Umberto Eco et Harper Lee, ou les adieux au nom de la rose et à l’oiseau moqueur

Posté par vincy, le 22 février 2016

A quelques heures d'écart, deux grands écrivains ont disparu. Le romancier et philosophe italien Umberto Eco à l'âge de 84 ans et la romancière américaine Harper Lee à l'âge de 89 ans.

Harper Lee, on la croisait dans les films sur Truman Capote, son ami d'enfance. Dans Capote, le film de Bennet Miller (2005), on la voit le soutenir dans l'écriture de son plus grand livre De sang froid. Capote est alors incarné par feu Philip Seymour Hoffman et Lee par Catherine Keener. Harper Lee a aussi été jouée au cinéma par Sandra Bullock dans Scandaleusement célèbre, l'autre film sur Truman Capote, réalisé en 2006 par Douglas McGrath.

du silence et des ombres

Mais on retiendra d'elle avant tout l'adaptation de son roman, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, prix Pulitzer en 1961. Ce fut jusqu'en 2015 son unique roman publié (on découvrit il y a deux ans une suite inédite du livre, en fait une histoire qu'elle avait écrite avant Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur mais qui se déroule bien après les événements du roman). En France, le film est titré Du silence et des ombres. Le film de Robert Mulligan, adapté par Horton Foote, a pour star Gregory Peck. Séléctionné à Cannes, To Kill a Mockingbird récolte 8 nominations aux Oscars et en remporte trois: meilleur acteur, meilleure adaptation, meilleure direction artistique.

L'histoire, profondément humaniste, est encore transgressive pour l'époque: Peck incarne Atticus Finch, avocat dans le sud des États-Unis dans les années 1930, et doit défendre un homme noir accusé de viol.

le nom de la rose

La transgression, Umberto Eco la maîtrise bien aussi. Son roman le plus vendu ans le monde, Le Nom de la Rose, prix Strega, le Goncourt italien, en 1981, et traduit dans 43 langues, a été porté à l'écran par Jean-Jacques Annaud en 1986. Le film a été un succès international. Mené par Sean Connery, cette enquête mélangeant obscurantisme et érudition, avec un Michael Lonsdale dans le camp des méchants et Christian Slater en candide, a attiré 5 millions de spectateurs dans les salles en France, en plus de recevoir le César du meilleur film étranger et le prix BAFTA du meilleur acteur.

Le récit se déroule en l'an 1327, dans une abbaye bénédictine du nord de l'Italie, où des moines sont retrouvés morts dans des circonstances suspectes. Cette abbaye réunit des franciscains et des représentants du pape pour une confrontation en terrain neutre. Un des franciscains les plus importants est Guillaume de Baskerville, accompagné du jeune novice Adso de Melk confié par son père au clergé. Ils vont mener l'enquête sur ces morts mystérieuses alors que l'Inquisition menace leur Savoir.

C'est l'unique fois où un livre d'Umberto Eco a été adapté au cinéma.

Festival Lumière – Jour 3 : 100% Scorsese-De Niro

Posté par Morgane, le 16 octobre 2015

Troisième jour de festival Lumière, ce sera une journée purement scorsesienne avec Casino en matinée et Les Nerfs à vif en soirée. Deux films des années 90 que tout opposent, hormis la présence magistrale de Robert de Niro.

"Même si ma peau en dépend, je dois te faire confiance."

C'est Laure Marsac qui vient nous présenter Casino. Pour l'actrice césarisée (La Pirate de Jacques Doillon) ,Casino c'est un film démentiel. "1 million de dollars rien que pour les costumes de Robert De Niro et Sharon Stone, une lumière incroyable de Robert Richardson dont c'est la première collaboration avec Scorsese, le superbe montage de l'immense Thelma Schoonmaker, la monteuse fidèle de Scorsese. C'est pour moi le plus beau film de Martin Scorsese, le plus beau rôle de Sharon Stone et un des plus beaux rôles de Joe Pesci. C'est un film sur la circulation de l'argent, le travail mais aussi un film intimiste au départ puisque c'est une véritable histoire d'amour." Une tragédie même, où les flammes de l'enfer, le sang sur le sable et la coke en stock détruisent un à un les "rois" de Vegas et avec eux leurs ambitions démesurées.

