachées par ce soupçon : le ministère de la culture centralise tout et conduit à un cinéma d'État. Au cours des cinq prochaines années, des studios de cinéma seront construits sur le budget de l’Etat et les négatifs de films algériens, entreposés à l’étranger, seront rapatriés. Le ministère de la Culture voudrait aussi reprendre les laboratoires cinématographiques appartenant à l’ENTV (chaîne de TV nationale).

Tout cela ne résout pas clairement le principal problème des artistes : le manque de moyens, financiers et techniques.

Les prix Lumières révèlent leurs nominations

Posté par vincy, le 23 décembre 2010

Les prix Lumières sont l'équivalent des Golden Globes. La presse étrangère basée à Paris décerne ses prix depuis 1995. On ne connaîtra les lauréats que le 14 janvier prochain, mais les nominations ont déjà été révélées.

Des hommes et des Dieux est en tête de la liste avec 4 citations tandis que Carlos, Gainsbourg (vie héroïque), The Ghost-Writer sont à égalité avec trois nominations. Notons la présence d'un film d'animation dans la catégorie meilleur film, et la forte présence des films présentés au Festival de Cannes (toutes sélections confondues) avec 20 nominations sur 50.

Meilleur film
Carlos d’Olivier Assayas
Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois
Gainsbourg (vie héroïque) de Joann Sfar
The Ghost Writer de Roman Polanski
L’illusionniste de Sylvain Chomet.

Meilleur réalisateur
Olivier Assayas (Carlos)
Xavier Beauvois (Des hommes et des dieux)
Roman Polanski (The Ghost Writer)
Joann Sfar (Gainsbourg (vie héroïque))
Mathieu Amalric (Tournée).

Meilleur scénario
Julie Bertuccelli (L’arbre)
Olivier Lorelle et Rachid Bouchareb (Hors-la-loi)
Robert Harris et Roman Polanski (The Ghost Writer)
Michel Leclerc et Baya Kasmi (Le nom des gens)
Géraldine Nakache et Hervé Mimran (Tout ce qui brille).

Meilleur actrice
Juliette Binoche (Copie conforme)
Isabelle Carré (Les émotifs anonymes)
Catherine Deneuve (Potiche)
Ludivine Sagnier (Pieds nus sur les limaces)
Kristin Scott Thomas (Elle s’appelait Sarah)

Meilleur acteur
Romain Duris (L’arnacoeur et L’homme qui voulait vivre sa vie)
Eric Elmosnino (Gainsbourg (vie héroïque))
Michael Lonsdale (Des hommes et des dieux)
Édgar Ramírez (Carlos)
Lambert Wilson (Des Hommes et des dieux et La princesse de Montpensier)

Meilleur espoir féminin
Lolita Chammah (Copacabana)
Linda Doudaeva (Les mains en l’air)
Marie Féret (Nannerl, la sœur de Mozart)
Nina Rodriguez (No et moi)
Yahima Torres (Vénus noire)

Meilleur espoir masculin
Emile Berling (Le bruit des glaçons)
Nahuel Perez Biscayart (Au fond des bois)
Antonin Chalon (No et moi)
Jules Pelissier (Simon Werner a disparu)
Aymen Saïdi (Dernier étage, gauche, gauche)

Meilleur film francophone
Amer d’Hélène Cattet et Bruno Forzani
Les amours imaginaires de Xavier Dolan
Un homme qui crie de Mahamat Saleh Haroun
Illégal d’Olivier Masset-Depasse
Orly d’Angela Schanelec

65 films en lice pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère

Posté par vincy, le 14 octobre 2010

65 films. 65 pays. Pour la première fois, un film du Groënland et un autre d'Ethiopie vont entrer dans la compétition. Puis il y aura une sélection de 9 films qui aboutira aux cinq nommés (le 25 janvier 2011) et à un unique gagnant (le 27 février).

La France présente Des Hommes et des Dieux, de Xavier Beauvois. Il s'agit d'un des nombreux films cannois de la liste : la Palme d'or (Oncle Boonmee), mais aussi Hors-la-Loi, Carancho, Illegal, Dogtooth, Biutiful, Life above all, Illégal, Eastern Plays...

Albanie - East, West, East, Gjergj Xhuvani

Algerie - Hors-la-Loi, Rachid Bouchareb

Argentine - Carancho, Pablo Trapero

Autriche - La Pivellina,  Tizza Covi & Rainer Frimmel

Azerbaijan - Precinct,  Ilgar Safat

Bangladesh - Third Person Singular Number,   Mostofa Sarwar Farooki

Belgique - Illegal,  Olivier Masset-Depasse

Bosnie-Herzegovine - Cirkus Columbia,  Danis Tanovic

Brésil - Lula, o filho do Brasil,   Fábio Barreto

Bulgarie - Eastern Plays,  Kamen Kalev

Canada - Incendies,   Denis Villeneuve

Chili - The Life of Fish,  Matías Bize

Chine - Aftershock,  Feng Xiaogang

Colombie - Crab Trap,  Oscar Ruíz Navia

Costa Rica - Of Love and Other Demons,  Hilda Hidalgo

Croatie - The Blacks,  Goran Devic & Zvonimir Juric

Rép. Tchèque - Kawasaki’s Rose,  Jan Hrebejk

Danemark - In a Better World,  Susanne Bier

Egypte - Messages From The Sea,  Daoud Abdel Sayed

Estonie - The Temptation of St. Tony,  Veiko Öunpuu

Ethiopie - The Athlete,  Davey Frankel & Rasselas Lakew

Finlande - Steam of Life,  Joonas Berghail & Mika Hotakainen

France - Des Hommes et des Dieux,  Xavier Beauvois

Georgie - Street Days,  Levan Koguashvili

Allemagne - When We Leave,  Feo Aladag

Grèce - Canine,  Yorgos Lanthimos

Groenland - Nuummioq,   Torben Bech & Otto Rosing

Hong Kong - Echoes of the Rainbow,  Alex Law

Hongrie - Bibliteque Pascal,   Szabolcs Hajdu

Islande - Mamma Gógó,  Friðrik Þór Friðriksson

Indie - Peepli Live,  Anusha Rizvi

Indonesie - How Funny (This Country Is),  Deddy Mizwar

Iran - Farewell Baghdad, Mehdi Naderi

Irak - Son of Babylon,  Mohamed Al-Daradji

Italie - The First Beautiful Thing,  Paolo Virzì

Israël - The Human Resources Manager,   Eran Riklis

Japon - Confessions,  Tetsuya Nakashima

Kazakhstan - Strayed, Akan Satayev

Lettonie - Hong Kong Confidential,  Maris Martinsons

Macedonie - Mothers,  Milcho Manchevski

Mexique - Biutiful,  Alejandro González Iñárritu

Pays-Bas - Tirza, Rudolph van den Berg

Nicaragua - Le Yuma, Florence Jaugey

Norvège - Angel,  Margreth Olin

Pérou - Undertow,  Javier Fuentes-León

Philippines - Noy,  Dondon Santos

Pologne - All That I Love,  Jacek Borcuch

Portugal - Mourir comme un homme,  João Pedro Rodrigues

Puerto Rico - Miente, Rafi Mercado

Roumanie - If I Want to Whistle…I Whistle,  Florin Serban

Russie - The Edge,  Aleksei Uchitel

Serbie - Besa,  Srdjan Karanovic

Slovaquie - The Border,  Jaroslav Vojtek

Slovénie - 9:06,  Igor Sterk

Africa du Sud - Life, Above All,  Oliver Schmitz

Corée du Sud - A Barefoot Dream,   Tae-gyun Kim

Espagne - Even The Rain,  Iciar Bollain

Suède - Simple Simon, Andreas Ohman

Suisse - La petite chambre,  Stéphanie Chaut & Véronique Reymond

Taiwan - Monga,   Doze Niu

Thailande - Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures, Apichatpong Weerathesakul