Elle explique également en quoi Casino est un film précurseur. "Lorsque l'on regarde Casino aujourd'hui, on voit qu'il est annonciateur de certaines écritures de séries telles que Soprano ou The Wire." Pour résumer, selon elle, c'est "LE film de Scorsese!!!" La quintessence flamboyante de ses films de mafia, comme une prolongation des Affranchis, où les codes amoureux du Temps de l'innocence se fracassent au réel. C'est aussi le premier film "glamour" du maître, celui qui préfigure les Aviator et autres Loup de Wall Street: le strass n'est que le vernis d'une Amérique qui se décompose sous le poids d'un matérialisme/consumérisme destructeur. Et à chaque fois la folie emporte l'homme.

Et en effet quel bonheur de voir cette grande salle comble à 10h du matin pour revoir Casino sur un grand écran, moi qui n'ai eu l'occasion de le voir que sur un écran de télévision. Ce film prend aux tripes et sur les quasi 3h, pas une seule fois on ne décroche. Le scénario est impeccable, la façon qu'a Scorsese de filmer est happante (on se balade avec la caméra au sein du casino dans une scène d'ouverture superbe) et le trio De Niro, Stone et Pesci est absolument sans fausse note. C'est un véritable chef d'oeuvre de Scorsese, qui utilise à la perfection la musique classique comme rock.

"Je suis peut-être le grand méchant loup"

Le soir, on retrouve De Niro, dans un tout autre genre. "Martin Scorsese réalise ce film en 1991 lorsque sa carrière est à son apogée. Il vient de réaliser Les Affranchis un an auparavant avec Robert De Niro qui y joue un gangster qui a des règles. Ici on le retrouve dans la peau de Max Cady, un homme sans foi ni loi."

Les Nerfs à vif est un film de commande pour Scorsese, commande passée par Universal. Il fait donc un remake du Cape Fear de 1962 de Jack Lee Thompson avec Gregory Peck et Robert Mitchum (clin d'oeil au film original, ils ont tous deux un petit rôle dans la nouvelle version). Scorsese remplace Gregory Peck par Nick Nolte et Robert Mitchum par Robert De Niro et modifie quelque peu le Cape Fear original en en faisant un thriller quasi excessif et ultra-violent. Un film de genre outrancier (comme les tatouages de De Niro, dont on peut admirer tous les détails sur une photographie exposée à la Cinémathèque française). La musique d'Elmer Bernstein colle parfaitement au mode thriller avec ces fameuses notes graves et angoissantes qui semblent se répéter à l'infini.

Scorsese arrive à mettre sa griffe sur ce remake mais le côté suspens est quelque peu laissé de côté. Il se focalise principalement sur l'exagération des effets et une violence extrême. Pour Les Nerfs à vif, l'enthousiasme est un peu moins fort. Le film est plus convenu, a vieilli. Les personnages de la famille Bowden sont effleurés et on ne ressent que peu d'empathie à leur égard finalement. En revanche, on sent que Martin Scorsese s'est fortement impliqué dans le personnage de Max Cady pour faire de lui un véritable psychopathe à qui Robert De Niro prête admirablement ses traits. En voyant ces deux films le même jour, on voit bien le rapport fusionnel entre le comédien et le cinéaste, cet effet de miroir troublant entre le maître et son double. C'est aussi une manière de rappeler que leur collaboration ne se limite pas au triptyque Taxi Driver-Raging Bull-Les Affranchis. C'est bien parce que leur filmographie commune est si variée (comédie, boxe, thriller, mélo musical...) qu'ils ont l'un et l'autre construit leur mythologie dans le 7e art. Ils étaient capables de tout, mais l'un sans l'autre, on peut se demander si l'Histoire du cinéma, qu'ils ont marqué fortement durant plus de 20 ans, n'aurait pas été différente.

Impossible aujourd'hui de penser à De Niro sans évoquer ses rôles chez Scorsese.