Turquie - Miel, Semih Kaplanoglu

Venezuela - Hermano, Marcel Rasquin

Cannes 2010 – la phrase du jour : Jamel Debbouze

Posté par vincy, le 21 mai 2010

Il fallait qu'il en sorte une en conférence de presse du Festival de Cannes après la première projection de Hors-la-Loi. Jamel Debbouze a rebondit sur l'affaire Polanski, qui traîne depuis septembre. "Dernière chose que j'aimerais déclarer à la presse entière: moi aussi je me suis fait violer par Roman Polanski quand j'avais 16 ans ! Je voudrais que tout le monde le sache. Si vous voulez les détails, voyez avec mon avocat Mouloud Debbouze."

Cannes 2010 : Hors-la-Loi pris en étau entre le cinéma et le tabou de la guerre d’Algérie

Posté par vincy, le 21 mai 2010

1 200 manifestants selon la police ont participé à  la commémoration rendant hommage aux "victimes françaises" de la Guerre d'Algérie et des massacres de Sétif, en marge de la première projection du film de Rachid Bouchareb, Hors-la-Loi. Parmi eux, on remarquait le député-maire de la ville de Cannes, Bernard Brochand, qui a initié cette commémoration. Des anciens combattants, des représentants d'associations de Harkis et de Pieds-noirs et le Front National ont rejoint de nombreux élus de l'UMP.

Lionnel Luca, député UMP des Alpes-Maritimes, accuse le film, qu'il a enfin vu après avoir lancé une polémique sur la simple lecture du scénario (voir l'article sur les débuts de la polémique): c'est "un film partisan, militant, pro-FLN (...) il est encore pire que ce qui était annoncé".  "Je suis désolé que des chaînes françaises aient financé ce film, où l'armée française est comparée aux SS et où la police française est assimilée à la Gestapo".

Si le Secrétariat d'Etat aux anciens combattants n'est pas associé à l'initiative, la cérémonie de mémoire a reçu le soutien du sous-préfet, Claude Serra. "Ce sera la meilleure manière de valoriser la mémoire des victimes".

"Il a été fait pour ouvrir un débat dans la sérénité"

Bouchareb a profité de sa conférence de presse pour remettre le curseur au niveau cinématographique. "Hors la loi, c'est d'abord une grande saga". "Quand tout le monde ramène le film à Sétif, ce n'est pas la réalité. Ce film, si on peut lui donner une direction, c'est Il était une fois l'Amérique, c'est Il était une fois dans l'Ouest, c'est par moments Lawrence d'Arabie, Docteur Jivago. C'est le cinéma. Il y a une trame historique mais c'est d'abord une grande saga".  "La volonté était d'abord de faire un film, de faire un voyage dans l'Histoire et dans le passé. Tout ce qui arrive autour du sujet et du film aujourd'hui signifie qu'il y a encore aujourd'hui une question qui se pose sur le passé colonial. Et nous, on le découvre aujourd'hui avec vous".

"Le film n'est pas un champ de bataille, il n'est pas fait pour provoquer des affrontements, il a été fait pour ouvrir un débat dans la sérénité". "Chacun a sa petite histoire, ses blessures dans la grande Histoire. Alors effectivement, on filme dans Hors la loi du côté de personnages algériens. C'est mon choix, mais c'est universel. On a tous une mère, on a tous une famille, on a tous vécu l'injustice, elle n'est pas qu'algérienne, elle n'est pas que française, elle est valable pour tout le monde", a déclaré le cinéaste.

"Je n'ai pas à prendre en charge toute l'histoire, je fais du cinéma (...). Mais les politiques ont un énorme travail à faire: qu'ils le fassent maintenant, mais qu'on tourne une page définitivement et dans la sérénité".

Or, la zen attitude n'est pas de mise depuis un mois. La SACD a sympathiquement décerné le prix de la bêtise au député  Lionnel Luca, qui a répliqué avec une mauvaise foi flagrante (et un sous entendu digne des propagandes les plus nauséabondes) : "Faut-il avoir vu un film, que camoufle son auteur, pour en parler, lorsqu'on a lu le scénario avec une analyse historique et surtout les déclarations virulentes du réalisateur?".  "Que des gens qui se piquent d'appartenir au petit cercle inconnu "d'auteurs" puissent se commettre dans une pantalonnade de vaudeville en décernant un prix insultant à un élu du peuple sous prétexte que celui-ci dérange, en dit long sur le niveau et la qualité de ceux-ci...".

Symptôme du retour en force de la bonne conscience coloniale

Mais au delà de la SACD, c'est tout le corps culturel qui s'est uni contre Luca. Un texte publié sur Lemonde.fr et signé par Yasmina Adi Didier Daeninckx, François Gèze, Guy Seligmann et par les historiens Pascal Blanchard, Mohammed Harbi, Gilles Manceron, Gilbert Meynier, Gérard Noiriel, Jean-Pierre Peyroulou, Benjamin Stora et Sylvie Thénault, dénonce une campagne qui est le "symptôme du retour en force de la bonne conscience coloniale dans certains secteurs de la société française, avec la complicité des gouvernants".

"Ceux d'entre nous qui ont été invités comme historiens à voir le film ont aussi des réserves précises sur certaines de ses évocations du contexte historique de la période. Mais le travail d'un réalisateur n'est pas celui d'un historien et n'a pas à être jugé par l'Etat. Personne n'a demandé à Francis Ford Coppola de raconter dans Apocalypse Now la guerre du Vietnam avec précision historique".

Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a estimé mardi que "les débats sur le drame de la guerre d'Algérie sont sains". "On ne peut pas parler sans passion de la guerre d'Algérie. Ce n'est pas un film d'histoire, c'est une fiction. La liberté de créer doit rester complète."

Le vice-président de la région délégué à la culture Patrick Mennucci (PS) rejoint la position des artistes et du Ministre de la Culture : "Comme toute fiction, ce film est le reflet de l'interprétation de son auteur. Il relève avant tout de la liberté de création et d'expression".

Le débat a traversé la Méditerranée. La ministre algérienne de la Culture, Khalida Toumi, a estimé  qu'il "n'est pas normal qu'un membre du gouvernement français (Hubert Falco, secrétaire d'Etat à la Défense et aux anciens combattants) se permette d'émettre un avis sur un film qu'il n'a jamais vu et demander l'avis du service historique du ministère de la Défense français. "

Cannes est là pour servir le cinéma et accueillir les débats qui vont avec

Si le Festival a l'habitude des passions et des polémiques, celle-ci obligeait quand même les organisateurs à des mesures exceptionnelles. Une réunion tard hier soir avec les Renseignements Généraux avait lieu pour prévoir d'éventuels débordements lors des cinq projections prévues d'ici à dimanche.

Thierry Frémeaux, chargé de la sélection du film en compétition du Festival,  a rappelé quelques principes. "Si la polémique reste à hauteur du débat d’idées, nul ne doit s’en plaindre, ni ceux qui ont produit le film, ni ceux qui s’en font les adversaires. Dans les deux cas, que la liberté d’expression s'exerce pleinement, c'est tant mieux. Mais pour l’instant, les jugements portés sur Hors-la-loi ne concernent que le scénario, pas l'oeuvre achevée. Et je salue la sagesse du ministre de la Culture qui, n’ayant pas vu le film, ne s’est pas exprimé sur le sujet."