AFI (10). Drames judiciaires : quatre grands films en tête

Posté par vincy, le 7 juillet 2008

mockingbird.jpgLe tribunal de justice méritait bien son genre tant de films s’y passent. De Preminger (Autopsie d'un meurtre, 7e) à Wilder (Témoin à charge, 6e), tous les grands cinéastes s’y sont collés. Notamment Sidney Lumet qui place Douze hommes en colère (2e) et 25 ans plus tard The Verdict (4e). Idem pour les écrivains : amis dans la vie, Harper Lee et Truman Capote se croisent aussi dans ce top 10, avec, respectivement, Du silence et des ombres (1e) et De sang froid (8e). Et même les plus grandes actrices y trouvent quelques-uns de leurs plus grands films. Meryl Streep (Kramer vs Kramer, A Cry in the Dark) et Marlene Dietrich (Témoin à charge, Jugement à Nuremberg) classent deux films chacune dans cette liste. C’est un Top 10 très stars avec Gregory Peck, Henry Fonda, Dustin Hoffman, Paul Newman, Tom Cruise, Jack Nicholson, James Stewart, Spencer Tracy, Burt Lancaster… De la peine capitale aux crimes nazis, du divorce à une accusation d’infanticide, du sadisme militaire aux préjugés raciaux, ce classement est bizarrement le plus politique, le plus ancré dans les problèmes de la société.

Notre avis : Difficile de départager les deux premiers tant ils ont installés les bases de ce genre, et ouvert la voie à un cinéma socialement progressiste et politiquement avant-gardiste.

Dernier épisode : les épopées, du péplum à la seconde guerre mondiale

Mel Ferrer ferré par la Mort (1917-2008)

Posté par vincy, le 4 juin 2008

melferrer_audreyhepburn.jpg

A 90 ans, Mel Ferrer, réalisateur, comédien, danseur, journaliste, écrivain, a quitté le monde des vivants, le 2 juin. Si le public le connaissait avant tout pour avoir été le mari charmeur de Audrey Hepburn durant 14 ans (et le père de son fils), cet américano-cubain eut une carrière aussi intense que variée.

 En tant que cinéaste il avait assisté John Ford (Dieu est mort, 1947) avant de tourner son seul long métrage marquant, Vertes demeures (1959), avec Audrey Hepburn et Anthony Perkins. C'est l'acteur Gregory Peck qui les unit lors d'une fete pour la première de Vacances Romaines (1953). Ils s'épousent l'année suivante et lui fait jouer Ondine à Broadway. Ils joueront ensemble dans Guerre et Paix (King Vidor, 1956), ce qui s'avéra l'un de ses rôles les plus notables.

On vit aussi le comédien dans Born to be Bad (Nicholas Ray, 1950) face à Joan Fontaine, Scaramouche (George Sidney, 1952) en Marquis de Maynes,  Les Chevaliers de la table ronde (Richard Thorpe, 1953) en Arthur, L'ange des maudits (Fritz Lang, 1952) aux côtés de Marlène Dietrich...

Il tourna aussi en Europe sous le regard de Jean Renoir (Elena et les hommes, 1956, avec Ingrid Bergman et Jean Marais), Jacques-Gérard Cornu (L'Homme à femmes, 1960, avec Danielle Darrieux), Roger Vadim (Et mourir de plaisir, 1960, avec Elsa Martinelli), Julien Duvivier (Le Diable et les dix commandements, 1962, avec Micheline Presle), Henri Verneuil (Mille Milliards de dollars, 1981)... On l'aperçoit aussi dans des films espagnols et italiens oubliés. Il incarnera quand même El Greco (1966), biopic réalisé par Luciano Salce.

Ferrer avait participé à des productions comme Le jour le plus long (1962). De Ava Gardner à Henry Fonda, il croisa les plus grands. Après son divorce avec Hepburn, sa carrière sombra dans les navets (films d'horreur ou séries B italiennes) et les feuilletons télévisés, notamment Falcon Crest, soap opéra où il incarna le patriarche séducteur durant 68 épisodes dans les années 80.