"L’art ne se résume pas à échanger des mots d’amour, il contribue aussi à visiter la grande et les petites histoires. Cannes est là pour servir le cinéma et accueillir les débats qui vont avec". "Mais il est fréquent qu’on instrumentalise le festival. C’en est presque une tradition ! Sa notoriété est telle que cela peut se révéler efficace. Si c’est pour discuter, voire se disputer, pourquoi pas ? Pour s’affronter et s’invectiver, non".
"Nul ne laissera le festival être troublé outre-mesure par une controverse excessive. La première mission du festival est de montrer des films, de donner un instantané de la création, de se faire l’écho des metteurs en scène."

Ecran Noir, au delà du jugement sur la qualité cinématographique du film, est entièrement d'accord avec la primauté de la fiction et de la création sur la vérité historique, au nom de la liberté de création. C'est la différence avec un documentaire. C'est aux élus d'avoir une position digne, respectueuse et juste des faits historiques pour que les tabous du passés ne soient pas des traumas du présent. C'est à l'Education nationale et aux Historiens d'enseigner et d'expliquer la vérité.

Cannes 2010 : Rachid Bouchareb veut éteindre la polémique

Posté par Sabrina, le 14 mai 2010

Quelques mots du cinéaste en réponse à la polémique que suscite d'ores et déjà Hors la loi...

"Depuis trois semaines, une polémique précède la présentation à Cannes de mon film Hors La Loi, alors que ceux qui participent à cette polémique n'ont pas vu le film... Devant de telles passions et dans un souci d'apaisement, il m’apparaît important de rappeler deux choses :

* Hors la loi est un film de fiction, une saga qui raconte l’histoire de trois frères algériens et de leur mère sur une période de plus de trente-cinq ans, du milieu des années trente à l'indépendance de l'Algérie en 1962.

* Il faut qu’il soit possible que le cinéma aborde tous les sujets. Je le fais en cinéaste, avec ma sensibilité, sans obliger quiconque à la partager. Après les projections, il sera temps que le débat public se déroule. Attaché comme je le suis à la liberté d’expression, il me paraît normal que certains puissent être en désaccord avec mon film, mais je souhaite que ce désaccord s’exprime dans un cadre pacifique et dans la sérénité du débat d’idées.
Pour le monde entier, la France est une terre de liberté et je suis particulièrement fier d’y montrer mon film, dans le plus prestigieux des festivals. Je souhaite que cette projection se fasse dans le respect mutuel et dans un climat serein.
" - Rachid BOUCHAREB

Vous n'avait pas pu y échapper : dès Cannes 2006, Bouchareb défrayait la chronique avec son passionnant Indigènes, film récompensé d'un quintuple Prix d'interprétation masculine. Hors-la loi sera présenté en compétition le 21 mai prochain.

A juste titre, la liberté d'expression commence toujours dès lors que l'encre vient entacher l'ordre établi. En la matière, il y a fort à parier : ce n'est ici qu'un début ! Bienvenue à ce nouveau long et manifeste signé d'un "indigène" qui revendique fièrement son identité... de cinéaste !

Rachid Bouchareb se met Hors-la-Loi

Posté par vincy, le 13 août 2009

Alors que son prochain film, London River, sort le 23 septembre prochain, doté d'un prix d'interprétation masucline au dernier festival de Berlin, Rachid Bouchareb (Indigènes) vient de s'attaquer au tournage de Hors-la-Loi. Pour ce film, il retrouve quatre de ses cinq acteurs d'Indigènes : Jamel Debbouze, Sami Bouajila, Roschdy Zem et Bernard Blancan. Les autres comédiens qui les entourent sont Ahmed Benaïssa (Mon colonel, Inland), Larbi Zekkal (Beur Blanc Rouge), Mourad Khen (Mascarades) et Chafia Boudraa (Le thé à la menthe, Beur blanc rouge).

Il s'agit du récit, de 1945 à 1962, de trois frères dont la famille a survécu aux massacres de Sétif., jusqu'à la bataille de l'indépendance de l'Algérie. Un budget confortable (près de 20 millions d'euros) accompagnera ce tournage qui se déplacera aussi en France, Tunisie, en Belgique, en Allemagne et à New York.